"Fiby, mon étoile, l’amour au-delà du temps" de Céline Lafitte

 

Fiby, mon étoile, l’amour au-delà du temps
Auteur : Céline Lafitte
Éditions : Chérubins Éditions (16 Mai 2025)
ISBN : 978-2487628137
254 pages

Quatrième de couverture

Fiby n’était pas juste une chienne, elle était une âme sœur à quatre pattes, un éclat de bonheur dans chaque instant du quotidien.

Mon avis

Tous les bénéfices de la vente de ce livre sont reversés pour le financement des travaux du docteur Hédan (CNRS de Rennes), travaux sur les biomarqueurs génétiques du cancer chez le chien afin d'améliorer les diagnostiques et les traitements.  Mais aussi l'association "Dans les yeux d'Hulk", partenaire de l'école VetAgroSup à Lyon qui forme les oncologues.

Céline Lafitte a vécu une relation exceptionnelle avec sa chienne Fiby et elle a tenu à lui rendre hommage en écrivant ce témoignage.

En la lisant, on la comprend, Fiby était au-delà de l’animal de compagnie. Une vraie présence, qui soutient, qui aide. Elle percevait les douleurs, la tristesse de ceux qui l’aimaient et qu’elle aimait. C’est l’histoire de cet amour, de ces échanges, de cette vie que nous transmet l’auteur.

Leur première rencontre date de 2010 et c’est fin 2024 qu’elles se sont dit aurevoir. Écrire a permis à toute la famille de garder une trace durable de tout ce qui a été vécu avec Fiby. Les merveilleux moments, les espiègleries, les tracas lorsque la maladie est arrivée. Parfois, sa maîtresse s’interroge : est-ce qu’elle a fait tout ce qu’il fallait pour l’aider, pour la soigner, pour l’accompagner ? La culpabilité ne doit pas la ronger, elle a fait le maximum et certainement plus qu’une personne lambda.

Ce récit est illustré de nombreuses photos pour qu’on découvre ce petit teckel tant apprécié.

L’écriture est fluide, agréable. On ressent bien la connexion qui existait entre ce petit chien et ceux qu’on peut nommer « sa famille ». Les anecdotes, les scènes du quotidien sont décrites de façon très vivante, très visuelle. On imagine les regards, les caresses, la complicité établie avec cette « boule » de poils.

C’est une lecture plaisante et je pense que cet être unique méritait bien un livre !


"Erreur critique" d'Aloysius Wilde

 

Erreur critique
Elle croyait avoir une seconde chance
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Chaka éditions (30 Juin 2025)
ISBN : B0F54PYG3R
342 pages

Quatrième de couverture

Tess survit.
Chaque nuit, elle s’endort dans une voiture gelée, son fils de six ans blotti contre elle.
Pourtant elle a connu les sommets : prodige de l’informatique, surdouée promise à un avenir fulgurant. Mais un passage par la case prison a tout brisé. Lighthouse for Women, une association qui vient en aide aux femmes en détresse, lui tend la main. Puis vient l’inattendu : un entretien chez Sentinel Cyber Solutions. Contre toute attente, elle est embauchée. Mais la lumière ne dure pas. Un matin, le SWAT défonce sa porte. Tess est arrêtée.

Mon avis

Bien ficelé, bien construit, bien écrit, j’ai énormément apprécié cette lecture !

Tess est veuve, elle n’a plus de travail et suite à une peine de prison, elle vivote. Un petit boulot de serveuse ne suffit pas pour avoir un logement décent. Elle vit dans sa voiture avec son fils. Il va à l’école, et elle fait tout pour que leur vie quotidienne ressemble à quelque chose malgré les conditions difficiles. Ils sont courageux tous les deux. Face à l’avenir, elle espère toujours s’en sortir même si les petites annonces dans son domaine (elle est experte en informatique) ne donnent rien.

Un jour, une lueur, petite mais réelle. Elle est abordée par la responsable de l’association Lighthouse for Women, dont le but est de venir en aide aux femmes comme elle. Un appartement pour quelque temps, un petit coup de pouce pour reprendre pied. Elle peut enfin souffler. Elle trouve même un boulot à sa mesure et des papillons dans le ventre avec le voisin ….

Quand c’est trop beau, ça cache souvent un vice mais elle ne se méfie pas, toute à sa joie de respirer librement enfin et de se savoir, avec son fiston, à l’abri.

Et puis, tout s’écroule d’un coup. Impossible pour elle de se défendre car tout tend à prouver qu’elle a triché et mené une escroquerie d’une gigantesque ampleur. Que faire ? Sur qui s’appuyer ? Elle n’a personne de rassurant dans son entourage. Et une débutante comme avocat commis d’office…. Va-t-elle sombrer ou essayer de se battre ?

C’est avec une écriture tonique, vive, agréable qu’Aloysius Wilde nous emmène dans cette nouvelle histoire. Tess est d’emblée attachante et on a le souhait que tout aille mieux pour elle. Les rebondissements bien placés et bien pensés apportent un excellent rythme. Une fois encore, l’auteur est très documenté sur ce qu’il évoque et comme il n’en rajoute pas, ça reste plaisant à lire.

Certaines personnes ont un esprit pervers. Parfaitement manipulatrices, elles arrivent à leurs fins comme certains personnages de ce récit. Cela m’a mis en colère !

Beaucoup d’émotions se sont bousculées en lisant ce roman. On découvre l’envers du décor pour certains faits et c’est glaçant. Le propos est intéressant, car pas si loin que ça de vilaines réalités.

Un nouveau titre particulièrement réussi !


"Le lagon" de Catherine Cooper (The island)

Le lagon (The Island)
Auteur : Catherine Cooper
Traduit de l’anglais par Penny Lewis
Éditions : L’Archipel (26 Juin 2025)
ISBN : 978-2809851922
320 pages

Quatrième de couverture

Quelques journalistes et influenceurs triés sur le volet sont invités aux Maldives dans l'hôtel de luxe que dirigent Henry et Ophelia. Au programme des réjouissances : plongée sous-marine, sorties en quad, dîners gastronomiques, baignade avec les tortues...Mais un premier corps est retrouvé…

Mon avis

Malia n’en revient pas, elle a été choisie pour un séjour dans un hôtel de luxe aux Maldives. Elle, la petite influenceuse au nombre restreint de followers (elle ne peut pas encore vivre de ses publications). Elle a d’ailleurs un métier de bibliothécaire pour compléter. Mais elle se décide, elle profitera de l’aubaine et tant pis si les autres invités (ils seront cinq au total) sont habitués au grand standing. Elle fera tout pour s’intégrer et profiter au maximum des quelques jours offerts dans ce magnifique complexe hôtelier où tout, absolument tout, a été pensé pour le plaisir des résidents.

La preuve ? Chaque « profil » a été étudié pour avoir un petit déjeuner parfait, des accessoires (combinaison de plongée etc) sur mesure, etc. Le personnel est aux petits soins et devance même les désirs ! Comme les autres, elle fera des photos, voire des vidéos, et les publiera pour promouvoir ce lieu paradisiaque, dirigé par Henry et Ophelia, des jumeaux.

Paradisiaque ? Vraiment ? C’est ce qu’on imagine, ce qu’on cerne avec le témoignage de la jeune femme. Mais un premier mini incident plombe un peu l’ambiance. Chacun essaie de passer outre et de continuer dans la bonne humeur les nombreuses activités proposées. Mais voilà qu’il n’y a plus internet. Les créateurs de contenus sont au chômage… et l’ambiance s’en ressent. Ils tournent en rond, s’ennuient….

Tout à coup, un corps est retrouvé et la tempête gronde. Crime ou accident ? Impossible de faire intervenir les secours. Plus personne ne sait comment gérer la situation, comment agir pour que la sérénité revienne.

Ce thriller psychologique est habilement construit. Les points de vue de plusieurs protagonistes sont exprimés en disant « je », ce qui rend le texte très vivant. Des chapitres avec des incursions dans le passé (en 1990) apportent des éléments qui finissent par s’emboîter petit à petit. C’est vraiment très bien pensé. Je trouve que l’auteur se bonifie au fil des romans, son intrigue est plus travaillée, son écriture (merci à la traductrice) plus affirmée.

L’hôtel Ketenangan est particulièrement décrit, on s’y croirait ! Il y a quelques anecdotes croustillantes, notamment sur la cuisine et les mets, qui se démarquent et étoffent le texte. La double chronologie est très intéressante. Elle permet de voir comment ont évolué certains individus, leur jeunesse, leurs motivations, l’influence de leur famille respective. On peut essayer de comprendre les liens entre les deux époques mais ce n’est pas évident. L’auteur a fait très fort !

J’ai apprécié les chapitres courts passant de l’un à l’autre, ils maintiennent un bon rythme et offrent de riches rebondissements. On ne s’ennuie pas une seconde ! J’ai découvert le monde des « instagrameurs » et compagnie (même si j’avais ma petite idée) : choisir la meilleure photo, la mettre en scène, réfléchir au commentaire pour essayer de toucher le public… Est-ce qu’ils arrivent, malgré tout, à profiter de l’instant présent ou les réseaux sociaux leur « mangent » tout leur temps ?

Le style est fluide, on va à l’essentiel, il y a parfois une pointe de dérision ou d’humour. Certains personnages sont détestables, je les aurais volontiers giflés ! C’est signe que j’étais à fond dans ma lecture, comme s’ils existaient vraiment !

À recommander à tous ceux qui aiment être surpris et lire sans se perdre ni se prendre la tête !

 

"Aux amitiés fabuleuses" de Léa Volène

 

Aux amitiés fabuleuses
Auteur : Léa Volène
Éditions : Archipoche (12 Juin 2025)
ISBN : 979-1039205665
398 pages

Quatrième de couverture

Valentine et Élisa sont liées depuis leur naissance. Elles ont tout partagé et se sont construites ensemble jusqu'au point de rupture. Alors quand Élisa décide de débarquer dans la vie de Valentine des années plus tard, cette dernière n'a pas l'intention de lui faire de la place. Valentine réussira-t-elle à affronter les erreurs du passé et à pardonner ?

Mon avis

Valentine et Élisa sont des jumelles de cœur. Elles sont nées à la même date, le 15 mai 1984. C’est comme si leurs destins étaient liés. Elles sont devenues les meilleures amies du monde, pour la vie, comme on dit.

Pour la vie ? Pas vraiment… Qu’est-ce qui peut pousser deux personnes complices comme elles à ne plus se parler, à s’ignorer ? Bien sûr, le quotidien se charge de distendre les liens, l’éloignement géographique aussi. Mais est-ce que ce sont les seules raisons ? L’histoire n’est-elle pas plus complexe, plus surprenante ?

Valentine est maintenant pharmacienne, à Lyon. Élisa est en couple et à une petite fille, elle habite Paris. En mai 2018, elle laisse, avec leur accord, conjoint et enfant, prend le TGV et arrive à Lyon. Elle débarque dans l’officine et n’est pas accueillie avec chaleur, c’est le moins qu’on puisse dire. Que croyait-elle ? Que les années passées allaient s’effacer comme ça d’un coup de baguette magique ? Que leurs échanges, leur connivence seraient intactes ? Seize ans de silence, une broutille ou un gouffre selon les ressentis. Mais certainement pas rien.

Tirer un trait définitif ou s’obstiner ? Élisa n’est pas venue dans l’idée de faire de la figuration, elle sait pourquoi elle est là, pourquoi elle veut renouer ce fil qui s’est cassé. Elle veut retrouver son âme sœur.

Léa Volène, avec beaucoup de discernement, décrit les émotions de chacune des jeunes femmes. L’envie de fuir, les tiraillements, les petits clins d’œil au passé (qui laissent le lecteur espérer à de vraies retrouvailles), les silences, la colère, les non-dits… Parce qu’il faut bien le dire, le lien détruit n’est pas aisé à réparer. Il faut de la patience, de l’écoute, de la stratégie parfois, de la volonté, de la compréhension, tout ce qui est nécessaire pour que les sentiments restent et perdurent dans le temps.

Par d’habiles retours en arrière, sur plusieurs époques, des pans du passé nous sont dévoilés. Et on cerne mieux les personnalités, les milieux de vie de ces deux copines. Le niveau social différent, l’éducation plus ou moins rigide, les cadres de vie, tout ce qui ressort, quelques fois, alors qu’on essaie de faire comme si. L’auteur analyse les faits qui ont creusé le fossé, ceux qui, au présent, risquent de poser problème car chacune a grandi et s’est accomplie sans le regard de l’autre. On les découvre, enfants, on voit leur évolution, on lit même des extraits de journal intime.

L’écriture est fluide, plaisante, le style agréable. Les événements sont suffisamment décortiqués pour qu’on sente pourquoi et comment elles en sont arrivées à ne plus dialoguer. On suit leur quotidien, leurs pensées, tout ce qu’elles voudraient ou pas.

Je me suis attachée à ces femmes, qui veulent se protéger du passé mais qui sont tentées de continuer à écrire leur amitié. J’ai aimé le rythme de ce roman, ce qu’on apprend de l’une et de l’autre au fil des pages pour mieux les connaître. Elles sont belles et courageuses, j’avais envie de leur dire que demain tout irait bien ….

"Toutes ses fautes" d'Andrea Mara (All Her Fault)

 

Toutes ses fautes (All Her Fault)
Auteur : Andrea Mara
Traduit de l’irlandais par Anna Durand
Éditions : Mera (14 Février 2024)
ISBN : 978-2487149014
403 pages

Quatrième de couverture

Marissa Irvine arrive au 14 Tudor Grove, attendant de récupérer son jeune fils Milo, qui joue pour la première fois avec un garçon de sa nouvelle école. Mais la femme qui répond à la porte n'est pas une mère qu'elle reconnaît. Ce n'est pas la nounou. Elle n'a pas Milo. C'est ainsi que commence le pire cauchemar de tous les parents.

Mon avis

Marissa Irvine est une avocate brillante, mariée à Peter. Ils sont parents de Milo. Ce soir, elle va le récupérer chez un copain où il a été invité pour un après-midi jeux. Lorsqu’elle arrive à l’adresse que lui a transmise la maman du dit camarade, elle ne trouve pas son fils et la personne qui lui ouvre est une totale inconnue.

Milo a disparu ! C’est le pire cauchemar de sa vie. Où est son fils, que s’est-il passé ? Tout est envisageable, une mauvaise compréhension avec la nounou, une erreur de localisation… Mais quelques recherches plus tard, il faut se rendre à l’évidence. Personne ne sait, personne ne comprend, aucun indice ….

Commence alors une course contre la montre pour retrouver le petit garçon. L’auteur nous entraîne dans son récit, sans temps mort, avec une écriture fluide et prenante malgré quelques répétitions, peut-être dues à la traduction.

Quelques retours en arrière, notamment sur l’amitié de Marissa et Jenny (la mère chez qui Milo était soi-disant invité) posent des jalons qui éclairent l’intrigue tout en maintenant habilement le suspense. C’est très bien fait. On alterne les points de vue des deux femmes (mais pas seulement), toutes les deux rongées par la culpabilité.

Après cette première partie qui permet de cerner les différents personnages, le texte devient encore plus accrocheur. Il y a une réelle réflexion sur les vies de chacun, les riches à qui tout sourit, ceux qui se battent, ceux qui choisissent l’ombre, ceux qui manipulent ou qui sont manipulés. Le côté social est plutôt bien exploité.

Il y a également tous ces non-dits qui pourrissent la vie, ces choix qu’on fait en pensant préserver quelqu’un ou quelque chose mais sans vraiment réfléchir aux dégâts qui peuvent en résulter.

L’histoire avance à un bon rythme avec son lot d’incertitudes, de rebondissements et des protagonistes au passé intéressant.

J’ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture et je lirai volontiers d’autres titres d’Andrea Mara !

"Le chat du Rocher - Tome 6 : Diamant mortel et marmelade de Sandra Nelson et Alice Quinn

 

Diamant mortel et marmelade
Auteurs : Sandra Nelson & Alice Quinn
Éditions : Bookelis (25 Juin 2025)
ISBN : 979-1042409784
264 pages

Quatrième de couverture

Lorsqu'Aline annonce ses fiançailles avec un richissime diamantaire, Calypso s’attend à une garden party chic, du champagne millésimé et des conversations huilées. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est la disparition d’un diamant légendaire, offert par le fiancé devant témoins éblouis et estimé à plusieurs millions d’euros. Très vite, l’ambiance glamour vire au cauchemar quand un cadavre est retrouvé dans la maison et qu’Arlette, amie de Calypso, militante anti-pierres précieuses, est arrêtée avant la pièce montée. Pour prouver son innocence, la brocanteuse devra mener une enquête jusqu’à Anvers, dans l’univers opaque des diamantaires, accompagnée de son chat, l’irascible Poker.

Mon avis

Il y a des personnages que l’on a plaisir à retrouver, comme s’ils étaient des familiers, faisant partie de notre environnement. Pourtant, je n’habite pas sur le Rocher, mais je m’y promène par l’intermédiaire des aventures de Calypso, une quinquagénaire attachante. Elle me plaît cette nana. Elle « ose » même si pour l’amour, elle est parfois timide.

« Répudiée » par son compagnon qui a choisi une plus jeune actrice pour la remplacer dans les télénovelas qu’il tourne, elle a quitté le Brésil où vit encore sa fille. Elle est venue s’installer chez sa tante qui tient une brocante. Elle l’aide et furète un peu partout. Comme elle n’a ni sa langue, ni ses yeux, dans sa poche, elle observe avec acuité et s’est retrouvée plusieurs fois à aider Vadim, le commissaire du coin. Des meurtres ont déjà été commis et elle réussi à accéder à des indices et informations qui ont permis de résoudre les affaires. Il faut dire que Zézé Pinta lui donne un coup de main.

Zézé Pinta, c’est cette petite voix qui guide, suggère, titille. C’est le rôle de détective qu’elle avait et les interventions de Zézé lui donne des pistes à explorer, une forme de raisonnement. Elle l’écoute, interfère avec elle, c’est plein d’humour.

Cette fois-ci, c’est un riche mariage qui se prépare mais chacun y va de son commentaire. L’un des deux conjoints ne finaliserait-il pas cette union par intérêt ? Les deux futurs mariés sont-ils vraiment amoureux ? Leurs familles ne semblaient pas en très bon terme alors comment expliquer ce rapprochement ? Le jour de la fête, c’est avec un énorme diamant que Madame s’affiche. N’est-ce pas un peu trop ? C’est le genre de choses qui suscitent les convoitises et attisent les jalousies, non ?

Calypso est de la partie. Elle est là pour noter ce qui pourrait paraître suspect tant dans les actes que le comportement des invités. Plusieurs petits faits l’interpellent et lorsqu’une personne est retrouvée morte, elle se glisse sur la scène du crime. Elle sait bien que ça va déplaire à Vadim mais elle y va quand même.

Elle voudrait bien rester en retrait mais vous savez ce que c’est « chassez le naturel et il revient au galop ». Elle ne peut pas s’empêcher de fourrer son (joli) nez partout. Et puis, cerise sur le gâteau, le commissaire finit par lui demander sa collaboration sans que ce soit totalement officiel. Elle a bien le sentiment qu’il se sert d’elle mais en même temps l’envie est grande d’enquêter.

Voilà notre brocanteuse et son merveilleux chat Poker qui se lancent dans des investigations de plus en plus poussées, au risque de se mettre en danger. Elle va partout, se déplace même à l’étranger et nous, lecteur, lectrice, on lui colle aux basques parce qu’on sait bien qu’elle va dénicher le petit truc qui permettra de rassembler les morceaux de puzzle !

L’écriture des deux co-autrices est toujours un régal. C’est fluide, plaisant, prenant. Pas de temps mort, pas de différence de style, on ne sait pas à qui appartiennent les phrases tant c’est bien construit, enchaîné.

Certains protagonistes ont un côté trouble qui nous questionnent, pour d’autres, on voit leur évolution au fil des histoires. Mais on peut lire même si on ne sait rien d’eux (il y a une présentation des différents individus dans les premières pages, c’est parfait (pour la version papier, ça pourrait être mis en marque-page.

Encore un tome très réussi ! Bravo mesdames !

"L'enfant de sel" d'Estelle Tharreau

 

L’enfant de sel
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (27 Mars 2025)
ISBN : 978-2372581509
290 pages

Quatrième de couverture

Adrien Destive disparaît après avoir rencontré Apolline, une adolescente tourmentée, fille d'un restaurateur en faillite. Rapidement, le cadavre d'un autre garçon est découvert tandis que des phénomènes inexpliqués obligent la journaliste, Marion Stravi, à renouer avec des techniques d'investigation paranormales qui pourraient être la clé pour sauver Adrien.

Mon avis

Les écrivains qui se renouvellent et réussissent à captiver le lecteur ne sont pas aussi nombreux qu’on l’imagine. Estelle Tharreau a cette qualité rare de toujours trouver un sujet qui questionne. De plus, elle ne se contente pas de le survoler. Elle se documente énormément, va au fond des choses et bâtit ensuite une histoire qui tient la route tant sur le fond que la forme. C’est assez impressionnant.

Jeune adolescente, Apolline vit avec son père (il l’élève seul) à Salins, une petite ville qui porte bien son nom. Il tient un restaurant qui vivote et comme Julien Destive va réhabiliter les thermes, sa guinguette fermera. À lui d’accepter les propositions qui lui sont faites ou, à défaut, de partir. Adrien le fils unique de Destive disparaît, alors qu’il a été vu en compagnie d’Apolline. Vengeance du père de cette dernière ? Ou autre chose ?

Marion, jeune journaliste rêvant d’une affaire qui la sortira de l’ombre, est envoyée sur place pour investiguer. Il faut préciser que personne d’autre n’était disponible. N’est-ce pas l’occasion, pour elle, de voir décoller sa carrière ? D’étranges événements, à la limite du surnaturel, l’interrogent. Elle décide de creuser tout ça sans imaginer jusqu’où ça l’entraînera.

Elle rencontre Cynelle, d’origine haïtienne, tenant une boutique en ville. Elle n’est pas tout à fait dans la norme des habitants du coin. Elle a des croyances particulières qui font partie de sa vie depuis toujours, de son ADN pourrait-on écrire…

L’auteur de son écriture fluide et addictive s’intéresse, avec ce dernier titre, à de nombreux thèmes. La monoparentalité, les croyances, les pratiques occultes, les rites vaudous, les grands complexes qui « tuent » le petit commerce, le rôle des médias etc.

On pourrait supposer qu’elle va se « perdre » en voulant aborder tous ces sujets et que son récit sera brouillon. Pas du tout ! Tout s’articule parfaitement, les « ponts » établis entre tout ce qu’elle évoque sont réfléchis et bien pensés.

Certaines scènes sont difficiles parce que, comme dans la vraie vie, il ne se passe pas que des choses douces et jolies. La présence de situations paranormales met une atmosphère étrange, parfois lourde, bien retranscrite. On a le cœur serré, les yeux grand ouverts, le cerveau en ébullition… Assaillie de doutes, d’hypothèses, je ne savais plus que penser, que croire. J’ai réalisé que le vaudouisme est une « vraie » religion avec des pratiques qui peuvent surprendre mais un véritable culte organisé.

J’ai été totalement surprise par ce roman. Je me disais que le côté ésotérique n’allait pas trop me plaire (j’aime bien garder les pieds sur terre) mais j’avais envie de connaître le devenir des personnages car l’intrigue est bien menée. Je me suis attachée à Marion, pour qui cette « enquête » journalistique est également une incursion dans son passé. C’est vraiment très fort d’avoir fait ce lien !

Et puis, comme souvent avec Estelle Tharreau, j’ai appris des choses et ça c’est pour moi un élément essentiel d’une lecture réussie ! Qu’elle continue ainsi !


"Amour et Basse Normandie, Entre Angleterre et France" de Vinson Fisher

 

Amour et Basse Normandie, Entre Angleterre et France
Auteur : Vinson Fisher
Éditions : Les Sentiers du Livre (28 Avril 2016)
ISBN : 9782754305068
450 pages

Quatrième de couverture

William de Jumièges dans le septième manuscrit de la « Normannorum Gesta » écrit dans ce texte, qui couvre la période de la mort d’Edouard le Confesseur au couronnement de Guillaume dans l’Abbaye de Westminster, les détails de la flotte normande d’invasion, soit 3000 navires.
Guillaume le conquérant voit le jour en 1027 à Falaise, dans le château des Ducs de Normandie.
Dans ce volume, nous suivons cet homme extraordinaire et hors normes, de sa naissance à la préparation de l’invasion normande de l’Angleterre, en découvrant comment ce conquérant d’exception prend à chaque instant de sa vie son fabuleux destin entre ses mains.

Mon avis

Histoire d’un conquérant

Dans ce roman (qui peut également être considéré comme un essai), l’auteur retrace de façon fort habile la vie de Guillaume le Conquérant. Le livre est agrémenté de nombreuses photographies (dont certaines issues de la collection personnelle de Vinson Fisher), cartes, documents divers, plans etc ….
Il « relit » aussi pour nous les différentes tapisseries de Bayeux et cette approche est très intéressante (et donne envie de se pencher plus longuement sur ces tentures que l’on regarde souvent trop vite).

La plupart du temps, il donne la parole au personnage principal qui se présente, raconte son quotidien et les faits essentiels de sa vie, notamment sa rencontre avec sa future femme qu’il n’hésite pas à « secouer » un peu …. et elle le comprend très bien et semble l’accepter … O tempora, o more ! (autres temps autres mœurs…). Un épilogue parfaitement détaillé suivi de chapitres supplémentaires permet de compléter ce qui a été découvert dans le reste de l’ouvrage.

Dans ce recueil, on fait connaissance avec un homme attachant qui sait ce qu’il veut et qui ne lâche jamais rien.
Guillaume, Duc de Normandie et Roi d’Angleterre (son cheminement pour ses deux fonctions est expliqué dans le récit), était un homme qui ne laissait rien au hasard. Amoureux, chasseur, parfois coléreux (ses ires peu nombreuses mais spectaculaires laissaient tout le monde pantois), il menait de main de maître les hommes armés qu’il avait sous sa gouverne. Il avait une certaine forme d’intelligence du cœur, préférant pardonner ou exiler plutôt que de tuer et risquer d’augmenter les guerres. Il a souffert d’un conflit difficile avec son épouse Mathilde lorsqu’elle a soutenu, contre son gré, leur fils Robert. Cette période a été douloureuse pour lui.

L’écriture de l’auteur est agréable, fluide, les paragraphes courts donnent du rythme et le fait que Guillaume parle rend le texte plus vivant. On a l’impression d’assister à une longue conversation avec lui, comme s’il se confiait. Parfois, les romans historiques sont lourds de descriptions ce qui n’est pas le cas de celui-ci. Il est donc « lisible » par un large public et si besoin le glossaire médiéval est là pour nous aider !

Une lecture complète d’un pan d’histoire (et d’un homme) qui vaut le détour.

"Respirer à fond" de Rita Halász (Mély levegő)

 

Respirer à fond (Mély levegő)
Auteur : Rita Halász
Traduit du hongrois par Chantal Philippe
Éditions : Christian Bourgois (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2267054095
208 pages

Quatrième de couverture

Dans un Budapest enneigé, Vera est à bout de course. Elle vient de quitter le domicile conjugal avec ses deux petites filles, après que les accès de violence de son mari Peter ont franchi une ligne rouge. Revenue habiter chez son père, Vera tente de faire le point, alors que sa meilleure amie l'épaule et qu'un ancien camarade de lycée refait surface. Car le plus difficile est encore à venir, et il n'est pas évident de quitter une dépendance sans retomber dans une autre.

Mon avis

Ce n’est pas de moi que j’avais honte mais de la situation.

Comme l’évoque la photo de couverture, Vera est à bout de souffle, elle se noie, elle se perd. Son mari ne se contient plus, il l’étouffe, lui fait peur. Violences physique ou verbale, il ne lui épargne rien. Alors, un jour, elle fuit, avec leurs deux petites filles. Elle part s’installer chez son père, dans un logement où rien ne va. Mal rangé, mal entretenu, une chambre trop petite mais pas le choix. Elle doit trouver un emploi, puis un logement, se reconstruire comme on dit.

Ses parents ont divorcé, sa mère passe de temps à autre, fait des commentaires, trop parfois. Elle l’abreuve de conseils. Le paternel, lui, est près de ses sous et aurait tendance à minimiser les faits. Elle se sent seule et s’ouvre à des rencontres, ce ne sont pas toujours de bonnes idées mais elle en ressent le besoin. Sans doute parce qu’elle se cherche.

C’est avec un long monologue, où elle partage ses pensées et son quotidien, que Vera se confie. Elle exprime ses difficultés, sa volonté d’être seule parfois. Elle parle de la culpabilité qui l’étreint lorsque son ex-mari l’appelle, faisant amende honorable. Il se dit prêt à repartir et elle s’interroge.

« Maintenant, il n’y a plus de colère en lui, il m’écouterait peut-être. »

Pourtant, lors de la thérapie de couple, elle a bien constaté que le dialogue n’était pas en phase, qu’il ne se comprenait plus. On lit les errances de cette femme, son souhait d’être « reconnue », aimée comme elle est, pour ce qu’elle est.

L’auteur a quarante-cinq ans, elle est jeune et son texte est d’une grande maturité. Elle explore le traumatisme de la violence domestique de l’intérieur. Elle montre le cheminement de cette femme pour aller mieux, accepter la situation, mettre des mots, soigner ses blessures, réparer un peu pour qu’elle puisse avancer en se faisant confiance.

Qu’il est long ce combat entre choisir de continuer la route en rompant pour toujours avec ce mari qui n’en est pas un ou en essayant de pardonner alors qu’elle sait que ce n’est pas possible, qu’il replongera dans ses travers sans tenir ses promesses. Elle est souvent « écartelée » entre deux décisions à prendre. Et puis il y a les enfants, quel est le meilleur choix pour les préserver des tourments des adultes.

L’écriture est précise (merci à la traductrice), on est au cœur de la souffrance et des questionnements de cette femme. On progresse avec elle parce que c’est plus l’après que les dommages subis qui est évoqué. Comment garder l’estime de soi ? Vera est une artiste et son métier doit être un moteur pour elle mais il lui faut trouver une nouvelle organisation, un fonctionnement différent où sa place sera définie, pour elle, pour sa famille, pour que chacun comprenne ce qu’elle veut, ce qu’elle souhaite.

J’ai trouvé ce roman poignant, réaliste. Rita Halász va au fond des ressentis, des pensées de son personnage principal. On a le sentiment de lire un journal intime ou d’écouter une longue confidence. C’est la révélation d’une femme qui devient elle-même et pas celle qu’on voudrait qu’elle soit.

Une belle découverte !


"Traboule pour l'enfer" de Patrick Mallet

 

Traboule pour l’enfer
Auteur : Patrick Mallet
Éditions : Les passionnés de bouquins (10 Mars 2025)
ISBN : 978-2363511584
260 pages

Quatrième de couverture

Les braquages violents, le commandant Jordan Blak connaît. C’est sa spécialité. Mais en ce matin brumeux du mois de mars, c’est un cercueil et son cadavre qui sont partis dans la nature… et ce n’est que le début des surprises. Des beaux quartiers lyonnais au fin fond des égouts, la vérité prend des chemins sombres. Au hasard de ceux-ci, le flic se retrouve confronté à son passé, inavouable. Vite s’engouffrer dans cette traboule avant que son mensonge ne vienne le détruire. Il ignore que cela le conduira aux portes de l’Enfer.

Mon avis

Lire un polar qui se passe à Lyon et dans sa banlieue n’est pas évident pour une stéphanoise. Mais l’auteur n’a pas parlé foot alors c’est bon ! Et il m’a complètement entraînée dans son univers et dans ses traboules ! C’est un ancien commandant de police et il sait de quoi il parle.

C’est une histoire comme je les aime, sombre, avec des personnages intéressants et une intrigue bien construite. Rien n’est lisse, ni évident, même les flics ont une part d’ombre.

Jordan Blak et ses coéquipiers sont face à une drôle d’affaire. Un cercueil a été volé ! À l’intérieur un cadavre italien. Qui et pourquoi ? Récupérer le corps d’un mort ? Dans quel but et pour en faire quoi ? À moins que la caisse ne cache autre chose ? Par quel bout prendre cette enquête ? Par quoi commencer ? Les indices sont maigres mais toute l’équipe s’y met.

C’est un récit sans temps mort, angoissant car on sent que la violence peut prendre toutes ses formes, n’importe quand. De plus Jordan est rattrapé par son passé et il ne sait pas comment agir. Sa vie peut être bouleversée par ce qu’il choisira de dire ou de faire. J’ai eu beaucoup d’empathie pour ce personnage. J’aurais voulu l’aider, l’apaiser, avoir des mots qui lui fassent du bien mais c’était impossible. Que pouvait-il faire ? David son collègue a peur pour leur amitié et pourtant, il est là pour lui. J’ai trouvé que la description de leur relation, ce que ça engendre, ce que chacun décide etc. Tout cela est parfaitement intégré au texte et nous rappelle que les policiers - ières sont comme les autres hommes et femmes, des êtres humains avec leurs forces et leurs faiblesses.

L’essentiel de l’intrigue se déroule sur quelques jours avec un rythme trépidant. Les dates, heures et lieux sont indiqués pour nous donner les repères nécessaires et chaque chapitre a un titre récapitulatif. Il n’y a aucun temps mort. Les actions et les dialogues donnent un ensemble vif, prenant, vivant. C’est également très visuel (je verrai bien ce roman adapté en téléfilm) et moi qui connais Lyon et les alentours, j’ai pu « suivre » en direct, comme si j’y étais (mais vu ce qu’il s’est passé, j’étais plutôt mieux dans mon canapé ; -) )

L’écriture est nerveuse, fluide, plaisante et accrocheuse. Je n’avais aucune envie de poser mon livre et ça c’est bon signe. J’ai aussi apprécié que la quatrième de couverture ne soit pas trop explicite (c’est vraiment un problème lorsqu’un éditeur en dit trop). Quant à la couverture, sobre, en noir et blanc, elle correspond tout à fait au contenu. Cet homme seul, de dos, m’a, bien entendu, fait penser à Jordan. Il est entouré de ceux qui l’aiment et pour qui il compte mais est-il capable d’apprivoiser le bonheur sans se laisser envahir par ce passé qui revient comme un boomerang ?

C’est tellement compliqué de soutenir quelqu’un qui perd pied et s’isole, c’est tellement douloureux, frustrant… Patrick Mallet exprime bien la détresse de ceux qui sont près de lui, quels qu’ils soient.

Je ne connaissais pas cet auteur (un de plus à suivre de près même s’il est lyonnais…) , ni cette maison d’éditions, et je suis enchantée de cette lecture.


"La fille qui murmurait à l'oreille des réseaux" de Thomas Degré

 

La fille qui murmurait à l’oreille des réseaux
Auteur : Thomas Degré
Éditions : MVO (2 Février 2025)
ISBN : 978-2494929692
160 pages

Quatrième de couverture

Serge Lemoine, un bobo parisien à la retraite, marié, écrivain vieillissant en manque d’inspiration, reçoit des poèmes d’une certaine Lara via Messenger, la messagerie privée de Facebook. Aucun échange de photos ni de vidéos entre eux, seulement des mots teintés de poésie. Mais bientôt, Serge sombrera dans le doute : Lara est-elle ce qu’elle prétend être ou bien est-ce une "brouteuse", dont le seul but est de l’arnaquer ?

Mon avis

Serge et Arielle sont mariés et aujourd’hui à la retraite. Il a écrit un roman qui a connu ce qu’on appelle un certain succès et depuis, confronté à la page blanche, il est muet et n’a aucune inspiration. Leur couple s’étiole. Que faire pour repartir ?

Madame part quelques jours en vacances dans un club dirigé par leur fils. Elle y retrouvera une amie. Lui, reste en ville avant de la rejoindre. Des peintres doivent rafraîchir leur appartement. Il n’est pas emballé par les travaux et garde son bureau, un havre de paix où il aime s’isoler.

L’éditeur de Serge lui avait conseillé de s’inscrire sur Facebook et voilà qu’une admiratrice le contacte et lui parle de son livre. Dans le désert qu’est sa vie d’écrivain, il est ravi de découvrir ce message ! Flatté il répond et un échange s’installe car elle écrit des poèmes et lui les soumet. Il réplique, peut-être pour tromper son ennui mais surtout parce qu’il est fasciné par le phrasé de cet inconnu, les belles phrases qu’elle a rédigées, tant dans le contenu, que la forme.

Jusqu’où peut l’entraîner cette relation épistolaire, totalement virtuelle d’ailleurs ? N’est-il pas en train de s’embarquer dans une aventure improbable ? Lui, il est content, il semble retrouver le goût de l’écriture, de l’énergie… Ne risque-t-il pas de mettre en danger son couple ? Comment gérer tout ça sans s’embourber dans le mensonge ou quelque chose qui ne serait pas bon pour lui et son épouse ?

Ce récit, au style fluide et de qualité, est prétexte à de belles réflexions sur la vieillesse, les réseaux sociaux, la routine qui peut gangréner une union, la poésie (les poèmes glissés dans le texte sont magnifiques de sensibilité), le numérique et ses dérives etc. L’auteur aborde ces thèmes avec intelligence sans en faire trop. Il permet au lecteur de s’approprier l’histoire et de se dire « si c’était moi, je réagirai comment ? » Il parle également de Léo Ferré et de bien d’autres personnes magnifiant la langue, les mots en les faisant vibrer et vivre.

« L’imagination, elle magnifie l’existence la plus morne et laisse supposer des temps meilleurs. Elle est le remède contre l’ennui, la dépression, le spleen, la mélancolie. »

Thomas Degré a su m’émouvoir. Les poésies sont vraiment un atout supplémentaire ! Ses protagonistes sont attachants. Serge est un peu naïf face au modernisme, sa compagne est plus posée, réfléchie, normal, c’est une femme ; -)

Une lecture très agréable !


"Carnet de Sainté" de Zac Deloupy

 

Carnet de Sainté
Auteur : Zac Deloupy
Éditions : Jarjille (25 Avril 2025)
ISBN : 9782493649324
160 pages

Pas de quatrième de couverture

Mon avis

« Le croquis d’extérieur, ça délie la main et ça dégage l’esprit. » (Deloupy)

D’habitude, Deloupy fait du dessin presse ou de la bande dessinée. Là, il a croqué sa ville, ma ville, Saint-Etienne.

Comme il l’explique dans les premières pages, « Carnet de Sainté » c’est un clin d’œil au carnet de santé bleu. Pour une ville parfois malade, parfois en rémission, usée, bosselée (il y a sept collines), malmenée, mais toujours vivante et surtout toujours aimée par la plupart de ses habitants.

Il s’est promené, pour le plaisir, dans les quartiers de la ville, s’est assis çà et là, s’est appuyé contre un mur, a parfois dessiné en regardant par la fenêtre. Il y a du noir, de la couleur (parfois seulement quelques touches).

Oui, à Saint-Etienne, il y a eu des mineurs, ce n’est pas pour autant que la cité est sombre et que les citoyens sont tristes. Deloupy, à travers ses illustrations (toutes référencées par le lieu), présente plusieurs aspects, des quartiers, des personnes, il évoque quelques rencontres. Des gens lui demandent pourquoi il dessine (il dit d’ailleurs que seuls les vieux et les pigeons lui parlent – sans doute parce que, eux, ils ont le temps….)

Les lieux choisis sont connus ou un peu moins. Certains nous parlent, pour d’autres on se dit « tiens, je n’avais pas fait attention »…

Finalement, c’est ça, Zac nous ouvre les yeux, nous montre tout ce qu’on oublie, qu’on regarde sans voir, sans contempler, sans s’imprégner du « décor », du contexte.

Vingt-huit centimètres par vingt, un élastique pour marquer la page ou fermer l’album en rajoutant une feuille morte, un ticket, une photo…une belle couverture cartonnée, ce livre est magnifique. Il peut être offert mais on peut également se faire plaisir en l’achetant. C’est un objet d’art avec cent quatre-vingts dessins variés, parlants, vivants (j’ai cherché mon vélo ou ma silhouette 😉) ça donne envie de le feuilleter, de regarder en détails au fils de plusieurs lectures.

Parce qu’il faut bien le dire, chaque page doit être observée de près pour ne rien rater et même voir plus loin, au-delà de ce qui est tracé : tout l’amour d’un dessinateur pour l’endroit où il a grandi, où il vit encore et qui ‘il sait mettre en valeur pour le plus grand bonheur des habitants et des expatriés qui, grâce à ce carnet de Sainté, garderont les yeux émerveillés et des souvenirs heureux de Saint-Etienne.


"À qui sait attendre" de Michael Connelly (The Waiting)

 

À qui sait attendre (The Waiting)
Renée Ballard - Tome 6 / Harry Bosch - Tome 25 / Maddie Bosch - Tome 1
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin
Éditions : Calmann-Lévy (15 Janvier 2025)
ISBN : ‎ 978-2702189047
470 pages

Quatrième de couverture

À la tête de l’unité des Affaires non résolues, Renée Ballard retrouve la trace, grâce à l’ADN, d’un violeur en série qui a terrorisé Los Angeles deux décennies plus tôt avant de disparaître. Mais très vite, elle va se heurter à des secrets et à des obstacles juridiques qui la forcent à demander son aide à Harry Bosch. Et cette fois, elle pourra compter sur une autre alliée : Maddie, la fille de Harry, qui rejoint l’unité et dévoile des documents surprenants concernant l’affaire la plus emblématique du siècle dernier, celle du Dahlia noir.

Mon avis

Fan de Michael Connelly dès les premiers titres, je ne rate pas un roman de cet écrivain. Il y a eu de l’excellent, du très bon, du moyen et quelques mauvais crus.

Celui-ci n’est pas extraordinaire mais il se laisse lire sans qu’on perde le fil (malgré trois enquêtes), ni qu’on s’ennuie. Tout se déroule en une quinzaine de jours. Le premier quart est consacré à des recherches menées par Renée Ballard d’une part sur un violeur en série et d’autre part pour son propre compte. C’est un peu lent mais la situation évolue bien. Renée dépasse souvent les limites, se joue de ses supérieurs mais c’est ce qui me plaît chez elle. Elle a quand même pas mal de chance de ne pas être mise à pied et d’obtenir des résultats.

Puis Maddie, la fille de Harry Bosch, débarque dans le service de Renée (celui des affaires non résolues) et se penche sur une vieille affaire, celle du Dahlia noir. Là, ça va être beaucoup trop rapide et les découvertes m’ont semblé bien faciles d’accès…

Je pense que le rythme de publication de Connelly est trop important. Ses récits sont moins travaillés qu’à ses débuts, plus survolés. Les événements s’enchaînent rapidement, parfois trop… Il n’y a plus la fine analyse psychologique du caractère des personnages, et c’est vraiment dommage car c’était une de ses grandes forces. D’autre part, il excellait dans l’art d’installer une atmosphère noire, avec un suspense qui prend aux tripes. Ce n’est plus le cas, tout est assez basique.

Il n’en reste pas moins que l’écriture est plaisante grâce à la très bonne traduction de Robert Pépin, que l’évolution des protagonistes m’intéresse et que cette nouvelle aventure se lit bien.

C’est donc un avis mitigé car Michael Connelly m’a habituée à tellement mieux !

 

NB : Quand je lis, dans les remerciements, le nombre de personnes ayant contribué à la rédaction de ce livre, je m’interroge. Qui a vraiment écrit et quoi ?

"Dans le terrier du lapin blanc" de Sébastien Le Jean

 

Dans le terrier du lapin blanc
Auteur : Sébastien Le Jean
Éditions : Liana Levi (5 Juin 2025)
ISBN : 979-1034910830
226 pages

Quatrième de couverture

Dans la quiétude hivernale du Haut-Jura, la petite Lily est enlevée en plein jour par deux hommes se faisant passer pour des agents des services sociaux. Le capitaine Santelli, hanté par le fiasco de l’affaire du petit Grégory au début de sa carrière, se lance dans une course contre la montre pour la retrouver avant qu’il ne soit trop tard. Au même moment, à Paris, Ronan Sénéchal est confronté à une mise en scène macabre et à un énigmatique message codé inspirés d’Alice au pays des merveilles. Il faudra que les deux enquêtes se croisent pour assembler toutes les pièces du puzzle. Mais de l’autre côté du miroir, les apparences sont parfois trompeuses.

Mon avis

C’est le troisième livre que je lis de Sébastien Le Jean et, tout en restant dans le domaine du thriller, il a réussi à se renouveler et à aborder des problématiques bien actuelles. J’apprécie de découvrir chaque fois un nouvel univers, dans lequel les enquêteurs que je connais depuis le premier titre, vont devoir se surpasser. Bien sûr, aucune obligation de connaître les aventures précédentes pour lire cette histoire.

À la brigade criminelle, Ronan Sénéchal et ses deux adjoints : Samia et David s’entendent bien. Ils ont galéré ensemble sur des affaires précédentes. Avant ils étaient plus nombreux mais maintenant qu’ils ne sont plus que trois, ils se connaissent par cœur. Chacun ayant sa spécificité, ils sont très efficaces. Pas besoin de grand discours, ils se comprennent et parfois, un seul regard suffit pour se mettre d’accord. Pourtant le grand patron voudrait que Ronan intègre un nouveau. Pas le temps ! Un meurtre vient d’être commis et ils se penchent sur cet assassinat pour le moins surprenant. L’homme qui a été tué habitait un appartement aménagé comme dans « Alice au pays des merveilles » dans des proportions inquiétantes…. Cela les interpelle et ils voudraient cerner la personnalité du macchabée pour y voir plus clair. Mais rien ne semble simple.

Pendant ce temps, dans un autre coin de France, dans le Haut-Jura, une petite fille de huit ans, Lily, est enlevée par ruse. Ses parents sont séparés et seront soupçonnés chacun à leur tour. Ils se déchiraient avant la séparation et ne sont pas clairs, ni l’un ni l’autre, sur leur emploi du temps respectif. Il y a du mensonge dans l’air, pourquoi, dans quel but ? Les coupables et les victimes ne sont pas toujours les personnes auxquelles on pense. Qui manipule qui ?

Ces deux affaires ne semblent avoir aucun point commun. Un homicide et un rapt ? Et pourtant… Il va être nécessaire que les enquêteurs communiquent, s’aident, partagent des informations, si possible rapidement pour enrayer la machine et sauver Lily. L’horloge tourne, le temps passe et quelques hommes (tiens ce sont surtout des hommes) campent sur leur position en refusant de collaborer, préférant garder la main mise sur ce qu’ils découvrent.

 Dans ce récit, l’auteur souligne quelques-unes des failles de notre société. Lorsque les gens perdent pied, ils sont rapidement influençables. Internet, les réseaux sociaux, les beaux parleurs, tout cela les appâte pour ce qu’ils pensent être un monde meilleur. Leur fragilité psychique ne leur permet plus de discerner le vrai du faux. Ils croient en de nouveaux combats, et sont persuadés de bien faire, d’agir pour améliorer la vie. Je crois que c’est le plus terrible, sentir que des gens qui n’avaient plus foi en rien, repartent revigorés par le discours de charlatan….

Sébastien Le Jean montre bien qu’il en faut peu pour passer de l’autre côté du miroir, comme dans le livre de Lewis Carroll. Et une fois qu’on a basculé, il n’y a plus de retour en arrière.

Tout au long des chapitres, un rythme de plus en plus dense s’installe. Suspense et tension augmentent. L’écriture nerveuse et le style sans temps mort m’ont fascinée. J’ai apprécié que le profil psychologique des protagonistes soit évoqué. Cela n’explique pas tout mais savoir ce que les gens ont vécu apporte des éléments de compréhension et peut éclairer sur leur comportement. Et puis exploiter l’univers d’Alice aux merveilles comme il l’a fait, chapeau !

Avec ce nouvel opus, Sébastien Le Jean m’a intéressée, captivée et je suis impatiente de lire le prochain !

"Scories" de SolAnge et Bulle Charcot

 

Scories
Auteurs : SolAnge (dessins) & Bulle Charcot (textes)
Éditions : Jarjille (5 Juin 2025)
ISBN : 978-2-493-64933-1
48 pages

Quatrième de couverture

Je m'appelle Bulle Charcot, et j'ai 46 ans. Depuis 2016 j'écris des textes. Certains sont publiés. Ce jour-là, j'écris un texte dans une sorte d'état second. Je l'appelle « scories ». Ce sont en gros les trucs dont j'ai le plus honte. À ce moment-là, je me dis que je suis en train de récurer le fond de la casserole. Mais à bien réfléchir, je crois que la casserole n'a pas de fond.

Quelques mots sur les autrices

Bulle Charcot a vécu en France, en Irlande et aux Etats-Unis. Elle est aujourd’hui Stéphanoise. Elle a publié, sous différents noms, des poèmes dans des revues et des ouvrages collectifs.

SolAnge est née tout près du Chaudron en une année de gloire pour les Verts. Un crayon ancré dans une main la pousse plus tard à faire des études d’arts plastiques.

Mon avis

Je comprends que la responsabilité n’est pas une contrainte mais un lien.

Cet album est un coup de poing émotionnel.

Accompagné par les dessins de SolAnge (avec une mise en couleurs d’Alep), Bulle se livre comme peu d’êtres humains osent le faire. C’est fort, bouleversant, violent en émotions mais tellement profond !

Cet album ne se raconte pas, ne se résume pas, il se vit, il se lit. Bulle se confie par « flashs », allant de l’enfance à son âge actuel, progressant pour être mieux, pour s’accepter, pas à pas. Elle soulève sa « différence » (elle n’appréhende pas la vie comme les autres personnes), parle du dysfonctionnement familial sans juger, en étant factuelle. Elle pose des mots sur ses maux, et se faisant, elle avance.

En écrivant, en décrivant, ce qui la faisait sans doute souffrir, elle le met à distance. Je ne dis pas qu’elle oublie mais cela devient moins envahissant et ça laisse de la place à autre chose. Elle peut aimer et s’aimer avec plus de sérénité, elle s’apaise et les croquis sont alors plus « doux ».

Ce qu’elle écrit est clair, sans faux semblant, c’est une mise à nu, en toute liberté.

Les dessins qui soutiennent le texte sont très « parlants ». Parfois un gros plan, sur un objet, ou une partie du corps de la personne qui s’exprime, permet d’insister sur le « message » à transmettre. La coloration d’Alep est dans différents tons (bleu, vert, sépia..) mais c’est la même pour toute la case (sauf de rares exceptions). Elle est pour moi très bien faite, avec des zones quelques fois plus denses, plus sombres, tout en nuances. Elle souligne parfaitement les croquis.

Scories est un recueil poignant où l’on retrouve tout ce qui « porte » un être humain : sa force et sa fragilité….

"Petit Jean" de Jean-Pierre Wenger

 

Petit Jean
Auteur : Jean-Pierre Wenger
Éditions : ‎ Librinova (22 Octobre 2024)
ISBN : 979-1040562474
236 pages

Quatrième de couverture

Petit Jean, haut comme trois pommes, découvre avec émerveillement le monde qui l'entoure : le chant des grillons, le vol des oiseaux... et toutes les bêtises qu'il est possible d'imaginer. Un beau jour, une créature à la truffe humide et au poil ébouriffé lui prouve que l'amitié peut naître sans mot. Et bientôt, entre la rentrée des classes et la naissance de sa petite sœur, Petit Jean apprend à se défendre, à s'intégrer, et à trouver sa place auprès de ses parents. Que veut dire grandir ? Comment devient-on soi-même

Mon avis

« Être parents, ce n’est pas facile, il faut savoir être tendres et durs à la fois, aider, conseiller et protéger. »

Il n’y pas d’école pour apprendre à être parents, alors, parfois, le papa et la maman de Petit Jean sont désarçonnés devant ses questions ou son attitude. Il a envie de tout comprendre, d’engranger des connaissances. Il est plein d’énergie et il ne sait pas toujours la canaliser. De ce fait, il lui arrive de faire des bêtises. Mais tout cela l’aide à grandir, à se développer. C’est l’apprentissage de la vie.

Ce n’est pas toujours aisé de savoir qui fréquenter, de ne pas se laisser tenter quand les camarades de jeux ont plus de permissions et qu’on voudrait faire comme eux. Petit Jean rouspète. Mais les adultes veillent et surtout dans la famille de ce petit garçon, on explique en donnant les raisons de tel ou tel choix.

Petit Jean expérimente, s’intéresse, interroge, il n’arrête pas. Il aimerait un animal : un escargot, un grillon, un chien etc. Il a besoin de cerner ce qui est possible ou pas. Ses parents, aimants, sont attentifs à lui. Ils le guident, l’accompagnent, n’oublient jamais de justifier leurs décisions.  Ils lui disent de prendre le temps, d’attendre pour que les choses évoluent au bon rythme.

« Tu ne le vois pas, mais c’est chaque jour un petit peu que tu grandis. Tu sais, c’est comme les grains de poussière ou de sable qui s’ajoutent sur une montagne : tu ne les vois pas et pourtant, ils se cumulent petit à petit. »

L’écriture de Jean-Pierre Wenger est agréable, fluide. On suit les aventures de Petit Jean, espiègle, qui n’a pas la langue dans sa poche, qui veut tout voir, tout essayer. C’est un récit plaisant sur un enfant qui grandit, entouré d’amour. Il reçoit une éducation ferme et bienveillante. Son père et sa mère sont présents, ils parlent avec lui pour qu’il ne soit pas démuni et qu’il se forge sa propre opinion en découvrant comment réfléchir.

Un joli roman sur un petit bout d’homme attachant !


"Graine de putain" de Patrick Cargnelutti

 

Graine de putain
Auteur : Patrick Cargnelutti
Éditions : du Caïman (25 Mars 2025)
ISBN : 978-2493739247
470 pages

Quatrième de couverture

Dans une petite ville de l’est meurtrie par les deux guerres mondiales, l’auteur nous propose de suivre la vie de trois femmes. Sidonie, la grand-mère, dévote acharnée, Rose, sa fille, laide, étourdie, éternelle victime, abusée par son père, incapable de se rebeller, et Eugénie, sa petite-fille aux étranges yeux vairons, rêvant d’échapper par tous les moyens à sa condition. Tout commence dans une cellule de commissariat où Eugénie attend d’être conduite devant un juge. Là, elle rencontre une jeune Gitane et commence à raconter l’histoire de sa famille...

Mon avis

Ah bon ? C’est interdit d’aimer ?

Trois générations de femmes….
Dès 1876, nous les suivons en commençant par Sidonie, puis Rose, sa fille et enfin Eugénie la petite-fille. C’est cette dernière qui raconte l’histoire de sa famille, alors qu’elle vient d’être arrêtée et qu’elle est en cellule.

Elles ont en commun d’avoir souffert, d’avoir essayé de se battre contre les hommes qui les prenaient pour des bonnes, qui les méprisaient et n’avaient aucun respect pour elles. Ce roman vous noud les tripes, bouleversant par son écriture et ce qu’il évoque.

C’est la France rurale très reculée, celle des mariages arrangés, des hommes qui décident et des femmes (épouses, filles) qui subissent. Celle du sexe sans aucun plaisir, celle des mères qui retournent à la cuisine ou aux champs le lendemain de leur accouchement, qu’elles ont parfois mené seules.

C’est la France taiseuse où le mot amour ne se vit pas, où « je t’aime » ne se prononce pas, où les phrases violentes peuvent faire mal (comme le titre), où les gestes d’affection sont inexistants, où aider sa femme est une hérésie, où prendre du temps pour soi ne peut pas se faire, où on ne dialogue pas, où on ne s’écoute pas, où l’école n’est pas indispensable.

C’est la France noire, profonde. Travailler, boire et dominer pour les hommes. Travailler, encore et toujours, ne rien dire et accepter tous les sévices en ne se plaignant pas pour les femmes. S’effacer, se faire oublier pour déjouer les agressions physiques ou verbales.

Comment s’épanouir, comment être heureuses ? Elles n’ont pas le temps de se poser la question. Éviter les coups, protéger, si possible, les enfants, satisfaire le mâle pour qu’il soit calme, c’est leur but.

Je me suis attachée à ces femmes, j’espérais du mieux pour elles, un petit répit, une éclaircie dans tout ce sombre mais … les destins sont parfois terribles et il y a peu, voire pas, de solutions.

Lorsque j’ai commencé ce livre, je ne m’attendais pas à une telle « immersion », à un récit qui allait m’accrocher à ce point. Le style est prenant, d’une qualité exceptionnelle, on croirait lire un roman social digne de Hugo ou Zola, c’est impressionnant. Il n’y a pas une fausse note. Ni dans le contexte des différentes périodes évoquées, ni dans le vocabulaire, ni dans les dialogues ou les actes présentés. C’est tout à fait raccord. L’auteur maîtrise parfaitement son sujet. J’ai vu que la rédaction lui avait pris deux mois, et bien chapeau !

Peut-on dire d’un texte avec tant de souffrance et d’injustice qu’on l’a aimé ? Oui, bien sûr. Tout simplement parce que les émotions procurées sont très fortes, que le dépaysement est garanti, et que les personnages laissent une trace. C’est bien cela qu’on attend d’un livre ? Alors c’est un grand coup de cœur !

NB : La dédicace en début d’ouvrage à toutes les Sidonie, les Rose, les Eugénie de toutes les époques et de toutes les contrées, qui luttent pour affirmer leur existence, est magnifique !