"Qui je suis" de Mindy Mejia (Everything you want me to be)


Qui je suis (Everything you want me to be)
Auteur: Mindy Mejia
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Edditions: Mazarine (21 Mars 2018)
ISBN: 978-2863743591
400 pages

Quatrième de couverture

Hattie Hoffman a passé sa vie à jouer de nombreux rôles : la bonne élève, la bonne fille, la bonne petite amie. Mais Hattie rêve d'autre chose, d'une expérience plus intense... et qui se révèle extrêmement périlleuse. ..

Mon avis

C’est dans la campagne, près de Minneapolis, que vit Hattie, Henrietta de son vrai prénom. C’est une excellente lycéenne, qui comble ses parents de joie. Son frère est parti faire la guerre et elle est la seule enfant présente au domicile familiale.  Elle aime la lecture, le théâtre, la comédie et rêve de construire son quotidien sans le subir et de choisir elle-même ce qu’elle vit. Mais après une représentation théâtrale au lycée, Hattie est retrouvée morte. La malédiction de Macbeth  ou autre chose ?

C’est par l’intermédiaire d’ un récit à trois voix : Hattie, Del un policier et une troisième personne que nous découvrons les événements qui ont conduit au meurtre de la jeune fille. Etait-elle vraiment telle qu’elle apparaissait aux autres ou jouait-elle sans arrêt la comédie ? Que recherchait-elle ? Ses amis étaient-ils capables de comprendre cette personnalité complexe, torturée parfois car exigeante envers elle-même, ne voulant que le meilleur ?

J’ai trouvé intéressant de découvrir le caractère et la personnalité de Hattie sous différents angles, à travers le regard de plusieurs personnes. Si certains passages ou scènes m’ont semblé un peu grandiloquents, j’ai trouvé l’ensemble bien abordable avec une écriture fluide et accrocheuse.

 Le shérif ne lâche rien et avance ses pions petit à petit, il est opiniâtre, fidèle en amitié comme le prouve une des situations finales.  Les camarades de la lycéenne ne connaissent d’elle que ce qu’elle veut montrer. Finalement, Hattie est-elle heureuse ? Ne ressent-elle pas plutôt un profond malaise comme si elle n’était jamais à « sa place » ? Ses parents, effondrés, essaient malgré tout d’aider les enquêteurs.

Ce livre m’a beaucoup plu,  il a un bon rythme avec juste ce qu’il faut de rebondissements.

"Imbattable Tome 1 : Justice et légumes frais" de Pascal Jousselin


Imbattable
Tome 1 : Justice et légumes frais
Auteur : Pascal Jousselin
Éditions : Dupuis (Avril 2017)
ISBN : : 9782800170640
50 pages


Présentation de l’éditeur

Tremblez, malfrats, voici Imbattable ! Ce nouveau protagoniste porte secours à la veuve et à l'orphelin comme tout héros qui se respecte, mais il sauve aussi les chiens, les chats des grands-mères, les terrains de pétanque, le fils du maire, et la ville tout entière. Masqué, comme tout justicier, capé, comme tout justicier, il mène la vie dure aux savants fous et aux mauvais plaisantins, sans jamais oublier de ramener le pain. Non seulement Imbattable est imbattable, mais son super-pouvoir fait de lui le seul véritable super-héros de bande dessinée !

Mon avis

Je viens de découvrir cette bande dessinée et je suis totalement conquise !

J’aime beaucoup les interactions entre les vignettes, cela m’amuse beaucoup et j’essaie de deviner comment  Pascal Jousselin va s’en sortir en faisant passer son héros d’un lieu à l’autre.
Les dessins sont simples, mais bien expressifs. Quant au texte, l’air de rien, il touche parfois des sujets d’actualités.

Une BD à partir de neuf ans dit l’éditeur mais à lire à tous les âges !



"Laisse-moi en paix" de Clare Mackintosh (Let me lie)


Laisse-moi en paix
Auteur : Clare Mackintosh
Traduit de l’anglais (Grande Bretagne) par Françoise Smith
Éditions : Marabout (21 Mars 2018)
ISBN : 9782501122641
430 pages

Quatrième de couverture

Il y a deux ans, Tom et Caroline Johnson, ne pouvant supporter de vivre l'un sans l'autre, ont choisi de se donner la mort. Leur fille Anna, incapable d'accepter leur décision de se suicider, peine depuis à se remettre de leur disparition. Devenue maman à son tour, elle ressent profondément l'absence de sa mère, et est déterminée à découvrir ce qui est vraiment arrivé à ses parents. Mais alors qu'Anna fouille le passé, quelqu'un tente de l'en empêcher. Il est parfois plus sur de rester dans le mensonge.

Mon avis

Travailler en famille n’est jamais chose aisée. C’est pourtant ce qu’on fait les deux frères : Billy et Tom Johnson en reprenant la concession automobile familiale. Ils sont épaulés dans leur tâche par Caroline qui a épousé Tom avec qui elle a eu Anna. Tout semble bien se dérouler jusqu’au jour où Tom se suicide, suivi un an après par son épouse éplorée. Anna se retrouve seule, désemparée. Son oncle Bill veille sur elle, ainsi que Laura, son amie de toujours qui est la filleule de sa mère. Deux piliers sur lesquels s’appuyer pour continuer à avancer malgré la douleur et le chagrin. Puis elle rencontre Mark et devient Maman à son tour. Ils s’installent, malgré la présence des souvenirs, dans l’ancienne demeure des Johnson. Anna est très accaparé par sa fille Ella, et Mark est très pris par son occupation professionnelle. Un équilibre difficile à trouver entre la femme au foyer et l’époux monopolisé par son boulot, le tout dans une union toute nouvelle puisque le bébé est arrivé très vite….

Anna a beaucoup de difficulté à faire son deuil et un élément déclencheur va la replonger dans les questions. Elle veut comprendre ce qui a poussé ses parents à agir ainsi. Cette façon de procéder, en choisissant de se donner la mort, ne leur ressemble pas. Trouvera-t-elle des explications en rangeant leurs affaires ? Pourra-t-elle être aidée par la police en demandant qu’elle relance l’enquête ? Dans sa quête de la vérité, elle rencontre Murray Mackenzie, un ex flic, qui fait du bénévolat au bureau de police en s’occupant de l’accueil. Il a ses propres problèmes, mais il n’a rien perdu de ses capacités d’enquêteur et il a du temps….alors pourquoi ne pas en prendre un peu pour aider Anna à comprendre ?

Décliné en trois parties, ce livre est agréable à lire. On rentre tout de suite dans l’intrigue, on sent l’angoisse d’Anna qui monte et on est vite inquiet pour elle, se demandant si elle ne va perdre pied complètement. Le style de l’auteur est fluide (merci à la traductrice), les chapitres bien différenciés évoquant tour à tour divers points de vue. Je trouve intéressant de suivre Anna avec ses remarques, ses doutes, son besoin de comprendre et en parallèle, d’autres individus qui apportent des éclairages différents sur les événements.

C’est le troisième roman que je lis de Clare Mackintosh. Je sais donc qu’un de ses points forts se situe dans l’art de nous « retourner comme une crêpe ». Je pense la connaître assez bien et je me disais : « Ah, ah, cette fois-ci, j’ai compris ». J’avais l’impression d’avoir toutes les cartes en main, persuadée d’avoir vu clair, du style : « On ne me l’a fait pas, à moi ». Puis, vlan, troisième partie, et là, une bonne part de mes convictions s’effondrent…. Clare est encore une fois la plus forte ;-) Je repars en arrière. Aurais-je raté quelque chose, un infime détail qui aurait dû m’aiguiller et m’envoyer sur la bonne voie ? Si j’avais été très attentive, peut-être que …. En même temps, je préfère ne pas avoir deviné, la surprise est intacte, forte, et l’intérêt repart puissance mille dans les derniers chapitres du recueil. Et le fait que tout se dévoile, comme si toutes les digues lâchaient en même temps, explique l’apparente lenteur des deux autres parties. Elles étaient nécessaires pour installer le contexte, la complexité et l’aspect psychologique des protagonistes.

J’ai beaucoup aimé cet opus, il peut sembler un peu long à s’installer dans un premier temps mais il est très bien construit, faisant monter la pression au fil des pages et maintenant le lecteur dans l’envie de connaître le dénouement, même s’il doit être douloureux …..

"Le festin de l'aube" de Janis Otsiemi


Le festin de l’Aube
Auteur : Janis Otsiemi
Editions :  Jigal  (Mars 2018)
ISBN : 978-2-37722-031-1
272 pages

Quatrième de couverture

En pleine nuit et sous une pluie tropicale, une femme surgie de nulle part vient se jeter sous les roues de la voiture du lieutenant Boukinda. Bouleversé par ce tragique accident, il veut savoir d’où sort cette inconnue, d’autant que son décès semble suspect… Au même moment, à quelques kilomètres de là, plusieurs individus pénètrent dans un camp militaire et s’emparent de nombreuses armes et d’un stock d’explosifs.

Mon avis

Qui lit un bon Otsiemi découvre le Gabon et sa vie….

Ce n’est pas le premier titre de Janis Otsiemi que je découvre aux éditions Jigal mais c’est pour moi le meilleur de cet auteur. Assez court (peut-être que les dernières pages auraient mérité un peu plus de développement), percutant, il vous fait, une nouvelle fois, découvrir un pan de l’Afrique et plus précisément le Gabon.

Avec pour l’immersion humoristique, une citation africaine en exergue de chaque chapitre,  Janis Otsiemi nous emmène à sa suite dans un coin qu’il connaît bien. Il gratte, l’air de rien, les politiques, les policiers, les militaires mais tout est fait sous couvert de l’intrigue et il n’est, évidemment, pas question d’y voir une quelconque similitude … quoique …..

C’est après un mariage copieusement arrosé que le lieutenant Boukinda et son épouse rentrent chez eux, sous une pluie battante, les sens un peu embrumés par les excès de la fête.  Les voilà pas loin d’une zone industrielle lorsque quelque chose heurte les roues de leur voiture. Grommelant, Boukinda sort sous l’averse voir de quoi il retourne. Une désagréable surprise l’attend : une jeune femme blessée. Avec sa chère et tendre, ils vont à l’hôpital où ils confient l’accidentée aux bons soins des médecins. Tout cela les a déstabilisés et ils ne sont pas au mieux de leur forme moralement.  D’autant plus que le lendemain, ils apprennent que la blessée est décédée dans des circonstances mystérieuses et particulières. Pas très loin de là, des armes sont volées dans un camp militaire ainsi qu’un gros stock d’explosifs… Aucun rapport, en apparence, entre ces événements, si ce n’est que les enquêteurs (d’un côté la police, de l’autre la gendarmerie)  ne comprennent pas ce qu’il s’est passé et pourquoi de tels faits.  Qu’est-ce qu’il se prépare dans l’ombre ? qui fomente des troubles ou de mauvais coups ? Qui agit dans l’ombre  pour ou contre le pouvoir en place ?

Avec un franc parler délicieux,
« Koumba se leva pour serrer l’os à ses hôtes avant de leur désigner deux sièges dans lesquels ils posèrent leurs croupions. »
émaillé de quelques expressions ou mots gabonais, l’auteur ne nous laisse pas souffler. Les différents protagonistes agissent, cherchent, fuient, mentent, trichent etc mais ne restent pas inactifs. Pendant ce temps, le lecteur, lui tourne les pages et ne s’ennuie pas. Pourtant, cette histoire, sur fond de période pré électorale, est sombre, triste parfois, douloureuse pour quelques uns. On sent la guerre des clans, les problèmes d’ethnies, les difficultés pour trouver du travail (et de ce fait, les dérives et petites magouilles), la volonté pour certains de trouver la vérité mais pour d’autres de ne pas tout remuer …  d’ailleurs, le ministre, lui, souhaite le moins de vagues possibles… Alors si tout cela pouvait se régler en douceur, vite et bien et surtout se faire oublier….

Tout ceci est évoqué avec finesse par celui qui est en train de devenir un excellent écrivain. Depuis ses premiers textes, son écriture a gagné en élégance, en modération. Son phrasé me semble plus posé, moins explosé et de ce fait encore plus porteur de sens … Il pose un regard teinté d’une forme de sagesse sur son pays et il faut lire entre les lignes tous les messages qu’il nous transmet sur son pays où la vie est loin d’être idyllique….  En lisant ses romans, nous nous imprégnons de l’atmosphère de Libreville, des images et des sons surgissent, des odeurs, donnant vie aux actions qui se dévoilent petit à petit à la manière d’un film qui se mettrait à exister sous nos yeux …..

"Marseille Confidential" de François Thomazeau


Marseille Confidential
Auteur : François Thomazeau
Éditions : Plon (Mars 2018)
Collection : Sang Neuf
ISBN : 978-2259253673
415 pages

Quatrième de couverture

Marseille, avril 1936. A une semaine des élections législatives, un gardien de la paix corse du nom d'Antoine Cardella est abattu . A qui profite le meurtre de ce flic, connu pour ses compromissions avec tous les acteurs du clientélisme local ? A tout le monde et à personne, tant sont imbriqués amitiés, inimitiés, combines et arrangements, alliances de circonstance et querelles éphémères dans la jungle d'une ville en déliquescence, qui rêve de voir triompher le Front populaire.

Mon avis

« La vérité n’avait pas de camp. Voilà pourquoi Marseille était la ville de la galéjade et du faux-semblant. »

François Thomazeau est historien de formation et ancrer son intrigue dans un contexte historique a du être tout naturel pour lui. C’est donc ce que l’on peut appeler « un roman policier social » qui se déroule sous nos yeux. L’époque présentée est celle précédant la victoire du Front Populaire aux élections de Mai 1936 avec tout ce que cela suppose de tiraillements entre les hommes, entre  les partis, et également des mensonges, des trahisons, des faux fuyants, des menaces qui sont légion entre les uns et les autres.  Son récit mêle habilement les documents et faits réels aux aventures de ses héros de papier.

La ville de Marseille semble gangrénée par la violence, la prostitution, les malversations immobilières. Le climat politique n’est pas sain. D’ailleurs c’est dans un quartier populaire, entre le local de campagne du candidat socialiste Pierre Ferri-Pisani et celui de Simon Sabiani, chef de file de l'extrême droite que le gardien de la paix (d’origine corse) Antoine Cardella a été abattu. Par qui, pour quelles raisons ? Que faisait-il dans cette rue ? Entre gauche et droite ? Avait-il vendu des informations d’un côté ou de l’autre ? Sa femme, Adèle, va essayer de comprendre la personnalité complexe de son mari mais elle va bien vite être entraînée dans une drôle de spirale…. Les policiers chargés de l’enquête voudraient bien classer rapidement l’affaire mais  ce n’est pas simple. D’abord, il y a Cardella qui s’accroche à la vie et qui, par ses pensées, nous donnent une vision des événements. On découvre aussi les hommes corses avec leur sens de l’honneur hyper développé,  et leur vindicte.  Et que penser de certains agents de police marseillais qui escamotent des pièces à conviction, font de la rétention d’indices, voire de faux témoignages …. Partout où la loi et l’ordre sont censés régner, la vérité est entravée….Dans quel but ? Pourquoi ? Que veulent cacher la police, les politiciens et les hauts placés de cette cité ?

Ce roman est excellent ! Je me suis demandée si c’était l’Histoire (avec un grand H) qui servait l’intrigue en lui donnant de la consistance ; ou l’intrigue, très bien menée, qui permettait de découvrir une période importante de la vie politique de notre pays. Je n’ai pas pu choisir et c’est bon signe. Cela signifie que François Thomazeau a écrit un texte étoffé, complet, documenté (et où les connaissances sont intégrées avec intelligence dans la partie imaginée). Personnellement, j’ai découvert certains faits, notamment le meeting politique où les mitraillettes et les fusils se répondent …..

James Ellroy a écrit « L.A. Confidential », François Thomazeau « Marseille Confidential », dans les deux recueils, des flics dépassés, la pègre, la racaille mais aussi quelques hommes qui veulent marcher droit dans leurs bottes…. Lorsque tout est corrompu, où peut se situer la vérité ? Peut-elle ressortir, être mise au jour sans causer de dégâts  et être acceptée de tous ?

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Elle m’a apporté un éclairage sur la ville de Marseille à cette époque, elle m’a donné envie de plonger un peu plus dans l’histoire de mon pays. Je crois savoir que l’auteur a prévu plusieurs recueils présentant cette vile qu’il connaît à différentes époques . C’est avec  plaisir que je retrouverai son écriture et son style.  Il sait être précis dans ce qu’il présente, le choix des mots, des expressions, est soigné, porteur de sens. Rien n’est laissé au hasard et la lecture demeure fluide comme si c’était facile ……

"Le vase rose" de Eric Oliva


Le vase rose
Auteur : Eric Oliva
Éditions : Taurnada (3 Mai 2018)
ISBN : 9782372580434
240 pages

Quatrième de couverture

Et si votre pire cauchemar devenait réalité ? Quand votre vie bascule, vous avez le choix : sombrer dans le chagrin ou tout faire pour vous relever. Frédéric Caussois a choisi. Pour lui, aucun compromis, il doit savoir, connaître la vérité.

Mon avis

Frédéric Caussois est confronté au pire cauchemar que l’on puisse imaginer lorsqu’on est parent : le décès d’un enfant.  Tao avait besoin d’un traitement, son papa lui a donné un médicament et au lieu d’être guéri, il a été empoisonné ! C’est l’horreur et il n’y a aucun moyen de revenir en arrière. Non seulement son fils est mort mais il n’a rien pu faire pour le soulager de ce qu’il a enduré.
Comment un couple peut-il survivre au décès d’un tout petit ? Comment appréhender l’avenir, avancer et continuer à vivre ? Frédéric ne peut pas rester sans rien faire, il ne peut pas accepter cette mort sans comprendre ce qu’il s’est passé. Alors, trouvant que les enquêteurs ne fouillent pas assez, il va chercher lui-même. Certains diraient que c’est inutile, que cela ne fera pas revenir Tao… D’autres, seraient admiratifs devant ce père qui veut des explications, qui ne lâche rien.  Quel est le prix à payer pour connaître la vérité ? Frédéric ne va-t-il pas mettre sa situation professionnelle et son couple en danger ? A consacrer trop d’heures à sa quête, ne prend –il pas le risque de se perdre, de négliger sa femme et de n’être que l’ombre de lui-même ? Et pourtant parallèlement, n’est-ce pas le fait d’être toujours en recherches qui le maintient en vie ? Qu’auriez-vous fait à sa place ?

Dès les premières pages, on rentre dans le vif du sujet. Frédéric lit « Le vase rose » (une histoire  du  Petit Nicolas) à son fils et peu de temps après, tout est fini et il n’y a plus d’espoir.  On sent très vite que les parents peuvent être accusés, que rien n’est clair et qu’il va être difficile pour eux de prouver leur bonne foi et de trouver le coupable si coupable il y a… Et si c’était simplement la faute « à pas de chance » ? Que dire, que faire, dans quelle direction creuser pour obtenir un semblant de réponse, une explication ?

Par l’intermédiaire des interrogations de Frédéric, nous allons rencontrer différents personnages. Certains sont pittoresques, d’autres carrément antipathiques, il y a également ceux qu’on a du mal à cerner….Le Maréchal des Logis aurait préféré couler des jours tranquilles jusqu’à la retraite et le voilà avec une drôle d’affaire sur les bras. D’autant plus que le père du petit garçon décédé se mêle de tout et demande qu’on lui rende des comptes…. Il y a aussi un gendarme, avec la fougue du jeune embauché, il est plein d’énergie et essaie de faire de son mieux et bien d’autres encore ….

Ce roman m’a beaucoup plu, j’ai aimé l’écriture fluide et le style vif de l’auteur. J’ai compris le combat de ce Papa. J’ai souffert avec lui, j’ai eu peur pour lui.  Sa détresse est immense et il a encore la force d’agir, de puiser au plus au plus loin pour tenir debout. Eric Oliva a réussi à le rendre terriblement humain et on ne peut que ressentir une profonde empathie devant la peine de cet homme… J’ai trouvé que l’ensemble était bien construit, agréable à lire, ni trop long, ni trop court, parfaitement dosé.











"LaRose" de Louise Erdrich (Larose)


LaRose
Auteur : Louise  Erdrich
Traduit de l’américain par Isabelle Reinharez
Éditions : Albin Michel (Janvier 2018)
ISBN : 978-2226325983
530 pages

Quatrième de couverture

Dakota du Nord, 1999. Un vent glacial souffle sur la plaine et le ciel, d un gris acier, recouvre les champs nus d un linceul. Ici, des coutumes immémoriales marquent le passage des saisons, et c est la chasse au cerf qui annonce l entrée dans l automne. Landreaux Iron, un Indien Ojibwé, est impatient d honorer la tradition. Sûr de son coup, il vise et tire. Et tandis que l’animal continue de courir sous ses yeux, un enfant s effondre. Dusty, le fils de son ami et voisin Peter Ravich, avait cinq ans.

Mon avis

Sublime et délicat

C’est avec une délicatesse infinie, un doigté remarquable et une écriture lumineuse que Louise Erdrich évoque LaRose et tous ceux du même nom.
Comme l’indique la quatrième de couverture, Landreaux Iron, en chassant le cerf, a tué le fils de son voisin et ami. Selon une vieille coutume indienne, il « offre » son cadet à la famille en deuil. LaRose se retrouve donc à cinq ans à prendre la place de son ami Dusty dans une famille qui n’est pas la sienne avec une « nouvelle mère » rongée par le chagrin…. Donner son enfant, c’est une forme de justice pour ces gens là. Les parents de LaRose ne se sont pas posé beaucoup de questions. C’est ainsi, il le faut, ils le font. Cela ne signifie pas que c’est aisé, au contraire… Le père pense souvent à ce qui aurait pu être….
« Il aurait voulu cesser d’exister pour recommencer à tirer, ou à ne pas tirer. Mais la plus difficile, la meilleure, la seule chose à faire, c’était de rester en vie. De vivre avec les conséquences au sein de sa famille. »
La mère est malheureuse d’avoir « perdu » la chair de sa chair….même si elle sait son fils vivant … chez les voisins…

Mais LaRose n’est pas le seul « LaRose » (même si il est le premier garçon à se nommer ainsi). L’auteur nous présente une longue lignée de LaRose et elle sait de quoi elle parle. Sa mère est indienne, très catholique et elle connaît bien les traditions ojibwé.  Par d’habiles retours en arrière, Louise Erdrich nous éclairera sur les différents personnages et sur les rapports qu’ils entretiennent. Elle nous les présente, les faisant vivre sous nos yeux . C’est sa force , avec beaucoup de grâce, elle donne vie à ses protagonistes, ils s’installent dans notre quotidien et nous ne les quittons plus. Et nous découvrons également la tradition des LaRose….

Plusieurs thèmes sont abordés dans ce recueil : le racisme, les ravages de l’alcool ou de la drogue, les relations familiales, les traditions de la culture indienne, le célibat des prêtres etc… et tout est présenté avec une certaine bienveillance. Pas de jugements  de la part de celle qui écrit, elle raconte ou plutôt elle conte. Oui, c’est ça, on « l’écoute » et elle conte, nous entraînant dans son univers, nous offrant  un regard empreint de douceur sur tous ceux qu’elle évoque.

On pourrait penser que les parents vont se battre pour garder ou récupérer le jeune garçon  mais ce serait trop facile. Avec la gravité de son jeune âge, LaRose, lui-même, s’inscrit dans l’histoire …. S’il met quelque temps à trouver sa place, son cheminement est magnifique, ses actes sont portés par l’amour et la bienveillance et la conclusion de ce roman est de toute beauté, tellement porteuse d’espérance malgré la souffrance des uns et des autres….

Je remercie la traductrice qui a su trouver les mots pour retransmettre ce que voulait dire l’auteur et ainsi, à elles deux, m’offrir une merveilleuse lecture coup de cœur.






"La prise de Rio de Janeiro" de Jean-Marie Palach


La prise de Rio de Janeiro
Les aventures de Loïc le corsaire N°2
Auteur :Jean-Marie Palach
Editions du Volcan( 20 juillet 2017)
ISBN : 979-1097339029
 196 pages

Quatrième de couverture

Août 1711, après une longue escale sur l'île de La Tortue, l'escadre de l'amiral René Duguay-Trouin met le cap sur Rio de Janeiro, la riche colonie portugaise que Louis XIV a ordonné de soumettre et rançonner. A bord de La Belle Marquise, un des seize navires de la flotte, Loïc rêve de découvertes et d'aventures.

Mon avis

L’action se situe en 1711, l’amiral René Duguay-Trouin veut partir en direction de Rio pour délivrer des français prisonniers et avoir le dessus sur la colonie portugaise installée là-bas.  Il faut recruter des marins, et c’est le beau Loïc, « Sabre d’Or », qui va s’en charger. Cela semble facile mais les ennuis vont commencer à cause d’une manœuvre jalouse du  responsable d’un autre équipage….. Ce voyage ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Qu’à cela ne tienne, embarquons !!!

A la suite de Sabre d’Or, rien ne fait peur. Ce jeune adolescent a tout : il est beau, intelligent, valeureux, altruiste, respectueux des autres et de sa parole lorsqu’il l’a donnée. Il pense à ceux qui souffrent avant de penser à lui… Bon, son cœur est déjà pris….Sinon, j’aurais peut-être fait un bond dans le temps…. Je suis impressionnée par sa force de caractère, il rayonne et c’est un personnage qui a vraiment de la « consistance ».

Ancré dans un contexte historique intéressant, notamment avec le regard sur l’esclavage, qui n’est pas le même selon les protagonistes, ce roman est vraiment intéressant. Non seulement, les aventures de Loïc sont captivantes mais l’approche humaine des individus met « une âme » dans le récit et il y a une réelle réflexion sur ce qui régit les rapports humains.

Classé en littérature jeunesse, ce nouvel opus de Jean-Marie Palach, peut être lu par les adultes (même ceux qui ont trop grandi) tant les événements évoqués le sont avec doigté en étant parfaitement intégrés à l’ensemble. Je ne sais pas comment se documente l’auteur en amont pour étoffer ainsi son texte avec des faits qui ne peuvent que fasciner les lecteurs mais bravo ! J’ai eu du plaisir à lire cet ouvrage, à me plonger dans ce monde de marins, de corsaires, où les hommes doivent se battre pour survivre et j’ai apprécié que l’accent ne soit pas mis sur les combats mais plutôt sur les valeurs humaines défendus par Sabre d’Or, son parrain et quelques autres individus, comme Cristiano …..

Une écriture de qualité, une couverture lumineuse, des personnages attachants…. A quand la suite ?

"Little monsters" de Kara Thomas (Little Monsters)


Little monsters
Auteur : Kara Thomas
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sébastien Baert
Éditions :  Castelmore  (18 Avril 2018)
ISBN : 9782362312748
443 pages

Quatrième de couverture

Kacey vient d’emménager à Broken Falls  avec son père, et c’est une nouvelle vie qui commence pour elle. Tout le monde ici est si gentil. Elle a même été accueillie à bras ouverts par de nouvelles amies, Bailey et Jade. Raison pour laquelle cela lui paraît si bizarre quand ces dernières commencent à se montrer distantes. Mais Kacey ne pourra jamais en demander la raison, car après une fête Bailey disparaît. Tout le monde devient méfiant envers elle, la nouvelle.


Mon avis

Ce roman, destiné aux adolescents, peut très bien être lus par des adultes. Kacey vient d’arriver dans la nouvelle famille que son père a (re)composé avec Ashley, le fils de cette dernière et la petite Lauren qu’ils ont eu ensemble. Sa vie a bien changé car son quotidien avec sa mère était très tumultueux. Un équilibre semble s’être installé. Kacey a deux très bonnes copines : Bailey et Jade. Ces dernières l’incitent souvent à sortir le soir et Kacey les suit, parfois tout simplement pour ne pas perdre la face. Ce sont des jeunes filles comme on voit tous les jours, avec leurs disputes, leurs secrets partagés ou pas, leurs petites méchancetés l’air de rien, leurs fous rires, …. Kacey ne comprend rien quand ses deux amies deviennent un peu distantes et lorsque l’une d’elle disparaît, c’est la panique complète….

Que s’est-il passé ? Fugue, enlèvement, coup monté ?  Que cache le demi-frère de Kacey sur la soirée où la jeune Bailey s’est envolée ? Kacey, elle-même, ne peut pas dévoiler tout ce qu’elle a fait avec ses deux comparses…. Entre non-dits, mensonges, tensions familiales et amicales, l’ambiance n’est pas vraiment au beau fixe ! Kara Thomas explore à merveille cette atmosphère faite de suspicions où on ne sait plus à qui faire confiance et qui croire ..….
C’est Kacey la narratrice et on suit son point de vue, on constate ses erreurs d’attitude et on a quelques fois envie de la secouer mais c’est normal, ce sont des erreurs de jeunesse….  Les rapports entre les jeunes filles sont subtilement présentés avec toute leur complexité et c’est d’ailleurs un point fort de ce recueil ainsi que la personnalité trouble de celle qui raconte et d’autres, tout autant perturbées,  que nous découvrons au fil des pages….

J’ai trouvé ce roman bien écrit, agréable à lire et je remercie Sébastien Baert pour la traduction très fluide. Le bémol que je mettrai, c’est l’introduction du paranormal (la légende, la voyante). La légende pouvait aider à l’installation d’un certain « climat » mais la présence de la voyante n’apporte rien à mon sens. Mais peut-être est-ce ainsi car ce livre s’adresse à de jeunes adultes et que cela leur correspond…. Cela reste malgré tout une lecture prenante que l’on n’a pas le souhait de lâcher.


"Igneus" de Patrick S. Vast


Igneus
Auteur : Patrick S. Vast
Éditeur : Fleur Sauvage (Novembre 2015)
ISBN : 979 10 94428 08 5
208 pages

Quatrième de couverture

Toussaint 1984 : Dans l’incendie d'une discothèque de Tournai, 150 personnes périssent, dont les quatre musiciens du groupe rock Wild Mind. Toussaint 2014 : Dans une rue de Lille, un jeune homme meurt brûlé vif, une jeune femme se rend à un mystérieux rendez-vous dans le lieu de l'ancienne discothèque et, dans la campagne aveyronnaise, un enfant s’enfuit dans la nuit.

Mon avis

Patrick S. Vast s’essaie à différents genres dans ses romans et cela lui réussit bien.
Cette fois-ci, il donne une grande part à la musique (avec une playlist en fin d’ouvrage, merci),il ajoute  un peu d’ésotérisme, des dérives sectaires et une enquête dans le présent en rapport avec un événement datant de vingt ans en arrière. Et bien entendu, tout est lié avec brio !

Aralf vient de mourir brûlé vif, il s’est consumé dans la rue, comme ça, sans raison, et les membres de son groupe de rock métal, dont la jeune Jizza, sont dans l’ennui. Que vont-ils faire ? Continuer ou abandonner ? Cette  mort mystérieuse est-elle liée à leur activité musicale ? Sont-ils en danger ?

Dans un autre coin de la France, en Aveyron, un enfant perdu recherche de l’aide auprès des habitants d’une maison. Ces derniers n’ont pas le même avis face à la situation et le petit garçon est rejeté. Il semblerait qu’il se soit enfui d’un institut (proche de la demeure où l’enfant a cherché refuge) dont  les responsables animent des soirées et des ateliers sataniques. De jeunes employées essaient de dénoncer cette situation mais comment agir sans se mettre en faute ou en en péril ? Et puis, cet établissement fournit du travail à de nombreuses personnes de la région et sans lui, elles seraient probablement  au chômage…. S’il est donc nécessaire d’agir pour dénoncer les événements, il faut le faire avec beaucoup de prudence ….

Quelles relations entre Jizza (et la musique) et les gens de l’aveyronnais ? Ne comptez pas sur moi pour vous le dire … Sachez seulement que l’auteur manie à merveille l’art du suspense.  Son écriture est nette, pas encombrée de fioritures inutiles mais avec ce qu’il faut de renseignements pour camper les différents personnages.   En dehors de ceux que j’ai déjà mentionnés, on va également rencontrer : le père de Jizza, un « journaliste » spécialisé, un policier et bien d’autres …. Et c’est là que Patrick S. VAST va faire très fort, réussissant à mettre en rapport tous les éléments, tous les individus (passés et présents)  sans que cela nous paraisse confus, embrouillé ou peu plausible.  De plus, la part d’ésotérisme est dosée avec justesse, apportant une note de fantaisie à l’ensemble du roman.

Dans un même chapitre, l’auteur nous entraîne d’un lieu à l’autre, visitant différents personnages et leurs compagnons. Nous découvrons ainsi, petit à petit, la part d’ombre de certains, ce qui les hante, ce qui les obsède. Le capitaine Legrand, le policier, est un homme intègre, opiniâtre, qui flirte parfois avec les limites lorsqu’il veut obtenir un résultat. J’ai apprécié sa « place » dans l’ensemble de l’intrigue. L’air de rien, sa personnalité est assez aboutie et plutôt intéressante.

C’est donc une lecture qui m’a beaucoup plu car j’y ai trouvé ce que je recherche : du rythme, un contenu bien ficelé et cerise sur le gâteau : de la musique….

"Vogue la colère" de Guillaume Lefebvre


Vogue la colère
Auteur : Guillaume Lefebvre
Éditions : Ravet-Anceau (Novembre 2014)
Collection : Polar en Nord
ISBN :978-2-35973-451-5
300 pages

Quatrième de couverture

En pleine tempête, le Cornélius manœuvre au large de l’Écosse pour récupérer des conteneurs. Panique à bord : le commandant est introuvable. Armand Verrotier doit le remplacer au pied levé. De retour en baie de Somme, le marin est contacté par Charlotte, une jeune femme aux intentions obscures et hantée par un passé douloureux. Apparemment son histoire serait liée au Cornélius. Intrigué, le matelot mène l’enquête et découvre l’existence d’un trafic de grande envergure. À sa tête, un personnage sans scrupules se moquant bien de la catastrophe écologique annoncée. Ne pas chavirer sera le maître-mot d’Armand.

Mon avis

« Chacun peut gouverner lorsque la mer est belle »

C'est le quatrième roman policier de l'auteur et si le personnage récurrent d'Armand emplit les pages à chaque fois, l'histoire peut être lue de façon indépendante,
Armand Verrotier …. si l'idée vous vient de savoir pourquoi ce nom de famille, allez faire un tour vers les métiers du bord de mer, la verrotière cherche des verrots dans le sable humide et Guillaume Lefebvre n'a pas choisi ce nom au hasard....

Cette fois-ci, notre héros maritime est au repos, mais devant l'absence d'un collègue, il se doit de reprendre du service au plus vite. C'est comme ça dans la marine, on se soutient et on se serre les coudes … quand on s'apprécie... On le découvrira au fil des pages, ce milieu, essentiellement masculin, n'est pas exempt de certaines frictions, jalousies, trahisons, mensonges et autres « arrangements » peu honnêtes ...
L'auteur le décrit à merveille ce microcosme, sans doute parce qu'il le connaît bien. Mais on ne parle pas toujours avec justesse de ce qu'on vit régulièrement et c'est là une des forces de l'écriture de notre capitaine. Et oui, Monsieur Lefebvre écrit en mer, à ses heures perdues, lorsque sa tâche de responsable de navire lui laisse un peu de temps. C'est sans doute pour cela que dans chaque ligne, on sent les embruns, les odeurs, le roulis, le tangage, qu'on entend les mouettes et les cornes de brume. Mais on découvre également les rapports humains sur le bateau et en dehors, dans ce monde de la mer où certains sont un peu bourrus, non pas parce qu'ils ne sont pas sociables, mais parce que la mer ne vous laisse pas la possibilité de vous poser lorsque vous travaillez avec elle. C'est elle la patronne et le lecteur le comprend très vite au fil des pages. Les administrateurs peuvent penser qu'il faut agir d'une certaine façon et la météo en décider autrement en faisant se révolter l'océan ou la mer....
Parfois, je me demande pour ceux qui vivent souvent avec elle, si elle n'est pas comme un être vivant, existant à part entière, comme une compagne capricieuse... Quoiqu'il en soit, elle est dans les livres de Guillaume Lefebvre une « présence » et cela donne un côté magique à ses écrits. Il pourrait d'ailleurs développer le parallèle entre les relations humaines à bord et la mer, car elle influence certainement celles-ci en déteignant sur les hommes (vous pensez qu'un homme ballotté et malade par une nuit de tempête peut être le même qu'un homme ayant dormi dans sa couchette sur une mer d'huile?)....

Au delà de cette atmosphère typiquement maritime, l'intrigue, une fois encore, est solidement construite et ficelée. On peut se demander, au début, où vont nous entraîner les différents protagonistes qu'on suit d'un lieu à l'autre, dont on se demande, pour certains (certaine), ce qu'ils cachent mais on ne les lâche pas car on veut savoir....
Armand Verrotier est tenace, il n'aura de cesse de comprendre où vont les hommes, ce qu'ils transportent et pourquoi ... Il n'en est pas moins humain et parfois il se laisse aller ... cela le rend crédible, attachant. Des thèmes d'actualités sont abordés dans cette nouvelle intrigue : le transport de caissons au contenu chimique, leur impact sur l'homme et la nature, les dangers pour la santé, les risques qu'on prend en dénonçant une malhonnêteté si personne ne nous croit ou si les supérieurs minimisent (qui de nous n'a jamais fermé les yeux en se disant qu'il ne serait pas écouté?)....

J'ai beaucoup apprécié cet opus, au delà du plaisir de retrouver Armand Verrotier et ses aventures, le style de l'auteur est pour moi, une façon de retrouver l'océan si cher à mon cœur.....


"Le français de Roseville" de Ahmed Tiab


Le Français de Roseville
Auteur : Ahmed Tiab
Éditions de l'Aube (7  Janvier 2016)
ISBN : 978-2-8159-1357-7
256 pages

Quatrième de couverture

Oran, Algérie. Le commissaire Kémal Fadil est appelé sur un chantier de rénovation du quartier de la Marine, où viennent d’être retrouvés des restes humains datant vraisemblablement des années 1960. Il semble qu’il s’agisse d’un enfant qui portait autour du cou un crucifix. L’enquête ne s’annonce pas simple ! En réalité, elle avait été commencée bien plus tôt, menée par des policiers français…

Mon avis

« L’histoire récente de notre pays, celle avec un grand H, c’est comme de la dynamite qu’on doit manier avec précaution. »

1953, les années « soixante », 2013 : trois époques pour une même ville, pour un même pays et une évolution énorme en peu de temps finalement. Quels événements peuvent relier ces trois périodes et est-ce qu’il est nécessaire de remuer le passé ?

Le commissaire Kémal Fadil se retrouve confronté à une situation peu habituelle pour lui : enquêter sur des restes humains découverts lors d’un chantier. On ne lui en demande pas tant, s’il peut enterrer cette histoire assez vite pour que les travaux continuent, ce serait aussi bien. Et puis à quoi bon refaire l’Histoire ?

Est-ce à cause de la présence d’un corps d’enfant, porteur d’un petit crucifix, est-ce parce qu’il est opiniâtre ? Toujours est-il que Kémal commence ses investigations, et à sa suite nous allons revisiter plusieurs « âges » de l’Algérie. C’est sans doute ce qui est le plus intéressant dans cet opus, l’intrigue policière servant de fil conducteur pour nous promener dans le temps.

«Je pense que le type du ministère et ses chefs aimeraient savoir ce qui s’est passé rue des Bougainvillées par simple opportunité historique ; soit les premiers résultats sont intéressants et on continue, soit ça pue et on enterre. »

Le commissaire est parfois bouillant d’impatience, pressé d’obtenir ce qu’il quête. De rendez-vous en coups de fil, en passant par des observations et des tâtonnements, il avance doucement mais sûrement. A côté de cela, on le voit dans son quotidien. Kémal a découvert petit à petit la personnalité de sa mère (une des premières féministes ?) et ce qu’elle a vécu. Nous, c’est par des bonds dans le passé que tout cela nous apparaît et nous permet de mieux comprendre ce qui se déroule « ici et maintenant ». Le pays a eu des relations tourmentées, compliquées avec certains français, comme celui de Roseville, un breton, qui semble avoir trempé dans quelques combines. Le colonialisme, ce n’est jamais simple, il faut que chacun reste à sa place en respectant celle de l’autre et les distances de rigueur, forcément, ça c’est compliqué. Ce sont ces rapports humains, où il peut être nécessaire de marcher sur des œufs qu’évoque l’auteur. Et il le fait avec intelligence et délicatesse. Son écriture est lumineuse, précise, décrivant avec doigté une atmosphère différente selon les époques évoquées. J’ai trouvé très complémentaire à l’intrigue de ressentir l’ambiance des années présentées, les ressentis des hommes face à des événements qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement et qui leur semblent obscurs de temps à autre.

On sent que tout serait plus facile si le corps trouvé n’avait pas porté un crucifix. Entre les lignes, sont suggérés les non-dits, les conflits, le mal-être, les contradictions d’une population qui ne sait plus parfois, à qui, à quoi, se rattacher… Lorsque l’auteur écrit (page 53) : « Les deux peuples, algérien et français, enfin unis…par les liens cathodiques. », il exprime toutes les difficultés d’un peuple pour ne devenir qu’un…..

L’auteur a très bien su gérer ses protagonistes, on est loin des clichés et ils sont tous « humains », pas du tout caricaturaux. C’est avec bonheur que je retrouverais Kémal, sa mère et son amoureuse ainsi que la plume de l’auteur qui les fait vivre…..

"Tout ce qu’on ne s’est jamais dit" de Celeste Ng (Everything I never told you)

Tout ce qu’on ne s’est jamais dit
Auteur : Celeste Ng
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (Mars 2016)
ISBN : 978-2355843679
290 pages

Quatrième de couverture

Lydia Lee, seize ans, est morte. Mais sa famille l'ignore encore...  Élève modèle, ses parents ont placé en elle tous leurs espoirs.  Mais le corps de Lydia gît au fond d'un lac.  Accident, meurtre ou suicide ?

Mon avis

Les mariages dits « mixtes » ne sont pas toujours aisés. Encore plus en 1977, période où se déroule le roman de Celeste Ng. Nous sommes aux Etats-Unis et Marylin, qui a longtemps rêvé d’être médecin, est femme au foyer, avec  trois enfants et un mari, professeur d’Université. Lui, c’est James, d’origine chinoise. Il a beaucoup souffert de sa différence et des réflexions reçues pendant ses études et le début de son professorat.  Ils ont eu deux filles et un fils. Lydia, belle métisse aux yeux bleus, porte sur les épaules les espoirs de ses parents. Sa mère lui offre des livres scientifiques, surveille ses devoirs. Son père lui rappelle régulièrement combien il est important d’être « in-té-grée ».  Nath, le frère, nourrit des ambitions liées  aux voyages dans l’espace qui le fascinent  et Hannah, la petite dernière est « transparente »… Mais elle voit tout, entend tout et perçoit beaucoup plus que ce qu’on peut imaginer…. Chacun semble avoir une place définie, « prévue » dans cette univers familial et en apparence « tout roule » ….

Mais chacun est-il épanoui dans son rôle ? Pourquoi la mère n’a-t-elle plus de contact avec sa propre mère ? Pourquoi Lydia fait-elle semblant de téléphoner à de nombreuses amies ? Pourquoi Jack, le copain de Nath, dérange –t-il ce dernier lorsqu’il le voit avec sa sœur ? Pourquoi Hannah se cache-t-elle pour écouter les conversations ? Pourquoi James veut-il à tout prix que sa fille aînée soit aimée de ses camarades ? Est-ce qu’il est bon de projeter ses propres rêves sur ses enfants ? Comment doser l’amour et l’attention que l’on offre à chacun ? Comment gérer les relations extérieures lorsque le fragile équilibre s’effondre ? La famille n’est-elle pas trop refermée sur elle-même ? Que penser de tout cela ? Parce qu’il faut bien le dire, lorsque Lydia est retrouvée, noyée dans le lac proche du domicile familial, tout va exploser. Chacun va vivre ce décès de façon différente et les conversations seront parfois stéréotypées, comme pour refuser de parler de ce qui est, de cette vie qui ne ressemble plus à ce qu’elle était…


C’est avec beaucoup de finesse que Celeste Ng présente les difficultés d’intégration de tous ses protagonistes et les problèmes de communication après la perte d’un être aimé. Sous les eaux lisses, se cache un tumulte important.  Rien n’a été simple pour le père, obligé de montrer encore et encore sa valeur, et rien n’est plus facile pour la génération suivante, celle de ses enfants. Comme si l’Amérique était restée figée dans ses clichés, dans sa façon de considérer les « étrangers », de leur accorder, ou pas, un regard…. Et lorsque la mort de l’un d’eux survient, tout est chamboulé.

Avec un doigté extraordinaire, une écriture délicate et précise comme une dentelle, l’auteur cisèle son récit, explorant les ressentiments, les angoisses, les rêves, les doutes, les peurs, les joies, les méprises de tous les personnages. C’est douloureux pour certains de s’affirmer, de tenir tête, c’est difficile pour d’autres de reconnaître les erreurs faites et les conséquences qu’elles ont entraînées. Au fil des chapitres, Celeste Ng nous fait faire un tour dans le passé pour que l’on comprenne mieux les réactions du présent. Elle décortique les âmes et analyse les pensées. C’est tellement bien intégré au fil de l’histoire que tout cela se lit facilement malgré le drame évoqué.

 J’ai beaucoup apprécié ce recueil, j’ai trouvé qu’elle avait un « ton » très juste . Ce roman  soulève de nombreux sujets et laisse une trace une fois la dernière page refermée.  


"Metzger sort de son trou" de Thomas Raab (Der Metzger muss nachsitzen)


Metzger sort de son trou (Der Metzger muss nachsitzen)
Auteur : Raab Thomas
Traduit de l’allemand (Autriche) par Corinna Gepner
Éditeur : Carnets Nord (8 novembre 2013)
ISBN-13: 978-2355360749
310 pages

Quatrième de couverture

Willibald Adrian Metzger, restaurateur de meubles anciens, n a pas vraiment le profil du héros. Il ne boit pas de café, s évanouit quand il sent de la fumée de cigarette, n a ni voiture ni téléphone portable et a un faible pour les femmes plus âgées. Moqué pour son nom de famille (le « charcutier ») et pour sa timidité, il traverse la vie pour ainsi dire enfermé dans son atelier avec sa bouteille de rouge. Pourtant lorsqu en traversant un parc enneigé, il tombe sur le cadavre d un homme éborgné, le pacifique Willibald n a d autre choix que de se mettre à enquêter, d autant que la victime ne lui est pas inconnue : Felix Dobermann, son bourreau du temps de la cour de récré.

Mon avis

Il boit, il est plutôt « enveloppé », pas toujours rapide dans ses raisonnements et malgré ce portrait peu attirant (heureusement il restaure des meubles anciens et cela laisse à imaginer un homme méticuleux ce qui n’équilibre pas tout mais atténue un peu…), je sais déjà que j’aurai grand plaisir à le retrouver dès que les autres livres seront traduits (félicitations à Corinna Gepner qui a retranscrit à merveille ce personnage atypiques aux réflexions profondes) et édités en français.

Nous sommes donc dans le polar autrichien. Est-ce un nouveau genre ? Je ne pense pas. Ce qui l’est, c’est le brave homme qui va être le centre de l’histoire alors qu’il n’a rien demandé.
Il restaure des meubles anciens, a pour amie intime la divine bouteille, vit de rituels et d’habitudes jusqu’au jour où il se trouve nez à nez avec un cadavre qu’il connaît. Et là, de fil en aiguille (ou plutôt de petits papiers en crottes de chien), il va se retrouver à rencontrer ses ex camarades de lycée, ceux qui n’étaient pas tendres avec lui et dont il n’avait plus entendu parler. Sentant que quelqu’un tire les ficelles, il va malgré tout se « laisser  faire » tout en menant son propre raisonnement pour comprendre ce qu’on lui veut et surtout « pourquoi lui »…

Au-delà de l’intrigue en elle-même qui demeure intéressante mais pas forcément très surprenante, c’est l’écriture de l’auteur qui est purement jouissive. Mêlant habilement humour « Metzger est un défécateur pensant. C’est aux toilettes qu’il trouve la clarté, c’est là qu’il s’apaise et qu’il prend des décisions », remarques philosophiques « Savoir qu’on doit partir et savoir aussi que les empreintes de pas qu’on laisse sont des traces qui serviront à d’autres. », raisonnement de la marionnette ou de l’exécutant (Metzger) et du marionnettiste ou du cerveau (la personne qui tire les ficelles), l’auteur pèse chaque mot et ce livre se savoure car chaque phrase est importante. Les noms des différents individus à consonance autrichienne ne sont pas faciles à retenir mais on s’en sort ! Les « développements mentaux » de Willibald Adrian Metzger prennent des chemins tortueux. Son cerveau est organisé en « tiroirs » et il a parfois besoin de plus de temps que le commun des mortels pour réfléchir, oser faire du charme à une femme ou agir tout simplement. Un peu comme un diésel, une fois qu’il est lancé, c’est tout bon ! Et surtout, c’est un homme qui ne renonce pas. Non pas qu’il soit particulièrement courageux mais là, « on » est venu le chercher et il entend bien aller jusqu’au bout pour comprendre.
Les autres protagonistes, plutôt masculins dans l’ensemble, sont pour la plupart d’anciens condisciples ayant « vieilli ». En quelques lignes chacun est placé dans son présent, relié au passé, permettant au lecteur d’avoir une idée de leur évolution malgré une part d’ombre qu’il faudra extirper du noir pour tout cerner.
Il n’y a pas d’actions expéditives et de rythme effréné, tout avance au rythme de Metzger et ce n’est pas un rapide ….. mais il est dans la vie comme au travail : consciencieux et appliqué. Alors, il décortique, examine chaque fait, spécule sur les raisons qui poussent les hommes à agir de telle ou telle façon. Avoir été le souffre-douleur des autres lui a sans doute donné un recul sur les actes et un regard plus acéré.
Metzger est sorti de son trou pour notre plus grand bonheur mais aussi parce l’homme n’est pas fait pour vivre seul.
« Pourtant nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin de l’encouragement et du rejet, de la haine et de l’amour. Tous seuls, nous sommes des pièces de puzzle égarées. Seuls, nous sommes insignifiants. »

Une ambiance feutrée, un roman qui prend son temps mais pas de lassitude, de longueurs tant l’humour grinçant, l’ironie décalée apportent le sourire et offrent une bouffée de fraîcheur par leur aspect original.

"Zippo" de Mathieu Blais et Joël Casséus


Zippo ou Il était une fois dans l'oeuf
Auteurs: Mathieu Blais et Joël Casséus
Éditions: Kyklos (19 Mars 2012)
ISBN: 978-2-918406-24-2
170 pages

Quatrième de couverture

Dans une ville nord-américaine d'un avenir pas si lointain se prépare un grand sommet économique que le journaliste-militant Nuovo Kahid est chargé de couvrir. Quand l'économie va, tout va, dit-on. Mais les pornoputes disparaissent, les autorités se durcissent, les clochards claquent des dents et la ville tombe en ruine. Par-dessus le marché, une comète fonce sur la terre. Avait-on vraiment besoin de ce caillou sidéral pour annoncer sans crainte de se tromper que la première heure de la fin du monde avait déjà sonné ?

Mon avis 

Zippo, c’est un roman, en souhaitant que ce qui est évoqué dans ses chapitres ne reste, à tout jamais, qu’au stade de roman.
Zippo, c’est un briquet dont certains font collection. Un briquet ? Comme si tout pouvait brûler vite, très vite…. comme s’il suffisait d’une étincelle pour mettre le feu à ce qui couve…. entre autre la révolte….
Zippo, c’est un « coup de gueule », celui de deux auteurs qui tentent, en décrivant ce que pourrait devenir le monde si on ne faisait pas attention, de nous rappeler à nos valeurs. Celles des hommes qui veulent agir encore par eux-mêmes.
Zippo, c’est aussi le moyen de parler de l’échec de la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) et de tous les peuples qui résistent.

« Personne ne comprenait ce qui se passait. Personne ne voulait comprendre. Personne ne s’indignait non plus. De la résignation seulement. Une curiosité de surface. »

Parfois, c’est plus facile de faire « comme si », de se boucher les yeux, de ne pas vraiment comprendre (alors qu’on « sait et qu’on voit »). C’est plus facile de se résigner, de rester dans son coin « après tout, on n’est pas si mal… et puis tout seul…. je ne vais pas changer la face du monde…. » plutôt que de lutter, de relever la tête, de se redresser, de parler, de dire « non, je ne veux pas de ça, j’aspire à autre chose »….

Nuovo Kahid doit couvrir le sommet américain Zippo, il n’a pas trop de détails mais il faudra faire au mieux. Parallèlement à cette manifestation, des morts inexpliquées, des tensions, des événements choquants … et en plus, la chute annoncée d’un météore ….
Même si Nuovo Kahid apparaît en filigrane dans l’histoire, celle-ci n’est pas vraiment « linéaire » enfin pas dans le sens où l’on peut trouver : un début, des situations qui évoluent puis une fin.
J’ai plutôt eu l’impression de différents « flashs », ce qui est moins facile à lire, car on n’est pas forcément attiré par la suite puisqu’il n’y en a pas vraiment.
Pornoputes, claquedents, crache-poumons, macoute, jus de cervelle, vont devenir des familiers de votre vocabulaire en parcourant ce livre.

Une écriture terrible de froideur, des mots qui claquent, des phrases courtes qui vous frappent comme autant de coups de poing pour vous faire réagir.
« Quelqu’un cria. Le son d’une alarme retentit. A l’intérieur. Dans sa tête. »
Un roman froid, pessimiste, reflet d’un monde de violence, de détresse, de peur, de terreur, d’errances …

Si je m’attache à l’écriture, à ce qu’ont voulu transmettre les auteurs, je me dois de reconnaître que leur œuvre est poignante d’un réalisme qu’on souhaite ne jamais voir arriver.

Si je m’attache au contenu, je peux souligner qu’il m’a dérangée, qu’il m’a interpellée… «Serais-je capable de réagir si… ? »

Si je m’attache à mes émotions, je suis mitigée. Une lecture qui m’apostrophe mais qui ne m’apporte pas de plaisir parce que j’aurais souhaitée, moi qui pense qu’il y a toujours moyen de trouver du positif, qu’une note, même petite, même minuscule, d’optimisme apparaisse ….

Il faut croire en l’homme sinon le monde mourra ….

PS: J'ai bien apprécié les références latines.

"Un pays à l'aube" de Dennis Lehane (The Given Day)


Un pays à l’aube (The Given Day)
Auteur : Dennis Lehane
Traduit de l'Anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet
Éditions :  Rivages/Thrillers (14 Septembre 2009)
ISBN : 978-2743621308
770 pages

Quatrième de couverture

L'Amérique se remet difficilement de la Première Guerre mondiale. De retour d'Europe, les soldats entendent retrouver leurs emplois, souvent occupés en leur absence par des Noirs. Mais l'économie est ébranlée, et la vie devient de plus en plus difficile pour les classes populaires. Sur ce terreau fleurissent les luttes syndicales et prospèrent les groupes anarchistes et bolchéviques, ainsi que les premiers mouvements de défense de la cause noire.

Mon avis

"Vous les Américains, vous n'avez pas d’ "histoire ". Pour vous, seul le présent compte. Maintenant, maintenant, maintenant..."
"Vous les Américains, vous avez toujours le mot « liberté »à la bouche, mais moi je ne vois que des esclaves qui se croient libres."

Dennis Lehane est un grand écrivain.
Quel que soit le genre dans lequel il écrit, il réussit à être captivant.
Ce roman est moins noir, moins torturé que ses autres écrits.
Plusieurs mois après avoir refermé ce livre, les personnages sont encore bien présents dans ma mémoire.

Nous sommes aux Etats-Unis, en 1918, à l’aube des années 20. Nous allons suivre une pléthore de personnages, tous différents, aux traits de caractères bien marqués. Suivant notre ressenti, nous nous attacherons à l’un ou à l’autre.
Tout au long de ce roman « politico social », les personnages vont se croiser, se quitter, se retrouver, tout en avançant chacun sur leur chemin, vers leur destin.
Destin, choix de vie ou sort subi ? Chacun d’eux va lutter à sa façon pour prendre en mains sa vie et en faire ce qu’il souhaite …
Oui … mais … vous le savez, tout comme moi … on ne décide pas de tout … le vol d’un papillon a des milliers de kilomètres peut changer le présent ici et maintenant … alors une explosion …
vous imaginez ….

Un joueur de base-ball (ayant réellement existé), un ouvrier noir, une belle irlandaise, un père et son fils policiers à Boston mais rarement d’accord vont vous accompagner dans cette découverte des Etats-Unis. C’est un portrait réaliste, fort, social, politique, historique (l’auteur s’est très bien documenté) mais aussi intime et respectueux d’une Amérique où le mot « différence » n’est pas vain que vous retrouverez dans ce roman.

On ne s’ennuie pas une seconde tant l’écriture de Dennis Lehane nous prend aux tripes, tant on veut savoir ce que vont devenir chacun de ces héros, qui, somme toute, sont des gens ordinaires mais aux idées « vraies » (dans le sens où ils se battent pour les idées auxquelles ils tiennent et qu’ils ne dérogent pas).

On les admire de combattre pour un idéal auquel ils croient. On suit l’histoire d’amour qui se tisse, si difficilement, douloureusement. On souffre pour ceux qui sont touchés par le racisme. On mène l’enquête avec les policiers. On a peur parfois. …. On …. On …. Oui: « On »….."On" est tellement pénétré par l’écriture puissante et forte de Dennis Lehane que l’on passe par toute une palette de sentiments, d'émotions et qu’on a des difficultés à laisser ce livre.

Ce n’est pas seulement une formidable fresque sociale. C’est un livre qui se respire, se sent, s’entend, se voit …. se vit …. Les descriptions sont telles (scènes, sentiments, caractères, ressentis des personnages .. ..) qu’il ne peut en être autrement.

Un coup de cœur !

"En attendant Bojangles" de Olivier Bourdeaut


En attendant Bojangles
Auteur : Olivier Bourdeaut
Éditions : Finitude(Juillet 2016)
ISBN : 978-2363390639
160 pages

Quatrième de couverture

Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n'y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Celle qui mène le bal, c'est la mère, imprévisible et extravagante. Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l'inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.

Mon avis

C’est sur un air de jazz que se déroule cette histoire. Avant de commencer le livre, écoutez Nina Simone chantant Mr Bojangles…  Une mélodie enchanteresse, un peu mélancolique …. mais si belle, portée par une voix unique …..  

Le livre ressemble à cette musique : beau et triste à la fois, tragiquement amusant par certains côtés, comiquement dramatique par d’autres…. Le lecteur oscille entre le rire et les larmes, il est sur la corde raide, comme cette mère aux multiples prénoms qui joue avec la folie, qui porte sa vie comme un étendard, qui semble prête à basculer d’un moment à l’autre ….

Dans la première partie, c’est le jeune fils qui s’exprime avec ses mots d’enfant, ses incompréhensions, les inévitables quiproquos lorsqu’il prend les choses au premier degré etc… C’est drôle et vivant mais on sent poindre le futur et les difficultés qui ne manqueront pas d’arriver. Des passages en italiques nous présentent l’histoire des parents, leur rencontre sous le signe de l’humour avec des dialogues déjantés qui font mouche. On ne peut que tomber amoureux de telles personnes car la fantaisie les habite, emportant tout sur son passage. Mais où est la limite ? N’est-elle pas difficile à trouver, à cerner, comment garder ce fragile équilibre ?

C’est l’histoire d’un amour fou, d’un amour inconditionnel, bravant tout pour porter au plus haut le couple mais c’est aussi l’histoire d’un enfant qui est obligé de grandir dans une atmosphère particulière qui l’oblige à mentir à l’endroit comme à l’envers ….

Une écriture toute en tendresse, une délicatesse qui se lit en filigrane et un recueil magnifique d’émotions !


"La fille qui se faisait des films" de Yannick Dubart


La fille qui se faisait des films
Auteur : Yannick Dubart
Éditions : Fleur Sauvage (Avril  2018)
ISBN : 978-2378370183
240 pages

Quatrième de couverture

Après une attaque cérébrale, la quadragénaire Emma est obligée de partager une chambre d’hôpital avec une vieille dame. Celle-ci lui raconte des histoires étranges, évoquant la mort d’une belle opportuniste dans les années 50. L'affaire aura été classée mais Emma, intriguée, décide de la rouvrir... peut-être à ses dépends.

Mon avis

Emma, jeune femme quadragénaire, a eu un AVC et  à l’hôpital, elle partage sa chambre avec Marie-Ange qui se prend d’affection pour elle. Cette dernière est une personne âgée qui aime regarder la télévision et les séries mettant en scène des enquêteurs. Elle confie à Emma qu’elle sait qui a tué Chantal….. Mais bien sûr, elle doit confondre ce qu’elle visionne avec la réalité et mêler allégrement passé et présent …. C’est du moins ce que suppose Emma…. Vu que le crime dont elle parle semble dater de pas mal d’années….  Finalement, ce que cette mamie lui a dit lui trotte dans la tête et étant donné qu’elle ne peut pas reprendre le travail tout de suite, pourquoi ne pas profiter de sa convalescence pour essayer d’éclaircir tout ça ? D’autant plus qu’elle récupère quelques documents auprès des enfants de la vieille dame et que cela lui donne envie d’aller gratter un peu le passé…..

Construit d’une façon linéaire avec quelques rappels de faits antérieurs racontés  par les uns ou les autres, « La fille qui se faisait des films » est un roman policier dans lequel chaque titre de chapitre est un titre de film et où les références cinématographiques sont nombreuses. L’écriture de Yannick Dubart est très agréable : fluide et vive comme son intrigue où les événements s’enchaînent sans temps mort.  On sent, dès le départ, que cette espèce d’enquête va aider Emma à sortir de son marasme, de ses problèmes de santé, l’obligeant à aller vers les autres, à se bouger sans s’appesantir sur son sort.  C’est une excellente thérapie ! Parfois, elle doute d’elle-même. Sa maladie lui a peut-être laissé des séquelles, ne mélange-t-elle pas tout ?  Pourtant, malgré tout, elle continue d’interroger, de chercher l’air de rien. En parallèle, nous suivons son cheminement pour garder le lien ténu qu’elle a tissé avec sa fille qui est gardée par son ex-mari.

J’ai beaucoup apprécié ce roman. Les petits clins d’œil glissés ça et là rappelant tel ou tel film sont un vrai régal et le style est très plaisant.

"Effets papillon en noir et blanc" de Lieve Ericx et Issa


Effets papillon en noir et blanc
Auteur : Lieve Ericx et Issa
Éditions : Passion du livre (Février 2018)
ISBN : 979-1097531133
300 pages


Quatrième de couverture

Issa, jeune Nigérien dont je narre une partie de l’histoire grâce à son aide et à son vécu, arrive en Belgique come réfugié politique en 2008. Il se retrouve emprisonné dans un centre fermé. Un premier effet papillon fait entrer un duo étrange dans sa vie : Katty, cinquante-deux ans, célibataire, et son père, Théo.
Les dialogues d’Issa, qui décrivent ses sentiments personnels, écrits dans une police distincte, sont d’une importance primordial dans ce roman. Son histoire est vraie, tristement et invraisemblablement vraie. Le reste est fiction.

Mon avis

Il suffit d’une rencontre pour changer le cours d’une vie…. D’une vie  ou de plusieurs …

 Dans ce roman, le cheminement de Katty qui va décider d’aider Issa, va bouleverser plus d’une destinée. Pourtant personne n’aurait pu imaginer qu’un jour ces deux là fassent connaissance. Katty a une vie simple, qu’elle partage avec son père, Théo,  qui est un homme assez autoritaire. Depuis toujours, elle obéit et suit ses conseils quitte à en souffrir. Elle ne se pose pas de question, c’est ainsi, il lui a tout donné, il veille sur elle, elle lui doit le respect et ne peut pas déroger à ce qu’il demande voire impose. Il sait forcément ce qui est le mieux pour elle….

Jusqu’au jour où, suite à un concours de circonstances, Issa entre dans leur vie. Issa est nigérien, il pourrait, par l’âge, être le fils et le petit fils de Théo et sa fille. Elle se prend d’affection pour lui et « Père » ne manque pas de lui rappeler que ce jeune homme est un étranger, qui plus est un sans papiers…. Est-ce bien raisonnable de lui faire confiance, de lui offrir du temps voire plus ?

C’est la lutte de Katty pour sauver Issa que nous allons suivre dans ce très beau roman. Une lutte contre les autorités mais aussi contre l’autorité de son paternel. Elle va aller puiser au fond d’elle-même, malgré les doutes, malgré la peur, pour avancer encore et encore et agir pour un mieux être.

Ce livre est très bien écrit. Le style est fluide, très vivant. Chaque chapitre est précédé d’une belle citation et les commentaires d’Issa apportent une autre dimension à ce récit. La personnalité de Katty est très bien présentée. On va la voir « grandir » au fil des pages, s’affranchir de tout ce qui la bridait et penser par elle-même.  Jamais l’auteur ne s’impose en donneur de leçons, c’est simplement le partage d’une longue marche vers une autre vie ….

C’est un recueil que j’ai beaucoup apprécié. Son contenu  permet de croire en l’Homme et  nous rappelle que chaque personne que l’on croise est unique.  Le dessin de couverture est magnifique, plein de symbolique avec ce noir et ce blanc, ce papillon qui a pris de la couleur et qui s’envole et les deux traces de pattes de chien qui sont le premier lien …..