"Un avenir radieux" de Pierre Lemaitre

 

Un avenir radieux
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditions : Calmann-Lévy (21 janvier 2025)
ISBN : 978-2702183625
592 pages

Quatrième de couverture

Une échappée belle de Paris à Prague, d’un studio de radio à des ruelles hostiles, d’un cachot glacé à une académie de billard, d’une école de bonnes sœurs aux bureaux obscurs de la République. Chacun des Pelletier, à son heure, devra choisir entre son intérêt et son devoir, et pour certains entre la raison du cœur et la raison d’État. Un dilemme parfois déchirant, sauf pour le chat Joseph, qui lui a choisi depuis longtemps.

Mon avis

Tome trois de la série « Les années glorieuses », « Un avenir radieux » permet de retrouver la famille Pelletier (il pourrait d’ailleurs, être intéressant d’avoir un petit arbre généalogique au début du livre. Bien entendu, il est préférable de lire dans l’ordre mais si on ne lit que celui-ci, des rappels sont glissés l’air de rien et on comprend (c’est bien utile aussi pour ceux ou celles qui ont oublié en partie les événements précédents).

L’écriture est addictive, Pierre Lemaître est un conteur hors pair. Il sait mêler la petite et la grande histoire, il sait « jouer » avec nos émotions, nos sentiments, il sait nous captiver. C’est le genre de récit dans lequel on plonge et qu’on n’a pas envie de quitter. On passe en revue tous les membres de la famille. Il y en a une que j’aurais volontiers gifler tant elle m’a exaspérée. Je me suis attachée à Colette et à son frère, des enfants que les adultes ne savent pas aimer (heureusement qu’il y a les grands parents).

Le contexte historique et les relations avec les pays voisins sont bien décrits, on sent les tensions, les mensonges, les traquenards qui se mettent en place. C’est très crédible. Tout est assez complet entre ce qu’il se passe dans la famille et en dehors. Il y a quelques membres atypiques mais ça met un peu de « fantaisie »….

Au début, j’ai eu l’impression que tout allait être assez prévisible mais finalement pas tant que ça. Il se passe tout le temps quelque chose et pas forcément ce qu’on imagine.

Voici un titre tout à fait réussi !


"La fille du cardinal" d'Hélène Marche

 

La fille du cardinal
Auteur : Hélène Marche
Éditions : MVO Éditions Livres Blancs (20 avril 2025)
ISBN : 978-2386950087
356 pages

Quatrième de couverture

Elena, est le fruit d’un amour caché. Un plan machiavélique conduira sa mère à l’abandonner pour sauver l’honneur de la famille. Elena vivra dans l’ignorance totale de ses origines jusqu’à l’âge adulte. Sa vie sera jonchée d’évènements parfois tragiques qui vont la perturber jusqu’au lever de ce secret…

Mon avis

Dès les premières pages de ce roman, j’ai été happée par l’histoire et je l’ai lu rapidement tout en prenant le temps de le « savourer ». On suit les protagonistes sur plusieurs années, de l’après seconde guerre mondiale jusqu’à la fin du vingtième siècle. Tout se déroule en Italie, dans un pays où les mœurs dans les petits villages n’ont rien à voir avec celles des grandes villes. La place de la femme non plus. En campagne, elle est discrète et plutôt soumise dans le sens où elle fait ce qu’on lui dit. D’ailleurs, on ne lui demande pas son avis…  Dans les cités plus grandes, elle a plus de liberté, en principe.

L’autrice s’attache, entre autres, à montrer comment les rôles, la position de chacun et les regards évoluent au fil du temps. Était-il aisé pour les femmes à cette époque de s’émanciper ? Non, le pays était régi principalement par les hommes, la mafia (Cosa Nostra en Sicile entre autres) gérait les jeux de pouvoirs et il valait mieux être discret et obéir.

Ce sont surtout des destins féminins qui sont présentés dans ce récit. Certaines qui ont subi, parce qu’elles n’ont pas eu d’autres possibilités, d’autres qui ont manipulé pour arriver à leurs fins, et enfin les dernières qui ont décidé, à un moment ou un autre, parfois trop tard, d’être « vraies », sincères, honnêtes … C’est quelques fois douloureux de reconnaître ses erreurs mais ça peut soulager. Hélène Marche décrit bien les sentiments ambivalents, les questionnements de ceux et celles qui, un jour, ont dû faire un choix irréversible, pouvant entraîner des conséquences difficiles à maîtriser.

Je me suis attachée à Carmela, puis à Elena. On perçoit leur caractère, leurs forces, leurs faiblesses. On comprend que les aléas de la vie les ont endurcies et qu’elles auraient souhaité d’autres fins mais le hasard, le destin, la vie tout simplement en a décidé autrement. Quand on naît suite à un amour caché, quelle existence peut-on avoir ? Traîne-t-on des interrogations toute sa vie ? Ou apprend -t-on à vivre avec des « manques » ? Comment se construire ?

Il n’y a aucun temps mort dans ce récit. Les événements s’enchaînent, avec des rebondissements presque improbables mais tellement bien intégrés aux aventures de ces femmes qu’on les accepte. En plus, cela représente un bel aperçu de tout ce qu’il pouvait se passer pendant cette période.

Avec une écriture addictive, vivante, une orthographe soignée, un vocabulaire riche, Hélène Marche  a su me captiver et m’intéresser. J’ai énormément apprécié cette lecture qui aborde de nombreux thèmes avec différents points de vue. C’est une très belle découverte !


"Le goût des crêpes au beurre salé" de Joffrey Gabriel

 

Le goût des crêpes au beurre salé
Auteur : Joffrey Gabriel
Éditions : L'Archipel (24 avril 2025)
ISBN : 978-2809850550
300 pages

Quatrième de couverture

À Quimper, au 13, rue Kéréon, les habitants de l'immeuble se croisent sans se connaître. Mais le jour où Roméo, âgé de 18 ans et contraint de s'émanciper, emménage dans le studio du troisième étage, il noue aussitôt – et bien malgré lui – des liens avec ses voisins. Entre les éclats de voix, les secrets bien gardés et le goût du caramel au beurre salé, les masques commencent à se fissurer – y compris le sien.

Mon avis

C’est le premier titre que je lis de cet écrivain, dans une jolie collection qui s’appelle « Instants suspendus ». Je trouve qu’elle porte bien son nom. Cette histoire est une parenthèse enchantée, une « visite » de quelques jours dans un petit immeuble breton, où des personnes partagent leur histoire. Comme un moment hors du temps ….

Joffrey Gabriel présente les habitants, avec leur vie qu’on pourrait qualifier d’ordinaire, car ce pourrait être notre voisin, notre voisine. Dans ce bâtiment, les gens se parlent et se respectent. Sans doute parce qu’ils ne sont pas très nombreux mais certainement parce que, chacun d’eux, a une sensibilité à fleur de peau. Ils sont ainsi à l’écoute des autres, prêts à se soutenir, à dialoguer, à donner un coup de main, à prêter une oreille attentive, à être là tout simplement.

Dans un monde où beaucoup courent, ne prennent pas le temps, ils pourraient faire figure d’originaux mais je crois qu’ils sont tout simplement humains et c’est déjà énorme.

 Au début, on découvre Roméo, dix-huit ans, qui est venu s’installer là pour prendre de la distance par rapport à ses parents avec qui ça ne va pas très fort. Il faut qu’il trouve un petit boulot et c’est comme ça qu’il devient serveur dans une crêperie (j’ai bien ri en imaginant les vidéos pour apprendre le boulot, j’ai d’ailleurs vérifié : ça existe !). L’occasion pour lui de se prendre en charge, de grandir, de s’émanciper. On va le voir évoluer, s’affirmer avec l’aide de ceux et celles qu’il rencontre. Ce n’est pas toujours simple mais un pas après l’autre, il avance, il progresse.

C’est la même chose pour les autres locataires, ils ont eux aussi, des difficultés, comme on peut en rencontrer dans la vie de tous les jours et dont il faut se relever. C’est sans doute le plus compliqué. Ne pas se refermer, se redresser et continuer malgré les obstacles, la douleur, le chagrin, la colère…

Ce roman aborde de nombreux thèmes avec intelligence et délicatesse. L’auteur n’en rajoute pas, il décrit des situations compliquées par petites touches sans sombrer dans le pathos ou le larmoyant. Il glisse quelques petites pointes d’humour pour que le propos ne soit pas trop lourd.  Je trouve que c’est bien fait, à la fois profond et léger. Et les sujets évoqués font réfléchir et peuvent donner lieu à des discussions intéressantes.

L’écriture de l’auteur est fluide, plaisante, avec des dialogues bien pensés. Il présente son récit avec différentes formes et il passe d’un protagoniste à l’autre. Cela permet d’éviter l’effet de lassitude et maintient notre intérêt. On en a envie que les choses s’apaisent pour les uns ou les autres, qu’il y ait du mieux, que des solutions émergent.

Cet opus procure de belles émotions, réconfortantes, agréables. Une douceur qui fait du bien, qui met le sourire aux lèvres et de la bonne humeur dans la tête et dans le cœur.

Je pense que Joffrey Gabriel a eu du plaisir à rédiger son texte, ça se sent, et moi, j’en ai eu à le lire !

"Ombres et espoirs" de Daniel Iagolnitzer

 

Ombres et espoirs
Les cas PPDA, Depardieu, Pelicot et Abbé Pierre       
Auteur : Daniel Iagolnitzer
Éditions : Lazare et Capucine (10 avril 2025)
ISBN : 978-2494773233
144 pages

Quatrième de couverture

L’auteur a été mêlé à l’affaire PPDA à travers sa fondation, devenue mécène en 2020 d’un prix littéraire présidé par PPDA. Il a dénoncé en 2021 ses comportements sans parler cependant, en l’absence de jugement, d’agressions sexuelles ou de viols, qualifications discutables au vu des ambigüités de la loi sur les notions de consentement ou de sidération. Il a alors été accusé par Metoo-media de complicité avec la culture du viol et de mépris des femmes, accusations reprises fin 2023 contre le président Macron dans le cas Depardieu. Le livre analyse la loi et les témoignages dans les cas PPDA et Depardieu (qui avait, lui, un langage et des comportements grossiers y compris en public : « c’était Gérard ») Il apporte ainsi sa contribution aux réflexions nécessaires sur l’évolution souhaitable de la loi, des mentalités et des relations entre hommes et femmes.

Mon avis

Daniel Iagolnitzer est président de la fondation éponyme. Il a créé, en 2020, avec Alessandra Fra un prix littéraire « Le temps retrouvé » en hommage à Marcel Proust. Ce prix récompense une œuvre littéraire qui dépeint, avec style et finesse, la complexité des relations humaines et les évolutions de la société.

Pour sa première édition, le parrain était Patrick Poivre d’Arvor. Il avait alors une émission littéraire où il inviterait, peut-être, le lauréat ou la lauréate. À l’époque c’était une personnalité connue et respectée. Sur ces entrefaites, en 2021, les premières accusations contre lui sont tombées.

L’occasion pour l’auteur de porter une réflexion sur la loi sur le consentement, l’évolution des mentalités et les comportements humains.

Son livre oscille entre enquête, témoignages recueillis et remarques personnelles. Il revient sur la notion d’acceptation, sur le fait que l’acte sexuel doit résulter d’un choix éclairé des deux partenaires et pas d’une envie soudaine et d’un accord presque sous contrainte car l’un des deux a précipité les choses.

Lorsqu’il a découvert les reproches faits à PPDA, il s’est sans doute senti « berné », trahi car il lui avait fait confiance. Il a alors décortiqué les événements, relisant des articles pour comprendre comment un même acte peut donner lieu à différentes interprétations. PPDA disant pour sa défense que les femmes étaient d’accord. Étaient-elles en état de sidération, sous emprise ? Était-ce autre chose ? A-t-il des besoins compulsifs ? Il parle bien, s’intéresse à chacune, il est charmant et charmeur… Lui dire non et ne pas obtenir le stage, l’interview et d’abord qui les croira si elles disent ce qu’elles ont dû faire pour l’obtenir ?

Le plus difficile, comme souvent, dans ces cas, c’est d’être cru, entendu, écouté. Certains interlocuteurs minimisent la situation.

Après avoir creusé « l’affaire PPDA », l’auteur a « étudié » celle de Gérard Depardieu. La différence entre les deux hommes est que ce dernier était bien moins discret, n’hésitant pas à se montrer vulgaire et méprisant en public. Ses gestes sont déplacés mais lui ne les considère pas comme ça… Certaines célébrités le soutiennent … Que penser, que croire ? L’angle de vue peut changer le regard sur les faits. Il parle ensuite de l’Abbé Pierre…

Une des questions qu’il se pose est de savoir si ce qui est reproché à ses hommes leur enlève tout ce qu’ils ont pu faire de bien  … Doit-on jeter aux oubliettes tout ce qu’ils ont réussi ? Faut-il séparer ce qui a été leur « activité professionnelle » de leurs exactions ? Où se situe la frontière ? Quelles attitudes avoir face à ce genre d’hommes ? Dénoncer mais à quel prix ?

Il conclut son livre par un long chapitre sur ses relations, pas toujours fluides et faciles, avec l’association Metoo-media. L’essentiel étant qu’il y ait eu un échange et un dialogue respectueux ce qui est le cas. 

Cette lecture m’a intéressée. J’ai trouvé que l’approche de tout ce qui est rapporté est faite avec doigté, pratiquement sans jugement, en s’interrogeant pour essayer de cerner au plus près ce qu’on a su et ce qui a été tu… L’auteur a réussi a trouvé le ton juste avec une écriture dynamique qui donne envie sans cesse, d’en savoir plus.

NB : Les annexes complètent parfaitement le propos.

"L'attrapeur de mots" de Jean-François Dumont

 

L’attrapeur de mots
Auteur : Jean-François Dumont (texte et dessins)
Éditions : Père Castor (30 Mai 2018)
ISBN : 978-2081431058
32 pages

Quatrième de couverture

Vous ne l'avez jamais remarqué. Au moment où vous vous y attendez le moins, il surgit et vous laisse la bouche ouverte, l'air idiot : « Zut, mais qu'est-ce que je voulais dire, déjà ? » C'est l'attrapeur de mots qui est passé par là...

Mon avis

Il a l’air d’un brave homme avec son chapeau. Mais si on le suit et si on l’observe, on s’aperçoit qu’il se glisse derrière les personnes qui discutent et hop il vole quelques mots. Ceux qu’on a sur le bout de la langue, ou dans un coin de notre tête et qu’on croit avoir oubliés alors que simplement l’attrapeur de mots est passé par là …

Cet album a de magnifiques illustrations, pas de dialogue, seulement des mots inconnus ou connus, rares, originaux ou pas, ils invitent à la poésie, à la rêverie…. Ils ne sont pas présents sur toutes les pages, seulement certaines et écrits avec différentes polices ou grosseurs….

On peut le découvrir avec les plus petits (3 à 6 ans), le laisser dans les mains des plus grands et attendre leurs réactions pour discuter avec eux, échanger.

Lu dans une classe, il peut donner envie de créer des activités en lien avec la découverte des mots ou des jeux…


"Meurtre entre les voutes" de Bruno Vincent

 

Meurtre entre les voutes
Auteur : Bruno Vincent
Éditions : au Pluriel (7 Novembre 2024)
ISBN : 9782492598203
340 pages

Quatrième de couverture

Notre-Dame-de-Fourvière, un corps démembré et précautionneusement disposé autour de signes inconnus est l’objet d’une enquête de la crim’ de Lyon. Éric Dessert et son équipe vont suivre la piste du tueur et essaient de résoudre l’énigme du grand secret qu’est le lieu où reposerait le fameux trésor des Templiers. Pierre Debrut, la victime, travaillait depuis des années sur le sujet et avait, grâce au précieux ouvrage « Exegi monumentum» de Robert de Coucy datant de 1310, réussi à déchiffrer un code jusqu’alors incomplet.

Mon avis

Ce récit débute à Notre Dame de Fourvière, à Lyon, en 2018. Un lieu que je connais bien et que je ne verrai plus du même œil, brrr….Un corps d’homme démembré est retrouvé en plusieurs endroits de la basilique. On dirait même qu’il y a eu mise en scène car les positions de chaque partie semblent avoir été minutieusement choisies et placées dans un but précis. Est-ce pour transmettre un message ? Et si oui lequel ?

Éric Dessert et son équipe sont chargés de l’enquête. On découvre d’abord l’homme, vif, au fort caractère (un « collègue » d’une autre unité voudrait bien sa place pour cette affaire) et ensuite ses adjoints, chacun ayant un rôle défini et des missions ciblées (j’ai bien aimé « La Guêpe » et sa réaction lorsque des petits malfrats veulent lui voler sa moto). En se partageant les investigations, ils découvrent rapidement que la victime est Pierre Debrut, un historien amateur, appartenant une loge maçonnique. Retraité, il consacrait son temps libre à des recherches ciblant le passé des templiers et leurs liens avec les francs-maçons.
Sa femme ne comprend pas qui a pu le tuer et pourquoi. Cet homme était bien intégré dans sa loge, se confiait peu sur ses prospections, alors qu’il passait beaucoup de temps en bibliothèque. Avait-il un but autre que celui annoncé officiellement ? Ou avait-il découvert quelque chose ? En rencontrant le peu d’individus qui le côtoyaient, sa personnalité est plus claire. Il ne disait pas tout …

Parallèlement au quotidien des policiers, on a quelques incursions dans le passé en 1307. Des événements y sont décrits, ils éclairent le présent. Un des personnages donne des explications également. J’ai d’ailleurs appris pas mal de choses et j’ai trouvé ça intéressant sans être rébarbatif parce que c’est bien introduit dans le texte.

L’auteur a certainement consulté pas mal de documents pour que son histoire tienne la route et ait du sens, c’est un travail de fond particulièrement réussi car bien intégré dans son récit. De plus, son groupe d’enquêteurs a du « fond ». Ils sont palpables, on les croirait vivants. Chacun est très actif et fait le maximum pour démêler les fils car rien n’est vraiment évident …

Ce roman, bien écrit, est captivant. L’intrigue est parfaitement mise en place, et tout s’emboîte sans temps mort. Le suspense est présent, il y a du rythme. Les différents protagonistes sont présentés en quelques mots, on cerne leur caractère, les relations entre les uns et les autres. Ce n’est pas trop manichéen car certains ont une part d’ombre.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture et je vais suivre de près les futures publications de Bruno Vincent !

"Corps corps corps Carnet d'une médecin légiste" de Karine Dabadie & Macha Séry

 

Corps corps corps
Carnet d’une médecin légiste
Auteurs : Karine Dabadie & Macha Séry
Éditions : Globe (17 Avril 2025)
ISBN : 978-2383613152
208 pages

Quatrième de couverture

Karine Dabadie est médecin légiste et, par ses expériences et ses réflexions, elle interroge notre rapport aux morts, mais aussi aux vivants. Cassant les représentations réductrices qui entourent son métier, elle se livre sur son quotidien et replace au centre de sa profession les notions de respect des corps et d’écoute qui l’animent, et qui sont indispensables à son travail auprès des femmes victimes de violences sexuelles et sexistes.

Mon avis

Karine Dabadie est a exercé une dizaine d’années comme urgentiste à Bordeaux avant de se décider pour une carrière de légiste. Elle a créé et dirigé, de 2010 à 2016, l’Institut de médecine légale de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) dans le cadre duquel elle a mis en place un protocole novateur de signalement des violences conjugales. En collaborant avec Macha Séry, une journaliste, elle a écrit ce livre où elle présente des cas étudiés en tant que médecin légiste. Mais elle va beaucoup plus loin en nous offrant une réelle réflexion sur les victimes de violence (au sein du couple, en famille ou autres) ainsi que le rapport au corps vivant ou mort. Elle s’interroge sur ce qui est mis en place pour accompagner les victimes et ce qu’il faudrait encore faire…

Elle le dit elle-même, elle n’a pas l’allure (qu’on imagine) d’une médecin légiste. Cheveux blonds, talons (des stilettos), tenues féminines, elle est « femme » et ne cache pas son corps. Cela ne l’empêche pas d’être experte dans son domaine. Elle explique que, contrairement à ce qu’on lit souvent dans les romans, la médecine légiste est utilisée pour d’autres cas que les meurtres. Dès qu’il y a une mort suspecte, elle doit agir et avec ce qu’elle observe, tirer des conclusions. Ce n’est pas simple, il peut s’agir d’enfants, de personnes en mauvais état mais ce qu’on lui demande, c’est d’être professionnelle.

« On doit aux morts de respecter leur corps. Car sur chaque corps s’imprime un parcours de vie. »

Quand elle dissèque - appelons les choses par leur nom - elle agit en tant que légiste, elle doit laisser ses émotions de côté pour comprendre ce qu’il s’est passé. Elle parle du cas d’une petite-fille maltraitée et elle écrit :

« Je ne lui ai pas redonné vie mais un peu d’existence passée. »

Ses observations ont permis de condamner la belle-mère tortionnaire. C’est une forme de réparation. En étant à « l’écoute » de ces corps, n’a-t-elle pas « réparé » le sien qui avait souffert ? En comprenant l’histoire des femmes qui lui sont confiées, elle agit pour celles qui pourraient être confrontées aux mêmes situations. Elle a également mis en place des actions concrètes pour les aider avec la création d’un protocole innovant. Sa carrière et ses actions sont exceptionnelles.

Dans les différents « affaires » qu’elle évoque, ce qui transparaît, au-delà de son analyse des blessures, des traces de coups, c’est le respect qu’elle a pour la personne qu’on lui confie. Avant d’être un corps, l’individu a été vivant et elle ne l’oublie pas en voulant cerner son vécu lors des derniers jours ou des dernières heures. Cette attention prodiguée à chacun, chacune, la guide et la porte pour avoir un regard juste afin de découvrir la vérité.

J’ai lu ce recueil d’une traite. L’écriture est prenante. Certains passages font froid dans le dos, il est difficile d’imaginer tout ce que subissent certains souffre-douleurs. Parfois, Karine Dabadie explique ce qui a provoqué cette barbarie (un enfant issu d’une autre union par exemple), c’est terrible. C’est un témoignage fort, édifiant et je ne regrette pas ma lecture.


"Là où je n’ai plus pied" de Belén López Peiró (Donde no hago pic)

 

Là où je n’ai plus pied (Donde no hago pic)
précédé de Pourquoi tu revenais tous les étés
Auteur : Belén López Peiró
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Lise Belperron
Éditions : Globe (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2383613107
384 pages

Quatrième de couverture

Une fois que Belén a parlé, il n'y a plus de retour en arrière possible. C'est la parole, plus que l'acte dénoncé, qui fait voler en éclats la famille. Face à la révélation de l'inceste, les voix s'élèvent. Chacun a quelque chose à dire pour essayer de rendre l'inacceptable tolérable et justifier les abus de l'oncle policier. Plus tard, lors de la préparation du procès, c'est encore la parole de Belén qui est remise en cause. Pour espérer être entendue par la justice, il faut transformer ses traumatismes en récit et faire remonter à la surface les moindres détails du passé, au risque de perdre pied...

Mon avis

Un jour, elle a parlé, elle a osé dire l’indicible, l’inconcevable. Même si son oncle était policier, même s’il a fallu beaucoup de temps, un jour elle a posé les mots et dénoncé. C’est forcément une prise de risque, va-t-on la croire, l’écouter, la consoler ou penser qu’elle en rajoute, que ce n’est pas si grave, qu’elle fabule ?

Belén López Peiró est journaliste. Elle est membre du collectif Ni Una Menos, « Pas une de moins », qui lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides. Elle a été abusée par un membre de sa famille et a décidé de porter plainte. Dans un premier livre « Pourquoi tu revenais tous les étés », repris en première partie de ce nouveau recueil, elle présente les faits. Mais au lieu d’un récit linéaire, elle a rédigé un texte « coup de poing ». On y découvre des déclarations témoignages, des discussions, des réflexions personnelles de l’auteur ou de personnes qui l’ont côtoyée.

Cette construction offre de multiples entrées, autant de pièces d’un gigantesque puzzle de souffrance, de cheminement. On voit combien il est difficile de vivre après avoir subi ce genre d’acte qui touche à l’intimité. La douleur est terrible au moment où ça se passe mais également après quand il faut se battre pour être entendu. C’est chronophage, ça peut faire éclater les relations familiales, amicales. Elle a été courageuse en choisissant de parler et en écrivant. Elle l’a fait pour elle, c’est sans doute un exutoire, une forme de réparation. Mais aussi pour toutes les autres victimes, pour celles qui se sont tues, celles qui n’ont pas été cru, celles qui auront le même problème un jour et à qui elle montre la voie.

Des années après sa déposition, le procès a eu lieu, et elle partage tout ce qu’il a fallu mettre en place pour qu’il se déroule enfin, dans « Là où je n’ai plus pied ». La route a été longue entre les reports, les enquêtes, les interférences qui ont retardé le jugement. De nouvelles difficultés pour l’auteur et un traumatisme qui perdure. Elle explique combien il est compliqué de se relever, de justifier encore et toujours, même quand, tout simplement, elle n’a pas la force de sortir et de rejoindre ses amis ou face à son conjoint, au moment de faire l’amour etc. Les répercussions sont terribles, longues et douloureuses. Il faut se reconstruire jour après jour, parfois seule.

Je ne sais pas si ses écrits et la condamnation l’ont « réparée » mais je pense que ça l’a aidée et c’est déjà énorme. En plus, elle a certainement apporté beaucoup à d’autres femmes qui ont vécu la même situation et qui se sont senties moins seules. Maintenant, elle milite, elle continue la lutte pour les autres et c’est un moyen pour elle d’avancer.

L’écriture (merci à la traductrice) est puissante. Chaque mot est juste et touche le cœur. Le propos vous remue les tripes, vous fait serrer les poings de révolte. Mais Belén est forte, admirable car elle a décidé de ne baisser ni les yeux, ni les bras.

Un témoignage bouleversant !

"La papeterie du bonheur" de Sally Page (The Book of Beginnings)

 

La papeterie du bonheur (The Book of Beginnings)
Auteur : Sally Page
Traduit de l’anglais par Maryline Beury
Éditions : ‎ L'Archipel (17 avril 2025)
ISBN : 978-2809851236
440 pages

Quatrième de couverture

Pour surmonter une rupture douloureuse, Liz, 39 ans, accepte de s'occuper pendant un temps de la boutique londonienne de son vieil oncle Wilbur, qui vient d'être hospitalisé. Peu à peu, Liz rajeunit la gamme de la papeterie et découvre qu'elle aime échanger avec les clients qui souvent, pendant qu'ils essaient un stylo-plume ou choisissent un carnet, se laissent aller à des confidences.

Mon avis

Les gens se ressemblent plus qu’on pourrait le croire, et ils trouveront toujours un sujet de conversation commun.

L’oncle de Liz, Wilbur, a un problème de santé. Il est hospitalisé et sa boutique va être fermée. Liz, sa nièce, s’est séparée de James, son compagnon, et elle a quitté son travail. Elle n’a jamais bien su dire non et lorsque sa mère lui parle du magasin de Wilburn, elle accepte d’aller à Londres pour tenir la boutique, le temps qu’il se remette. Ce sera l’occasion pour elle de s’éloigner de ce qui l’a fait souffrir, d’être occupée et qui sait de, peut-être, retrouver le moral.

En commençant ce roman, je m’attendais à une histoire assez « convenue ». J’ai été plus qu’agréablement surprise. Je l’ai lu d’une traite, j’ai beaucoup appris et j’ai envie d’en savoir plus sur certains personnages évoqués et sur les poèmes de Louis MacNeice.

« Le temps était parti, quelque part ailleurs,
Il y avait deux verres et deux chaises,
Deux êtres et un même battement de cœur »

La solitude de Liz ne la dérange pas, elle pense qu’elle va faire le point sur sa vie. Elle s’est éloignée de Lucy, son amie de toujours et se questionne sur leur relation. Elle est tellement blessée qu’elle en devient susceptible et maladroite. Comment agir avec les deux responsables des commerces voisins, que dire, que faire ? Elle ne veut pas parler d’elle, elle préfère en dire le moins possible sur son passé. Dans la papeterie/ quincaillerie, elle fait connaissance avec quelques clients qui se démarquent. Ils sont seuls, comme elles. Tisser des liens ? Elle n’est que de passage …  Finalement, s’ouvrir aux autres apporte un peu de piment dans son quotidien. Et elle côtoie ainsi des gens aux personnalités singulières.

Moi qui n’écris qu’avec des stylos encre, qui choisis de jolis papiers à lettres, qui aime découvrir des individus qui sortent de l’ordinaire (ici dans le cimetière de Highgate), j’ai été enchantée de cette lecture (j’irai visiter les tombes dont parle l’auteur lors d’une prochaine visite londonienne).  La construction du roman, avec l’idée de ce que veut écrire Malcolm, un des protagonistes, est originale. Son projet rapproche Liz, une femme pasteur et lui-même alors qu’au départ, ils n’ont rien en commun, à part d’être plutôt isolés.

Ce récit parle d’amitié, de la difficulté à la garder, du bonheur de la voir évoluer, se construire et rendre plus fort. Le texte est pétillant, empli d’amour et de bonnes idées que l’on peut reprendre. Ce qui se crée sous nos yeux, même si c’est quelques fois improbable, est empreint d’amour (je n’ai pas écrit de bons sentiments mièvres) et ça fait du bien de lire des choses positives.

L’écriture est délicate (merci à la traductrice), pleine de sens. Les propos abordent des sujets d’actualité par l’intermédiaire d’un récit intéressant et réfléchi assorti d’une pointe de fantaisie. Je ne me suis pas ennuyée une seconde car c’est très riche au niveau historique et j’ai le souhait d’en savoir plus sur ceux et celles dont Sally Page parle car ils ont fait évoluer l’Histoire (avec un grand H).


"Un air de famille" d'Alessandro Piperno (Aria di famiglia)

 

Un air de famille (Aria di famiglia)
Auteur : Alessandro Piperno
Traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont
Éditions : Liana Levi (10 Avril 2025)
ISBN : 979-1034910786
440 pages

Quatrième de couverture

Cinquante ans, un cap difficile à passer, et particulièrement pour le professeur Sacerdoti, écrivain et universitaire de renom, qui subit, pour avoir cité en cours une phrase tendancieuse de Flaubert, une accusation d’antiféminisme. Sa désinvolture affichée ne fait qu’aggraver son cas. Honni par des influenceuses et des centaines de followers, rayé du monde universitaire, il choisit de se retirer dans un isolement dédaigneux. Célibataire et sans enfant, la solitude ne lui a jamais fait peur. Mais le hasard vient le débusquer car, de façon inattendue, on lui assigne le rôle de tuteur d’un lointain petit cousin désormais orphelin.

Mon avis

Le professeur Sacerdoti a cinquante ans, il est enseignant à l’université et a écrit un livre avec lequel il a connu un certain succès. Il est juif mais ne pratique pas. Célibataire, sa vie est assez linéaire. Suite à un cours sur Flaubert et des propos sortis de leur contexte, il est convoqué par ses responsables. Il est décontracté voire un tantinet hautain face aux reproches qu’on lui fait. Il n’a pas envie de courber l’échine, de se taire. Avec cette attitude, il aggrave son cas et on le suspend de son poste. Il se retrouve chez lui sans emploi. Il s’accommode de la situation. Peut-être va-t-il reprendre l’écriture mais ça semble difficile, d’autant plus qu’il est donné en pâture sur les réseaux sociaux, ce qui n’arrange rien. On suit son quotidien, ses quelques rencontres car il n’a pas une vie sociale bien remplie, les questions qu’il se pose sur sa vie, cette altercation dans le bureau de la faculté et ses conséquences. Tout cela ne le dérange pas outre mesure mais il y pense et essaie d’analyser pour comprendre.

Et puis, il se remet un peu en question avec un premier événement. Une ancienne camarade de lycée, qu’il appréciait, est décédée. Il réalise qu’à son âge, on peut mourir alors que ça lui semblait loin. Cela le renvoie au décès de son père et de sa mère, à sa propre histoire. Les sentiments se bousculent un peu et sur ces entrefaites, un tsunami émotionnel le renverse. On lui demande de récupérer un neveu qui vient de perdre ses parents. C’est une branche de la famille avec qui il n’avait pas de contacts. Récupérer ce gosse, bouleverser son quotidien ? Pour qui ? Pour quoi ? S’encombrer d’un enfant ? Pas pour lui, qui n’en a pas voulu.

Et puis finalement…. La rencontre se fait, les liens se tissent, fragiles. Il est démuni, il ne sait pas faire et en face, ce petit garçon est mal à l’aise lui aussi. Quel avenir pour ces deux-là ? Être tuteur ce n’est pas anodin, c’est accepter de changer ses repères, de sortir de sa routine… Est-ce que ça vaut le coup ? Ce petit est juif pratiquant, comment agir ? Si c’est pour ne pas manger un club sandwich qui vous fait envie, quel gâchis ! L’accompagner ou pas ?

 Avec une écriture (merci au traducteur) de qualité, fine, précise et fluide, l’auteur s’attache aux pas de son personnage. L’universitaire est déstabilisé par ce qu’il ne maîtrise pas : les réactions et les actes des autres, dans sa vie professionnelle ou personnelle. Il n’a pas le choix, il doit faire face mais comment ? Avec quels arguments, quelles idées, pour quels ressentis ? Il n’avait pas prévu tout ça. Son passé a de l’importance, rien n’est neutre. Ce qu’il a vécu a fait de lui l’homme qu’il est et ce qui se passe risque de provoquer d’importants changements. Est-il prêt ? Le souhaite-t-il ?

Ce roman aborde de nombreuses thématiques, celle de la parole dans l’enseignement, des possibilités d’expression libre, la culpabilité, la transmission familiale, le deuil et l’absence, l’interprétation que l’on peut faire d’un acte, d’une parole, d’un dialogue suivant où on se place, comment on observe.

Le ton est quelques fois ironique, détaché, comme si le protagoniste se moquait de lui-même. Il se sait imparfait, maladroit, il n’essaie pas de vivre en héros. Il évolue en découvrant les situations et il réalise que le dialogue et l’échange sont la base de tout.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Ce récit, profond, délicat, nous rappelle la fragilité mais aussi la beauté de la vie.

"Soignante" de Yann Madé

 

Soignante
Auteur : Yann Madé & Ju Ch'Ay (couleurs)
Éditions : Jarjille (31 Janvier 2025)
ISBN : ‎ 978-2493649300
130 pages

Quatrième de couverture

Être soignante dans le monde d'après la pandémie et ne pas se relever, chuter toujours plus bas sans baisser les bras pour autant. Elle tombe, Chloé, parce que l'hôpital qui était une de ses raisons de vivre, a été sacrifié. Infirmière dans un secteur négligé, la psychiatrie, où le soin passe par l'écoute, dans un monde où personne ne s'écoute plus.

Mon avis

Chloé est infirmière en CMP (Centre Médico Psychologique) un lieu où il faut écouter, accompagner, être « présence ». Et puis le COVID, les soignants qu’on applaudit, les malades chez qui il faut se déplacer, le rythme et le fonctionnement qui changent. Les annonces contradictoires, les masques et le gel insuffisants pour beaucoup de métiers (dont les professions médicales, les aides à domicile) et ce sentiment de solitude face à tout ce qu’il y a à gérer, sans repos.

Parce qu’être confinés, c’est ça. La notion de temps n’existe plus. Les profs bossent même le dimanche, d’ailleurs les élèves les contactent n’importe quand.

Et lorsque vous intervenez auprès de gens fragiles, les voisins vous demandent de garer votre voiture plus loin, des fois que le virus soit collé dessus, de ne pas toucher les poignées, les boutons de l’ascenseur, pourquoi ne pas arrêter de respirer également ? Pestiférés ? Presque … Comment ne pas craquer ? C’est ce qui arrive à Chloé.

Elle vit avec son compagnon, prof, qui lui travaille à distance et leurs deux grands enfants. On suit leur quotidien avec des dessins et des dialogues hyper réalistes. On ne peut que penser à des situations connues, des événements qu’on a vécus ou qu’on nous a racontés. C’est criant de vérité.

L’auteur glisse les interventions du président de la république, de Vincent Lindon à Médiapart, sur le devenir du système de la santé de notre pays. C’est édifiant Quel avenir pour ce domaine, pour les personnes hospitalisées, pour le personnel au bout du rouleau ? Il ne cache rien, il connaît ce monde là.

Yann Madé a réussi un exercice périlleux : avoir le ton juste, sans trop en faire pour nous rappeler ce que nous ne devons pas oublier.

Les croquis sont expressifs, les mots sont pertinents, chaque phrase est ciblée. Cet album est à lire, relire, partager car il ne faut pas mettre les « maux » sous le tapis.


"De mères en fils" d'Adam Haslett (Mothers and Sons)

 

De mères en fils (Mothers and Sons)
Auteur : Adam Haslett
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Etienne Gomez
Éditions : Bourgois (3 avril 2025)
ISBN : 978-2267054194
416 pages

Quatrième de couverture

Le quotidien de Peter, la quarantaine, se résume à son travail d'avocat spécialisé dans la défense des demandeurs d'asile à New York. Plongé dans les récits de ceux qui ont quitté leur pays dans l'espoir de trouver aux États-Unis une forme de réconfort face à la guerre ou à la persécution, il fuit sa propre vie. Vivant seul, se contentant de rencontres sans lendemain, il n'a presque plus de contact avec sa famille et notamment avec sa mère, Ann qui dirige un centre spirituel pour femmes dans le Vermont.

Mon avis

Deux univers, deux vies, peu de liens… Et pourtant, il s’agit d’une mère et de son fils. Pourquoi cette distance ? C’est ce que le lecteur découvrira avec ce roman exceptionnel d’émotions, d’analyse des relations familiales et du poids du passé.

Peter Fisher a une quarantaine d’années. Il est avocat et sa mission est d’aider les demandeurs d’asile. Il le fait, monte les dossiers avec eux, les soutient avec ses moyens, les guide. Il n’a pas un enthousiasme débordant et il s’acquitte de ses tâches d’une façon assez neutre. Ses liens avec ses collègues semblent assez superficiels et sa vie n’est pas très remplie, tout à fait terne. Il y a bien Cliff, un compagnon occasionnel mais tout cela semble bien léger. Dans les chapitres qui le concernent, il parle à la première personne.

En parallèle, on suit Ann, sa mère, elle dirige un centre spirituel où les femmes sont accueillies. Elle a effectué un gros tournant dans sa vie, elle ne vit plus avec le père de Peter. C’est un narrateur extérieur qui présente ce qu’elle fait.

Leur point commun ? Ne pas savoir se dire ce qu’ils éprouvent, être rongés par la culpabilité, les non-dits, les secrets, être habités par une forme de peur, celle de ne pas être dans la norme de la bienséance, celle du qu’en dira-t-on, du regard de l’autre… S’ils arrivaient à communiquer, ils réaliseraient qu’ils sont proches dans leur fonctionnement, leurs ressentis.

Ça pourrait continuer des années sans que rien ne change. Mais Peter reçoit un jeune albanais, Vasel, homosexuel qui craint l’homophobie et ses dérives. Cette rencontre le bouleverse dans ses sens, ses émotions, ses certitudes. Ce qu’il a vécu autrefois lui revient, comme un boomerang, en pleine figure. Il a toujours retenu ses sentiments, sans doute parce qu’on lui a toujours appris à se contenir, à ne rien laisser transparaître.

L’auteur s’attache à montrer combien les secrets pèsent sur le lien mère-fils, comment l’un s’est construit, comment l’autre a continué sa route. Il décortique, avec finesse, ce qui ronge l’esprit, le cœur, le silence qui obscurcit les jours. C’est le portrait de ceux qui ne savent pas, ou plus, se parler, sans doute parce qu’à force de tout garder à l’intérieur, ils sont incapables d’échanger.  

Ce sont deux personnes qui ont perdu le fil et qui vont, peut-être, tardivement, le renouer.  C’est quoi s’aimer dans une famille ? Peter a une sœur, Liz. A-t-elle été élevée comme lui ou les attentes étaient-elles différentes ? En « écrivant » l’histoire de ceux qu’il accompagne, Peter l’avocat, essaie-t-il d’oublier la sienne ? En accompagnant des femmes, Ann essaie-t-elle de remplir sa vie de services pour les autres afin d’oublier ce qu’elle ne fait pas pour son fils ? Finalement, ces deux-là se consacrent aux autres, peut-être pour éviter de penser ?

J’ai beaucoup aimé ce récit. Il est bien écrit (merci au traducteur). Je l’ai trouvé profond, délicat, ciblant ce qui fait l’essentiel des rapports humains, à savoir les obstacles dans les discussions mais également l’importance de l’écoute, du respect de l’autre et de l’acceptation de sa différence, pour mieux l’aimer, mieux l’aider, sans le juger.


"Un aller retour vers l'aventure de Michel François

 

Un aller retour vers l’aventure
Auteur : Michel François
Éditions : Douro (1 septembre 2024)
ISBN : 978-2384063987
230 pages

Quatrième de couverture

Avoir la vingtaine fin des années 60, mener une existence banale et monotone autour du lycée, et trouver une voie pour sortir de ce piège. Voilà bien le récit de quelques années, qui ont permis à l'auteur de voyager et d'apprendre des langues étrangères. Au cœur de ce récit, sa rencontre avec un personnage mystérieux et charismatique qui lui montrera toutes les facettes de la vie. 

Mon avis

Ce récit commence alors que le narrateur est adolescent. Il part en stage BAFA (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur). S’il réussit, il pourra travailler en colonie de vacances et gagner quelques sous.  En dehors des périodes de congés, il est au lycée. On va le suivre jusqu’à l’âge adulte.

Il est avide d’expériences et n’hésite pas à dire oui pour partir en Angleterre afin d’apprendre la langue tout en travaillant. Parfois il a besoin d’être guidé, accompagné. Alors, lorsqu’il se retrouve quelques fois seul, il est un peu perdu. Mais il a une capacité à rebondir tout à fait impressionnante. Il a du caractère, de la volonté.

Les années passent. Il relève des défis, n’hésite pas à s’opposer ou partir lorsque ça ne lui plaît pas. Sa personnalité s’affirme, il grandit.  Son caractère prend « de la consistance », de timide et timoré il passe à plus sûr de lui et capable de répondre. Il apprend à vivre et à faire face à de nouvelles situations que nous découvrons, en France ou ailleurs.

C’est avec beaucoup de précision que nous sont narrées les « aventures » de Gérard Martin. Il n’y a pas de temps mort, on le suit avec plaisir, en se demandant ce qu’il va choisir, faire pour avancer. Il a suivi des études de compatibilité mais est-ce ce qui lui convient le mieux ?

Le style est fluide, l’écriture de qualité, l’orthographe impeccable, ce sont déjà de sérieux atouts pour cette lecture. Le texte enchaîne les événements, de temps en temps, il y a une pointe d’humour. Les personnes que rencontre l’auteur interviennent dans sa vie et on découvre que certaines décisions ont été liées à ces entrevues. C’est vraiment intéressant, il n’y a pas de temps mort.

J’ai été agréablement surprise par ce livre qui est une belle découverte !

"Le bonheur sur ordonnance" de Barbara Abel

 

Le bonheur sur ordonnance
Auteur : Barbara Abel
Éditions : Récamier (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2385771867
384 pages

Quatrième de couverture

Méline est une mère de famille sujette aux sautes d'humeur. Jusque-là, rien d'anormal. Sauf qu'elle explose à la moindre contrariété et tyrannise son entourage. Ses craquages cachent en vérité une maladie orpheline qui s'attaque au gène du bonheur. Sans traitement, ce mal la tuera. Et de traitement, il n'en existe qu'un : recevoir une dose quotidienne de joie. Mais comment fait-on pour être toujours heureux ?

Mon avis

S’il suffisait d’une ordonnance pour être heureux, ça se saurait, non ? Car, on le sait bien, les antis dépresseurs, ce sont « des béquilles », une aide passagère lorsque ça va très mal, mais ça ne soigne pas le fond…

Méline Valliant est mariée à Vincent, ils ont deux enfants, Oscar et Agnès. Elle vient d’apprendre qu’elle souffre d’une maladie orpheline, très rare. Le gêne H, le gêne du bonheur qui régit les émotions, qui équilibre les sensations face à un émoi très fort, est défaillant chez elle. Elle n’a qu’une solution pour ne pas se laisser débroder par ses ressentis : être heureuse en permanence sinon elle va mourir. C’est ce que lui dit le docteur Leroy lors d’un rendez-vous médical. Assommée par cette information, elle décide de ne rien dire à sa famille et de gérer seule.

Pas de stress, une vie tranquille et ça devrait le faire non ? Sauf que ce n’est pas si simple. La pression est permanente, partout. Au boulot où il faut défendre ses projets, supporter les humeurs des uns et des autres. À la maison, où il faut être la mère parfaite, qui fait face, anticipe, accompagne les enfants à l’école…Face à la famille élargie, aux amis qu’il faut écouter sans se plaindre. Etc. Méline s’est oubliée, elle n’existe plus que pour les autres, pour leur bonheur à eux mais le sien ? Il est où ?

Sous de dehors légers, ce livre aborde le poids que la société fait peser, les « il faut, c’est mieux ainsi », il est important de rester dans la norme, sans faire de vagues. Pour Méline, c’est impossible, les contrariétés, l’angoisse, tout cela fait monter en elle d’irrépressibles colères. Elle rentre alors en crise et lâche en hurlant tout ce qu’elle a gardé en elle.  Le problème, c’est que ça la prend sans prévenir (ou si elle le sent, elle n’arrive pas à se contenir), elle est alors sans filtre, grossière (c’est amusant ce qu’elle peut crier….) Tout cela la met dans des situations improbables (dont elle a honte a posteriori) entraînant des dégâts collatéraux. C’est compliqué pour elle mais aussi pour tous ceux qu’elle côtoie. Comme elle n’en parle pas, personne ne la comprend…

Elle cherche comment s’en sortir, trouve quelques idées, qui fonctionnent un temps. Elle doit revoir ses priorités. Son mari prend peur devant ses comportements imprévisibles. Et elle tout lui échappe. Elle est en train de se perdre et de perdre ceux qu’elle aime…

Le trait est forcé, caricatural et c’est volontaire. C’est d’ailleurs ce qui rend ce livre drôle. Mais derrière le sourire, on peut se questionner ? C’est quoi être heureux ? Ai-je le temps de profiter de chaque instant de bonheur ? Quelle image je donne de moi ? Celle d’une personne forte, toujours contente ? Ai-je la possibilité de me montrer plus vulnérable, de me poser, d’être soutenue ?

L’écriture est pétillante, les événements donnent du rythme, permettent à chaque protagoniste de se dévoiler un peu plus. Les passages avec les enfants sont jubilatoires.

Ce récit est plaisant, bien rédigé, bien ficelé. Il nous permet de réfléchir à nos choix, notre attitude, nos désirs profonds, nos envies. Le bonheur ? Il appartient, sans doute, à chacun de nous, de le construire …

"Cargo blues" d'Audrey Sabardeil

 

Cargo blues
Auteur : Audrey Sabardeil
Éditions : Le bruit du monde (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2386010484
384 pages

Quatrième de couverture

Vivre accoudé à un balcon suspendu au-dessus de la Méditerranée est un privilège. C'est le quotidien de Fab, qui navigue entre Corse et continent sur le Pascal Paoli. À quai, deux êtres chers l'attendent, son amie d'enfance Angelica, et Charlie, qu'il aime comme un fils. Lorsqu'une nuit, un drame les percute, son équilibre vacille. Une fusillade au pied d'un immeuble qui aurait pu n'être qu'un banal fait divers marque le début d'une longue cavalcade et Fab se retrouve pris dans un engrenage vertigineux au cœur de différents trafics.

Mon avis

Ce roman nous offre une immersion au cœur de Marseille, avec un récit très réaliste.

Angelica et Fab sont amis depuis l’enfance. Mère célibataire d’un petit Charlie, elle est assistante sociale et doit souvent se déplacer dans des quartiers un peu difficiles. Lui, il travaille sur les bateaux. Lorsqu’il est en repos, elle sait qu’elle peut compter sur lui. Une nuit, alors qu’il se rapproche du port pour quelques jours, elle l’appelle, totalement affolée. Elle est dans son appartement avec son fils mais elle entend des coups de feu à l’extérieur, elle est effrayée. Il la calme et lui promet de venir le lendemain.

Quand ils se retrouvent, elle lui apprend que le fils de la voisine a été tué, elle ne comprend pas, un gosse sans histoire, du moins en apparence…. Fab la rassure et lui conseille d’être prudente, entre autres lorsqu’elle va chercher ou compléter des dossiers à domicile. En effet, il y a une certaine tension dans l’air dans les coins où elle se rend. Elle promet. Elle n’est pas tout à fait consciente des dangers auxquels elle s’expose. Elle pense qu’elle est connue des habitants (ce qui est vrai) et qu’elle ne court aucun risque…. Lui, il est plus mitigé et lui rappelle d’être vigilante.

Les événements qui s’enchaînent donnent plutôt raison à Fab. Il se retrouve entraîné dans une histoire qui le dépasse.

Quelques rencontres lui permettent d’avancer, d’autres le confortent dans ses choix, certaines le mettent en danger…. Mais il continue car, au cœur de lui, la révolte et la colère grondent, il ne peut ni supporter ce qu’il entrevoit, ce qu’il comprend.

Audrey Sabardeil a vécu à Marseille, elle connaît cette ville, capable du meilleur comme du pire. Elle a une écriture digne des plus grands écrivains de livres noirs. Il y a du rythme, des rebondissements, des personnages charismatiques, du suspense. Elle nous présente une cité phocéenne gangrénée par la débauche, la perversion. On est loin du soleil et de l’accent chantant. C’est une bourgade où certains souffrent en silence, où la peur noue le ventre de quelques-uns. Comment vivre en harmonie lorsque la drogue déforme les pensées, lorsque l’appât du gain dérègle les rapports humains ? Humain ? Le sont-ils, ceux qui trempent là-dedans ?

J’ai lu ce livre d’une traite, il est prenant, bouleversant, intéressant (car on sent bien, on sait bien que la réalité est proche de ce qui est décrit). C’est une vraie « peinture sociale » et c’est excellent !

"Brazilian Playboy" de Joe Thomas (Playboy)

 

Brazilian Playboy (Playboy)
Auteur : Joe Thomas
Traduit de l’anglais par Jacques Collin
Éditions : Seuil (4 Avril 2025)
ISBN : 978-2021569834
290 pages

Quatrième de couverture

Mars 2016, São Paulo. Alors que la campagne pour la destitution de la présidente Dilma Rousseff bat son plein, l’Avenida Paulista est prise d’assaut par ses sympathisants, opposés aux forces de l’ordre. Sur la Praça Alexandre de Gusmão gît le corps ensanglanté d’un jeune homme de bonne famille. L’inspecteur Mario Leme, rencardé par un indic, est le premier sur les lieux. Sans attendre, la police militaire l’embarque, bien décidée à lui faire porter le chapeau. Leme n’a pas le choix : s’il veut s’innocenter, il doit identifier la victime et le meurtrier.

Mon avis

Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes ?

L’auteur est né à Londres mais il a longuement vécu au Brésil. Il est donc « en terrain connu » lorsqu’il situe son roman à São Paulo, en Mars 2016. À cette époque, les manifestations contre ou pour la présidente Dilma Rousseff se multiplient. Réélue de justesse en 2014, certains l’accusent de corruption, d’autres la soutiennent, elle est sur la corde raide. Elle sera d’ailleurs destituée, pour maquillage de comptes publics, en Août de la même année.

Les habitants ne sont pas heureux, la ville est sous tension permanente. Les inégalités sociales, les magouilles, la chute libre de l’économie, tout cela mis bout à bout crée un climat malsain où chacun se méfie de tout le monde. La confiance est morte. À tel point que s’il leur fallait voter demain, les brésiliens ne sauraient pas vers qui iraient leurs voix. L’atmosphère est plutôt morose et de nombreuses personnes ne sont pas épanouies.

Dans ce livre, on a plusieurs entrées.

Les articles d’Ellie, journaliste d’investigation. Elle écrit dans un magazine en ligne et ose dire ce que certains pensent tout bas. Elle pose des mots sur les faits, sans langue de bois.

On suit également l’inspecteur Mario Leme de la police civile. Il est veuf et a une bonne amie dont il se sent amoureux. Alors qu’il se promène, un de ses indics l’aborde et l’envoie dans un parc pas loin. Il y découvre un beau gosse assassiné mais deux policiers militaires l’embarquent puisqu’il est le seul sur place. S’il ne veut pas être accusé, il faut qu’il comprenne ce qu’il s’est passé afin d’être innocenté.

On découvre également Roberta, une étudiante qui a un petit ami playboy.

Le mort du parc a tout d’un jeune homme plein aux as mais personne ne signale sa disparition, ce qui est vraiment bizarre. Où a-t-il pu récupérer sa fortune ? Est-il l’un des « doleiros », convoyeur virtuel qui blanchit et rapatrie l’argent sale ? Leme va devoir mener des investigations, discrètement, en ne se faisant pas piéger par des situations mises en scène pour le coincer. Il doit naviguer entre ceux de tout bord qu’il côtoie et ce n’est pas évident car cela lui demande beaucoup d’adaptation.

Les personnages sont présentés en quelques lignes mais c’est suffisant pour percevoir leur caractère et les cerner et on se questionne sur leurs choix, que vont-ils faire ? Qu’aurait-on fait à leur place (déménager ?)

Avec une écriture sèche (merci au traducteur), sans fioriture, des descriptions précises, pointues et une ambiance tendue où la tension monte, Joe Thomas nous présente une ville gangrénée par la débauche. La moralité n’est pas une priorité, et quelques-uns entendent bien diriger les événements à leur guise sans se soucier des dégâts collatéraux. Les policiers se laissent acheter, les malfrats ont des accords avec les gouvernants, peu sont dignes de confiance et ceux qui le sont peuvent s’interroger. Où se situe le risque d’être trop honnête ?

Entre la « vision idéologique » du gouvernement sur l’absence de corruption dans le pays, et la réalité du terrain où la plupart s’accordent à dire qu’elle est systémique, il y a un gouffre. Où est la vérité ? Probablement entre les deux …

Mêlant avec brio faits réels et fiction, ce récit exigeant demande une attention soutenue au lecteur afin d’en percevoir tous les aspects. Il est particulièrement réussi.

NB : en fin d’ouvrage, un glossaire pour les expressions brésiliennes.

"L’adoption Cycle 2/ Tome 2 : Les repentirs" de Zidrou & Arno Monin

 

L’adoption Cycle 2/ Tome 2 : Les repentirs
Auteurs : Zidrou (scénariste) & Arno Monin (dessinateur, coloriste)
Éditions : Grand Angle (26 Avril 2023)
ISBN : 978-2818989364
72 pages

Quatrième de couverture

Jusqu'à présent, sa mère s'appelait Guerre, son père Exil... Désormais, ils ont pour noms Trahison et Abandon. Gaëlle et Romain ont adopté Wajdi, 10 ans, qui a grandi dans l'horreur de la guerre au Yémen. Mais la nouvelle vie française du jeune garçon n'est pas simple. Méfiant, endurci par les combats et les souffrances, et ne parlant pas un mot de français, Wajdi interprète mal les gestes les plus simples. Les heureux parents adoptifs vont vite déchanter, confrontés aux premières rébellions. Au gré des difficultés, le couple hésite à confirmer sa demande d'adoption.

Mon avis

Zidrou et Monin ont fait plusieurs albums sur le thème de l’adoption, ils vont deux par deux. Celui-ci est le second du « Cycle 2 » (il y a trois cycles pour l’instant).

Les Guitry ont deux grands enfants et après quelques démarches un peu longues, Wajdi arrive chez eux. Face aux difficultés, ils se questionnent sur le choix de cette adoption. Les papiers officiels ne sont pas arrivés, n’est-ce pas l’occasion de revenir sur cet engagement ?

Wajdi, de son côté, a perdu tous ses repères et il s’interroge probablement sur sa place parmi « ses inconnus » si maladroits avec lui. Il fugue…

Dans cet album, la grand-mère dit quelque chose de très beau.

« Une maman ça ne demande pas grand-chose à la vie.
L’écho du rire de ses enfants lors d’une partie de cache-cache.
Un câlin en regardant la télé.
Une confidence un soir de rupture.
Un joli dessin rempli de cœurs rouges… »

Elle dit ça en parlant à sa fille, mais ce serait la même chose pour un papa.

Cette bande dessinée s’adresse à des adolescents ou des adultes. Le sujet est grave, traité avec intelligence et soutenu par des dessins très expressifs et superbes.

"L’adoption Cycle 2 / Tome 1 : Wajdi" de Zidrou & Arno Monin

 

L’adoption Cycle 2/ Tome 1 : Wajdi
Auteurs : Zidrou (scénariste) & Arno Monin (dessinateur, coloriste)
Éditions : Grand Angle (29 Septembre 2021)
ISBN : 978-2818976890
72 pages

Quatrième de couverture

Originaire du Yémen, Wajdi a grandi dans l'horreur de la guerre. Une enfance brisée par les combats, les privations, les souffrances. Après de longs mois d'attente, Gaëlle et Romain accueillent enfin Wajdi chez eux. Méfiant, endurci par la force des choses et ne parlant pas un mot de français, l'enfant de 10 ans s'effraie des moindres bruits du quotidien et interprète mal les gestes les plus simples. Les heureux parents adoptifs vont être très vite confrontés aux premiers « non », aux premiers troubles de l'adolescence et aux premières rébellions.

Mon avis

Zidrou et Monin ont fait plusieurs albums sur le thème de l’adoption, ils vont deux par deux. Celui-ci est le premier du « Cycle 2 » (il y a trois cycles pour l’instant).

Les Guitry ont deux grands enfants et après quelques démarches un peu longues, Wajdi arrive chez eux. C’est un yéménite de dix ans. Il a fui son pays en guerre avec sa famille mais lui seul est encore en vie. Il ne parle pas français, tous les bruits l’effraient. Les personnes nouvelles ne le mettent pas à l’aise. Le changement est trop important pour lui, c’est terrible. Il fait des crises, se montre énervé voire violent.

Les auteurs montrent bien, à travers leurs magnifiques dessins et les dialogues, la difficulté tant pour les parents adoptifs que pour le jeune garçon. Ils sont maladroits, se sentent impuissants. Le barrage de la langue le bloque, tout est nouveau, différent. Chacun est mal à l’aise et la communication est ardue.

L’adoption d’un enfant « déjà grand » est parfois compliquée, surtout si l’échange de paroles est impossible dans un premier temps. Malgré la bonne volonté de ceux qui accueillent Wajdi, rien n’est simple. Son histoire personnelle est si lourde…

Des illustrations très réalistes, un contenu bouleversant, une très belle bande dessinée.



"Bigoudis & petites enquêtes - Tome 6 : Panique chez les petits vieux" de Naëlle Charles

 

Bigoudis & petites enquêtes - Tome 6 : Panique chez les petits vieux
Auteur : Naëlle Charles
Éditions : Archipoche (3 Avril 2025)
ISBN : 979-1039206259
500 pages

Quatrième de couverture

D'étranges incidents surviennent à l'Ehpad de la petite bourgade alsacienne de Wahlbourg... Alerté, le lieutenant Quentin Delval suggère aussitôt à Léopoldine Courtecuisse d'aller discrètement à la pêche aux renseignements. Personne n'est aussi doué qu'elle pour ce genre de mission. En contrepartie, son fils Tom pourra effectuer son stage à la brigade.

Mon avis

Miss Marple des bacs à shampoing est de retour ! Quel bonheur de retrouver son énergie, son humour et sa volonté d’en découdre avec ceux qui la titillent !

C’est la sixième et avant-dernière aventure de Léopoldine (Léo, la coiffeuse) et Quentin Delval (le gendarme), si j’interprète bien l’avant-propos. Sans doute pour éviter de nous lasser et puis le cœur de tout ça, c’est une petite ville et tout le monde ne peut pas être trucidé ! Mais bon, pour l’instant, ce n’est pas terminé donc pas de moral dans les chaussettes, simplement le plaisir de partager ce roman aussi riche que les précédents.

Léopoldine est associée avec Magalie, sa meilleure amie et elles tiennent un salon dans la galerie marchande. Comme souvent, les clients, et surtout les clientes, bavardent, les confidences et ragots sont légion. C’est le dernier endroit où on cause, comme on dit !

Denis, un copain de Quentin, vient le voir à la brigade. Il lui explique que son grand-père, à l’EHPAD, se plaint de certains faits surprenants, des objets qui se déplacent dans des endroits incongrus, entre autres. Rien de très méchant, mais le climat n’est pas à la sérénité. Comme Léo fait une permanence le lundi sur place pour peigner les anciens, Delval lui suggère d’interroger discrètement quelques résidents. En fouinant un peu (ça, elle adore !) elle découvre une lettre anonyme dans le bureau des cadres. Elle s’empresse de la montrer au lieutenant. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de mener quelques investigations ? D’autres choses sont probablement plus urgentes…

Mais, de nouveaux actes de malveillance sont commis et le duo de choc reprend du service ! Comme pour les autres tomes, on alterne avec le point de vue de Quentin et celui de Léopoldine, chacun s’exprimant en disant « je ». Quelques fois, ils parlent d’une même situation mais chacun son ressenti et son approche. Léo est « associée » aux policiers qui lui demandent de l’aide, ce qui ne plaît pas à tout le monde. C’est difficile pour elle, d’autant plus que sa copine Mag est bizarre en ce moment. Alors que, d’ordinaire, elles ne se cachent rien, là, elle se tait et Léo est de plus en plus intriguée. Elle doit tout gérer : la boutique, les humeurs de sa camarade et ses deux ados (son fils est en stage de troisième avec les gendarmes et il jubile).

 Bravo à Naëlle Charles qui a su se renouveler ! Ce n’est pas évident vu qu’il n’y a pas pléthore de personnages (rappelés dans les premières pages pour ceux qui prennent la série en cours de route) et une bourgade, à taille humaine, où ça se déroule. En mêlant un peu plus son fils, Tom, aux recherches, elle apporte un vent de fraîcheur, un franc parler et un œil neuf. C’est une excellente idée. De plus, elle remue le passé de certains protagonistes avec des liens bien « ficelés » et mis en place au fil des chapitres.

Dans ce livre, elle aborde « l’amour » sous divers angles, à des âges variés avec le pourquoi des réactions des uns et des autres, le tout en essayant de résoudre une mystérieuse affaire. Ces protagonistes principaux ont pris de la consistance depuis le premier récit. On les sent de plus en plus vivants et présents, on a l’impression de retrouver des familiers qu’on côtoie dans la vie réelle avec leurs qualités et leurs défauts.

Je me suis régalée. Comique de situation, tensions, suspense associés à une écriture pétillante, que demander de plus ? C’est parfait !