"La fille du ciel" de Karen Hamilton (The Perfect Girlfriend)


La fille du ciel (The Perfect Girlfriend)
Auteur : Karen Hamilton
Traduit  de l’anglais (Grande-Bretagne) par Hélène Zylberait
Éditions : Calmann-Levy (16 Mai 2018)
ISBN : 9782702161524
370 pages

Quatrième de couverture

Juliette et Nate sont faits l’un pour l’autre. Il est pilote de ligne, elle est  devenue hôtesse de l’air dans la même compagnie… mais il l’ignore encore.  Nate a rompu avec elle six mois plus tôt, mais ce n’est qu’un détail pour  Juliette. Elle ne recule devant rien pour atteindre son but, car elle a un plan pour  récupérer Nate, et elle ne laissera personne se mettre en travers de son  chemin.

Mon avis

Il s’aiment …. ou plutôt ils se sont aimés….. En effet, Nate,  pilote de ligne a décidé de se séparer de Juliette, sa petite amie. Les raisons ? Il trouve que tout est allé un peu vite (notamment l’installation à deux) et que Juliette est très exigeante, voire jalouse.

Elle, elle ne l’entend pas de cette oreille. Persuadée qu’ils sont faits l’un pour l’autre, elle va tout mettre en œuvre pour le re conquérir et vivre une belle histoire d’amour avec lui. C’est de son point de vue que le récit est abordé, elle raconte et nous prend « presque à témoin » de chacune de ses actions. Le changement de travail, elle va devenir hôtesse de l’air pour se rapprocher de lui, puis tout ce qu’elle décide de mettre en place au cours des jours, des semaines … Pas seulement avec Nate, d’ailleurs, mais également avec ceux qui sont proches de lui, ou d’autres dont elle a besoin pour son « plan ». Elle est patiente, tisse sa toile, obnubilée par un seul objectif, un seul but …. Jusqu’où ira-t-elle ?

L’auteur a été hôtesse de l’air et elle décrit à la perfection ce qui se passe dans un avion : les relations entre le personnel naviguant, les demandes ou les peurs des passagers, etc.  Elle présente également, dans son récit, toute la complexité de ses métiers où l’on vit parfois en décalage. C’est fluide, bien écrit, empli de rebondissements (pas toujours crédibles à mon avis mais qui servent bien l’intrigue).
Comme c’est un texte haletant, sans temps mort, on a envie de lire encore et encore, de connaître le dénouement même si le sujet global du harcèlement n’est pas nouveau.

J’ai apprécié cette lecture. Pour un premier roman l’auteur s’en sort bien, c’est très addictif. Elle ménage  le suspense et on se demande jusqu’où Juliette ira pour se faire à nouveau aimer de Nate….


"La maison de poupée" de M.J.Arlidge (The Doll's House)


La maison de poupée (The Doll's House)
Auteur : M.J.Arlidge
Traduit de l’anglais par Séverine Quelet
Éditions : Les Escales (Mars 2017)
ISBN : 9782365692953
433 pages

Quatrième de couverture

Une jeune fille se réveille dans un lit qui n'est pas le sien. Plus inquiétant : la chambre dans laquelle elle se trouve n'est qu'un décor reconstitué dans une cave dont elle est prisonnière. La panique monte. Comment a-t-elle atterri ici ? Et pourquoi ?
Pendant ce temps, des promeneurs font une découverte macabre : le corps décomposé d'une femme sur une plage. La disparition de la victime remonte à plusieurs années sans jamais avoir été signalée : la famille continuait de recevoir des nouvelles via les réseaux sociaux et n'avait donc aucune raison de s'inquiéter.
Pour la détective Helen Grace, c'est la preuve que le meurtrier qu'elle traque est pervers, mais aussi intelligent et manipulateur.

Mon avis

Dévoré en vingt-quatre heures ! Une fois plongée dans ce roman, je ne l’ai plus lâché, scotchée, en apnée, dans mon canapé….

Qu’est-ce qui rend ce récit addictif ? Tout d’abord, le style et l’écriture fluides et accrocheurs (bravo à la traductrice pour son travail de qualité) avec juste ce qu’il faut de rythme et  de rebondissements. L’auteur nous plonge au cœur de l’horreur sans attendre, elle nous prend aux tripes et on se sent forcément concernés par ce qu’il  présente. Ce sont des familles dont les filles ont disparu et qui reçoivent de rares nouvelles via les réseaux sociaux jusqu’à ce qu’elles s’aperçoivent qu’elles ont été manipulées. En parallèle de ces parents qui n’ont cessé d’espérer ;  une jeune fille prisonnière, dont nous partageons les tourments, les peurs, les interrogations… On découvre son ressenti, celui de la personne qui la fait souffrir et celui des enquêteurs qui essaient de relier les différents événements en les étudiant pour comprendre l’indicible. Et évidemment, gros point fort de ce recueil, la policière atypique et ses relations, tant dans sa vie privée (qui se dévoile par bribes au fil des opus) que dans le contexte professionnel où elle évolue car elle dérange, surprend, impressionne, ce qui fait que certains font tout pour lui mettre des bâtons dans les roues (de sa trop belle moto……) Querelles de collègues, questions d’ego pour certains, elle prend de la place, commande et insiste de temps à autre, au grand dam de ses collaborateurs, voire de ses supérieurs …..Et quand il s’avère qu’elle a raison, c’est encore pire pour ses détracteurs…..

Parce qu’ Helen Grace enquête, explore, fouille, cherche, examine tout, et ne laisse rien au hasard. Elle est opiniâtre, volontaire, têtue, curieuse. Elle a un esprit d’analyse poussé à l’extrême et cela lui permet d’entrevoir des choses auxquelles les autres n’auraient pas forcément pensé. Lorsqu’elle a un objectif, elle ne le perd pas de vue, quitte à sacrifier des heures de repos ou de sommeil pour avancer.
« On ne choisissait pas ce métier pour mener une vie tranquille. Mais parce qu’on voulait changer les choses. »
Mais elle n’en reste pas moins humaine. Et de ce fait, elle a ses faiblesses, sa part d’ombre…..C’est sans aucun doute, ce qui la rend formidablement attachante même si son côté ténébreux  peut déstabiliser, désarçonner….. Ce personnage qui s’étoffe de plus en plus au fil des opus, est une des clés de la réussite de M.J Arlidge. Il a su installer un contexte un peu mystérieux autour de son héroïne, on sent qu’elle chemine vers une forme de résilience, on ne sait pas tout d’elle mais pourtant, elle tient une place déjà énorme dans le texte. Elle est toute en ambivalence, fragile et forte. Capable du meilleur comme du pire car elle a parfois beaucoup de mal à canaliser son énergie, ses émotions, et elle se laisse embarquer dans des situations qu’elle peut regretter ensuite…..

J’ai énormément apprécié ce livre bien que l’idée de la séquestration ne soit pas nouvelle. Tout ce qui se déroule autour (Helen et les rapports qu’elle entretient avec les uns et les autres, les différents individus très bien présentés….) La cadence ne faiblit pas, l’atmosphère est si bien décrite que l’on se retrouve avec le cœur qui bat à cent à l’heure et les mains moites, totalement absorbé par ce qu’on lit. Les esprits chagrins ne manqueront pas de dire que la fin est un peu rapide mais je pense qu’elle correspond à merveille à l’état d’esprit d’Helen à ce moment de ses recherches. Elle est dans l’urgence d’agir, tout s’accélère en fonction de ce qu’elle discerne et elle est dans la nécessité d’aller vite….

J’ai hâte de retrouver cet écrivain !

"Les mystères du Cambria" de Guillaume Lefebvre


Les mystères du Cambria
Auteur : Guillaume Lefebvre
Éditions : Ravet-Anceau (Juillet 2017)
Collection : Polars en Nord
ISBN : 978-2359736434
264 pages

Quatrième de couverture

Nouvelle mission pour le capitaine Armand Verrotier : reprendre la barre du Cambria, théâtre d'une mutinerie barbare. Pour comprendre l'horreur, Armand accepte d'aider la lunatique Camille de la Richardais, en charge de l'enquête. Alors qu'il met le cap vers la Suède, le marin est victime de plusieurs sabotages dont le dernier provoque sa mise à pied. À qui profite son renvoi ?

Mon avis

Ah, la mer…..parfois amère ….

On ne parle pas bien que de ce qu’on connaît…. Guillaume Lefebvre est capitaine de première classe de navigation maritime et tous les romans qu’il a écrits se déroulent dans ce domaine. Son personnage fétiche est Armand Verrotier, un capitaine au long cours, qui vit en bord de mer lorsqu’il n’est pas sur un bateau. Célibataire mais pas du tout contre une petite (ou plus si affinités) aventure et plutôt, disons, charmeur ou prêt à se laisser charmer lorsqu’une jolie femme passe à proximité…. Comme il est curieux, il observe et lorsqu’il y a près de lui, des événements sortants de l’ordinaire , il fait tout pour comprendre et se retrouve à mener l’enquête….

Cette fois-ci, c’est sur le Cambria, un cargo chimiquier qui est au mouillage au Havre que quelque chose cloche. Lorsqu’on lui donne l’ordre de rentrer au port, personne ne répond, ni ne bouge…. Bizarre…. Mutinerie, attaque ? Pas le temps de se poser des questions. Il faut agir, d’autant plus que l’endroit semble vide…. Armand Verrotier est appelé à la rescousse pour prendre le commandement. Parallèlement, une équipe (qu’il ne choisit pas) est constituée pour naviguer avec lui en direction de la Suède. Avant de partir, il faut, bien entendu, laisser le chargement, et là, ça se complique… Notre homme fait des découvertes surprenantes, déstabilisantes, …. et forcément, il veut en savoir plus….
Sa route va croiser celles de deux (jolies) femmes :
Camille de la Richardais qui est chargée de l’enquête concernant le Cambria et qui a du caractère …. En plus, elle sent bien que le bel Armand a des éléments en main qui pourraient l’aider mais leurs rapports sont plutôt en dents de scie et ni l’un, ni l’autre ne veut céder ….. Chacun ayant l’impression d’être utilisé par l’autre ……
Et Valériane Neige, une aguicheuse (mon Dieu, que les hommes succombent vite ;-) qui semble capable d’apporter quelques éclaircissements à cette affaire…..mais qui n’est pas nette (ça, c’est mon intuition féminine qui le ressent ainsi)….

Armand finira par prendre la mer et … la quiétude ne sera pas de mise pour ce trajet… Entre sabotages, fausses informations, il va être dans une situation plus que délicate à gérer… D’autant plus que des individus louches vont tourner autour de lui …. Difficile pour lui d’agir avec discernement quand tous les voyants le mettent en tort…. L’intrigue va nous entraîner dans des coins que connaît bien notre marin-écrivain. L’essentiel des actions se passera à bord (sans doute parce que c’est plus « visuel « pour lui lorsqu’il nous les décrit) mais également dans la belle ville d’Anvers…

On entre dès les premières pages au cœur de l ‘histoire et de tout ce qui constitue la marine marchande…. Le milieu n’est pas toujours aussi « propre » qu’il le fait croire, les affréteurs ont parfois des façons de faire à la limite de la légalité ….

L’écriture de Guillaume Lefebvre est fluide, plaisante, vivante. Le vocabulaire est le plus souvent très ciblé et précis permettant au lecteur de connaître les vrais termes de marine, d’imaginer la vie à bord et de réaliser que c’est « un autre monde »…. Le style est vif avec suffisamment de rebondissements pour que la lecture s’enchaîne sans temps mort. Les protagonistes sont présentés en quelques mots et il m’a en fallu très peu pour être exaspérée par cette Valériane que j’aurais volontiers gifler (et pourtant, je ne suis pas violente) …..

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, parce que les lieux évoqués me « parlent », parce qu’Armand est un homme bien (même s’il est de temps à autre un peu naïf, ah si je pouvais lui parler…je lui dirai…. ;-) et parce que, sous couvert d’un livre romancé, l’auteur nous met la puce à l’oreille sur plusieurs sujets importants….

"Dans ta bulle !" de Julie Dachez


Dans ta bulle !
Les autistes ont la parole : écoutons-les !
Auteur : Julie Dachez
Editions: Marabout (Mars 2018)
ISBN : 9782501129114
256 pages

Quatrième de couverture

« Les weirdos ne sont pas  ceux qu’on croit ! » Dans une passionnante enquête, ce livre nous fait partager  la démarche d’une jeune universitaire qui part à la rencontre  de personnes autistes afin de leur donner la parole. Loin des clichés ordinairement véhiculés, cet ouvrage retrace les parcours de vie et de résilience hors normes d’autistes  invisibles qui s’adaptent, se cachent, s’assument, se battent. En alternant récits de vie et savoirs académiques,  avec un style énergique et drôle, l’auteure, elle-même autiste  Asperger, bouscule nos idées reçues sur la normalité et nous invite à repenser notre société.

Mon avis

« J’envisage l’autisme comme une question de société plutôt que comme une question de santé »*

Ce livre est écrit par une jeune femme, professeur d’université, qui souffre de TSA (troubles du spectre autistique).  « Spectre » est un mot employé pour le spectre lumineux et toutes ses nuances… Nuances, le mot est lâché…. L’autisme est tout en nuances et toutes ne seront pas présentées dans ce recueil. Julie a été diagnostiquée Asperger, elle n’a donc pas de déficit intellectuel ni de problèmes de langage mais, à la base, elle ne savait pas forcément « décoder » des situations de la vie quotidienne. Son livre se situe entre le roman (annoncé ainsi dans un « avertissement » dans les premières pages), le témoignages, l’essai….

Pour sa thèse (sur l’autisme), elle a interviewé des personnes comme elle. Elle nous relate ses entretiens, ses difficultés journalières (pour des choses qui semblent ordinaires aux neurotypiques que ce sont les non-autistes), son mode de pensée, son parcours à la faculté pour faire reconnaître ses droits, …. Elle interpelle le lecteur, le secoue, le tutoie, l’apostrophe, le pousse dans ses retranchements, ….  En agissant ainsi, elle nous renvoie à nos propres manques lorsque nous côtoyons des gens qui nous semblent différents ….. Son écriture est vive, directe, elle va droit au but et nous rappelle de façon régulière que c’est une des caractéristiques des autistes, pas de second degré, pas de sens figuré, les faits, les pensées à l’état brut, sans filtre, ce qui peut de temps à autre donner l’impression d’ un ton « moralisateur » ….

Elle établit un parallèle avec les personnes sourdes dont beaucoup revendiquent d’appartenir  à une « communauté » avec l’utilisation de la langue des signes française (LSF), certains « codes » qui ne sont compris que d’eux (humour « Pi sourd », culture sourde etc)  Cette comparaison est intéressante, parce qu’elle montre la difficulté de communication dans les deux cas. Pour les personnes sourdes, les entendants apprennent  la LSF et créent du lien par ce biais. Pour les personnes avec TSA, est-ce plus difficile ? Il ne s’agit pas de connaître leur langue mais plutôt d’appréhender leur mode de fonctionnement … Ce qui me semble délicat au vu des nombreuses nuances  …. Julie Dachez le souligne, il y a différentes formes d’autisme, parfois associées à d’autres troubles. De ce fait, je pense, mais cela reste mon opinion, qu’il faut éviter de juger une personne autiste après la première rencontre (qui peut s’avérer déroutante), et qu’il est nécessaire de prendre le temps de se connaître pour pouvoir se parler « sans filtre et sans peur »  et se comprendre….

Julie milite, revendique, se bat et ne se tait pas, elle fait connaître de nombreuses particularités de l’autisme mais son approche reste personnelle, vue de l’intérieur.  Lorsqu’une personne avec TSA souffre de déficience intellectuelle (Julie souligne que les tests de QI ne sont pas tellement adaptés au fonctionnement des autistes), de TOCS envahissants, il est parfois très difficile de renter en contact et de la faire progresser…. Ce livre n’en est pas moins un ouvrage à découvrir, intéressant, ne serait-ce que pour le parcours de son auteur, et tout ce qu’il laisse espérer pour vivre avec l’autisme et avec les autistes …..

* page 28



"La Dame Blanche des Canmore" de Morgan Caine


La Dame Blanche des Canmore
Auteur : Morgan Caine
Éditions : Rokh éditions (Mai 2018)
ISBN : B07CY5Z8DQ
402 pages

Quatrième de couverture

Jordan Adams se réfugie en Écosse auprès de Murdoch Bruce, le cousin de son grand-père qui a hérité du titre de Lord Canmore après la mort de ce dernier, quelques années auparavant. Mais son arrivée ne passe pas inaperçue au village. Un couple d'amoureux prétend avoir vu apparaître en haut de la plus haute tour la silhouette évanescente de la Dame Blanche des Canmore… Superstition, illusion d'optique ou réalité? Quoi qu'il en soit, personne, pas même Murdoch Bruce ne peut dire s'il s'agit là d'un bon présage. Mais c'est compter sans Jordan, qui décide de partir sur les pas de la Dame Blanche

Mon avis

Morgan Caine écrit des romans policiers et / ou psychologiques et elle maîtrise parfaitement les codes de ces deux genres littéraires. Mais elle le reconnaît elle-même, écrire ce genre de texte est éprouvant tant l’auteur donne de lui-même pour ses personnages.

Depuis son premier titre en Mai 2014, son écriture et son style se sont affirmés. Elle n’hésite plus à donner des rôles importants aux paroles de ses protagonistes et de ce fait, elle pousse le lecteur dans ses retranchements et il est confronté à son propre regard, à l’obligation de voir ce qu’il aurait voulu occulter.

Son dernier titre aborde un genre totalement différent et c’est très bien réussi. Pourtant sortir de « sa zone de confort » n’est jamais aisé et la prise de risques peut désarçonner le lectorat habituel. Mais je suis persuadée que les fidèles apprécieront ce nouvel opus.

Morgan a eu l’excellente idée pour aborder ce défi de mettre en scène Jordan, son héroïne récurrente, charismatique et aimée de tous. Le plaisir de la retrouver est grand (même si vous n’avez jamais lu Morgan Caine, vous pouvez foncer, l’histoire est indépendante et Jordan ne fait pas allusion à son passé) et la retrouver en Ecosse, au pays des mystères et des légendes, des étendues vertes et des farouches écossais au caractère bien trempé est un régal. Pour peu que vous buviez un excellent thé avec des scones accompagné d’une musique celtique, vous voilà totalement dans l’ambiance de cet excellent recueil.

Jordan est en effet partie sur la terre de ses ancêtres afin de se ressourcer et de faire une pause. Elle va faire connaissance avec certains membres de sa famille qu’elle ne fréquente pas souvent et vivre immergée au cœur d’un magnifique château.  Dès les premiers jours, il est question d’une étrange apparition et de la légende qui est reliée à sa présence. Jordan a du temps, elle est intéressée par tout et elle décide de se plonger dans l’histoire de sa famille pour mieux comprendre cette « vision ». Tableaux anciens, documents divers, recoins inexplorés, discussions avec son cousin Murdoch ou d’autres personnes, elle ne va rien laisser au hasard.  Le lecteur va vite se retrouver embarqué à ses côtés tant Jordan est pétillante de vie, et donne le souhait de la suivre. A travers les écrits de Tan, un vieux religieux ayant vécu au treizième siècle, on va découvrir les faits du passé et on accompagner Jordan dans son enquête.

Morgan Caine s’est sans aucun doute, bien documentée avant de se lancer dans l’écriture. Son texte est fouillé, complet, permettant d’établir des liens entre le passé et le présent. Le contexte historique est glissé dans le récit avec doigté, jamais parachuté, mais toujours en phase, ce qui n’est pas si aisé qu’on le croit. Les individus rencontrés au fil des pages ne sont pas caricaturaux, certains ont une part d’ombre, d’autres sont attachants dès qu’on les voit arriver. On peut avoir l’impression qu’il y a beaucoup de noms à retenir mais un conseil, ne gardez que en mémoire, que ceux qui en valent la peine !

J’ai beaucoup apprécié la « quête de la vérité » de Jordan. Elle donne une place prépondérante aux femmes  des différentes époques évoquées. On sent que dans cette famille, toutes ont du caractère, une volonté hors du commun, une soif de vivre importante. Le contexte global, les lieux chargés de mystère donnent une aura à l’ensemble (pourquoi pas un téléfilm ?). Que ce soit la vie autrefois ou celle de maintenant, tout est décrit avec minutie et sans fausse note.  De plus, l’écriture et le style de Morgan, très accrocheurs, très vivants, sont un régal pour celui qui découvre cette intrigue.

"Au pays des barbares" de Fabrice David


Au pays des barbares
Auteur : Fabrice David
Éditions : Plon (16 Mai 2018)
Collection : Sang neuf
ISBN : 978-2259259453
270 pages

Quatrième de couverture

Bienvenue dans les Ardennes. Awoise-Gelle est une petite ville ennuyeuse à 6 kilomètres de la frontière belge. C'est là que vit Moïse, qui travaille dans un magasin de jardinage. Il passe son temps libre à supporter l'équipe de foot locale et à boire des bières dans son QG, le bar L'Ardennais.  Moïse ne vit que par et pour le foot. Alors, quand son club risque la relégation, il décide d'agir. Mais rien ne se passe comme prévu…

Mon avis

Supporter un jour, supporter toujours ?

Née dans une ville de « footeux », j’ai assisté à pléthore de matches, j’ai  même, une fois, accompagné les supporters en « déplacement à l’extérieur » avec le bus des aficionados (histoire de voir ce que ça donnait)  et j’ai  effectivement constaté que la ferveur autour d’un club de foot peut entraîner des dérives parmi quelques uns de ses fans…  Il suffit de lire certains faits divers aux abords des stades ou en lien avec les « ultras » pour en avoir une idée.  Autant dire que le livre de Fabrice David m’a intéressée par son « parler vrai » (l’auteur, journaliste pour l’émission Téléfoot  a eu l’occasion d’écumer les stades, de se pénétrer de l’ambiance et de voyager au cœur des fans….) bien qu’il soit très sombre….

Je vous rassure, heureusement, ce n’est pas tous les jours que les admirateurs d’une équipe font n’importe quoi pour qu’elle gagne et les personnes qui agissent ainsi ne sont pas une majorité. Il n’empêche que ça existe et que emporté par l’atmosphère électrique, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller….) Déchainés par l’enjeu, les groupies sont capables de tout. D’ailleurs, la victoire appartient à tout le monde (le public est alors le douzième homme, le sauveur) et lorsqu’il y a défaite, ce sont les joueurs, les dirigeants, l’arbitre, le staff, voire la météo (trop chaud, trop froid, trop de pluie)  qui sont responsables mais certainement pas ceux qui courent sur le terrain (enfin, si, « les autres, pas « les notres »  ;-) …. Ne dit-on pas : « ON a gagné » et « ILS ont perdu » ?

Moïse est un supporter de base, celui qui en dehors de son travail, n’a pas grand-chose d’autre dans sa vie, pas de famille, pas de petite amie, seulement des potes, rencontrés au bar et dont il ne connaît pas le passé et le quotidien en détails. Mais savoir qu’ils sont comme lui, accros au club de leur ville lui suffit. C’est la fin de la saison, les résultats ne sont pas terribles et tout va se décider sur le dernier match. Si Awoise-Gelle gagne, le maintien est assuré, sinon, c’est la descente en division inférieure. Moïse ne peut pas envisager cette éventualité, il veut agir, devenir celui qui trouvera comment sauver son équipe de la relégation. C’est son objectif, il y a forcément une solution…  Accoudé au comptoir, devant des bières, il échafaude des projets avec ses compagnons de beuverie. Une idée germe : influencer l’arbitre et obtenir qu’il fasse tout pour assurer la victoire.  Mais comment faire, comment mettre en place cette complicité de tricherie ?

Parallèlement à ces hommes que rien ne va arrêter, nous suivons un couple de femmes. L’une des deux a décidé de rechercher quelqu’un qui lui a fait beaucoup de mal autrefois. Comme les garçons et leur soif de réussite, elle est prête à tout et rien ne semble pouvoir la freiner.

Le point commun entre les deux groupes ? Lisez et vous les découvrirez. Il y en a plusieurs dont l’opiniâtreté, la volonté d’aboutir et d’avoir une réponse quel qu’en soit le prix. Le caractère, en façade effacé, qui cache des « loups » capables de tout et une volonté de fer.

Avec un style percutant, des phrases courtes, Fabrice David nous emmène au pays des barbares, dans des esprits torturés, galvanisés et influencés par l’effet de groupe, incapables de s’arrêter une fois pris dans un engrenage de violence.  C’est relaté avec un réalisme sombre, une noirceur qui fait mal, sans langue de bois. Il y a également une approche psychologique de chaque protagoniste, qui malmené, par la vie, à la faveur d’un événement, va révéler ce qu’il est réellement ….

Un roman, vif, alerte, bien écrit, et pas besoin d’aimer le football pour le lire !

"Rien de plus grand" de Malin Persson Giolito (Störst av allt)


Rien de plus grand (Störst av allt)
Auteur : Malin Persson Giolito
Traduit du suédois par  Laurence Mennerich
Éditions : Presses de la Cité (Mars 2018)
ISBN : 978-2258143487
504 pages

Quatrième de couverture

La pièce empeste les œufs pourris. L'air est lourd de la fumée des tirs. Tout le monde est transpercé de balles, sauf moi. Stockholm, sa banlieue chic. Dans la salle de classe d'un lycée huppé, cinq personnes gisent sur le sol,perforées de balles. Debout au milieu d'elles, Maja Norberg, dix-huit ans à peine, élève modèle et fille de bonne famille. Neuf mois plus tard, après un battage médiatique qui a dépassé les frontières suédoises, le procès se tient. Mais qui est Maja ? Qu'a-t-elle fait, et pourquoi ?

Mon avis

L’auteur a été avocate et si elle situe une grande partie de son roman dans une salle d’audience, c’est parce qu’elle sait de quoi elle parle.

Après plusieurs mois passés en prison, c’est l’heure du procès pour Maja.  Comment une jeune fille, excellente lycéenne, issue d’une bonne famille, a-t-elle pu se retrouver avec une arme à feu en classe ? Pourquoi a-t-elle tiré ? Qui plus est sur ses camarades de classe dont sa meilleure amie et son amoureux ? Que s’est-il vraiment passé ce jour-là ? Avait-elle toute sa raison ?

Comme dans un kaléidoscope, les événements sont regardés à travers différents prismes et donnent des approches déstructurées mais emboîtées les unes dans les autres. Le récit n’est pas linéaire et pourra désarçonner certains lecteurs.  Malin Persson Giolito a choisi de relater les faits par la voix de Maja. Cette dernière s’exprime à différentes périodes : pendant le procès, ici et maintenant ; au cours de l’emprisonnement, et pendant  son enfance et ses années lycée jusqu’à l’hécatombe …. On passe d’une époque à une autre au gré des pensées de la jeune accusée. Au bout de  ce réquisitoire à plusieurs entrées, le lecteur, tout comme les jurés (mais ils n’auront pas autant d’informations) devrait pouvoir répondre à la question : coupable ou non coupable ? Mais est-ce aussi facile que de différencier le blanc et le noir ?

Dans ce roman surprenant, dérangeant, l’auteur pose un regard acéré sur la société suédoise, une observation sans concession, sans faux semblant , avec une loupe pour voir les travers de chacun. Comme le souligne Maja, les médias ne donnent pas la même importance à chaque individu et pourtant les gens répètent que toutes les vies ont la même valeur …  Le décès d’une belle jeune femme renversée sur un passage piétons est-il traité de la même manière si la personne blessée est une grand-mère de 95 ans ? Pour le procès de Maja, c’est la même chose. Les clichés accompagnant  les articles évoquant le « massacre de Djursholm » sont choisis en fonction du message que les journalistes veulent faire passer…. Est-ce que cela est susceptible d’influencer ceux qui assistent au procès ? Peut-être… Comme lorsque les uns ou les autres donnent leur ressenti sur la jeune femme. Toutes les parties vont s’exprimer, des gens plus ou moins proches de Maja, les avocats aussi. Le sien attend son heure, prêt à sortir des jokers de sa manche, parfois seulement en quelques mots choisis …. Et c’est très intéressant de voir sous quel angle il va attaquer …..


Ce recueil est très particulier puisqu’on pourrait presque dire que tout est écrit dans le désordre mais Maja raconte et sait où elle va et c’est sur ce chemin qu’elle entraîne le lecteur. Suffit-il d’être né une cuillère en or dans la bouche pour réussir sa vie ? On connaît tous la réponse mais là, elle fait mal car elle est décortiquée. Sebastian, son amoureux,  avait tout : l’argent, une chérie, des capacités scolaires mais en fait, il n’avait rien, sa vie était vide…. La relation entre Maja et lui était-elle équilibrée ou destructrice ?  Les fléaux auxquels sont confrontés les jeunes qui n’ont jamais eu à lutter sont légion : drogue, sexe débridé, alcool, oisiveté permanente … Ils perdent le respect des autres mais également le respect d’eux-mêmes….  Maja aurait-elle pu le protéger, se protéger de ces dérives ?

La Suède est-elle un pays serein et agréable où il fait bon vivre ? Comme l’écrit l’auteur, par l’intermédiaire d’un de ses personnages : « Il y a une limite aux inégalités qu’une société peut accepter tout en restant une démocratie stable. » Trouver le juste milieu, l’équilibre pour que chacun ait sa place, tout un programme !

Cette lecture m’a interpellée, secouée, m’obligeant à sortir de mon confort pour me poser les bonnes questions…. Le style, l’écriture sont incisifs et ils ouvrent les yeux du lecteur sur bien des thèmes que l’on essaie parfois de mettre de côté pour ne pas être dérangé …..




"Sur la lèvre des volumes" de Régis Moulu


Sur la lèvre des volumes
Auteur : Régis Moulu
Éditions de la Rue Nantaise (Avril 2018)
ISBN : 978-2-919265-54-1
104 pages

Quatrième de couverture

Grappe douce et sucrée de textes illustrés par une série de photographies « Portes et fenêtres » proposée par l'auteur, Sur la lèvre des volumes constitue la deuxième contribution de Régis Moulu aux insubmersibles et néanmoins très fragiles Éditions de la rue nantaise.

Mon avis

La poésie me parle… Je fais partie des personnes pour qui lire un poème, c’est toute une rencontre, celle des mots, des sensations, des impressions, celle d’une musique flamboyante d’un texte qui tintinnabule  à l’oreille et qui parfois, comme dans ce recueil, se marie aux images…

La poésie ne se raconte pas, elle ne s’explique pas, il ne faut pas forcément chercher un sens, une explication, il faut simplement accepter de se laisser porter…. C’est une porte ouverte ou une fenêtre entrebâillée sur d’autres paysages…  ceux qui parlent au cœur plus qu’à la tête….

Régis Moulu joue avec les sons, les lettres, les vocables, il agence, structure, combine, puis part sur une autre embrasure, un peu comme les surréalistes qui détournaient l’écrit pour nous faire rêver… Et il y arrive, avec panache, le bougre. Lorsqu’il parle d’une visite à la poste, en quelques lignes, tout est dit…

Chaque texte est accompagné d’une photo de porte, de fenêtre, d’ouverture,  pour nous rappeler, sans doute, que les poètes sont là pour libérer notre esprit  de tout ce qui l’enferme … afin qu’il perçoive la beauté de ce que les aèdes nous offrent ….

Merci Monsieur Moulu de nous rappeler que «La poésie est cette musique que tout homme porte en soi.» comme le disait William Shakespeare… La vôtre est belle, vibrante d’émotions contenues ….

Un bel ouvrage à offrir, à s'offrir, à contempler, à murmurer, à partager ....

NB : Les photos de ce livre sont, à elles seules, tout un poème….

Petit extrait pour le plaisir des sens :
BEL OUILLAGE

Avec votre amour
révolutionnaire,

aidez-moi
à renaître

comme on retaperait
un lit défait
par une grosse nuit
de fièvre,

nuit de fièvre
qu'on appelle
tout bonnement
« la vie »

"Extrait de "Sur la lèvre des volumes", éditions de la Rue Nantaise 2018, publié avec l'autorisation de l'écrivain"




"Le ravaudeur de puzzles" de Luc Fivet


Le ravaudeur de puzzles
Auteur : Luc Fivet
Éditions : lucfivet.fr (Avril 2014)
Ebook
ISBN: 979-10-93698-00-7
211 pages

Présentation de l’éditeur

Truc est un homme sans qualités particulières, qui cherche simplement à reconstituer les éléments épars sa vie. Et pour ça, il trouve le boulot idéal : ravaudeur de puzzles, ou l’art de reconstituer des puzzles à partir des millions de pièces oubliées dans un coin de l’usine dirigée d’une main de fer par l’ignoble Boss. Et c’est entouré du Rat, du Têtard, du Grand Méchant Con et de Robert, son seul et indispensable ami, qu’il va finir par découvrir sa véritable vocation. Une vocation surprenante, tout comme ce roman au style inimitable.

Mon avis

Luc Fivet manie la langue française avec dextérité. C’est tout un art de faire rire ou sourire sans être « lourd » et en gardant un fil conducteur. On le dit souvent « C’est plus facile de faire pleurer que de faire rire… »
Ce roman est un concentré d’humour, de dérision, de poésie parfois car si le ton est plutôt enjoué le plus souvent, il arrive que l’auteur parle « plus grave », histoire de nous faire comprendre qu’il sait également toucher l’homme au plus profond…
J’en veux pour preuve, un exemple, un seul, car je ne souhaite pas déflorer le contenu de cet ebook.
Dans les pages, on vous parle de « boîtes d’espoir », tant qu’elles ne sont pas ouvertes, on peut espérer sur son contenu, ce qu’il nous apportera, nous apprendra, nous offrira….Je trouve ce concept touchant à l’heure où beaucoup d’hommes ne croient en rien.
Il y a aussi une « visite » de bibliothèque où Luc Fivet nous décortique les différentes personnes qui y circulent, c’est une belle étude de ce microcosme de lecteurs ou non qui hantent ce lieu.

Truc nous raconte donc son histoire avec pour fil conducteur son emploi de « ravaudeur de puzzles ». Profitant de certaines situations, il se remémore ses emplois précédents : mise à l’heure des panneaux d’autoroute, murmureur (pour marquer la désapprobation) à l’Assemblée Nationale…. des professions qui vous mettent le sourire aux lèvres et vous font rêver…et rire lorsqu’il raconte ses déboires.
On peut se demander où l’auteur va chercher tout ça, comment il s’y prend pour changer de ton et rester crédible pour nous entraîner à sa suite…




"Repentirs" de Luc Fivet



Repentirs
Auteur : Luc Fivet
Éditions: Les volubiles
Collection : e-Thriller
Nombre de pages : 340

Quatrième de couverture

Boston, 1990. Une toile unique de Vermeer de Delft, "Le Concert", est dérobé dans des conditions rocambolesques à l'Isabella Gardner Museum. Une récompense de cinq millions de dollars est promise à quiconque livrera une information aux enquêteurs. En vain.
Paris, 2011. Des policiers spécialisés dans la traque d’œuvres volées retrouvent le célèbre tableau dans un box crasseux des Puces de Saint-Ouen. La découverte provoque la stupeur dans le petit monde de l'art. Aussitôt, les appétits s'aiguisent : historiens, marchands de tableaux, commissaires-priseurs et intermédiaires plus ou moins louches se bousculent autour de la toile. Tous sont ensorcelés par le pouvoir magnétique du maître de Delft, le peintre le plus énigmatique de l'histoire. Et si "Le Concert", au-delà de son apparente douceur, n'était pas une simple œuvre d'art ? Eléonore Mercoeur, la jeune conservatrice française de l'Isabella Gardner, et le redoutable expert François Regard partent sur les traces du secret de Johannes Vermeer. Quel mystère se cache derrière ces personnages au visage impassible ? Les questions s'accumulent, les meurtres aussi...

Mon avis

Connaissez-vous Vermeer ? Oui ? La laitière et La jeune fille à la perle ?
Moi aussi …
Ici, ce sera « Le Concert » (du même Vermeer).



Après la lecture de ce roman policier, de très bonne facture, je vais me pencher plus avant sur la vie de ce peintre. Vie dont on ne sait pas grand-chose, vie évoquée à travers les pages de ce livre d’une façon magistrale, suffisamment pour donner le souhait d’aller plus loin, tant quelques uns des événements soulevés dans cet opus pourraient ne pas forcément être éloignés d’une certaine vérité. En effet, l’auteur reprend habilement des faits avérés (sa méthode pour peindre, ses choix de pigments etc …) additionnés de quelques « libertés » (peut-être pas si fantaisistes qu’elles en ont l’air), le tout restant dans le potentiel et ne paraissant pas invraisemblable.

Ajoutés à tout cela  une solide enquête, des personnages bien «ajustés», très réalistes, un vocabulaire soigné mais pas ostentatoire, une approche de l’art (peinture mais aussi musique) réelle et bien amenée, quelques références philosophiques ciblées à travers Spinoza et Descartes, un peu d’humour de temps à autre et vous découvrirez que vous avez un excellent livre entre les mains.

« L’empire des sots est sans frontières … Et celui des érudits en a une : leur nombril. »

Cadre, châssis, toile, pigments, lumière sont les différentes parties qui rythment le récit et s’il fut un long temps où je ne comprenais pas le titre « Repentirs », j’ai découvert avec plaisir l’explication sur la fin dur livre ….
Ce qui m’amène à me demander comment l’auteur a organisé sa recherche de documentation et si la peinture est un domaine qu’il affectionne particulièrement.
Non seulement, je me suis régalée avec l’écriture, les personnages, l’idée de l’intrigue mais toute la partie « Art » m’a vraiment intéressée et a apporté un plus indéniable à ce roman bien construit.

Certains esprits malins ne manqueront pas de souligner quelques rapprochements avec le Da Vinci Code : un couple improbable (et qui finit par … euh ….chut, je n’ai rien dit ….), un tableau à décrypter, des religieux qui tournent autour de tout ça, un trésor caché, des gens prêts à tout pour … etc …
Présenté comme cela, effectivement, on peut penser que Luc Fivet s’est librement inspiré d’un roman précédemment paru…
Mais il n’en reste pas moins que c’est un livre emballant, où les événements, actions, apports sur différents sujets s’enchainent pour le plus grand bonheur du lecteur qui se laisse prendre dans cette immense toile (d’araignée, pas de peintre ;-) et dans les méandres de l’intrigue.

Les protagonistes, tous « agrémentés » d’une part d’ombre (comme chacun de nous, personne ne peut se vanter d’être totalement « transparent »…), ont chacun un rôle intéressant et on les visualise très bien ainsi que les différents lieux évoqués (ce e-thriller pourrait être adapté pour l’écran sans aucun problème). De plus, chacun d’eux se « révèle » petit à petit et on apprend à les découvrir au fil des pages, allant parfois de surprise en surprise.

C’est donc une lecture que je recommande pour les amateurs du genre.

"L’excès de bonheur nuit gravement à la santé" de Luc Fivet


L’excès de bonheur nuit gravement à la santé
Auteur : Luc Fivet
Éditions: Les volubiles
Collection : e-Thriller
Nombre de pages: 183

Quatrième de couverture

Le capitaine Michel Ancône rumine son ennui dans la brigade des Stups d’un obscur commissariat de quartier. C’est un excellent flic en dépit d’une incapacité congénitale à respecter la voie hiérarchique doublée d’une regrettable inclination pour les solutions expéditives.
Il se soigne auprès d’un thérapeute versé dans les pratiques bouddhiques, mais les révélations védiques sont solubles dans la bouteille. Plus que jamais, son espoir de réintégrer la Brigade criminelle, dont il a été viré pour insubordination, relève de l’utopie. Si la belle vendeuse du magasin de meubles orientaux daignait au moins remarquer son existence... Hélas, elle reste désespérément insensible à son charme, quand elle ne l’humilie pas en public. Tout irait donc pour le pire si la jeune femme n’avait pas l’étrange idée de se faire égorger en pleine nuit sur son lieu de travail. Pour le capitaine Michel Ancône, la rédemption est proche. Mais le chemin de l’illumination est long, escarpé et semé de cadavres…

Mon avis

Ce livre a été lu sur tablette, c’est un e-thriller, l’auteur publie aussi d’autres titres sur papier.

« Un jour, j’écrirai un livre sur ce qui nous pousse à vivre avec ce qui nous fait mourir. »

Michel Ancône est un de ces policiers qu’on rencontre de plus en plus souvent dans les romans, humain, tourmenté par son passé, son avenir, sa vie, se posant des questions, voulant réussir et ne comprenant pas toujours ce qui lui tombe dessus …. Comme une mutation dans un service moins intéressant suite à un coup de sang …

Car il est ainsi notre capitaine, un peu sanguin, nerveux, le verbe haut, maniant un humour qui ne plaît pas forcément à ses supérieurs ou à ses collègues … mais droit, honnête, serein, faisant face …. enfin…. disons que c’est l’image qu’il essaie de donner parce qu’il aime bien la bière, trop quelquefois et il a besoin de rencontrer régulièrement un « psy » pour arriver à avancer (et à s’aimer ?) ….

Mais qui a dit que « L’humour est la politesse du désespoir » ? (pour information, ce n’est pas moi, c’est Boris Vian ;-)
Sous son ironie grinçante, mordante, dérangeante parfois, Michel Ancône lutte contre ses démons intérieurs, essaie de se tenir droit, de donner le change et de résoudre un meurtre.
Celui d’une femme, qu’il avait remarquée, qu’il avait côtoyée (trop ?), qu’il aurait pu aimer si la vie en avait décidé autrement ….

Aidé d’un jeune collègue, a priori très prometteur, il se retrouve à mener l’enquête, dans la mesure de ce qu’on lui permet de faire …. Oui, mais … il s’appelle Michel Ancône et ce n’est pas nouveau ….il a du caractère ….et aucune envie de se laisser imposer des limites …
Il fouille, fouine, observe, emmagasine les informations et se laisse même embarquer à rencontrer un groupe de Bouddhistes, allant même jusqu’au siège de la Tcho-Tche Karghat (sic) pour essayer de mieux cerner les protagonistes gravitant autour de la victime ….

Que cherchent les différents individus qu’il rencontre ? Qui la victime fréquentait-elle ? Son patron n’était-il pas son amant ? Beaucoup de pistes vont être ouvertes au cours de ses recherches et elles se refermeront petit à petit, une à une jusqu’au dénouement final.

L’écriture de Luc Fivet est agréable, toujours en mouvement, parsemée de notes d’humour bien ciblé. Les dialogues sont bien agencés, apportant un autre éclairage sur les différents personnages, nous permettant de mieux cerner le rôle de chacun, de découvrir au fil des pages, « leurs travers » ….

Le rythme est rapide, on ne s’ennuie pas, les événements s’enchaînent sans temps mort.
On pourrait penser que l’histoire est assez superficielle, les personnages pas très « creusés » mais le fait que l’enquêteur cherche aussi à résoudre, parfois bien maladroitement, ses propres problèmes donne un plus à l’histoire. Tout comme la « rencontre » du milieu bouddhiste apporte un peu de fantaisie dans ce qui aurait pu ressembler à une banale enquête, comme on en voit beaucoup dans les romans policiers.

Une lecture sympathique qui permet de se détendre.


"Le cercle des plumes assassines" (Murder your darlings) de J. J Murphy


Le cercle des plumes assassines (Murder your darlings)
Auteur :  J. J Murphy
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hélène Collon
Éditions : Baker Street (2 Avril 2015)
Nombre de pages : 350
ISBN : 978 2 917559 56 7


Quatrième de couverture

Critique, nouvelliste, poète, et plus tard scénariste, Dorothy Parker fut l’un des piliers de la célèbre Table Ronde de l’hôtel Algonquin, où déjeunaient ensemble les esprits les plus caustiques de New York. Dans ce roman qui nous fait revivre les années 20, elle se retrouve malgré elle au centre d’une enquête criminelle. Un matin, elle découvre, sous la table habituelle du cercle d’amis, un inconnu poignardé en plein cœur. Pour compliquer l’affaire, un jeune outsider, venu du Sud, un certain William (« Billy ») Faulkner, qui rêve de devenir écrivain, apporte un témoignage troublant. Il prétend avoir eu un furtif aperçu du tueur…

Mon avis

L'Hôtel Algonquin est un hôtel situé à Manhattan dans la 44e rue. Il est considéré comme un lieu historique remarquable (landmark status) de la ville de New York en 1987. La poétesse, nouvelliste et critique de théâtre influente et redoutée Dorothy Parker et d’autres écrivains y avaient établi leurs quartiers dans les années 20 pour leur cercle littéraire appelé « le cercle vicieux » par leur détracteurs.
Dans ce roman, autour de la Table Ronde qui leur est régulièrement réservée, ils discutent, font des traits d’esprit, critiquent, parlent de ce qu’ils écrivent, de ce que les autres créent avec plus ou moins de talent… Tout y passe, la philosophie, les relations humaines, la vie etc…. Mais un jour, sous la table….un mort qui plus est, touché en plein cœur par une plume …..

C’est dans cette ambiance que nous allons retrouver les différents protagonistes de ce recueil mené tambour battant. Des personnages ayant existé en côtoient d’autres tout à fait imaginaires dans une atmosphère très bien retranscrite. Dorothy Parker, Dotty, était une femme qui avait de la répartie et ne s’en laissait pas conter par les uns et les autres. Mais là, la voilà sans voix, bien ennuyée de cet état de fait : se trouver face à un mort. D’autant plus qu’un jeune écrivaillon : William (« Billy ») Faulkner qui cherchait à la rencontrer, est présent bien mal à propos. Elle se prend d’affection pour ce dernier, qui se retrouve soupçonné par un policier maladroit et elle est embarquée, bien malgré elle, sur des chemins de traverse.

Le plaisir de cet opus ne réside pas dans l’enquête mais bien dans l’écriture. Les dialogues très nombreux, donnent un aspect « pièce de théâtre » à l’ensemble et cela n’a rien de désagréable tant les propos sont « enlevés », non dénués d’humour et de finesse, parfois même un peu « acides » (une petite parenthèse pour dire bravo à la traductrice qui a dû avoir un sacré travail pour redonner un sens à tout cela). De plus, la micro société dépeinte l’est avec brio, on découvre le joyeux « désordre » de l’époque et c’est un régal.

On est au cœur de ce microcosme des auteurs, on rencontre des bandits de grands chemins, on visite des bars plus ou moins clandestins, on roule en calèche, on prend l’ascenseur avec un liftier. Les différents individus, sobres, élégants ou ténébreux sont hauts en couleurs …. C’est comme si on y était et on en redemande.

Je n’ai pas vu le film « Mrs Parker et le cercle vicieux » du cinéaste Alan Rudolph mais il me fait envie tant j’ai apprécié de m’imprégner de ce milieu par le regard caustique de Dorothy Parker à travers ce livre. Il faut reconnaître que la présence de cette femme, un peu excentrique mais très attachante apporte une touche de fantaisie non négligeable à l’ensemble de cette œuvre.

Un auteur à suivre sans aucun doute tant il a su faire revivre avec talent de grands noms des années vingt dans une histoire bien agencée.


NB : une mention particulière pour la première et la quatrième de couverture (qui ne font qu’une si on ouvre le livre à plat)

"Les jours de ton absence" (The Man Who Didn’t Call) de Rosie Walsh


Les jours de ton absence (The Man Who Didn’t Call)
Auteur : Rosie Walsh
Traduit de l’anglais (Grande Bretagne) par Caroline Bouet
Éditions : Les Escales (3 Mai 2018)
ISBN : 978-2365693530
400 pages

Quatrième de couverture
Lorsque Sarah rencontre Eddie, son monde bascule. Ils sont faits l'un pour l'autre, elle en est certaine. Les jours qu'ils passent ensemble ressemblent à un rêve et, à 40 ans, Sarah a le sentiment que sa vie débute enfin. Quand Eddie, tout aussi amoureux, part à contrecœur pour un voyage prévu de longue date, tous deux se quittent en sachant qu'ils se reverront très vite. Pourtant, quelques jours plus tard, Eddie n'a toujours pas donné de signe de vie...

Mon avis

L’absence peut-elle être présence ?

C’est le titre (beaucoup plus poétique qu’en langue originale) et le visuel de la première page (bien plus beau que celui de l’édition de base) qui m’ont attirée en premier lieu dans ce roman. Comme quoi, il en faut peu pour décider d’une lecture….

« Les jours de ton absence » est un roman « aérien », léger et profond à la fois, ramifié comme les plantes de la couverture, porteur d’histoires de vies et empli de délicatesse et de tendresse. Il dégage un parfum d’amour, celui des membres d’une famille, celui des vrais amis et celui de la rencontre avec l’être aimé. Si la fin semblera « convenue » pour certains, elle n’en demeure pas moins intéressante car liée à la résilience, au renoncement, et symbole de beaucoup de messages cachés.

Sarah, récemment séparée de son conjoint,  est « tombée en amour ». A  quarante ans, elle a rencontré par le plus grand des hasards Eddie et il y a eu immédiatement quelque chose entre eux. Elle était là pour passer quelques jours en famille  au Royaume-Uni et elle a fini chez lui … comme une évidence …. Pourtant, raisonnables comme la plupart des quadras, ces deux là se sont dits qu’une semaine, c’est bien court pour être sûrs et certains d’avoir rencontré celui ou celle dont vous ne voulez plus jamais lâcher la main… Mais c’est ainsi, ils le sentaient, le voulaient fort tous les deux donc …. Alors lorsqu’ Eddie a expliqué qu’il avait un voyage prévu de longue date qui se profilait à l’horizon, ils ont pensé que ce ne serait qu’une petite séparation et avec Facebook, les emails, les textos, ils allaient rester en contact….  Après les journées idylliques passées à se découvrir, s’apprécier, s’aimer corps à corps, s’écouter, échanger, se découvrir à chaque instant plus de points communs, Eddie est parti et Sarah est restée….  Malgré la séparation inéluctable (elle habite en Californie et il faudra retourner au boulot,  il demeure  en Angleterre),  ils pensent se donner les moyens d’essayer de vivre une belle histoire ensemble…

De ce fait, lorsque Eddie s’en va pour son petit périple de quelques jours, Sarah est confiante. Un premier sms au moment de prendre l’avion la rassure puis c’est le silence… Plus de nouvelles, une boîte vocale dès qu’elle appelle, une page facebook inactive…. Qu’est-il arrivé à son amoureux ? Comment comprendre l’inexplicable ?  Y-a-t-il une bonne raison au comportement d’Eddie, a-t-il eu un accident ?

Je me suis beaucoup questionnée sur ce qui avait pu pousser cet homme à disparaître. Je n’avais bien entendu pas une seconde imaginé ce qui avait pu provoquer sa réaction. Autant à la vingtaine, ce genre de situation peut se produire, autant là, avec des personnes plus matures, cela me semblait incompréhensible. Et pourtant, les faits étaient là… La souffrance de Sarah aussi… Bien sûr, ses amis la raisonnent, chacun à sa manière, il arrive même qu’on lui conseille de l’oublier… Tout ceci, c’est sans compter sur le caractère opiniâtre de la jeune femme. Elle veut savoir. Elle est forte et fragile à la fois, elle cache des blessures profondes, elle est secrète se confie peu…. Et lui ? Est-il aussi serein qu’il le paraît ? Pourquoi sa mère est-elle si envahissante ? Que cache-t-il ? Où se trouve l’explication ? Dans le passé douloureux des uns et des autres ?

Ce livre est une réussite. J’ai aimé les protagonistes, qu’ils soient au premier plan, dans l’ombre ou dans le souvenir des uns et des autres. La construction en trois parties (dont la dernière où le « je » change), entrecoupée de quelques lettres, m’a paru adaptée au contenu, en phase avec les événements. L’écriture de Rosie Walsh (merci à la traductrice) est lumineuse, douce, délicate, posée.  Elle nous entraîne au cœur de plusieurs familles et son récit est loin d’être aussi simple qu’il le paraît. Avec un phrasé de qualité, des mots choisis, elle développe ce que vivent ses personnages. Elle les fait si bien vivre que nous avons envie de les accompagner, de les aider…et surtout de ne pas les quitter….




"Anonyme" de Luc Fivet

Anonyme
Auteur: Luc Fivet
Editions: Le ver à soie (3 Avril 2018)
ISBN:979-1092364309
157 pages

Quatrième de couverture


Un soir, vous rentrez du travail. Un inconnu attend à la porte de votre domicile. Un brave type comme il en existe des millions. Un anonyme. Sauf que celui-là demande un euro pour vous laisser rentrer chez vous. Un petit euro. Surtout, n’acceptez pas. Car cet inconnu va ruiner votre vie. Un conte philosophique en forme de roman noir : comment peut-on cohabiter dans un monde où chacun joue sa survie ?


Mon avis

C'est la crise....

« Dans la vraie vie, les sales coups vous tombent dessus sans crier gare, et on passe son temps à se demander pourquoi c’est arrivé. Et en général, on ne trouve jamais la réponse. »

C’est la crise, tous les moyens sont bons pour gagner un peu d’argent.
Si je vous tiens un parapluie pour que vous sortiez de votre voiture sans vous mouiller alors qu’il « tombe des cordes » et que je ne vous demande qu’un petit euro en échange, que déciderez-vous ? Pas de souci n’est ce pas ? Ce n’est rien un euro ou si peu…
Sauf que … si je me mets à envahir votre quotidien sous prétexte de prendre soin de vous, de vous épargner quelques tâches désagréables, que ferez-vous ? Mais si, à ce moment là, je souligne que, ces malheureux petits euros que vous m’offrez, sont mon seul moyen de survivre…. Changerez-vous d’avis ?

C’est dans cet engrenage que s’est retrouvé notre malheureux comptable. Il avait pourtant peu de soucis, une maison dont il a hérité, un travail qui lui convient, une amie régulière et plus si affinités, un collègue sympathique, un chef de service qui ne lui fait même pas peur….Une vie simple, bien rangée, tranquille ….
Jusqu’au grain de sable …. le visiteur ….
A partir de là, tout se dérègle, tout le quotidien parfaitement agencée se détériore; se fissure, se fendille…..Au début, on se dit comme lui, qu’il suffit d’attendre, que l’intrus va se lasser, s’en aller… que ça ne tient pas debout et que ça ne va pas durer… et puis de guerre lasse, on le voit lâcher un petit bout de plus ….

L’écriture de Luc Fivet est vive, alerte, agréable et de qualité. On se prend à la lecture et même si quelques doutes nous effleurent, on se demande comment cela va se terminer, on rit beaucoup des comiques de situation, très visuels, on s’esclaffe puis le rire devient « jaune » et on prend en pleine figure quelques questions existentielles qu’on aurait pu oublier … Qu’est ce qui est important dans la vie, quels sont les choix à faire et quand ? Jusqu’où aider l’autre et lui donner une place dans notre vécu?

Sur un ton badin, avec de l’humour (mais qui sait être grave, et m’est venue à l’esprit la phrase du poète: « L’humour est la politesse du désespoir. »), Luc Fivet nous parle et nous entraîne à sa suite dans un conte où la réalité n’est pas si loin qu’elle en a l’air….

Une lecture, hors des sentiers battus, très plaisante….

Vous m’avez lue ? Euh….. Ce sera trois euros….. désolée tout augmente …..;-)

"Sombres résurgences" de JB. Leblanc


Sombres résurgences
Auteur : Jean-Bernard  Leblanc
Éditions : Fleur Sauvage (3 Mai 2018)
ISBN : 978-2378370213
396 pages

Quatrième de couverture

Paul Grassi, fonctionnaire de police à l'unité de protection sociale, n'en peut plus de sa profession. Un jour, il craque et quitte le domicile conjugal sans prévenir sa famille. Il s'éloigne de sa vie pour atterrir dans un village du nord de la France, achète une maison en ruine pour y vivre en ermite et se couper de toute relation humaine. L'arrivée de Paul Grassi va provoquer de nombreux remous.

Mon avis

Paul Grassi n’en peut plus. A force de côtoyer du sombre, de la violence et de la détresse dans son métier de fonctionnaire de police, il s’est laissé envahir par la noirceur. Tout lui pèse : son activité professionnelle, sa famille (son épouse se sent très seule et il ne sait pas comment interagir avec ses fils). Sur un coup de tête, il laisse tout derrière lui et part à l’autre bout de la France. Là, sans vraiment réfléchir,  il achète une maison inhabitée depuis trente ans dans un village pour y vivre en ermite .

Cette demeure est un mystère a elle toute seule. Tout est resté en état après le départ de son occupante :  la poussière, les odeurs sont là et il est difficile pour Paul de s’approprier ce lieu. D’autant plus que certains villageois ne voient pas son arrivée d’un bon œil. Pourquoi le propriétaire a-t-il vendu alors qu’il refusait de le faire depuis des années ? Pourquoi à Paul ? Cet achat déclenche un flot de visions, d’émotions chez le policier au lieu de lui permettre de se poser. Il se rappelle de vieilles affaire, des plus récentes, des situations délicates auxquelles il a été confronté.  Et il se retrouve, lui qui voulait se couper de tout, et surtout de son métier, à mener l’enquête sur la disparition de celle qui habitait ce lieu. Il va se heurter à l’omerta des habitants. Il est parasité par tout un tas de pensées qui ne l’aident pas à s’organiser et qui sont à la fois sa force et sa faiblesse. Il puise de l’énergie au fond de lui-même et il s’use. On dirait que lorsqu’il voit un peu plus clair, lui devient plus obscur, plus ténébreux car il a trop donné.
« Le voyage au bout de soi-même ne représente pas toujours une bonne chose. »
Paul est un personnage complexe, qui se nourrit des horreurs qu’il rencontre au travail. Il s’appuie sur ça pour être fort, pour faire face mais là, il a craqué. Va-t-il reprendre le dessus ou plonger encore plus bas ? Ses enfants, sa femme vont-ils le retrouver un jour et dans quel état ?  Nous assistons au cheminement douloureux de cet homme, nous l’observons en train de se battre contre ses propres démons….

 Ce roman est une réussite car, au-delà de l’intrigue, c’est l’aspect psychologique de Paul et de quelques autres qui est décortiqué avec  brio. On découvre les combats intérieurs de plusieurs protagonistes, leurs tourments secrets, leurs raisons d’être.  Se construire lorsque le passé est lourd est exigeant, perturbant et demande beaucoup de résistance à tout ce qui peut dévier du bon chemin  ….

JB Leblanc réussit un excellent récit qui maintient le lecteur sous pression. Les individus ont tous une part d’ombre, ils flirtent dangereusement avec la ligne jaune, ont parfois des attitudes ambigües, comme si un rien pouvait les déstabiliser. Les chapitres sont courts, permettant de suivre plusieurs personnes à la fois, sous des angles différents. On a peur que certains s’enfoncent et sombrent, on voudrait leur tendre la main mais on sent bien qu’ils pourraient nous entraîner avec eux alors ….. L’écriture est précise, acérée, le rythme vif. C’est un roman noir qui laisse une trace durable dans l’esprit de celui qui le découvre….

La couverture est en phase avec le texte et elle est très « parlante » permettant déjà au regard de plonger dans l’histoire ….

"Le jardin de l'oubli" de Clarisse Sabard


Le jardin de l’oubli
Auteur: Clarisse Sabard
Éditions : Charleston (13 Février 2018)
ISBN : 978-2368121870
450 pages

Quatrième de couverture

1910. La jeune Agathe, repasseuse, fait la connaissance de la Belle Otero, célèbre danseuse, dans la villa dans laquelle elle est employée. Une rencontre qui va bouleverser sa vie.  Un siècle plus tard, Faustine, journaliste qui se remet tout juste d'une dépression, se rend dans l'arrière-pays niçois afin d'écrire un article sur la Belle Époque. Sa grand-tante va lui révéler l'histoire d'Agathe, leur aïeule hors du commun.

Mon avis

Destins de femmes ….

Ce roman met en scène des femmes de caractère, courageuses, volontaires et prêtes pour la plupart à prendre leur vie en main quel que soit le prix à payer. Suite à ce constat, certains diront que ce livre est réservé à un lectorat féminin. Pas du tout ! Il peut intéresser bien des hommes car, messieurs, soyez rassurés, tous les personnages masculins de cette histoire méritent d’être connus et quelques uns sont très bien !

Faustine, jeune femme de notre époque, est « au fond du trou », en pleine déprime et elle part sur la côte d’Azur auprès de sa grande tante qu’elle ne voit pas souvent dans le but de changer d’air. Elle s’appuie sur ce voyage pour proposer à son boss un reportage car elle est journaliste. Elle ne sait pas trop de quoi elle va parler mais elle a bien l’intention de trouver.

A la suite d’une discussion, elle va apprendre qu’elle est dotée d’une aïeule hors du commun et en faisant connaissance avec son histoire, elle entendra parler de la Belle Otero qui lui donnera le fil conducteur de son article.

Le lecteur va être plongé dans le passé, en alternance avec le présent, au gré des avancées de Faustine. Agathe, la belle Otero, la tante, Faustine, … des femmes rien que des femmes et quelles femmes !  L’air de rien, elles ont des points communs. Le principal étant d’avoir refusé qu’on leur dicte ce qu’elles avaient à faire. Je les ai admirées, car suivant les époques, il était plus ou moins difficile d’agir ainsi.  Ne pas se soucier du regard des autres, du qu’en dira-t-on, n’est ni évident, ni simple. Il faut être prêt à accepter, à subir, à porter,  les remarques, les réflexions….

J’ai énormément apprécié cette lecture. Je pensais au départ, que j’allais plus m’attacher à Faustine, mais il n’en a rien été. Agathe m’a fascinée, sans doute, parce qu’elle a une force de caractère impressionnante, ne se laissant jamais abattre, avançant contre vents et marées vers les buts qu’elle se fixe. Je n’avais jamais entendu parler de Caroline Otero, emblème de la Belle Epoque, et je remercie l’auteur de l’avoir intégrée de façon intelligente dans son récit.

Les personnages de chaque période sont bien évoqués, le contexte également.  L’écriture est agréable, fluide, rythmée et on ne ressent aucune lassitude. C’est une lecture que je recommande pour passer un bon moment !

"L'autisme expliqué aux non-autistes" de Brigitte Harrisson et Lise St-Charles


L’autisme expliqué aux non-autistes
Auteurs : Brigitte Harrisson et Lise St-Charles
Avec la collaboration de Kim  Thúy
Éditions : Marabout (Février 2018)
ISBN : 978-2501126977
192 pages

Quatrième de couverture

Comment fonctionne le cerveau d'une personne autiste ? Pourquoi cette dernière a-t-elle besoin de rituels ? Les autistes ont-ils un sens de l'humour différent ? Autant de questions concrètes et vécues, parmi une cinquantaine d'autres, auxquelles Brigitte Harrisson et Lise St-Charles répondent ici, pour nous aider à mieux comprendre les personnes autistes et à mieux répondre à leurs besoins au quotidien. Elles nous dévoilent des pistes inédites issues des neurosciences, de leurs recherches cliniques mais aussi de l'expérience de Brigitte Harrisson, autiste, et de l'écrivaine Kim Thúy, mère d'un fils autiste.

Mon avis

« Il n’y a rien qui doive être craint dans la vie, il y a seulement quelque chose à comprendre. » Marie Curie

Ce livre offre une vision nouvelle de l’autisme car avec les témoignages réguliers, tout au long des chapitres, de Brigitte Harrisson, intitulés « Brigitte décrit » ou « Brigitte se souvient », nous avons « un point de vue de l’intérieur », complété par celui d’un parent (Kim)  et d’un professionnel (Lise). Trois angles d’approche de toutes les difficultés de communication, de gestion des émotions, d’organisation  (notamment le traitement des informations) qui sont présentées et qui influencent le quotidien des personnes souffrant d’autisme. L’approche des troubles du spectre autistique (TSA) par les neurosciences est également abordé dans ce recueil ainsi que le langage SACCADE conceptuel  (LSC), créé par une personne autiste, qui est utilisé avec succès au Canada pour communiquer de manière plus fonctionnelle et permettre l’organisation de la pensée.


Dans cet ouvrage, les auteurs nous rappellent que les personnes autistes doivent « penser » chaque action, chaque geste, car rien n’est vraiment automatique pour elles. (Lorsque vous changez de vitesse en conduisant, vous le faites sans réfléchir et sans décomposer vos gestes, une personne souffrant de TSA devrait planifier chaque mouvement, le programmer, puis agir en pensant à ce qu’elle fait). Beaucoup de spécialistes se sont penchés sur ce handicap et Temple Grandin, une américaine,  a dit que les autistes étaient des « penseurs visuels ». Mais un seul courant de pensées ne peut pas définir l’autisme. Il faut l’aborder sous différents aspects (génétiques, neurologiques, comportementaux…) pour mieux le connaître et trouver pour chaque individu ce qui sera susceptible de l’aider à avancer.
« Quand on est autiste, tout entre par les yeux, que ce soit le toucher, l’image ou le son. »
Pour avoir conscience de son corps et de son environnement, une personne autiste peut avoir besoin de vêtements enveloppants (avec une capuche par exemple) et de toucher les meubles comme le ferait un aveugle. Trois caractéristiques rappellent ces troubles : difficulté d’initiative du cerveau, difficulté d’abstraction, difficulté de rappeler l’information en temps réel . Une personne autiste perçoit le froid mais ne sait pas quoi faire de cette information.  Avant de parler d’autonomie, il faut l’aider à acquérir une autogestion.

En conclusion, il faut accepter l’idée que, comme les personnes sourdes avec la langue des signes et la culture sourde (et la communauté des Sourds (avec une majuscule à Sourds)), les personnes souffrant de TSA ont un autre langage (et  c’est aux non-autistes de s’adapter),  une autre structure cognitive ….. Aller à leur rencontre ne peut qu’être source d’enrichissement pour eux comme pour nous…

J’ai énormément apprécié cette lecture qui m’a permis de découvrir  Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, leur centre d’expertise, leurs formations. La construction du livre avec des chapitres courts illustrés d’exemples, permet de le rendre accessible et intéressant pour tous.