"Respirer à fond" de Rita Halász (Mély levegő)

 

Respirer à fond (Mély levegő)
Auteur : Rita Halász
Traduit du hongrois par Chantal Philippe
Éditions : Christian Bourgois (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2267054095
208 pages

Quatrième de couverture

Dans un Budapest enneigé, Vera est à bout de course. Elle vient de quitter le domicile conjugal avec ses deux petites filles, après que les accès de violence de son mari Peter ont franchi une ligne rouge. Revenue habiter chez son père, Vera tente de faire le point, alors que sa meilleure amie l'épaule et qu'un ancien camarade de lycée refait surface. Car le plus difficile est encore à venir, et il n'est pas évident de quitter une dépendance sans retomber dans une autre.

Mon avis

Ce n’est pas de moi que j’avais honte mais de la situation.

Comme l’évoque la photo de couverture, Vera est à bout de souffle, elle se noie, elle se perd. Son mari ne se contient plus, il l’étouffe, lui fait peur. Violences physique ou verbale, il ne lui épargne rien. Alors, un jour, elle fuit, avec leurs deux petites filles. Elle part s’installer chez son père, dans un logement où rien ne va. Mal rangé, mal entretenu, une chambre trop petite mais pas le choix. Elle doit trouver un emploi, puis un logement, se reconstruire comme on dit.

Ses parents ont divorcé, sa mère passe de temps à autre, fait des commentaires, trop parfois. Elle l’abreuve de conseils. Le paternel, lui, est près de ses sous et aurait tendance à minimiser les faits. Elle se sent seule et s’ouvre à des rencontres, ce ne sont pas toujours de bonnes idées mais elle en ressent le besoin. Sans doute parce qu’elle se cherche.

C’est avec un long monologue, où elle partage ses pensées et son quotidien, que Vera se confie. Elle exprime ses difficultés, sa volonté d’être seule parfois. Elle parle de la culpabilité qui l’étreint lorsque son ex-mari l’appelle, faisant amende honorable. Il se dit prêt à repartir et elle s’interroge.

« Maintenant, il n’y a plus de colère en lui, il m’écouterait peut-être. »

Pourtant, lors de la thérapie de couple, elle a bien constaté que le dialogue n’était pas en phase, qu’il ne se comprenait plus. On lit les errances de cette femme, son souhait d’être « reconnue », aimée comme elle est, pour ce qu’elle est.

L’auteur a quarante-cinq ans, elle est jeune et son texte est d’une grande maturité. Elle explore le traumatisme de la violence domestique de l’intérieur. Elle montre le cheminement de cette femme pour aller mieux, accepter la situation, mettre des mots, soigner ses blessures, réparer un peu pour qu’elle puisse avancer en se faisant confiance.

Qu’il est long ce combat entre choisir de continuer la route en rompant pour toujours avec ce mari qui n’en est pas un ou en essayant de pardonner alors qu’elle sait que ce n’est pas possible, qu’il replongera dans ses travers sans tenir ses promesses. Elle est souvent « écartelée » entre deux décisions à prendre. Et puis il y a les enfants, quel est le meilleur choix pour les préserver des tourments des adultes.

L’écriture est précise (merci à la traductrice), on est au cœur de la souffrance et des questionnements de cette femme. On progresse avec elle parce que c’est plus l’après que les dommages subis qui est évoqué. Comment garder l’estime de soi ? Vera est une artiste et son métier doit être un moteur pour elle mais il lui faut trouver une nouvelle organisation, un fonctionnement différent où sa place sera définie, pour elle, pour sa famille, pour que chacun comprenne ce qu’elle veut, ce qu’elle souhaite.

J’ai trouvé ce roman poignant, réaliste. Rita Halász va au fond des ressentis, des pensées de son personnage principal. On a le sentiment de lire un journal intime ou d’écouter une longue confidence. C’est la révélation d’une femme qui devient elle-même et pas celle qu’on voudrait qu’elle soit.

Une belle découverte !


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