"Le bureau des jardins et des étangs" de Didier Decoin


Le bureau des jardins et des étangs
Auteur : Didier Decoin
Éditions : Stock (2 Janvier 2017)
ISBN : 9782234074750
390 pages

Quatrième de couverture

Empire du Japon, époque Heian, XIIe siècle. Être le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, n'empêche pas Katsuro de se noyer. C'est alors à sa jeune veuve, Miyuki, de le remplacer pour porter jusqu'à la capitale les carpes arrachées aux remous de la rivière Kusagawa. Chaussée de sandales de paille, courbée sous la palanche à laquelle sont suspendus ses viviers à poissons, riche seulement de quelques poignées de riz, Miyuki entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes

Mon avis

Attention pépite !

Avant toute chose, il faut déjà souligner la couverture : sobre, inclassable, belle, lumineuse, poétique, sensuelle…. A elle seule, elle présente l’entité du roman : Miyuki et la carpe. Ce sont elles qui peuplent les pages, les remplissent d’odeurs, de sons, de sensations, d’émotions….

Qui eut pensé que des carpes et une frêle jeune femme allaient me fasciner, m’emporter loin de tout ? Certainement pas moi qui, en commençant ce roman, me demandais sur quelles routes j’allais marcher au côté de cette récente veuve.

En effet, l’époux de Miyuki était le meilleur pêcheur de carpes de son petit village et sans doute des alentours. Chaque année, il livrait des carpes destinées à alimenter les étangs impériaux. Il est mort et les dernières carpes sont en attente. Alors, sa femme se décide, elle accomplira ce qu’il aurait dû accomplir. Elle portera les poissons là-bas, loin, si loin, sur ses épaules délicates. Elle ne se pose pas de question, elle veut le faire, elle doit le faire, elle le fera. Peu importe le regard des villageois (Cette veuve a-t-elle achevé tous les rituels de purification après un décès ? Est-elle la mieux placée pour ce transport ? Est-ce une bonne idée ?) qui s’interrogent. Il semblerait que Katsuro, le mari, avait un don pour trouver les plus belles, les plus gracieuses, les plus brillantes carpes. Sa dextérité, son bon goût, rejaillissaient sur le village car il était bien récompensé par l’Empereur et il partageait avec le village. C’est également pour cette raison que sa tendre aimée va partir. Elle veut, à son tour, subvenir aux besoins des habitants et surtout marcher dans les pas de celui qui était toute sa vie, dont elle devinait les besoins avant qu’il ne les exprime.

La voilà partie, mettant ses pas dans ceux de son regretté compagnon. Se rappelant, à chaque étape, ce qu’il lui disait du lieu ou des personnes où elle se trouve. Sa route n’aura rien de facile mais elle avance, confiante, portée par le souvenir, sublimée par l’amour qui court encore dans ses veines, dépouillée de tout mais forte, si forte…. Elle est humble, modeste et prête à tout pour réussir, comme si sa vie en dépendait…. Elle ressent la force du disparu et a pour but, de ne pas le décevoir….

Dans un style épuré, avec une écriture subtile et délicieuse, Didier Decoin nous entraîne dans le Japon du XII ème siècle. Il trouve un rythme et un ton parfaitement adaptés à la situation. Comme au fil de l’eau, nous cheminons, tous les sens en éveils, au côté de cette jeune femme discrète, attachante et droite. Elle (s’) est investie d’une mission qu’elle entend mener à bien, par respect et amour de celui qui lui a tout appris.

« C’était lui qui l’avait initié au monde bruissant et frais de la rivière, aux procédés pour capturer les carpes sans les blesser, aux méthodes pour les apaiser, les apprivoiser au point de pouvoir les emmener faire un long voyage… »

J’ai aimé ce livre pour sa « retenue », au-delà de chaque phrase, beaucoup de choses sont exprimées entre les lignes et nous rappellent combien la vie est belle tout simplement.
Et je conclurai sur cet échange :

- Bien sûr, tu ne peux pas comprendre –le mot hiérarchie a-t-il seulement une signification pour toi ?
- Pas vraiment, seigneur, reconnut Miyuki.
Mais elle se rappelait avoir été heureuse avec Katsuro sans jamais avoir éprouvé le besoin de connaître le sens du mot hiérarchie.

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