Le Français de Roseville
Auteur : Ahmed Tiab
Éditions de l'Aube (7 Janvier 2016)
ISBN : 978-2-8159-1357-7
256 pages
Quatrième de couverture
Oran, Algérie. Le commissaire Kémal Fadil est appelé sur un
chantier de rénovation du quartier de la Marine, où viennent d’être retrouvés
des restes humains datant vraisemblablement des années 1960. Il semble qu’il
s’agisse d’un enfant qui portait autour du cou un crucifix. L’enquête ne
s’annonce pas simple ! En réalité, elle avait été commencée bien plus tôt,
menée par des policiers français…
Mon avis
« L’histoire récente
de notre pays, celle avec un grand H, c’est comme de la dynamite qu’on doit
manier avec précaution. »
1953, les années « soixante », 2013 : trois époques pour une
même ville, pour un même pays et une évolution énorme en peu de temps
finalement. Quels événements peuvent relier ces trois périodes et est-ce qu’il
est nécessaire de remuer le passé ?
Le commissaire Kémal Fadil se retrouve confronté à une
situation peu habituelle pour lui : enquêter sur des restes humains découverts
lors d’un chantier. On ne lui en demande pas tant, s’il peut enterrer cette
histoire assez vite pour que les travaux continuent, ce serait aussi bien. Et
puis à quoi bon refaire l’Histoire ?
Est-ce à cause de la présence d’un corps d’enfant, porteur
d’un petit crucifix, est-ce parce qu’il est opiniâtre ? Toujours est-il que
Kémal commence ses investigations, et à sa suite nous allons revisiter
plusieurs « âges » de l’Algérie. C’est sans doute ce qui est le plus
intéressant dans cet opus, l’intrigue policière servant de fil conducteur pour
nous promener dans le temps.
«Je pense que le type
du ministère et ses chefs aimeraient savoir ce qui s’est passé rue des
Bougainvillées par simple opportunité historique ; soit les premiers résultats
sont intéressants et on continue, soit ça pue et on enterre. »
Le commissaire est parfois bouillant d’impatience, pressé
d’obtenir ce qu’il quête. De rendez-vous en coups de fil, en passant par des
observations et des tâtonnements, il avance doucement mais sûrement. A côté de
cela, on le voit dans son quotidien. Kémal a découvert petit à petit la
personnalité de sa mère (une des premières féministes ?) et ce qu’elle a vécu.
Nous, c’est par des bonds dans le passé que tout cela nous apparaît et nous
permet de mieux comprendre ce qui se déroule « ici et maintenant ». Le pays a
eu des relations tourmentées, compliquées avec certains français, comme celui
de Roseville, un breton, qui semble avoir trempé dans quelques combines. Le
colonialisme, ce n’est jamais simple, il faut que chacun reste à sa place en
respectant celle de l’autre et les distances de rigueur, forcément, ça c’est
compliqué. Ce sont ces rapports humains, où il peut être nécessaire de marcher
sur des œufs qu’évoque l’auteur. Et il le fait avec intelligence et
délicatesse. Son écriture est lumineuse, précise, décrivant avec doigté une
atmosphère différente selon les époques évoquées. J’ai trouvé très
complémentaire à l’intrigue de ressentir l’ambiance des années présentées, les
ressentis des hommes face à des événements qu’ils ne maîtrisent pas
nécessairement et qui leur semblent obscurs de temps à autre.
On sent que tout serait plus facile si le corps trouvé
n’avait pas porté un crucifix. Entre les lignes, sont suggérés les non-dits,
les conflits, le mal-être, les contradictions d’une population qui ne sait plus
parfois, à qui, à quoi, se rattacher… Lorsque l’auteur écrit (page 53) : « Les
deux peuples, algérien et français, enfin unis…par les liens cathodiques. », il
exprime toutes les difficultés d’un peuple pour ne devenir qu’un…..
L’auteur a très bien su gérer ses protagonistes, on est loin
des clichés et ils sont tous « humains », pas du tout caricaturaux. C’est avec
bonheur que je retrouverais Kémal, sa mère et son amoureuse ainsi que la plume
de l’auteur qui les fait vivre…..
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