Le Turquetto
Auteur : Metin Arditi
Actes Sud ( 12 août 2011)
ISBN : 978-2-7427-9919-0
290 pages
Quatrième de couverture
Se pourrait-il qu'un tableau célèbre - dont la signature
présente une anomalie chromatique - soit l'unique oeuvre qui nous reste d'un
des plus grands peintres de la Renaissance vénitienne : un élève prodige de
Titien, que lui-même appelait "le Turquetto" (le petit Turc) ?
Mon avis
Le format Actes Sud et la couleur un peu jaune des pages
conviennent très bien à cet opus atypique qui a su me séduire du début à la
fin.
Le tableau dont on voit une partie sur la page de
couverture, va apparaître dans ce roman et sera magnifiquement intégré au
déroulement de l’histoire.
L’écriture est agréable, rythmée, appliquée par petites
touches de couleurs, comme autant d’aplats sur une toile pour offrir au lecteur
un superbe « rendu ».
Le « Maître » parlant d’un tableau : « Les émotions, ce sont des vagues qui te balaient sans que tu
puisses comprendre ce qui t’arrive. »
L’élève parlant du maître : « Le maître savait décrire les
passions et les émotions comme personne. Il ne les apaisait pas. Il les
exacerbait. C’était la peinture des passions faite par un homme capable de les
dominer. »
« Elie cherchait autre
chose. Une peinture qui accueille et rassure.»
Les faits sont décrits nettement et les ressentis des uns et
des autres esquissés avec délicatesse.
Quatre parties, deux se déroulant à Constantinople, deux à
Venise, quatre mois, quatre années, le tout étendu sur quarante cinq ans à
l’époque de la Renaissance.
Quatre « flashes » sur la vie d’Elie, le Turquetto. On
quitte un enfant, on retrouve un homme … Quatre moments clés de sa vie, des
tournants, des choix à faire et à …. assumer….
Metin Arditi donne une interprétation d’un fait reconnu (Le
Titien a-t-il peint ou pas ce tableau ?) en orchestrant magistralement les
événements imagés dont il parle.
De plus, parallèlement au récit nous permettant de « suivre
» « Le Turquetto », il offre une véritable réflexion sur la vie et les mœurs de
l’époque, la place et le pouvoir de la religion, les relations parents/
enfants, le rôle de l’art et la place que lui donne les différentes religions
(peut-on tuer au nom de l’art ?), Refuser aux artistes le droit de peindre le «
vivant » ? ….
Beaucoup de questions se bousculent, se choquent et
s’entrechoquent à travers les différentes situations qui sont évoquées.
Plusieurs choses m’ont interpellée :
La peinture qui divise, qui crée des conflits face aux
différentes interprétations des uns et des autres et parfois la peinture qui
rassemble …..
Le comportement du Turquetto devant une œuvre terminée, un
tableau qui aurait pu être considéré comme l’aboutissement de son art. Il a une
attitude détachée alors que c’est « son jour de gloire. » Est-ce ainsi pour les
artistes ? Donnent-ils tant et tant qu’une fois l’ouvrage terminé, il ne leur
appartient plus ? Ou choisissent-ils de s’en détacher parce qu’ils ne peuvent
pas le garder, parce que l’affectif ne doit pas intervenir, parce que c’est un
« travail » ?
J’ai apprécié ce roman, non seulement pour la forme mais
aussi pour le fond. Il donne la possibilité d’aller plus loin que la lecture en
nous ouvrant à des interrogations intéressantes auxquelles il appartient à
chacun de trouver ou pas des réponses ….
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire