"Enquête sur Kamanzi" de Georges Foy


Enquête sur Kamanzi
Auteur : Georges Foy
Éditions : Globophile (1 er Juin 2016)
ISBN : 979-1094423035
292 pages

Quatrième de couverture

Martin avait parfois du mal à se rapprocher de gens qu'il ne connaissait pas depuis longtemps, mais dès leur première rencontre il s'engagea dans une discussion passionnée avec l'Africain. Après un reportage éprouvant sur une guerre civile oubliée, Martin voit ses rêves de famille brisés. Qui mieux que l'ineffable Kamanzi, son grand ami de fac, son complice disparu, pourrait l'aider à combler le vide qui l'assaille ? Entre France et Afrique centrale, qu'est-il devenu ?

Mon avis

« Partir impliquait toujours attendre… »

Martin est un journaliste de terrain, il va là où les hommes se battent, dans des lieux de guerre, dans ce qu’on peut appeler un autre monde …. Bien sûr, on sait que ça existe, il suffit de se brancher sur les médias, de voir les images, mais quand on le vit, ce n’est pas pareil. Martin porte en lui sa profession, et avec elle, tout ce qui l’accompagne : les aléas, les incertitudes, la peur, le danger…. Tout le reste, lorsqu’il revient peut sembler dérisoire…. Peut-il se passer de ses reportages, même si les conditions sont difficiles, comme le souhaite celle qui partage sa vie ?
« Il se rendit compte assez vite qu’il ne pourrait pas rester amarré en permanence au quai de leur famille… »
Ne plus être mobile, pour Martin, c’est renoncer, c’est perdre ce qui fait sa force. Il lui faudrait trouver un équilibre, entre les deux. Mais il n’est pas un homme de moitié, il est entier, intègre alors….

Il repart … et décide de chercher Kamanzi, son ami africain, avec qui il échangeait, refaisait le monde, discutait… Où est-il, qu’est-il devenu ? Le but de Martin, maintenant, c’est cette quête, un voyage qui s’inscrit dans son futur mais pour lequel il plonge dans son passé….

Georges Foy est un universitaire, il a beaucoup voyagé. Son père était correspondant de l’AFP, de France soir et d’Europe 1 à l’ONU et à la Maison Blanche. C’est sans doute tout cela qui nourrit son récit. On suit la quête de Martin qui va, qui revient, qui repart sur d’autres routes, qui essaie le plus possible de glaner des renseignements, de comprendre, pour assembler les pièces du puzzle.
Est-ce que retrouver Kamanzi sera synonyme de paix intérieure ? Est-ce que le périple le réconciliera avec lui-même ? Qu’est-ce qui est le plus important ? Revoir son ami ou comprendre la vie ?

C’est avec une écriture délicate, parfois teintée de poésie, que Georges Foy nous conte le cheminement de cet homme, ses désillusions, ses attentes, ses rencontres, tout ce qui peut construire et détruire ce qu’il envisage, ce qu’il souhaite…Nous découvrons des aspects difficiles de son métier, nous nous attachons à ses pas, espérant avec lui …..

C’est une lecture que j’ai beaucoup appréciée. Georges Foy distille entre les lignes, une certaine sérénité malgré les obstacles rencontrés par son personnage. C’est comme si le fait d’avancer, suffisait à Martin pour se sentir un peu mieux…..

"L'oeuvre de sang - Tome 3: Solitudes" de David Lecomte


Solitudes
Série : L’œuvre de sang (3)
Auteur : David Lecomte
Éditions : Fleur Sauvage (26 Août 2014)
ISBN :  9782954271088
240 pages

Quatrième de couverture

Mon premier fut créé par le mal
Mon deuxième est au coeur des déments
Mon troisième ne vit que pour le beau
Mon tout deviendra une fleur

Mon avis
  
Tout a une fin, enfin c’est ce qu’on dit, ce qu’on croit….

Pour le dernier tome de sa trilogie, David Lecomte a fait fort, très fort… C’est mon préféré, celui qui  restera ancré en moi…. Et bien que ce soit l’ultime opus de cette série, l’imagination du lecteur devra travailler et faire le reste du chemin …. ou pas….

D’abord, la couverture est magnifique et fait le pendant de la première qui était une fleur simple rouge sang. Là, on retrouve une fleur noire en reflet passant par le t de Solitudes en forme de croix…  Et bien entendu me sont montés aux lèvres les mots que j’affectionne :

Rien n'est jamais acquis à l'homme
Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur
Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix (Louis Aragon)

Cette croix dont les anciens disent que « chacun porte la sienne », comme un fardeau, comme une compagne également car c’est, pour certains, la seule façon d’exister, à travers leur souffrance…

Elle est là, la souffrance, terrible amie de celui qui se retrouve seul face à ses problèmes, ses peurs…

Ils sont plusieurs dans ce roman à être face à l’indicible, l’inconcevable qui peuple leurs journées, mais aussi leurs rêves. Elle est si mince, si ténue la frontière entre ce qu’on est, ce qu’on voudrait être, ce qu’on souhaite, ce qu’on subit, ce qu’on tente, ce qu’on réalise ; entre le réel et l’imaginaire (comme ces deux fleurs, l’une dans la lumière, l’autre moins nette dans l’ombre mais accrochée, nouée indéfiniment à la première…)

C’est là, la force de roman, faire osciller le lecteur entre une réalité crue, violente, trouble parfois et une part de rêves qui peut tourner au cauchemar ou pas…

Tout est lié, les personnages sont attachés les uns aux autres, sans forcément le savoir, par un fil ténu, invisible qui les entraîne, les entrave quelques fois … La musique est omniprésente activant le bien ou le mal, comme la peinture ou la photo dans les tomes précédents. J’ai aimé l’évocation des différents titres (ils auraient mérité une play list en fin d’ouvrage) puissants catalyseurs d’émotions, de transfigurations….

Chacun a sa part d’obscur et de beau, plus ou moins enfoui au fond de soi, des fantasmes plus ou moins avouables qui lui passent en tête.  Dans son texte, David Lecomte offre la possibilité à ses personnages de révéler ce qu’ils sont « de l’autre côté du miroir »…. C’est déroutant, fascinant, de temps à autre dérangeant mais original, attirant comme si nous aussi, nous tombions sous le charme de ces fleurs vénéneuses si belles et si méchantes …. de ce paradis évoqué tout au long de la trilogie….

« L’enfer c’est les autres », disait Sartre ………….. Le paradis peut-il être également « les autres » ?....


Peut-être y-a-t-il un début de réponse en filigrane entre les lignes….


"La nuit, quand elle vient" de Aurore Py


La nuit, quand elle vient
Auteur : Aurore Py
Éditions : de l’Aube (6 Juin 2019)
ISBN : 9782815933605
386 pages

Quatrième de couverture

« Parce que les petits garçons qui tirent sur les oiseaux deviennent des hommes qui tirent sur d'autres hommes et que ceci est aussi inéluctable que la succession des saisons. »
On avait dit der des ders. Et pourtant, en ce mois de mai 1939, la guerre gronde, l'étau se resserre, jusque dans la campagne bourguignonne.

Mon avis

Ce roman démarre en 1939, en Bourgogne, dans la France rurale. On découvre une famille. Une grand-mère, Jeanne, veuve. Une fille, Marie, veuve elle aussi mais battante et patronne pour maintenir sa ferme à flots. Emma, sa sœur, enseignante et portée vers des idées de gauche, elle est « l’intellectuelle », mariée à un médecin. Il y a aussi Louise, l’épouse de Pierre, le fils de la famille, ils ont déjà trois enfants. Tous sentent que le climat est instable et que peut-être la guerre va éclater même si la précédente était « la der des ders ». Chacun réagit avec sa personnalité : déni, acceptation, colère….  Tous voudraient que ce soit différent mais on ne choisit pas… et la folie des hommes a souvent, malheureusement, le dernier mot …

La guerre éclate, des hommes partent, d’autres restent, trop âgés, trop faibles, déjà blessés, mais ce qui est sûr, c’est que dès que les garçons sont au front, les femmes prennent les choses en main. Elles ont du caractère, de la volonté et font preuve de ressources insoupçonnées. On dit que les gens se révèlent dans l’adversité, et c’est le cas pour la plupart des dames de ce roman. Magnifiques portraits de celles qui, dans l’ombre ou la lumière, agissent pour maintenir une certaine forme de paix, éviter les conflits, apporter du bonheur, vivre tout simplement et croire, encore, toujours, que demain est un autre jour, que le soleil brillera à nouveau dans leur quotidien, que l’amour vaincra malgré tout ….

C’est sur les quelques années de la seconde guerre mondiale que nous allons suivre les différents protagonistes. L’écriture sensible et délicate d’Aurore Py nous offre un regard approfondi sur chaque membre de cette maisonnée. Elle décrit les situations avec finesse, analyse avec doigté les ressentis de chacun, les difficultés pour se construire lorsque tout est instable, les peurs, les joies, les petites faiblesses ou les lâchetés, les victoires, qui, même minimes, sont extraordinaires. On voit combien l’équilibre est difficile à garder lorsque la séparation, la crise, la suspicion prennent de la place… Chacun réagit différemment, s’accroche comme il le peut et essaie de faire face….

C’est avec infiniment de doigté que l’auteur nous présente cette période. Elle n’en fait jamais trop et c’est très bien « dosé ». L’intérêt pour tous les personnages est maintenu en permanence. Je me suis beaucoup attachée à Emma (peut-être à cause de son métier qui est aussi le mien) et à Marie. J’ai apprécié leur combativité, leur énergie sans cesse renouvelée. Emma sait ce qu’elle veut et Marie transmet de la fraîcheur, tel un feu follet, malgré les difficultés. Je les ai trouvées « pétillantes » et ainsi elles apportent des étincelles de lumière dans un contexte qui pourrait être sombre. D’ailleurs, Aurore Py ne sombre jamais dans le misérabilisme, la plupart des personnes qui peuplent ce recueil ne baissent pas les bras et portent un message d’espoir.

Cette lecture a un côté apaisant bien que la guerre soit présente en filigrane, sans doute parce que l’auteur a plus parlé des individus que des événements. Ce livre est une belle découverte car on est bien loin du style léger et jubilatoire de « Lavage à froid uniquement» du même auteur. Comme quoi, Aurore Py réussit à rédiger de beaux textes dans différents genres !






"Tempête blanche" de Douglas Preston et Lincoln Child (White Fire)


Tempête blanche (White Fire)
Auteurs : Douglas Preston, Lincoln Child
Traduit pas Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (14 Mai 2014)
ISBN : 9782809814699
430 pages

Quatrième de couverture

Roaring Fork, station huppée du Colorado. L’inspecteur Aloysius Pendergast, du FBI, arrive juste à temps pour éviter que sa protégée, Corrie Swanson, ne passe dix ans derrière les barreaux. Cette dernière, qui enquête sur la mort de onze mineurs prétendument dévorés par un ours, en 1876, s’est en effet mis à dos les autorités locales, dont les juteux projets immobiliers pourraient être mis à mal. Au moment où Pendergast arrive, la municipalité doit aussi faire face à un autre problème menaçant la station : un pyromane met le feu à plusieurs chalets cossus - leurs propriétaires étant enfermés à l’intérieur.

Mon avis

Méfiez-vous du mercure qui dort…

Londres, 1889 : une conversation entre Oscar Wilde, le docteur Arthur Conan Doyle (et ses romans et écrits) et quelques autres convives….
De nos jours, dans le Colarado et plus précisément à Roaring Fork une station plutôt chic d’à peu près deux mille habitants, dont la plupart ont un porte-monnaie bien garni.
Le point commun ? Une jeune fille, Corrie Swanson, que l’inspecteur Aloysius Pendergast, héros récurrent de notre binôme écrivain, a pris en affection.
Pourquoi ? Un sujet de thèse. Trouver le thème d’un mémoire est toujours un événement particulièrement délicat. Il faut le faire accepter par les tuteurs, puis faire des recherches conséquentes avant d’arriver à la rédaction.

Corrie, qui n’a pas froid aux yeux, a obtenu l’accord de la faculté pou aller examiner à Roaring Fork les dépouilles de onze mineurs morts en 1876, dans le but d’approfondir l’ostéologie (étude des os, des squelettes, des dents) criminelle à laquelle elle souhaite se consacrer. Cela tombe bien, les corps ont été exhumés dans le but d’être déplacés pour un projet de construction de club house et compagnie. C’est donc l’occasion rêvée.
Un peu tête brûlée et joliment têtue, notre étudiante se rend sur place et « brut  de décoffrage » comme le sont parfois les jeunes, elle ne va pas tarder à se mettre la mairie, la police et autres partenaires du coin à dos….

Se heurtant à beaucoup de difficultés, opiniâtre et pugnace, Corrie avance doucement, recule, repart, se trouve face à des obstacles qu’il faut surmonter tant bien que mal. Mais il n’y a pas que ça. Il se passe des choses pour le moins bizarres à Roaring Fork. Comme quoi, l’argent n’apporte pas que le bonheur. Bien qu’elle préfère se débrouiller comme une grande et qu’elle n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires, les prospections de Corrie font faire sortir de sa retraite Aloysius Pendergast. Il la rejoint pour jeter un œil… Et puis, il va rester …. Car cet homme est attiré, comme par un aimant, par les situations tordues et dangereuses qu’il n’a de cesse d’analyser et de comprendre…. C’est comme cela qu’il se retrouvera à aider (de loin) la jeune thésarde, glissant ça et là, quelques idées et documents.

D’une écriture fluide, rythmée, mêlant habilement le présent à des éléments du passé (parfois par des écrits), les auteurs emportent le lecteur dans un tourbillon qui cessera une fois le livre refermé. Il faut reconnaître qu’ils savent se renouveler et ceci n’est pas une petite qualité tant les ouvrages avec Aloysius Pendergast sont nombreux. Je ne sais toujours pas comment ils s’y prennent pour écrire à quatre mains et construire leurs intrigues mais on ne s’ennuie pas une seconde, c’est parfaitement huilé, il n’y a pas de fausse note er ça se déroule sous vos yeux sans temps mort.

J’ai particulièrement apprécié deux choses.
La première c’est le lien « passé/ présent » et la façon dont les textes de Arthur Conan Doyle sont intégrés au reste du livre. C’est astucieux, bien dosé et parfaitement retranscrit.
La seconde, ce sont les conversations entre Corrie et Pendergast et la façon dont il lui explique le « métier ». Il a la grande force de ne jamais se poser en donneur de leçons ou de dire ce qu’il faut faire. Il a l’intelligence de transmettre des indications sans les imposer, de décortiquer certains raisonnements en développant la démarche d’investigations. Il ne prétend pas détenir la vérité, il glisse des idées auxquelles Corrie adhère ou pas. Cet homme est grand mais il sait se pencher vers les autres….

Une lecture complète, agréable, bien pensée et qui surprendra probablement les nouveaux lecteurs du duo.

"L'oeuvre de sang -Tome 2: ÉCHOeS" de David Lecomte


ÉCHOeS
Série : L’œuvre de sang (2)
Auteur : David Lecomte
Éditions : Fleur Sauvage (5 Septembre 2013)
ISBN :  9782954271033
240 pages

Quatrième de couverture

Mon premier traque un tueur d'enfants
Mon deuxième tend à devenir un homme
Mon troisième ne voit plus que d'un oeil
Mon tout fait écho à une autre histoire

Mon avis

Dans le deuxième opus de sa trilogie, David Lecomte renoue avec le thriller mêlé au fantastique. L’enquête policière est toujours présente dans les pages et les événements un peu surnaturels, un peu bizarres, déstabilisant mais fascinant le lecteur et certains personnages, sont toujours là.
Bien sûr, il y a moins l’effet de surprise qu’au premier tome mais quelques petites choses commencent à s’éclaircir et, avide de compréhension, on tourne les pages jusqu’à se dire « vite le tome trois pour avoir la clé de tout ça ».

Jérémie, le jeune héros rencontré au début de l’histoire a grandi, conscient de sa différence, d’une certaine forme de pouvoirs mais inquiet de la gestion qu’il peut en faire.  Il le dit lui-même « Il a le besoin maladif de créer », engendrer quelque chose qui n’existe pas...,  intégrer ses sentiments dans son œuvre….  Ce rapport à la création est exploré, décortiqué par l’auteur dans le triptyque .  On sent que tout cela l’interroge.

L’écriture est toujours aussi prenante, fluide, vive.  Les situations sont exposées en quelques mots, on est très vite au cœur de l’action, on prend certaines réalités en pleine face, c’est de temps à autre très dur et on se demande ce qui peut pousser les hommes à tant de violence. Au nom de quels idéaux peut-on tuer ? On passe d’un individu à l’autre, cherchant à cerner qui ils sont réellement. On ne sait jamais tout mais les éléments distillés soigneusement nous suffisent pour avancer et ressentir une curiosité toujours plus grande. David Lecomte manie adroitement le suspense, il ouvre des portes mais il en ferme d’autres,  certaines s’entrouvrent mais il n’y a que du flou derrière….
J’ai beaucoup apprécié cette façon de jouer avec les nerfs du lecteur, de l’égarer sur divers chemins ramenant toujours à un même point….

Lorsqu’un premier tome est excellent, il est toujours difficile de rester « en haut », alors s’il fallait placer « Echoes » sur une échelle de valeur, je le mettrai un peu en dessous du précédent. Peut-être parce que le contenu, me surprenant moins, m’a semblé « moins abouti », ce qui ne veut pas dire que cette lecture ne vaille pas le détour. Au contraire, il y a des séries où on s’arrête dès le début et d’autres où on regrette de voir arriver la fin…. L’œuvre de sang fait partie de la seconde catégorie et je vais donc très rapidement lire le tome trois.






"Les Harmoniques" de Gérald Tenenbaum


Les Harmoniques
Auteur : Gérald Tenenbaum
Éditions : de l’Aube (2 Février 2017)
ISBN : 978-2815921176
225 pages

Quatrième de couverture

Une fine brume distille la lumière sur la lagune de Venise. Un homme fait les cent pas devant le débarcadère du vaporetto. Une femme en descend. Un rendez-vous pour deux, mais ce sont quatre destins qui s’entrecroisent… En plusieurs temps et plusieurs lieux, la trame d’une histoire plurielle se tisse dans ce roman chatoyant.

Mon avis

« Les Harmoniques » c’est à la fois un terme musical et les composantes sinusoïdales d’un courant électrique…entre art et sciences….. C’est aussi des tas d’autres choses, à commencer par ce roman…
On retrouve dans son contenu, cette dualité entre ce qui est de l’art, à travers le phrasé de l’auteur, et la notion de sciences avec, entre autres,  certains personnages qui sont mathématiciens….

Des destinées, des rencontres parfois éphémères, parfois plus longues, la place du hasard (ah existe-t-il celui là ?), la vie qui passe, s’interpose, disparaît, revient, comme ces lignes mathématiques qui se développent selon des tracés que l’on ne peut pas visualiser immédiatement…. Une atmosphère feutrée, les sentiments qui se dévoilent,  se laissent deviner, naissent, évoluent ou pas ….  Les relations sont comme les équations …. simples ou complexes ….. L’amour, l’amitié …  il n’y a pas de science exacte pas plus qu’il n’y a de certitude dans le quotidien ….. Tout échappe à la logique et il ya toujours d’autres possibles …. Une fenêtre s’ouvre, une porte se ferme, ou le contraire… Qu’est-ce qui construit une existence ? Des conversations , des visites (ah les villes humainement présentes dans ce livre…), des échanges du bout des yeux, du bout des doigts …


 Léger, aérien,  mais également  profondément ancré dans une forme « dotée d’une vie propre », le récit n’est pas linéaire, ce qui peut désarçonner au premier abord. Il va, il vient, comme autant de regards portés ici ou là, maintenant ou autrefois…..

Une écriture poétique, musicale, cadencée, qui berce le lecteur dans d’autres lieux en toute intemporalité malgré les dates en début de chapitres…. Un style particulier qui a lui seul, donne une profondeur singulière à ce recueil ….. A lire Gérald Tenenbaum, j’ai l’impression fugitive que rien ne nous appartient, que seule « La mémoire appartient à tous. C’est le terreau où planter l’avenir. » (page 137)

J’aime à penser que l’auteur est mathématicien, un être dont on se doit de penser qu’il est rationnel, cartésien….. et qui pourtant manie la langue française comme un poète… ces hommes du temps présent qui font rêver car sous leur plume, les mots prennent vie comme autant de notes de musique qui s’échappent et vous murmurent une mélodie mélancolique à l’oreille……

NB : et cette couverture….un poème à elle toute seule…L’homme en équilibre devant l’immensité…. Et qui ne peut pas nous regarder, tant il est attiré par tout ce qui vit sous ses yeux…..

"La chaîne du coeur" de Catherine Ryan Hyde (Pay it Forward)


La chaîne du cœur (Pay it Forward)
Auteur : Catherine Ryan Hyde
Traduit de l’anglais par Julie Sibony
Éditions : Belfond (Février 2002)
ISBN : 978-2714437716
300 pages

Quatrième de couverture

Trevor vit seul avec Arlene, sa mère. Reuben, son nouveau professeur au collège, propose un devoir bien singulier il demande à ses élèves d'inventer un moyen d'améliorer le monde.


Mon avis

Ce roman est ce qu’on peut appeler « un conte moderne », une fable humaniste.

 Reuben, professeur un peu solitaire, parfois un peu en marge suite à des problèmes personnels, demande à ses élèves de trouver des idées pour un devoir. Il s’agit de chercher à améliorer le monde, la vie entre les hommes. Trevor va y réfléchir, s’y consacrer, prendre cela très au sérieux….et trouver une idée très personnelle qu’il va essayer de mettre en place.

Ecrit d’une façon très fluide et agréable à lire, ce récit va nous présenter toute l’énergie que met Trevor pour la réussite de son projet.  En parallèle, nous découvrirons les histoires douloureuses de sa mère et de son professeur, dont les vies n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille.

C’est un livre plaisant, qui porte de belles valeurs comme la tolérance, le respect, l’écoute, l’entraide… L’auteur nous rappelle qu’il suffit de peu, de si peu pour rendre le quotidien plus facile, plus joyeux, et si tout le monde s’y met….  On dira ce qu’on veut, des bouquins comme ça, de temps en temps, ça fait du bien !!!

"Alabama Song" de Gilles Leroy


Alabama Song
Auteur : Gilles Leroy
Éditions : Mercure de France (23 Août 2007)
ISBN : 978-2806267986
200 pages

Quatrième de couverture
Alabama, 1918. Quand Zelda, " Belle du Sud ", rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s'est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du Tout - New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes... Gilles Leroy s'est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines.

 Mon avis

Sous la plume de Gilles Leroy, c’est Zelda, la belle, l’indomptable qui s’exprime.

« Je suis la fille du Juge, la petite fille d’un sénateur et d’un gouverneur : je fume et je bois et je danse et je trafique avec qui je veux… »

Ecrit comme une biographie, on va découvrir au plus près la vie de cette femme que son mari phagocyte, écrase parfois (a-t-il peur qu’elle lui fasse de l’ombre ?) et qui n’aura de cesse d’exister par elle-même.

L’écriture est forte, rythmée, agréable, le vocabulaire adapté, parfois un peu cru à l’image de ces amants terribles aux caractères explosifs que sont nos deux protagonistes. De temps à autre une certaine forme de poésie nous rattrape :

« L'amour, pour moi, ça n'a duré qu'un mois et ce mois remplit ma vie. »

L’auteur a su se mettre dans la peau de son héroïne, une femme, se mettre également dans ses ressentis et ses pensées pour nous transmettre ses émotions.

Gilles Leroy l’évoque lui-même …..

J’ai entendu plusieurs fois dans mon existence qu’il était impossible, ou trop douloureux, de partager la vie d’un écrivain. C’est la première fois que je le dis, et sans doute la dernière : il y a dans Alabama Song une demande de pardon adressée à une personne bien précise.

 ………partager la vie d’un écrivain (de tout artiste secoué, rattrapé, hanté par ses démons ?) n’est pas un long fleuve tranquille. L’écriture est elle parfois l’ expression d’une « certaine » folie ?

Zelda et son mari sont emportés par un tourbillon, tout va trop vite, ils sont si jeunes, si fougueux, si talentueux…. Ils vont vivre dans l’excès …..
Zelda se retrouvera face à un choix à faire …. Et cela nous enverra en pleine face cette question qu’on ne manque pas de se poser régulièrement «Qu’aurait «été ma vie si j’avais décidé autrement ? »

Quelle est la part de réalité dans ce récit ? Gilles Leroy a toujours insisté pour dire qu’il s’agissait d’un roman mais il s’est beaucoup documenté ce qui laisse entendre qu’il y a une part importante de vérité.
Le livre donne l’envie de se pencher sur la vie réelle de Zelda et son mari et d’en savoir plus.

Une belle découverte !

"Marche avec moi" de Catherine Ryan Hyde (Walk me home)



Marche avec moi (Walk me home)
Auteur : Catherine Ryan Hyde
Traduit de l’américain par Béatrice Guisse-Lardit
Éditions : AmazonCrossing (14 novembre 2017)
ISBN : 978-1542045063
440 pages

Quatrième de couverture

Suite à la mort brutale de leur mère, Carly, seize ans, et sa petite sœur Jen, onze ans, traversent le Sud-Ouest des États-Unis à pied et en stop à la recherche de Teddy, leur beau-père, seul semblant de famille qu'il leur reste. Le dernier espoir de Carly est que Teddy leur pardonne les mensonges de leur mère et accepte de les prendre avec lui, leur épargnant ainsi d'échouer dans un foyer.

Mon avis

Ce roman met sur la route deux sœurs, qui n’ont pas d’autres choix que marcher, fuir et essayer de retrouver une personne qui pourra les aider. Mais c’est surtout, pour l’aînée, un voyage initiatique, un cheminement vers la résilience, un parcours pour s’aimer, accepter les autres et leur aide….

Alternant le présent où on voit les  frangines essayer de s’en sortir et le passé qui nous fait découvrir comment elles ont pu en arriver là, les chapitres sont écrits avec délicatesse, tendresse, et beaucoup de sensibilité.

J’ai beaucoup aimé la personnalité de Carly. En tant que « grande sœur », elle se sent responsable, investie d’une mission, donc elle veut tout maîtriser, tenir les rênes et que les événements se passent comme elle estime que ce sera le mieux. Elle ne sait pas « laisser faire les choses », lâcher prise … Elle évoluera au fil des rencontres, ouvrant petit à petit sa carapace, apprenant à faire confiance….

C’est avec infiniment de doigté que l’auteur présente cette transformation de la personnalité de Carly. Il n’y a ni pathos, ni exagération, seulement les émotions à fleur de peau qui font grandir cette enfant au fil des pages.

J’ai été bouleversée par ce récit car il est écrit (et bien traduit) avec l’intelligence du cœur, cela permet de trouver les mots justes, ceux qui vont émouvoir le lecteur et qui feront qu’il n’oubliera jamais les personnages qu’il a rencontrés….

"African Tabloïd" de Janis Otsiemi


African Tabloïd
Auteur : Janis Otsiemi
Editions : Jigal (12 Septembre 2013)
ISBN : 979-1092016079
210 pages

Quatrième de couverture

Libreville. 2008. Un an avant les élections, un type est retrouvé mort sur une plage de Libreville, près du palais de la présidence de la République, une balle dans la gorge et deux doigts de la main gauche coupés.
La victime est un journaliste d'investigation connu pour ses enquêtes très sensibles sur le pouvoir dont il dénonçait la corruption et la main mise sur les affaires du pays.
Pour la corporation, la société civile et les associations de défense de la presse, il s'agit là, à l'évidence, d'un assassinat politique.
Mais à Libreville, comme partout ailleurs en Afrique, les apparences sont souvent trompeuses...

Mon avis

Janis Otsiemi est un auteur africain qui vit et travaille à Libreville. Il est donc en contact permanent avec cette ville qu’il décrit si bien dans son ambiance particulière.
S’il s’est inspiré de James Ellroy, pour le titre, toute ressemblance avec l’Amérique s’arrête là. Chacun son style !
Celui de Janis Otsiemi est percutant, pas de temps mort, pas d’analyse psychologique des personnages, beaucoup de dialogues et une atmosphère haute en couleurs. Quelques mots ou expressions sortis tout droit du pays (mais sans jamais forcer le trait) installent un climat de temps à autre débridé qui contrebalance la gravité du propos.
« Boukinda était un vrai Gabonais. Il pensait comme la plupart de ses compatriotes qu’un homme viril doit avoir une plantation et un jardin. Entendez par là, une femme légitime et un deuxième bureau* en cas de coup dur ». (*une maîtresse)

Nous sommes donc au Gabon, dans la capitale, deux hommes de la direction générale de la recherche enquêtent sur le meurtre d’un journaliste (son corps a été trouvé sur la plage), bien connu pour les articles qu’il écrivait. Dans ses écrits il ne manquait pas d’« écorcher » le gouvernement. Parallèlement, les employés de la police judiciaire cherchent à retrouver un chauffard qui a causé la mort d’une femme et de son bébé, un pédophile qui attire les jeunes et belles collégiennes pour les filmer ainsi que toutes les affaires quotidiennes qu’il faut traiter vite et bien.

Evidemment, toutes ces intrigues finiront par se croiser, s’entrecroiser et accessoirement se résoudre. Car ce n’est pas l’essentiel. Le récit de l’auteur nous montre le quotidien d’une police sans ordinateur, sans modernisme, obligée de prendre les moyens du bord (forcément plus lents) pour essayer de démêler les fils… Une pléthore d’individus qui fait avec les moyens du bord, qui sont, disons-le, un peu archaïques….

Corruption, secrets plus ou moins bien gardés, misère sociale, trafic, insécurité, sont aussi des «membres » à part entière du texte, tout comme Libreville dont on sent la présence presque à chaque page.
L’auteur décrit les situations que nous suivons mais alimente aussi son propos de petits événements quotidiens nous permettant d’avoir un aperçu de la vie là-bas.
Les mœurs sont différentes de celles de la France et c’est surprenant parfois (notamment la place des maîtresses qui, je l’espère, n’est pas une généralité.)

La plume de l’écrivain gabonais est abordable, fluide, agrémentée de nombreux dialogues qui donnent du mouvement. De plus, les événements s’enchaînent très vite et tout cela est très vivant.
Les protagonistes sont à l’image du pays où ils vivent : parfois nonchalants, parfois vifs, mais attachants et attachés viscéralement à leur terre même s’ils leur arrivent d’exprimer d’autres envies. A ce sujet, Janis Otsiemi décrit avec finesse le pan politique qu’il a choisi de présenter.

C’est un très bon roman et je trouve que l’auteur se bonifie avec le temps, le bon vin ou l’expérience ?

Ayant lu « Le chasseur de lucioles » du même auteur, je me permets une parenthèse. Ce dernier roman est plus « sage » plus « posé » que « Le chasseur de lucioles ». Il y a moins d’argot et j’ai trouvé que le « dosage était meilleur ».
Janis Otsiemi manie toujours le verbe avec humour mais il semble assagi, à moins que le contexte, politique, mis en avant dans ce récit, lui ait imposé indirectement une certaine réserve.

NB: pour sourire: "être aussi long que son crayon" ne signifie pas être grand et mince mais avoir fait des études universitaires...

"Qaraqosh" de Maurice Gouiran


Qaraqosh
Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (15 Mai 2019)
ISBN: 978-2-37722-069-4
264 pages

Quatrième de couverture

Ce qui est sûr, c'est que Clovis ne voit pas arriver ce Mikki d'un très bon oeil... D'une part, parce que cet escogriffe pas très clair se dit menacé et cherche une planque du côté de la Varune, d'autre part, parce qu'il arrive d'Irak où il prétend avoir combattu au sein d'une milice chrétienne nommée Qaraqosh. Et puis Clovis n'a pas de temps à perdre : il doit partir le surlendemain pour un reportage à Prague où l'on vient de retrouver la bibliothèque d'Himmler consacrée à l'ésotérisme et à la sorcellerie.

Mon avis

Au pays des calanques, je demande Gouiran !

Lire Gouiran, c’est entendre l’accent chantant du midi, par la voix de Clovis Narigou, qui raconte ses déboires, émaillés d’humour, d’ironie et d’expression du coin mais c’est également se plonger dans l’histoire, celle que certains tendent à occulter, peut-être parce qu’elle dérange…

Une fois encore, avec cet auteur, je suis allée de découvertes en découvertes. Par l’intermédiaire de son couple fétiche : Clovis, journaliste ou berger (il a des chèvres) à ses heures, et Emma, policière (son amante torride au look improbable), il m’a fait revisiter des faits troubles passés ou récents. Pour ce qui est d’autrefois, c’est la fameuse bibliothèque d’Himmler consacrée à la sorcellerie et aux sciences occultes, découverte en 2016, à Prague. Plus de treize mille livres volés pendant la seconde guerre mondiale pour la « réserve personnelle » du chef des SS. Il avait d’ailleurs créé le «H Sonderkommando » dont le but était de récupérer le plus de documents possibles sur le surnaturel. Clovis est donc envoyé en République Tchèque pour faire un article sur ce sujet.  Cela tombe bien, il a besoin d’argent !

Mais, juste avant son départ, voici que le petit-fils de la voisine, Frise-Poulet, s’amène avec un copain, Mikki, de retour d’Irak, qu’il faut mettre au frais (enfin, façon de parler dans la garrigue) car il a l’impression d’être poursuivi (par des intégristes ?), surveillé, et a peur pour sa peau. Clovis ne le sent pas vraiment, d’autant plus que ce dernier dit avoir combattu au sein d’une milice en Irak, appelée Qaraqosh. Dans quoi a-t-il trempé ? Notre chevrier-journaleux le questionne et se renseigne discrètement, histoire de recouper ses dires. Il s’avère que Qaraqosh a été créée à Prague. Voilà qui motive doublement son voyage, d’autant plus qu’Emma doit enquêter sur des hommes assassinés, en France, dans le coin, qui sont des « collègues de combat » de Mikki !

Nous voilà embarqués, dans une intrigue sur deux niveaux : le regard de Clovis qui, à la première personne, nous explique ce qu’il décortique, observe, déduit ; et l’aspect plus général de l’enquête d’Emma et du quotidien de Mikki, qui est terrorisé et ne semble pas franchement net.  J’aime beaucoup cette double approche. Cela donne de la légèreté parfois et équilibre ainsi les propos plus graves. En plus, c’est très addictif car cela maintient l’intérêt pour tous les protagonistes.

Maurice Gouiran, l’air de rien, pose la question de ces jeunes, partis combattre, parce qu’ils pensent pouvoir être utiles et qui font face à une autre réalité une fois sur place.  Ceux qui, un jour, ont tout abandonné, croyant trouver un idéal en se battant en Irak, contre Daech.   En parallèle, avec la mise en lumière de la bibliothèque de Himmler, il nous rappelle que l’Histoire (avec un grand H) n’a pas fini de nous surprendre, qu’on ne sait pas tout ….

Cet auteur a le don de déterrer des faits plus ou moins passés sous silence. Il se documente, et les associe à ses intrigues avec intelligence et brio.
L’écriture et le style font mouche, en peu de mots, un dialogue ou une remarque nous amènent le sourire, ou nous font réfléchir. Si ce dernier titre n’est pas la plus abouti, dans le sens où les fait ne sont pas totalement approfondis et ont moins de puissance que dans certains de ses autres opus, il n’en reste pas moins que c’est très intéressant, captivant. En outre, l’évolution des personnages (ici, Emma est un peu plus mise en avant) permet au lecteur de garder sa curiosité intacte pour les futurs recueils. Et, en ce qui me concerne, je les attends avec impatience !

"Retour à Duncan's Creek" de Nicolas Zeimet


Retour à Duncan’s Creek
Auteur : Nicolas Zeimet
Éditions : Jigal (8 Septembre 2017)
ISBN : 978-2377220137
296 pages
  
Quatrième de couverture

Après un appel de Sam Baldwin, son amie d'enfance, Jake Dickinson se voit contraint de retourner à Duncan's Creek, le petit village de l'Utah où ils ont grandi. C'est là que vit Ben McCombs, leur vieux copain qu'ils n'ont pas revu depuis plus de vingt ans. Les trois adolescents, alors unis par une amitié indéfectible, se sont séparés dans des circonstances dramatiques au début des années quatre-vingt-dix.

Mon avis

Les trois doigts de la main

D’emblée, la couverture vous plonge au cœur du paysage qui vous collera à la peau dans le roman. Les Etats-Unis, au milieu de nulle part, la mythique Route 66, la chaleur étouffante, le souffle court, les paysages à perte de vue, une certaine forme de désolation et de désespérance….

Trois adolescents : Ben, Jake et Samantha, trois amis unis comme les doigts de la main, jouant ensemble, riant ensemble, faisant face ensemble et se taisant chacun dans leur coin … Et puis, les voilà adultes et on s’aperçoit  qu’ils ne se sont plus vus  pendant des années. Et pourtant, lorsque  Sam appelle Jake au secours,  il y va, au nom de leur vieille amitié sans doute. Il ne se pose pas de question, il part.

Alternant les passages intitulés « aujourd’hui » ou Jake raconte à la première personne son voyage et ceux appelés « hier » où le récit se fait à la troisième personne, le lecteur va à la rencontre de trois personnalités bien distinctes. Sam est la seule fille du trio, c’est une écorchée vive qui cache sa souffrance sous une arrogance démesurée, et un humour au goût acide. Ben, c’est le « bon gros » qui suit le mouvement mais ne décide pas toujours, qui s’accommode de tout et qui ne dit pas grand-chose. Jake, c’est celui qui voudrait être ailleurs pour vivre autre chose autrement et surtout pas ce que lui propose indirectement ses parents qui ont déjà une idée d’un avenir tout tracé pour lui ….

Plus de vingt ans après, que reste-t-il de ces trois jeunes ? Pourquoi ne sont-ils pas restés en contact ? Par quoi sont-ils liés ? Quel lourd secret partagent-ils ? Quel a été leur vie pendant cette période où ils n’étaient pas ensemble ? Ont-ils réalisé leurs rêves , perdu leurs illusions, réussi leur vie ?

Non-dits, poids du passé, résilience sont les principaux thèmes abordés dans ce recueil mais on a aussi de profondes réflexions sur la jeunesse, l’influence de l’éducation, les difficultés à s’affranchir du regard des autres, à trouver sa place dans une fratrie, à aimer celui ou celle qu’on est ….

L’auteur, Nicolas Zeimet, est français, mais à le lire, on dirait qu’il a vécu dans les lieux qu’il présente. Il donne vie aux décors et de ce fait, ils prennent une place à part entière dans l’histoire, « habillant » les événements d’une atmosphère particulière. Il a, dans son écriture, ce petit quelque chose en plus qui donne vie à ce qu’il évoque. Les protagonistes deviennent des familiers, vous vous sentez proches d’eux et chacune de leurs émotions vous touche comme si vous étiez concernés. Je crois que c’est ce qui m’a le plus frappée en lisant cet opus. Je visualisais chaque scène et je ne voulais surtout pas lâcher les trois camarades.  Alors, lorsqu’est arrivée  la dernière page, je me sentais seule, il me manquait quelque chose ou plutôt quelqu’un ……
Ce livre est un coup de cœur pour plusieurs raisons. Il m’a touché au cœur, me permettant de vibrer, de m’évader, de faire corps avec ce que je lisais. Il est rédigé avec justesse ; même dans les moments les plus noirs, le pathos n’envahit pas tout car il y a toujours une touche de tendresse, parfois même d’humour, qui transparaît dans ou entre les lignes. Il laissera une trace durable dans mon esprit car j’ai senti  dans  les chapitres, le profond amour que l’auteur portait à ses personnages, leur offrant le pire, le meilleur, mais surtout une présence …….

A signaler, les titres musicaux qui accompagnent le texte et sont glissés ça et là comme autant de références pour se mettre dans l’ambiance.

"Happy Days" de Graham Hurley (Happy Days)


Happy Days (Happy Days)
Auteur : Graham Hurley
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Valérie Bourgeois
Éditions du Masque (20 Septembre 2017)
ISBN : 978-2702442623
520 pages


Quatrième de couverture

Le suicide de l’inspecteur Joe Faraday met fin à une longue carrière au sein de l’équipe des Crimes graves. Il semblerait que Bazza Mackenzie, le baron de la drogue de Portsmouth, ait réussi à lui échapper une bonne fois pour toutes. Mais quand Mackenzie décide de se présenter aux prochaines élections, la Section des crimes graves y voit l'occasion de le faire enfin tomber.

Mon avis

Joe Faraday, héros récurrent de Graham Hurley, est mort. Dépressif depuis quelque temps, cet inspecteur de police, séparé de Gill Reynolds, une journaliste,  s’est suicidé. C’est le sergent Jimmy Suttle, marié à Lizzie (amie de Gill) qui le découvre car son ex compagne était inquiète de son silence. Gail Parsons, la super intendante, demande malgré tout une enquête, afin d’être certaine qu’il s’agit bien d’un acte volontaire.

Jimmy Sutlle prévient Paul Winter (qui est le parrain de sa fille : Grace) de ce décès. Faraday et Winter ont travaillé ensemble avant que Winter passe de l’autre côté et ne devienne l’adjoint d’un homme d’affaires,  baron de la drogue : Bazza Mackenzie.  Mais Winter sent l’étau se resserrer et il voudrait se mettre à l’abri et sortir de ce milieu où la corruption fait loi. Quant à Mackenzie, son empire commence à se déliter et il cherche comment inverser la tendance. Il décide alors de se présenter aux élections pour le Parlement et crée un nouveau parti : En avant Pompey, ralliant beaucoup de jeunes à sa cause.

Les supérieurs de Jimmy lui demandent de profiter de ses relations avec Paul pour coincer Bazza Mackenzie… Comment faire lorsqu’on est écartelés entre plusieurs options ? Que ce soit Suttle ou Winter, tous les deux marchent sur des œufs, ne pouvant pas prendre trop de risques de peur de se découvrir…. Quel était le lien avec Faraday ? Quels événements ont pu pousser cet homme à mettre fin à ses jours ?

L’action se situe entre 2009 et 2009, au moment d’une campagne électorale où chacun essaie de tirer profit de tout ce qui se passe pour être le mieux placé. Corruption, mensonges, trahisons, la présence d’une taupe dans l’équipe de Bazza passera-t-elle inaperçue ? Quels marchés, quels accords ont établi ces hommes et jusqu’où sont-ils capables d’ aller pour arriver à leur fin ?

Graham Hurley plante un décor et des protagonistes en quelques mots, on se retrouve très vite au cœur de l’action, où les individus sont prêts à en découdre au moindre incident. C’est une partie de poker menteur qui s’engage. Pour autant, l’auteur n’oublie pas de mettre une dose de tendresse et d’humanité dans son récit. Elle vient souvent des femmes, de Grace, le bébé qui grandit, ou de Trude, une jeune femme peu présente mais attachante.

La traductrice a trouvé les mots justes pour  décrire l’ atmosphère angoissante de certains passages. L’écriture est fluide et le recueil agréable à lire même si on ne connaît pas les opus précédents.

NB : on retrouve les personnages dans la série « Deux flics sur les docks »

"L'oeuvre de sang - Tome 1: L'oeuvre de sang" de David Lecomte


L’œuvre de sang
Auteur : David Lecomte
Éditions : Fleur Sauvage (24 Novembre 2012)
ISBN :  978-2954271026
235 pages

Quatrième de couverture

Mon premier tue. Il photographie ses victimes et s’apprête à exposer des clichés envoûtants.
Mon second se rapproche du premier. Il fuit une réputation démoniaque et cherche à comprendre le pourquoi de ses mystérieux pouvoirs.
Mon troisième, c’est les autres. Les amis, la famille, et d’autres encore.
Mon tout est une œuvre.

Mon avis

Thriller avec une pointe de fantastique, le tout ancré dans un espace temps bien réel et tout ce qu’il y a de plus crédible, ce roman ne se lâche pas une fois commencé (et si vous êtes enseignant, commencez par corriger vos copies sinon elles resteront sur la table).

On suit un couple de professeurs, leur ami journaliste (en couple lui aussi), le proviseur et un jeune élève arrivé au collège après un drame pour changer d’air. Au départ, on est dans le vif du sujet puis pendant quelques pages, tout semble s’apaiser. Petit à petit des événements troublants se font jour mais le lecteur essaie de rester en dehors. Essaie seulement car très vite, il se cramponne aux pages sentant l’inexorable angoisse monter monter … puis parfois se calmer tout en restant en filigrane entre les lignes. Ceci est une grande force de l’auteur, nous laisser respirer, à peine, avant de « paf » nous asséner un nouveau coup avec des actes « décalés », bizarres. Il a l’intelligence de ne pas s’appesantir. Alors bien sûr, on n’oublie pas ce qu’on a lu mais si tout rentre dans l’ordre, autant faire comme si, non ?

L’écriture est rythmée, vive, les descriptions des états d’âme abordées avec justesse sans trop en faire. Il y a cette pointe de fantaisie qui illumine l’ensemble en donnant une originalité de bon aloi. Je pense que beaucoup feront le parallèle avec l’univers de Stephen King dans certains de ses titres. Et oui, c’est vrai, David Lecomte n’a rien à lui envier.

J’ai beaucoup apprécié, sans rien dévoiler de l’histoire (comme d’ailleurs une habile quatrième de couverture qui fait envie sans rien divulguer), le rapport douleur / art. Les artistes, les écrivains, parlent souvent de gestation d’accouchement, lorsqu’ils ont mis un point final à leurs œuvres. Il est parfois difficile de se séparer de ce qu’on a créé car on y a mis un peu ou beaucoup de soi et c’est un déchirement. Cette ambigüité entre la réussite de ce que veut transmettre l’artiste et son besoin pour réussir de se nourrir de l’inconcevable est très bien abordée dans cet opus.  C’est effrayant et fascinant. Parce qu’elle est là, également la question : dans quel terreau l’artiste  puise-t-il son inspiration, celle qui le mène au succès et quel impact tout cela peut-il avoir sur l’homme ?  Ceux qui créent seraient-ils des êtres à part ?

David Lecomte aborde également les relations de couple avec le jardin secret de chacun. Faut-il tout se dire et à quel prix ? Jusqu’où peut aller la part d’ombre de chaque individu ? Comment aborder le mal-être de celui ou celle qu’on aime lorsqu’il ne souhaite pas communiquer ?

J’ai beaucoup apprécié ce récit. Il a pour moi la bonne longueur, le tempo juste, la note de fantastique est « fine », d’abord presque suggérée avant d’être un peu plus « installée » tout en laissant une porte ouverte à l’imagination de chaque lecteur.
C’est avec bonheur que je vais lire le tome deux de cette trilogie.









"Judith Winchester -Tome 3 : les gorges de l’oubli" de Julie Michaud


Judith Winchester -Tome 3 : les gorges de l’oubli
Auteur : Julie Michaud
Éditions : Publishroom (18 Décembre 2018)
ISBN : 979-1023610574
360 pages

Quatrième de couverture

Depuis leur affrontement avec les forces obscures, Cédric reste au chevet de Judith dans l'espoir qu'elle sorte du coma. Les jours se succèdent sans que l'adolescent ressente la présence de son double, et la bande de la Trinite poursuit seule sa mission contre les Ténèbres. Un quotidien infernal jusqu'à l'arrivée d'une mystérieuse jeune fille, accompagnée d'un air de déjà-vu. La même voix, les mêmes yeux, le même intérêt pour les légendes de l'île... et si cette inconnue était liée à leur amie ? De nouvelles forces rentrent en jeu, tandis qu'un compte à rebours mortel s'enclenche.

L'avis de Franck

Comment va s’en sortir l’auteur depuis qu’elle a mis son héroïne principale dans le coma à la fin du deuxième tome ? C’est sur cette question que j’ai commencé la lecture du troisième tome des aventures de Judith Winchester.

D’ores et déjà, puisque l’héroïne est dans le coma, on vit l’aventure à travers les yeux de Cédric. Ce changement de regard relance l’histoire avec de nouvelles angoisses pour le héros. On suit les questionnements de Cédric par rapport à l’arrivée de cette belle inconnue sur Wanouk et qui lui rappelle quelqu’un…

Le style d’écriture est toujours agréable à lire, pas trop ampoulé. Les chapitres se suivent et le développement de l’intrigue est logique. Il est à noter que ce tome s’articule moins sur les combats entre le bien et le mal. Il s’oriente plus sur la recherche d’identité.  D’ailleurs les changements de point de vue au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire servent bien la progression du récit. Cela permet de se mettre dans la peau de différentes personnes et d’avoir ainsi des angles différents sur la globalité de l’histoire tout au long de la progression.

Au final, on peut dire que c’est un tome de transition puisqu’il y aura un avant et un après coma de Judith Winchester. Ce qui est agréable, c’est que les personnages évoluent : ils ont eux aussi une vie avant et après le coma. C’est un tome plus axé sur l’émotion que sur l’action.

Dernier point positif : un seul gros mot dans tout le texte ! Est-ce voulu pour montrer une évolution du personnage principal qui s’assagit, mûrit face à l’adversité et aux aléas de sa vie ? En tout cas, c’est agréable pour le lecteur que je suis et on se laisse plus facilement emporter par l’émotion.


"L'affaire Perceval" de Pascal Martin


L’affaire Perceval
Auteur : Pascal Martin
Éditions : Jigal (15 Mai 2019)
ISBN : 978-2377220687
258 pages

Quatrième de couverture

Perceval est au top, adulé, reconnu, jalousé ! La Grande Tchatche, son émission en prime time, est un succès colossal. Le public adore, l'audimat est au sommet, la productrice est comblée... Pourtant, quelqu'un veut la peau de Perceval et s'acharne sur lui. Pourquoi ? Pauvre clown effrayé sur la piste du grand cirque médiatique, Perceval se voit contraint de quitter la scène et de prendre la fuite

Mon avis

L’apparence de la vérité est-elle la vérité ?

A la télévision, tout fout le camp, on ne sait plus qui croire, que croire et tout peut basculer du jour au lendemain, l’élu d’hier devenant le paria de demain. On le sait mais le plus souvent, on regarde ça d’un œil extérieur, un peu goguenard. Pascal Martin nous emmène de l’autre côté du miroir. Gérard Lavaux dit Perceval est chroniqueur à la LGT, La Grande Tchate, là où il est de bon ton d’écorcher les hommes politiques ou autres célébrités qui se mettent sur le devant de la scène. La force de Perceval c’est de trouver les bons mots. La saillie qui fait mouche et qui apporte des éclats de rire. Être caustique en équilibrant les risques pour ne pas se mettre trop de monde à dos, trouver le dosage adéquat et prendre un air narquois mais pas trop moqueur, voilà son travail quotidien.  Il réussit et les taux d’audience sont bons…. Jusqu’au grain de sable… Un banal accident de moto et un remplaçant choisi par la « Reine mère » (qui d’ailleurs, partage la vie de Perceval). Ce devrait être l’affaire de quelques jours … Mais il n’en est rien. L’intérimaire s’en sort plutôt pas mal et semble plaire au grand chef et au public. Perceval ne se sent pas à l’aise face à tout cela. D’autant plus que d’autres incidents arrivent et le déstabilisent. Est-il en train de sombrer dans la paranoïa ou fait-il un burn-out ? Qui tire les ficelles de tout ça ? Sandrine, sa compagne et productrice de l’émission ? Un collègue jaloux ? Une chaîne concurrente ?

Le lecteur, impuissant, assiste à la dégringolade de Perceval. Est-il victime d’un coup monté ou se pose-t-il en victime pour attirer l’attention ? Pascal Martin nous démontre combien l’interprétation des faits peut modifier la perception de chaque individu. Chacun voit-il ce qu’il souhaite observer ou son jugement est-il modifié par l’approche qu’il en fait à l’instant T ? L’auteur nous montre l’envers des médias où tout est manipulation, calcul réfléchi le plus souvent. Il nous rappelle que le but est de gagner des points d’audimat à n’importe quel prix.
Perceval donne une image de lui, celle que lui demande sa productrice mais qui est-il réellement ? Il a un sacré égo… « Il déteste l’idée de s’aimer autant lui-même, d’adorer à ce point le regard des autres, leurs yeux qui brillent d’admiration et d’envie lorsqu’ils se posent sur lui, mais c’est plus fort que tout. » Jusqu’où est-il prêt à aller pour garder son « aura » ? Est-il manipulé ou manipulateur ? Les faits sont là mais quel sens leur donner ?

Un journaliste d’investigation, Malone, qui a côtoyé Perceval, va se lancer dans une « enquête » pour comprendre ce qui se passe. C’est un homme bien, il donne des documents à Médiapart quand son rédacteur en chef manque de courage pour le faire. Mais se lancer dans de telles recherches est peut-être un peu risqué ? Que va-t-il découvrir ?

Pascal Martin ne néglige aucun aspect de cette télévision qui n’est plus (beaucoup) fiable. Coups bas, lutte de pouvoirs, mensonges, trahisons, c’est celui (ou celle) qui attire le plus la lumière qui gagnera. C’est un peu comme en politique : tous pourris et ce n’est pas Médiapart qui me contredira ; -)
Le style et l’écriture sont mordants, teintés d’ironie et d’humour noir. Les phrases rebondissent, les scènes se succèdent, quand on croit avoir cerné l’essentiel, nos convictions s‘écroulent et ça repart comme dans un bon feuilleton télévisé. C’est captivant car la vérité n’est jamais celle qu’on imagine. Finalement nous aussi, on se laisse embobiner et ceci pour notre plus grand plaisir !



"Sur le fil du coeur" de Théo Lemattre


Sur le fil du cœur
Auteur : Théo Lemattre
Éditions : Montlake Romance (2 juillet 2019)
ISBN : 978-2919805488
271 pages

Quatrième de couverture

Constance et Weaver, étudiants, sont amenés à travailler en binôme au sein du même stage. Le problème ? Ils se détestent, ou du moins ils en sont persuadés. Désormais contraints de se côtoyer chaque jour, les deux jeunes gens vont devoir apprendre à surpasser leur rivalité pour mieux s’entraider.
 Mon avis

C’est un roman comme on peut en lire pendant les vacances. L’écriture est tranquille, l’histoire est fluide sans prise de tête. On se retrouve avec une bande de copines qui sont à la faculté ou déjà au boulot. Elles s’entendent bien, avec les petits soucis que peuvent rencontrer des jeunes femmes de cet âge : un peu de jalousie, de ressentiment parfois, mais également de la complicité.

On va en suivre une, Constance. Elle se retrouve à partager un lieu de stage avec un étudiant qui ne lui plaît pas et qu’elle ne souhaite pas côtoyer. Comment faire ? Supporter ? Essayer de ruser ? C’est à tout cela que nous allons assister et même plus puisque l’auteur terminera avec les mêmes cinq plus tard.

Rien d’extraordinaire dans ce livre mais ça se lit bien. Quelques situations sont un peu clichées mais on peut pardonner.  Un recueil comme celui-ci de temps en temps, ça détend, ça fait sourire (car Théo Lemattre a beaucoup d’humour) et je n’en demandais pas plus pour une lecture d’été ! Constance est attachante dans son genre -non-je-ne-me-laisserai-pas-faire- et j’aurais volontiers assister à quelques scènes de visu. De plus, l’auteur, qui est un homme, sait parler des femmes à la perfection (il a une ribambelle de copines ou de sœurs ? ; -)

"Infidèles" d'Abdellah Taïa

Infidèles
Auteur : Abdellah Taïa,
Éditions : Seuil 23 août 2012
ISBN: 978-2-02-108468-9
188 pages  
             
Quatrième de couverture

Slima est une prostituée marocaine. Son fils Jallal est très attaché à elle. Il l'aide à attraper les hommes, les clients, les soldats d'une base militaire. Il parle et se bat à sa place. Ensemble, ils découvrent à la télévision Marilyn Monroe, en tombent amoureux et en font leur déesse protectrice. Des années 80 à aujourd'hui, nous suivons leurs deux destins en parallèle, de la ville de Salé jusqu'au Caire, de Bruxelles à Casablanca.

Mon avis

Au départ, dans les premières pages, c’est un vibrato,  un long cri d’amour d’un fils pour sa « mère ».
Grandi trop vite, trop douloureusement , il a mal, mais il l’aime comme elle est, parce qu’il essaie de la comprendre, de l’aider. Les mots se bousculent, se heurtent, il a tant à dire….
Puis viennent les autres voix, celles des femmes d’abord. Ces femmes, laissées pour compte, qui veulent exister et qui ne savent pas comment s’y prendre. Se donner aux hommes, se prostituer, est-ce une façon de se démarquer ? Là, le ton monte, la vague devient houle et l’écriture est crue, violente comme les actes qu’elle décrit. La voix de ces femmes vous déchire les tympans, vous envahit jusqu’à ce qu’elles retombent, non pas dans l’oubli mais pour redonner la parole au fils….

Le style et l’écriture de l’auteur, au phrasé poétique, dépouillé, au rythme musical, donnent de la cadence au récit. En fonction des événements , le vocabulaire s’adapte.
J’ai préféré les passages où les paragraphes donnent un tempo :
« Je te promets. Je le jure.
Tu n’as que moi, maman.
Je n’ai que toi, Slima.
Autre, je serai à jamais à toi. »
aux explications du passé et du présent (pas toujours linéaires d’ailleurs) qu’il m’a fallu agencer pour comprendre les tenants et les aboutissants.

Le fils et la mère ont un lien si fort que tous leurs choix sont faits en fonction de l’autre. Ils ne vivent que pour leur amour réciproque et pour la religion qui les unit.
 Ce roman est une tragédie. Seules quelques éclaircies, comme les cheveux blonds de Marylin ou les roses du printemps apporteront une étincelle d’espérance, bien vite oubliée devant la cruauté des hommes.

"Le bureau des jardins et des étangs" de Didier Decoin


Le bureau des jardins et des étangs
Auteur : Didier Decoin
Éditions : Stock (2 Janvier 2017)
ISBN : 9782234074750
390 pages

Quatrième de couverture

Empire du Japon, époque Heian, XIIe siècle. Être le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, n'empêche pas Katsuro de se noyer. C'est alors à sa jeune veuve, Miyuki, de le remplacer pour porter jusqu'à la capitale les carpes arrachées aux remous de la rivière Kusagawa. Chaussée de sandales de paille, courbée sous la palanche à laquelle sont suspendus ses viviers à poissons, riche seulement de quelques poignées de riz, Miyuki entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes

Mon avis

Attention pépite !

Avant toute chose, il faut déjà souligner la couverture : sobre, inclassable, belle, lumineuse, poétique, sensuelle…. A elle seule, elle présente l’entité du roman : Miyuki et la carpe. Ce sont elles qui peuplent les pages, les remplissent d’odeurs, de sons, de sensations, d’émotions….

Qui eut pensé que des carpes et une frêle jeune femme allaient me fasciner, m’emporter loin de tout ? Certainement pas moi qui, en commençant ce roman, me demandais sur quelles routes j’allais marcher au côté de cette récente veuve.

En effet, l’époux de Miyuki était le meilleur pêcheur de carpes de son petit village et sans doute des alentours. Chaque année, il livrait des carpes destinées à alimenter les étangs impériaux. Il est mort et les dernières carpes sont en attente. Alors, sa femme se décide, elle accomplira ce qu’il aurait dû accomplir. Elle portera les poissons là-bas, loin, si loin, sur ses épaules délicates. Elle ne se pose pas de question, elle veut le faire, elle doit le faire, elle le fera. Peu importe le regard des villageois (Cette veuve a-t-elle achevé tous les rituels de purification après un décès ? Est-elle la mieux placée pour ce transport ? Est-ce une bonne idée ?) qui s’interrogent. Il semblerait que Katsuro, le mari, avait un don pour trouver les plus belles, les plus gracieuses, les plus brillantes carpes. Sa dextérité, son bon goût, rejaillissaient sur le village car il était bien récompensé par l’Empereur et il partageait avec le village. C’est également pour cette raison que sa tendre aimée va partir. Elle veut, à son tour, subvenir aux besoins des habitants et surtout marcher dans les pas de celui qui était toute sa vie, dont elle devinait les besoins avant qu’il ne les exprime.

La voilà partie, mettant ses pas dans ceux de son regretté compagnon. Se rappelant, à chaque étape, ce qu’il lui disait du lieu ou des personnes où elle se trouve. Sa route n’aura rien de facile mais elle avance, confiante, portée par le souvenir, sublimée par l’amour qui court encore dans ses veines, dépouillée de tout mais forte, si forte…. Elle est humble, modeste et prête à tout pour réussir, comme si sa vie en dépendait…. Elle ressent la force du disparu et a pour but, de ne pas le décevoir….

Dans un style épuré, avec une écriture subtile et délicieuse, Didier Decoin nous entraîne dans le Japon du XII ème siècle. Il trouve un rythme et un ton parfaitement adaptés à la situation. Comme au fil de l’eau, nous cheminons, tous les sens en éveils, au côté de cette jeune femme discrète, attachante et droite. Elle (s’) est investie d’une mission qu’elle entend mener à bien, par respect et amour de celui qui lui a tout appris.

« C’était lui qui l’avait initié au monde bruissant et frais de la rivière, aux procédés pour capturer les carpes sans les blesser, aux méthodes pour les apaiser, les apprivoiser au point de pouvoir les emmener faire un long voyage… »

J’ai aimé ce livre pour sa « retenue », au-delà de chaque phrase, beaucoup de choses sont exprimées entre les lignes et nous rappellent combien la vie est belle tout simplement.
Et je conclurai sur cet échange :

- Bien sûr, tu ne peux pas comprendre –le mot hiérarchie a-t-il seulement une signification pour toi ?
- Pas vraiment, seigneur, reconnut Miyuki.
Mais elle se rappelait avoir été heureuse avec Katsuro sans jamais avoir éprouvé le besoin de connaître le sens du mot hiérarchie.

"Mariachi Plaza" de Michael Connelly ( The burning room)


Mariachi Plaza (The burning room)
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l’anglais par Robert Pépin
Éditions : Calmann-Levy (Avril 2016)
ISBN : 9782702156506
430 pages

Quatrième de couverture

À l’unité des Affaires non résolues du LAPD, les victimes meurent rarement une décennie après le crime. C’est pourtant ce qui arrive au mariachi Orlando Merced : le musicien succombe à ses blessures dix ans après avoir reçu une balle lors d’une fusillade apparemment sans autre but que celui de faire respecter la loi des gangs et de terroriser la population. L’inspecteur Harry Bosch hérite donc d’une affaire avec un cadavre certes encore frais, mais aux pistes quasi inexistantes. Rien de mieux pour un vieux de la vieille comme lui qui doit enseigner le métier à sa nouvelle coéquipière Lucia Soto.

Mon avis

Ce bon vieil Harry…..

Un supporter anglais me voyant avec ce livre à la main, à Saint-Etienne, où allait jouer son équipe (Euro 2016) m’a interpellée pour me dire : « Harry Bosh is your friend?? » «  Yes, oui, Harry est un bon ami à moi » et c’est avec plaisir que je le retrouve. Et comme c’est mon pote, je lui pardonne ses imperfections.  Même si je préfère de loin, lorsqu’il  officie dans un excellent cru. Pour ce dernier opus, ce sera bon.

Cette fois-ci, mon détective préféré, relégué par ses chefs aux Cold Case, est affecté sur une affaire datant de plus de dix ans. Orlando Merced, Mariachi, est décédé. Il avait été gravement blessé alors qu’il jouait avec son orchestre et bien sûr, personne n’avait pu coincer le tireur. Maintenant qu’il n’est plus là et qu’on a récupéré la balle qui était fichée dans son corps, Harry va donc s’y mettre, avec la petite jeune qu’on vient de lui coller dans les pattes : Lucia Soto.  Ce n’est pas vraiment qu’il apprécie sa présence mais il n’a pas vraiment le choix alors autant faire avec …. Mais cette jeune femme a un comportement étrange et Harry se demande si elle ne poursuit pas un but caché en étant entrée dans la police….. A cause de cela, ce n’est pas une enquête mais deux qu’il va devoir gérer, qu’ils vont devoir serait d’ailleurs plus exact, car ils font équipe, et d’ailleurs, Lucia a bien l’intention de prendre une place et d’avoir voix au chapitre.
Leur binôme ne va pas trop mal fonctionner  et une fois la confiance établie, chacun pourra se consacrer à  sa part de recherches. Ce ne  seront pas toujours les mêmes mais elles se compléteront.

Comme toujours, Michael Connely nous entraînera à droite à gauche avant de distiller, petit à petit, quelques indices.  Les deux histoires vont finalement avoir des points communs et il est intéressant de remarquer comment ces faits sont amenés. Il fallait y penser, félicitations sur ce coup là Monsieur Connelly !

L’intrigue est plutôt linéaire même si on passe d’une enquête à une autre. On suit les protagonistes dans un « espace temps et lieu » régulier sans retours en arrière (ou pas souvent). C’est un peu dommage car l’auteur m’avait habituée à plus « fouiller » le passé de ses personnages. Mais la lecture est plus aisée ainsi et on ne risque pas de ne plus savoir où on en est.  On est bien pris par les protagonistes et on essaie de démêler nous-mêmes les fils de ce sac de nœuds car il y en a un gros !!

L’écriture de l’auteur est toujours plaisante (bravo au traducteur). Agrémenté de dialogues bien ciblés, elle est fluide et dynamique. Les relations de Harry Bosh avec les femmes me font sourire. Que ce soit sa fille, sa collègue, son ex, ou autres….il a quand même des difficultés à trouver le ton juste. Est-ce que c’est un vieux ronchon bourru ou un grand timide qui s’ignore ? Sans doute un savoureux mélange des deux et surtout, surtout, un type bien, un homme intègre qui reste droit dans ses bottes, comme nous le démontre la dernière scène….

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce roman même si j’ai trouvé qu’il lui manquait un petit quelque chose pour être aussi profond que d’autres du même auteur. Sans doute la dimension suspense et le côté torturé et psychologique des individus n’est-elle pas autant approfondie que certaines fois mais il n’en reste pas moins que c’est une lecture de qualité.