"Les enquêtes de Rigo – Tome 1 : Mémoire inversée" de Chantale Brassard & Réjean Auger


Les enquêtes de Rigo – Tome 1 : Mémoire inversée
Auteurs : Chantale Brassard & Réjean Auger
Éditions : Pont Littéraire (27 Février 2018)
ISBN : 978-2981575487
315 pages

Quatrième de couverture

Rigo est un auteur à succès de roman noir. Intrigué par une tentative de meurtre, l'écrivain se porte volontaire comme bénévole.  Faisant la lecture au jeune homme entré dans un profond coma, de vieilles peurs refont surface.  Les voix qu'il entend, sont-elles réelles ?

Mon avis

Ce roman qui se définit lui-même comme un thriller psycho-paranormal est totalement atypique. Il commence assez simplement : un auteur à succès décide de lire son futur texte à un de ses fans qui est dans le coma, espérant que cette lecture pourra l’aider.  Vu comme ça, il fait du bénévolat, ça fonctionne ou pas et basta… Sauf que la situation n’est pas si simple et la maîtrise des événements va très vite lui échapper.

Il se trouve que, plus jeune, Rigo avait eu un épisode psychotique où il entendait des voix, il a l’impression que ça recommence, se demande s’il est télépathe ou fou tout simplement. Mal à l’aise, il est sur le qui-vive, d’autant plus que la mère du jeune malade, le médecin et des personnes qu’ils croisent lui tiennent des discours parfois contradictoires. Il a également l’impression que passé, présent, futur, se mêlent, se déplacent, se construisent pour mieux se détruire et que rien n’est acquis… Comment gérer le stress ? Que croire, qui croire, tout est flou autour de l’écrivain. Ce joyeux mélange de normal/ paranormal est assez déroutant et en même temps séduisant. J’ai essayé d’anticiper, de trier le réel de l’imaginaire…pas facile et d’autant plus captivant !                                                                          

Emaillé ça et là de quelques expressions typiquement canadiennes (profiter de mon argent au plus crisse, je m’enfargeai…), ce récit écrit à quatre mains se tient tout à fait malgré des faits surprenants, des voyages astraux auxquels est soumis le héros et une linéarité qui n’est qu’apparence.  Le style des auteurs est vivant, agréable, le phrasé fluide. On se laisse très vite embarquer à la suite de Rigo, se demandant, comme lui, ce qu’il se passe et comment agir pour reprendre les rênes…. Et lorsqu’on tourne la dernière page, on se doute que l’histoire ne s’arrêtera pas là et on a envie de le retrouver bien vite !                                                     



"Crucifixion Road" de Nicolas Gorodetzky


Crucifixion Road
Auteur : Nicolas Gorodetzky
Éditions : Yanat (1 er Juin 2019)
ISBN :9782955071229
260 pages

Quatrième de couverture

Leroy Thornton est un jeune bluesman qui vit dans une petite ville du delta du Mississippi, en Louisiane. Il se trouve pris dans un piège où Ku Klux Klan et Vaudou se côtoient, sans concession, tandis que sévit le tueur à la plume de paon, derrière lequel court le shérif Browne, vétéran et héros de la Première Guerre mondiale.

Mon avis

C’est dans les bayous de Louisiane, aux alentours des années vingt que se situe ce roman. Leroy est un jeune noir qui joue et chante le blues le soir dans un bar. Il vit pour sa musique et elle fait partie de lui, il a même du talent. Mais lorsqu’on est de couleur au pays du Ku Klux Klan, il vaut mieux se faire oublier…. Surtout que des jeunes filles blanches, qui plus est de bonne famille, se rapprochent dangereusement du musicien, espérant « s’amuser » avec lui, voire plus si affinités … Il le sait bien, Leroy qu’il ne doit pas frayer avec les adolescentes, sinon il va se mettre en danger …. Pourtant son cœur bat, la tentation est forte….Et elles peuvent être très manipulatrices….

Dans cette petite ville, le Shérif Maximums Browne fait de son mieux pour que règne le calme. Malgré ses efforts, le climat est tendu car des personnes sont retrouvées assassinées avec un même mode opératoire plutôt surprenant. Les victimes ont-elles un lien ? Si oui, lequel ? Comment sont-elles choisies ? Sachant que certains morts sont issus de milieu plutôt riche, il va sans dire que tout cela ne sent pas bon et qu’il vaut mieux résoudre l’affaire au plus vite. Mais rien n’est aisé. L’ouragan menace, les hommes cagoulés du Klan aussi, autant dire que l’ambiance est plus qu’électrique et que la musique ne suffit pas à adoucir les mœurs…. L’heure est grave et il faut agir. Browne est un homme dont le fond est bon, parfois il dérange parce qu’il veut d’une « vraie » justice. Comment peut-il mener l’enquête au milieu de tout ça ? De bons adjoints, de la pugnacité, des soutiens, de l’observation, et du courage…. Heureusement aucun de ces atouts ne lui fait défaut.

Ce roman est superbe ! L’atmosphère est palpable, concrète et on s’y croirait. L’auteur a dû se documenter et peut-être même aller sur les lieux tant c’est « visuel ». Les personnages sont travaillés, on ressent les tourments des uns et des autres, la difficulté à vivre ensemble avec le racisme, la violence, l’intolérance quasi permanentes.  L’écriture est de qualité, le vocabulaire précis sans être apprêté. Les personnages sont intéressants, quelques-uns ont une part d’ombre, on sent bien qu’ils cachent quelque chose mais quoi ? Nicolas Gorodetzky a vraiment travaillé son intrigue. Il a su, avec intelligence, installer un décor, un contexte, et après quelques pages « calmes », la tension est très vite montée en puissance in et off. En effet, le lecteur est tellement imprégné de l’histoire qu’il ne peut que se sentir concerné et ça, c’est le signe d’un excellent récit, car il fait tout oublier !

Ce recueil a été une belle découverte mais plus que ça encore. Je l’ai trouvé totalement abouti tant dans la construction du contexte et des différents événements que dans l’analyse des individus avec le lien au passé (l’offensive Meuse-Argonne où les américains sont intervenus pour la première guerre mondiale) et la place des croyances, les deux ne laissant personne indemne.

J’ai lu que l’auteur était également musicien et médecin. S’il excelle dans ces deux domaines comme dans l’écriture, je veux bien découvrir sa musique ! Je pense qu’elle doit ressembler à son phrasé : porteuse de sens, délicate, réfléchie et poétique avec des mots qui vous transmettent la vie avec ses doutes, ses peurs, mais également ses espoirs….

"Des vignes et des héritiers" de Lucien Rosina


Des vignes et des héritiers
Auteur : Lucien Rosina
Éditions : Passion du Livre (30 Avril 2019)
ISBN : 979-1097531355
260 pages

Quatrième de couverture

Victor, petit professeur de collège, se voit chargé par la sœur d’un défunt, de mettre en forme les mémoires de ce dernier et d’en faire un roman, exauçant ainsi ses dernières volontés. Victor va donc retracer la vie de Charly, qu’il a eu comme voisin et connu à plusieurs époques de sa vie, et se rendre compte que celui-ci n’était pas du tout ce qu’il imaginait.

Mon avis

Victor est enseignant dans un collège de province. Il a connu Charly a plusieurs époques de sa vie, notamment lorsque ce dernier s’est installé dans une petite maison proche de la propriété des parents de Victor. Homme à tout faire dans une ferme située à proximité, Charly mangeait parfois chez ses voisins. C’est dans ces moments-là que Victor, jeune garçon à l’époque, s’est aperçu que cet « ouvrier » avait un excellent niveau et des connaissances plus que solides et multiples. Bizarre….

Le roman commence au moment des funérailles de Charly. La sœur du défunt interpelle le professeur et lui explique que son frère a émis un souhait : qu’il écrive « le livre de sa vie » avec les notes qu’il lui fait transmettre. Victor exerce son métier dans les matières scientifiques, il ne se sent pas l’âme d’un écrivain…mais il finit par se laisser tenter par l’aventure, sachant qu’il pourra, si besoin, s’appuyer sur une collègue avec qui il s’entend bien.

Nous allons donc suivre, d’une part Victor dans son quotidien et l’histoire de Charly qui se construit sous nos yeux. Plus le livre avance, plus ce qu’a vécu cet homme est fascinant, intéressant. De plus Victor, établit quelques parallèles avec le présent… De nombreux thèmes sont abordés. De tout temps, il a été difficile pour certaines riches familles d’accepter des mésalliances, de comprendre un fils ou une fille qui renonce à s’occuper de la propriété d’une famille, … Les « codes » sont ancrés et les parents attendent de leurs enfants qu’ils rentrent dans le moule…est-ce forcément le bonheur pour eux?  D’une génération à l’autre, ce ne sont pas obligatoirement les mêmes choses qui rendent heureux…. Les sagas familiales ont toujours un côté très riche dans l’aperçu des relations intra-muros que l’on connaît parfois mal. L’auteur a exploité cet aspect des liens « privés » et « secrets »  avec doigté et intelligence.

Lucien Rosina a une belle écriture, soignée, et le rythme de son récit est jaugé à la perfection entre les deux hommes dont il nous parle. Il sait capter l’attention de son lecteur avec de petites anecdotes de son établissement scolaire ou de sa belle famille ainsi qu’avec le compte-rendu qu’il doit écrire et qui l’accapare au grand dam de son épouse. J’ai accroché dès les premières lignes de ma lecture et j’ai vraiment passé un agréable moment.

""Coût" de folie" de Hélan Brédeau


« Coût » de folie
Auteur : Hélan Brédeau
Éditions : Books on Demand (21 Février 2019)
ISBN : 9782322151950
390 pages

Quatrième de couverture

À la suite d'un coup de foudre, un coup de folie, Sabine Galache se retrouve emportée dans une tourmente infernale. Accusée, condamnée à tort, elle est emprisonnée durant dix longues années. Libérée elle est poursuivie par des tueurs. Pourquoi cette femme est-elle un danger ? Que cache-t-elle ?

Mon avis

Tomber amoureux, c’est facile. Tomber amoureux lorsqu’il y a une différence d’âge « marquée » peut s’avérer plus difficile lorsque le regard des autres pèse. Tomber amoureux lorsque le conjoint a une part d’ombre peut être compliqué mais qu’importe « Ça fait du bien d’être amoureux » (Jacques Brel) ….

C’est sans aucun doute ce que s’est dit Sabine lorsque le beau Raphaël a croisé sa route. Après tout la vie est courte alors autant en profiter. Mais voilà qu’elle est accusée d’un crime qu’elle n’a pas commis (c’est ce qu’elle répète à qui veut l’entendre) et elle écope de dix ans d’emprisonnement. Quand elle sort, c’est une autre femme qui retrouve la vie, la ville, l’appartement où ils étaient deux. Elle est désespérément seule et le séjour en prison a fait d’elle une autre personne. Elle est sans cesse à l’affût, sur le qui-vive, chaque bruit peut l’insécuriser. De plus, elle a eu un quotidien tellement « réglé » qu’elle a du mal à reprendre un rythme où elle choisit ce qu’elle fait. Cet état de faits est très bien décrit par l’auteur.

Sabine pourrait couler des jours presque heureux mais elle s’aperçoit très rapidement qu’elle est « surveillée » et que des hommes en veulent à sa vie. Est-ce en lien avec le côté secret de son conjoint ? Est-elle au courant ? Quelque chose se trame et elle se demande vers qui se tourner pour avoir un peu d’aide.

C’est alors que va commencer une course poursuite. Le lecteur va se retrouver embarqué à un rythme effréné dans un tourbillon d’actions. Chaque fois qu’on imagine que les choses vont se calmer, c’est le contraire qui se produit, un rebondissement et ça repart. Hélan Brédeau a vraiment « travaillé » cet aspect-là, avec beaucoup d’imagination, on ne s’ennuie pas une seconde et on se demande bien ce qui va se passer.

L’écriture est fluide, simple et agréable. L’auteur aurait pu approfondir le côté psychologique (notamment le côté retors des poursuivants) de ses protagonistes mais peut-être que cela aurait cassé la cadence. J’aurais souhaité une description plus aboutie pour décrire l’atmosphère, même si on ressent bien ce que vivent les différentes personnes. Il n’en reste pas moins que l’ensemble de ce récit est équilibré donnant une lecture plaisante.


"La locataire" de Dominique Uhlen


La locataire
Auteur : Dominique Uhlen
Éditions : Passion du Livre (8 Mai 2019)
ISBN : 9791097531256
120 pages

Quatrième de couverture

Elle s’installe dans «La Résidence» et sa vie bascule...
«Un bruit le réveilla. Comme le couinement d’une poignée qu’on s’ingénie à manœuvrer doucement. L’horloge aux oiseaux indiquait onze heures treize. Il somnolait devant un documentaire genre chasse et pêche, intitulé «sur les traces du brochet en vallée de Meuse» qui tentait de faire comprendre les phénomènes de déplacement du prédateur d’eau douce durant les périodes de procréation. Il tendit l’oreille et les sens en alerte se dirigea à pas feutrés et aussi vite que possible vers l’œilleton.»

Mon avis

C’est un immeuble tranquille, de trois étages, six logements. Des couples plutôt âgés, l’habitent et il n’y a pas trop de mouvement, pas trop de bruit. Ce qui leur va bien. Ils se connaissent tous et ont trouvé l’équilibre indispensable à une bonne cohabitation, la gestion étant organisée de leur fait, bénévolement.

« Lui », il réside au dernier niveau dans l’appartement hérité de ses parents. Il n’y a rien changé, ni les meubles, ni la décoration. C’est ce qu’on appelle un vieux garçon, qui plus est « fils de vieux » alors la modernité lui fait peur, il la regarde mais de loin… Sa vie lui convient et il s’en contente. En face de lui, sur le même palier, c’est vacant. Et voilà que ceux qui ont récupéré le logement, des parisiens en plus… se mettent dans l’idée de louer. Sans se préoccuper de « la charte de vie » de la résidence !! Catastrophe ! Alors forcément, ce ne sont pas des retraités qui s’installent mais une jeune mère célibataire avec un enfant…. Tout est bouleversé, les repères ne sont plus les mêmes et pour le voisin tout cela est déstabilisant. Il ne sait absolument pas comment se comporter avec cette jeune femme qui s’installe là en face de chez lui. Devenir amis ? La snober ? Être poli sans plus ? Et puis d’abord, quelle vie mène-t-elle ? Pourquoi est-elle seule avec son fils ? La curiosité est un vilain défaut à ce qu’on dit mais quand on a rien à faire….ça occupe un peu, beaucoup, trop ?

Ce court roman est un régal. Il est porté par une écriture ciselée, délicate, expressive.
« L’éloge de ces vies étriquées et laborieuses, inspirantes pour les petites gens sans avenir, obscurcit soudain son ciel. »
L’auteur utilise à la perfection tous les mots précis du vocabulaire français pour transmettre les émotions et les ressentis de ces personnages, pour nous présenter les situations auxquelles ils sont confrontés.

Ce roman a été une belle parenthèse pour moi. Le style est vivant, une pointe d’humour apparaît entre les lignes, l’air de rien. L’ensemble est bien construit, c’est très « visuel ». Il y a des sous-entendus, des clins d’œil et on ressort de cette lecture le sourire aux lèvres

"Avis de décès" de Zhou Haohui (Si wang tong zhi dan : an hei zhe)


Avis de décès (Si wang tong zhi dan : an hei zhe)
Auteur : Zhou Haohui
Traduction du chinois établie à partir de la version anglaise par Hubert Tézenas
Éditions : Sonatine (13 Juin 2019)
ISBN : 978-2355847516
360 pages

Quatrième de couverture

18 avril 1984. Une série de meurtres inexpliqués dans la ville de Chengdu, incite la police à mettre sur pied une unité spéciale, la 4/18. Parmi ses membres, Zheng Haoming, un flic d'élite et Pei Tao, major de l'académie de police. Échouant à trouver le coupable, l'unité est dissoute.  Vingt-deux ans plus tard, Zheng Haoming est toujours obsédé par cette affaire. Mais au moment où il pense enfin tenir un indice majeur, il est assassiné. L'Unité 4/18 renaît alors de ses cendres. C'est le début d'un jeu du chat et de la souris avec un tueur aussi intelligent qu'insaisissable.

Mon avis

Original et captivant

Nous sommes en 2002, à Chengdu dans la capitale de la province de Sichuan en Chine. Une ville surpeuplée où nous découvrons un policier Zheng Haoming qui s’en veut de ne pas avoir réussi à résoudre une série de meurtres atroces commis en 1984. Vingt-deux après cette affaire, elle l’obsède toujours et il essaie encore de trouver des pistes. Malheureusement, alors que, peut-être, quelque chose de plus précis se présentait à lui, il est tué. Deux décennies sont passées, s’agit-il du même assassin qui se sentant découvert, a agi ? En 1984, lorsque les faits s’étaient déroulés, une unité de recherche, l’unité 4/18 avait été recrutée, puis dissoute puisqu’elle n’avait pas abouti à l’arrestation du tueur. A la suite de la mort de Zheng, les autorités décident de reconstituer l’équipe avec des policiers aguerris dont un féru d’informatique, et une psychologue. Un homme, le capitaine Pei, qui a été mêlé de près aux événements antérieurs, va compléter ce groupe. Son histoire fait que certains se méfient de lui et c’est intéressant de voir les stratégies mises en place pour le surveiller…

Le tueur envoie des avis de décès à ses futures victimes et malgré toutes les protections réfléchies et installées pour protéger ceux qui ont été désignés, il arrive à ses fins. Comment choisit-il ceux qu’il décide d’occire ? Lorsqu’il pense que la justice n’a pas fait son travail, il intervient non sans prévenir avec ses courriers signés : Euménide. Euménides ? Ce sont dans la mythologie grecque, les déesses de la justice et du châtiment, elles traquaient sans relâche ceux qui avaient commis des crimes graves pour emplir leur conscience de remords et de culpabilité. Qu’ont fait de si atroce ceux qui sont ainsi désignés ?

On sent très vite que l’enquête n’aura rien d’aisé. Le criminel a un esprit retors, il a toujours une longueur d’avance sur ceux qui le traquent. Et surtout il les manipule. C’est incroyable de voir les idées qu’a eues l’auteur pour cela. C’est complexe et en même temps, lorsqu’on comprend, on se dit « mais oui, bien sûr ! » J’ai beaucoup apprécié la psychologie des personnages, les rapports qu’ils établissent faits d’entraide, d’écoute, de respect et quelques fois de méfiance. Les policiers chinois semblent avoir une haute idée de la hiérarchie et ils portent à fond le code de l’honneur. Ils se répartissent les tâches et essaient d’avancer. C’est un roman captivant, parce qu’on se mêle à ceux qui essaient d’arrêter les actes pernicieux. On voudrait nous aussi, devancer le monstre tapi dans l’ombre, le mettre à découvert. Alors, on analyse, on raisonne, on tâtonne, on émet des hypothèses, on se trompe et on repart….

L’écriture est fluide, prenante. Le rythme est assez atypique, Il y a des passages avec énormément d’action, de vivacité, de rebondissements et d’autres où on est plus dans l’introspection, ça change de ce qu’on lit habituellement. Le capitaine Pei est un individu très particulier, il aime agir seul, il cogite et assemble les éléments dont il dispose, établissant quelques recoupements pour arriver à « déchiffrer » et agir vite.

Ce recueil m’a passionnée dès les premières pages. L’atmosphère qui s’en dégage sort de l’ordinaire et pas seulement parce que ça se passe en Asie. Une grande part est laissée à la stratégie des deux côtés : que ce soit celui qui est recherché ou ceux qui le poursuivent et ça pourrait ressembler à un grand jeu si seulement on ne parlait pas de vies humaines….

C’est donc une lecture complètement addictive et maintenant que je sais qu’il s’agit d’une trilogie, j’attends avec impatience la suite !



"Sans filet" de Jérémie Janot


Sans filet
Auteur : Jérémie Janot
En collaboration avec Julien Gourbeyre
Éditions : Marabout
ISBN : 9782501140836
240 pages

Quatrième de couverture

Jérémie Janot a disputé plus de 400 matchs dans les cages de l'AS Saint-Étienne, un record qui lui a permis de dépasser le grand Ivan Ćurković, gardien de la grande époque des Verts des années 1970. Atypique, médiatique, parfois fantasque comme lorsqu'il jouait en tenue de Spiderman, Jérémy Janot promet une autobiographie unique dans laquelle il se livre sans filtre sur la condition de footballeur, la spécificité du poste de gardien de but et raconte mille anecdotes sur les Verts pour lesquels il a joué presque toute sa carrière (16 ans de 1992 à 2008).

Mon avis

 « Jérémie Janot, Jérémie Janot, Jéré, Jéré, Jérémie Janot… » Combien de fois ce chant a retenti dans les kops, dont le Sud et les Green Angels dont je fais partie. Alors, apprendre à connaître Jérémie Janot par l’intermédiaire de son livre tombait sous le sens.

Et cette lecture est une belle découverte ! Il nous présente le cheminement de ce gardien de but qui n’était pas programmé pour gagner (ce n’est pas moi qui le dis, c’est lui). Le plus souvent, à ce poste, on met des hommes grands et lui, ce n’est pas son cas. Et pourtant, il a été titulaire en Ligue 1 pendant plus de matchs qu’Ivan Ćurković, ce n’est pas rien. Son secret pour en arriver là ? Le travail, encore et toujours, et en complément, un environnement familial et professionnel au top. Sachant qu’on ne lui pardonnerait pas la moindre erreur du fait de son petit gabarit, il lui a été nécessaire d’être toujours plus performant que les autres pour justifier sa place.

On suit donc le parcours d’un jeune garçon issu d’une famille modeste, passionné de football et de boxe thaïe. Il est d’ailleurs intéressant de découvrir les parallèles qu’il établit entre les deux sports. Le hasard des rencontres, l’envie de réussir, de combattre au quotidien pour atteindre son but, l’ont animé et l’animent encore. C’est un homme opiniâtre, travailleur, qui ne laisse rien au hasard. Il analyse les buts qu’il encaisse, essaie de comprendre où a été la faille. Il ne lâche rien et je l’entends encore dire que cette place de titulaire, elle est à lui. C’est ce qu’ont aimé les supporters. Janot fait partie des joueurs qui ont compris les valeurs de la ville, du club. Il a toujours mouillé le maillot, en toute humilité, sans tricher.

En lisant son récit, on s’aperçoit que ses souvenirs marquants sont les mêmes que nous, de l’autre côté du terrain. Ce derby perdu 2-3 alors qu’on (« on », hein, les supporters sont le douzième homme ; -) menait 2-1. Je ferme les yeux et je vois la formidable détente de Jérémie allant frapper le poteau de but des deux pieds, à l’horizontale, tellement il était en rage. Quand il parle des rencontres contre Gueugnon, Montpellier, ou autre, ce sont des images identiques aux siennes que j’ai gardées. C’est amusant et cela montre vraiment « la communion » qu’il y a entre les joueurs et ceux qui les admirent.  C’est la même chose pour les tifos, des heures de travail mais des mots, des représentations qui veulent tout dire et quand le tifo est destiné à un homme comme Janot, le texte lui correspond : « Un gardien mythique, une mentalité unique… »  C’est quelqu’un qui a une force de caractère hors normes, qui est attachant, qui ose dire ce qu’il pense, qui assume ce qu’il est. Avec l’équipementier Duarig, il a eu une période avec des maillots plus qu’originaux. A chaque match, on se demandait comment il allait être habillé ! Et un soir, il est venu en Spiderman, avec sa cagoule !


Au fil des pages, le gardien emblématiques analyse ce qu’il a vécu avec un recul intelligent, il livre des anecdotes, il explique les liens particuliers qu’il a tissés avec quelques personnes dont Jeannot Dées ou Papus.

C’est un recueil très complet, qui offre une belle approche du métier, des sacrifices qu’il faut consentir pour monter de plus en plus haut et je suis vraiment heureuse d’en savoir plus sur un de mes chouchous.

NB : Je ne crois pas que d’autres gardiens de but aient réalisé le même rêve que Janot. En effet, il a planté sa tente sur la pelouse du stade Geoffroy Guichard et a dormi là-bas. J’avais trouvé cela formidable et je pense que de nombreux supporters ont dû l’envier.



"Studio 6" de Liza Marklund (Studio Sex)


Studio 6 (Studio Sex)
Auteur : Liza Marklund
Traduit du suédois par Christofer  Bjurström
Éditions : Ramsay (15 novembre 2000)
ISBN : 978-2841145096
512 pages

Quatrième de couverture 

Annika Bengtzon est chargée de répondre aux appels de la Hot Line de La Presse du soir, quotidien suédois à sensation où elle est stagiaire. Un jour, un anonyme lui livre un scoop : le corps nu d'une jeune fille a été découvert dans un cimetière de Stockholm. Elle a visiblement été étranglée. C'est le meurtre de l'été ! Le rédacteur en chef met Annika sur le coup.

Mon avis

Autant le dire tout de suite, ce roman ne m’a pas emballée. Je l’ai trouvé brouillon, pas très bien écrit (une mauvaise traduction ?) et je lui reprocherai quelques longueurs.

Pourtant, le contexte avait tout pour me plaire. Une jeune femme retrouvée assassinée dans des circonstances bizarres. Au niveau presse, l’affaire suivie par une apprentie journaliste très volontaire, prête à tout pour réussir en fournissant des articles de qualité. Elle a les dents longues, ce n’est rien de le dire et cela la rend parfois assez maladroite dans ses rapports aux autres. Elle fonce et elle réfléchit après… Cela ne la rend pas forcément sympathique.

Ce qui est intéressant, c’est de voir une enquête du côté journaliste d’investigation.  Il y a également pas mal de rebondissements, trop peut-être, ce qui multiplie les pistes… Et puis un polar nordique qui se déroule dans la ville de Stockholm en pleine canicule, ça fait bizarre, même si c’est original !

Bref, un livre qui ne restera pas dans les annales des excellents recueils du genre policier….


"Quelques mois d'une France lointaine" d'Ilf-Eddine


Quelques mois d'une France lointaine
Auteur : Ilf-Eddine
Éditions : Globophile (6 Juin 2014)
ISBN : 978-2953896459
130 pages

Quatrième de couverture

En 2002, dans un pays d’Asie du Sud-Est, l’annonce d’une visite du président Jacques Chirac bouleverse la communauté française. Au fil des préparatifs, la découverte des arcanes d’une ambassade et des travers de la coopération internationale côtoie la réflexion sur l’expatriation, le dépaysement et le rapport à l’Autre.

Mon avis

Renaud Majeur est ambassadeur en Asie du Sud-Est, plus précisément en Khersonésie (ne cherchez pas sur une carte). Il a été envoyé là-bas car il n’a pas soutenu le bon numéro et en politique, ça ne pardonne pas. Il est aidé au quotidien par Dominique Tell, conseiller de coopération et d’action culturelle. Ce dernier a longuement vécu En Afrique et a atterri, un peu par hasard, au côté de Renaud Majeur.

Nous sommes en 2001-2002 et nous découvrons, dans un premier temps, le microcosme d’une ambassade avec une petite réception pour deux cents personnes et une belle averse. La description qu’en fait l’auteur est un pur régal !
« Certains, qui ne viennent que rarement à la résidence, surjouent leur familiarité avec l’endroit […] Ils se hèlent à distance, se lancent des plaisanteries et, sitôt fait, se pressent d’informer leurs proches de la qualité de la personne qu’ils viennent d’interpeler… »
Il y a toute une galerie de personnages, tous plus pittoresques les uns que les autres. Pour certains, l’essentiel, c’est d’être vus, pour d’autres, c’est de se faire oublier ! On découvre les conversations, les enjeux politiques et culturels décrits en quelques mots bien choisis.

Et voilà qu’est annoncée la venue de Jacques Chirac dans ce coin perdu et cela mobilise tout le monde. Sa réélection est un sujet d’actualité ainsi que le place qu’il souhaite donner aux Arts Premiers. (J’ai beaucoup apprécié « l’analyse » du discours »). Nous approchons également la minorité chonka et Ilf-Eddine s’exprime avec beaucoup de doigté. De ce fait, plusieurs thèmes autour des relations humaines sont abordés dans ce court roman.

Dans un contexte imaginaire avec des hommes politiques réels, l’auteur nous présente les difficultés de communication autour de la coopération culturelle. L’écriture de Ilf-Eddine, teintée d’une ironie discrète et mordante, embellie par un vocabulaire et des tournures de qualité, est un point fort de ce récit. Le style est fluide et le texte accrocheur par son originalité.  L’auteur n’a pas fini de me surprendre.

"Le chant de l'assassin" de R. J. Ellory (Mockingbird Songs)


Le chant de l’assassin (Mockingbird Songs)
Auteur : R.J. Ellory
Traduit de l’anglais par Claude et Jean Demanuelli
Éditions : Sonatine (23 Mai 2019)
ISBN : 978-2355846618
500 pages


Quatrième de couverture

1972. Condamné pour meurtre, derrière les barreaux depuis plus de vingt ans, Evan Riggs n'a jamais connu sa fille. Le jour où son compagnon de cellule, Henry Quinn, un jeune musicien, sort de prison, il lui demande de la retrouver pour lui donner une lettre. Lorsqu'Henry arrive à Calvary, au Texas, le frère de Riggs, shérif de la ville, lui affirme que la jeune femme a quitté la région. Mais Henry s'entête.

Mon avis

Un douloureux vibrato exceptionnel

« Le chant de l’assassin » est tout simplement magnifique, et chaque paragraphe est sublimé par l’écriture envoûtante de l’auteur. Il y a un je ne sais quoi qui fascine, vous fait pénétrer dans l’histoire et vous englobe tout entier avec les protagonistes. Son style vous prend aux tripes et en quelques lignes vous faites corps avec ce que vous lisez. Il nous enchante, nous fait vibrer. Merci aux traducteurs.

Nous sommes en 1972 et Henry, vingt et un ans, qui a passé un peu plus de trois ans en prison sort avec une mission : remettre une lettre à la fille de son codétenu : Evan, qui lui est condamné à plus de vingt ans d’enfermement et ne sortira jamais. Le jeune Henry considère que sa rencontre avec Evan est exceptionnelle, ils ont parlé musique (le plus vieux a sorti un disque, l’autre devait le faire avant d’être incarcéré), lecture, se sont compris à demi-mots et sont devenus, contre toute attente, très proches, le plus âgé protégeant l’autre. Aussi, il a bien l’intention de remettre cette missive à qui de droit. Il se rend donc à Calvary, au Texas, où Carson, le frère d’Evan est shérif. Il ne lui faudra pas longtemps pour comprendre qu’une espèce d’omerta règne sur la ville. Tout est calme, trop calme, le lieu est dirigé par l’homme à la main de fer. Il semble avoir beaucoup d’emprise sur les habitants, comme si certains avaient peur de celui qui détient la loi, étonnamment, depuis plusieurs mandats. Henry sent qu’il n’est pas le bienvenu, qu’il n’obtiendra aucun renseignement mais il ne lâche pas l’affaire, lié par la parole donnée et l’honnêteté qu’il met dans tout ce qu’il entreprend. Il ne sait pas dans quoi il s’engage, quels risques il prend mais il le fait parce que, pour lui, cela ne peut pas être autrement.

La narration se fait sur deux périodes : l’enfance d’Evan jusqu’au drame qui le conduit au pénitencier et en parallèle, le présent avec les recherches d’Henry. On découvre les rapports tumultueux entre Carson et Evan, la jalousie du premier, le besoin de vivre tout à fond du second. Cette nécessité le poussant de temps à autre sur des chemins de traverse où il se perd…  On voit combien le passé pèse sur le présent, combien l’enfance influence ce que deviennent les hommes, combien les non-dits sont source de malentendus….

Henry et Evan ont des points communs. On ne peut pas dire que l’histoire se répète mais il y a un petit quelque chose qui fait que leurs destinées sont différentes de la norme. Tout ce qu’ils approchent peut devenir brûlant ou scintillant, à la fois dangereux et merveilleux. Les rencontres qu’ils font, et surtout ce qu’ils en font, ont une importance capitale. Rien n’est anodin avec eux. Lorsque R.J Ellory parle d’eux, il le fait avec passion, il va jusque dans les tréfonds de l’âme humaine, analysant, avec une finesse extrême, chaque émotion, chaque bouleversement des hommes. LA galerie de personnages est précise, complète, chacun avec sa part d’ombre et pour certains, de lumière, et ces individus complètent parfaitement l’intrigue.

C’est un roman d’atmosphère, puissant, porté par une désespérance qui sourd entre les lignes. Il y a une forme de lenteur qui ne pèse pas car chaque mot, chaque phrase veut dire quelque chose. Le style est profond, reprenant les tourments des uns et des autres avec des termes qui frappent en plein cœur. L’histoire se déroule avec son lot de rebondissements, d’interrogations, de pudeur et d’exposition.

C’est noir, c’est beau, c’est sublime et poétique. Lisez cette pépite littéraire et vous ne le regretterez pas, c’est un des meilleurs titres de l’auteur !

R.J. Ellory écrit mais il chante aussi ! En témoigne le nom de son groupe : The Whiskey Poets, qui sert de titre à une chanson évoquée dans ce dernier roman. ICI

"Couples !" de Virginie Rouquette


Couples !
Auteur : Virginie Rouquette
Éditions : Livre Actualité (14 février 2019)
ISBN : 978-2754307581
160 pages

Quatrième de couverture

Dans ces nouvelles, « le Couple » rayonne. Qu'il soit amoureux, ami, ou encore placé dans une symbolique beaucoup plus large comme le couple que forme l'écrivain et son lecteur qui, après s'être rencontrés au fil des pages, découvrent main dans la main les différents univers de ce recueil...

Mon avis



« L’essentiel n’est pas d’être parfait, mais d’être tout simplement. » *

C’est un recueil de nouvelles empreint de délicatesse, d’humour, de tendresse … Ce sont des histoires de couples, de ceux qui s’aiment, se comprennent plus ou moins, avancent vers la vie, celle qui vous sourit, qui vous comble. Car même lorsque ces récits sont plus tristes (je pense à Célimène qui m’a beaucoup émue, à Rose), l’auteur les rédige avec le cœur laissant la place à la petite fleur espérance qui illumine le côté plus gris de ce qu’elle évoque.

Ce livre est un pur régal. Cela commence avec une couverture sobre mais très bien choisie. Ces profils créés avec des branches qui se divisent et sur lesquels de petites feuilles apparaissent… Nos existences sont enracinées et s’élèvent petit à petit portées par l’amour (les cœurs entre les deux visages) que l’on donne et que l’on reçoit. J’ai trouvé ce dessin en phase avec le contenu et porteur de sens.

Et puis, il y a les textes et les personnages. De nombreuses pages ou seulement quelques-unes ont été nécessaires pour présenter une tranche de vie. En quelques lignes, Virginie Rouquette installe l’environnement, ses protagonistes, et très vite, on rentre dans l’action. On s’attache rapidement aux individus, ce sont des personnes ordinaires et si on ne se reconnaît pas forcément en eux, ce serait possible d’en croiser dans notre quotidien.

J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir cet opus. L’écriture, de qualité, fluide et agréable y est pour beaucoup mais j’ai également apprécié la profondeur des textes qui parlent, en toute simplicité, en toute discrétion, de sujets graves : la mort, la maladie, la vieillesse etc….



*page 73

"Comme au cinéma" de Fiona Kidman (All Day at the Movies)


Comme au cinéma (All Day at the Movies)
Auteur : Fiona Kidman
Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Dominique Goy-Blanquet
Éditions : Sabine Wespieser (2 Mai 2019)
ISBN : 978-2848053271
360 pages

Quatrième de couverture

Quand Irene Sandle, une jeune bibliothécaire dont le mari aviateur est mort à la guerre, quitte Wellington en 1952 avec sa petite fille, Jessie, pour aller travailler dans les champs de tabac, elle espère un nouveau départ. Mais l'homme prévenant et doux qu'elle rencontre sur la plantation disparaît accidentellement, et le choix de la raison s'impose : sa décision d'épouser en deuxièmes noces le gérant de l'exploitation, l'inquiétant Jock Pawson, pèsera sur toute la descendance d'Irene, bien après sa disparition précoce en 1963.

Mon avis

Fiona Kidman est très peu traduite en France et lorsqu’elle l’est, c’est souvent tardivement. Pour ce titre, il a fallu attendre trois ans. Quatorze chapitres de 1952 à 2015 nous content l’histoire d’une famille sur trois générations. Comme autant d’épisodes d’un même film, ces textes nous permettent de découvrir des femmes fortes, des femmes de caractère. Si les dates sont linéaires, le récit ne l’est pas vraiment. Il y a de nombreux retours dans le passé pour expliquer les conséquences des faits antérieurs sur ceux qui vivent dans le présent.

Nous découvrons trois sœurs et un frère, chacun marqué à sa façon par leur enfance, cabossé par la vie mais toujours droit. Des liens se tissent, se distendent, s’effilochent. Maintenir une harmonie familiale est toute une aventure. Il faut pardonner, accepter, comprendre ou au moins essayer… Dialoguer, échanger n’est pas simple mais c’est ce qui aide à avancer.

Chaque période est évoquée dans un lieu finement décrit, avec une atmosphère palpable, dans un contexte historique et politique précis. On suit les protagonistes mais également tout un pays avec un quotidien pas forcément aisé (chômage, violence etc).

C’est avec une écriture profonde, posée, un vocabulaire de qualité (complété par une traduction excellente) et un rythme soutenu que l’auteur présente son récit.  Elle nous passionne et nous entraîne dans une famille fascinante où les femmes se sont transmises leur force sans jamais baisser les bras.

"Quand les anges tombent" de Jacques-Olivier Bosco


Quand les anges tombent
Auteur : Jacques-Olivier Bosco
Éditions : Jigal (15 Septembre 2014)
ISBN : 9791092016277
330 pages

Quatrième de couverture

Cinq enfants kidnappés… Un truand impitoyable, Vigo, dit le Noir, condamné à perpét’ pour le meurtre de gamins qu’il nie farouchement avoir commis… Un avion en provenance de Russie qui par malheur s’écrase sur une prison… Un procès truqué, une vengeance… Un préfet assoiffé de pouvoir qui brouille les cartes, un flic déboussolé au fond du trou, un malfrat corse en rupture de ban, un cheminot alcoolo, un juge en fin de parcours, une avocate opiniâtre, des parents bouleversés mais combatifs… Et leurs cinq mômes bien décidés à survivre et prêts à tout pour s’en sortir tout seuls !

Mon avis

Du beau, du lourd……

D’abord, il y a cette couverture, belle, sobre et pétaradante comme le texte… Ce noir et ce rose qui se marient si bien, à l’image du contenu annoncé sur le bandeau : rage et tendresse.

Le texte est beau. Pourquoi ? Parce que sous les nombreux rebondissements, sous la pléthore de ramifications, on sent l’humanité d’un écrivain qui écrit parfois l’horreur, l’indicible. On découvre la description d’une paternité viscérale chez les personnes dont les enfants ont été kidnappés. Chacun est père, mère, différemment des autres et en dehors des coups de feu, de la bassesse de certains humains, il y a de temps à autre, remontant à la surface, le pouvoir des liens familiaux, de tout l’amour que l’on donne à ceux qu’on aime. Bons ou mauvais (mais parfois la frontière est si mince), les papas de ce livre (même si ce ne sont que des hommes comme le rappelle l’auteur dans sa dédicace) emplissent les pages, et notre vie, l’espace de quarante huit heures, le temps que dure ce roman in et off (pour la lecture). Les enfants aussi, ne sont pas en reste et la relation à leurs géniteurs est à découvrir. On imagine sans peine comment elle pourrait conditionner l’homme ou la femme de demain….

Le texte est sobre. Pourquoi ? Peu de mots, mais des mots explosifs, cinglants, comme des coups de massue, des éclats que vous prenez en pleine face et en plein cœur car ils vous touchent. L’écriture froide et lumineuse éblouit le lecteur et le scotche durablement aux pages (merci Monsieur Bosco !) On ne perd pas une seconde, on s’abreuve du texte, le cœur accélère, se fige, repart, et on retient son souffle comme en apnée, surtout ne pas être dérangé, lire, lire….

Le texte est pétaradant. Pourquoi ? Le rythme est vif, rapide. On suit les enfants, puis chacun des personnages impliqués dans leur quête de vérité, de liberté, d’écoute. Chaque fois qu’on en laisse un pour retrouver le suivant, on voudrait revenir au premier. On part dans un sens, puis dans un autre, on va de France en Belgique sans temps mort, et les mots : vite, savoir, comprendre ne nous quittent pas. On tourne les pages encore et encore….

Ce roman m’a scotchée, pris dans ces rets dès les premières lignes et je ne l’ai pas lâché. Me retirant dans ma bulle pour m’introduire dans la vie des protagonistes, dans l’intrigue. Bien sûr, certains penseront que, comme il s’agit d’enfants, mon sang de mère n’a fait qu’un tour et que c’est cela qui m’a tenu en haleine. Ce serait un raccourci bien trop rapide. J’ai beaucoup aimé la construction de cet opus qui sans être originale, m’a paru très bien adaptée au contexte. Chacun agit pour son fils, sa fille mais tous les chemins mènent au même endroit : au cœur des hommes. Le fait que l’enlèvement de leur progéniture mette certains adultes sur le chemin de la rédemption est également un point important et leur cheminement vaut le détour.

Les différents protagonistes m’ont captivée. En quelques phrases, ils faisaient partie de mon quotidien et soit je leur tenais la main soit je les laissais à distance mais ils m’étaient rarement indifférents. Leur part d’ombre (N’est-ce pas le lot de chacun de nous, d’avoir des actes plus ou moins avouables sur la conscience ? N’avons-nous pas, chacun, un jour ou l’autre triché avec nous-mêmes ?) me fascinait. Je me demandais sans cesse de quelle façon ils allaient la gérer, ce qu’ils allaient mettre en place pour guérir, l’accepter et continuer d’avancer maintenant qu’elle venait de remonter à la surface.
Aucun individu ne prend le dessus sur un autre (même si je sentais que j’avais un faible pour Erwan…) et chacun a une place entière dans ce magnifique livre qui enchantera plus d’un amateur du genre.

Il n’y a pas qu’à l’étranger que les auteurs écrivent « du noir » de qualité. Lisez Jacques-Olivier Bosco une fois et je vous le garantis, vous y reviendrez.
Il n’y a pas que chez les grands éditeurs que l’on trouve du « beau, du lourd »….
D’ailleurs, Monsieur Jigal, c’est quand le prochain Bosco ?

"La médecine sans compter" d'Olivier Kourilsky


La médecine sans compter
Auteur : Olivier Kourilsky
Éditions : Glyphe (2 Février 2019)
ISBN : 978-2358152532
252 pages

Quatrième de couverture
Olivier Kourilsky a ressenti très tôt la vocation médicale. Élève du professeur Jean Hamburger, puis assistant du professeur Gabriel Richet, il a été nommé à 37 ans chef de service de néphrologie dans un hôpital à Évry et l'a dirigé avec enthousiasme pendant près de trente ans. Le Dr K nous livre ici, avec une bonne dose d’autodérision et d’humour, un florilège d'anecdotes, drôles ou bouleversantes, mais toujours pleines d'empathie, glanées tout au long d'une riche carrière.

Mon avis

« Lui avez-vous pris la main ? »

C’est le dernier né d’une famille de six enfants, il aurait pu choisir d’être ingénieur car il y avait déjà pas mal de médecins dans la famille, dont son père, mais la vocation était là, profondément ancrée et l’appel de l’autre pour lui apporter des soins, un mieux-être, indiscutable. Alors, il est tombé dans la médecine, comme d’autres le font avec l’enseignement ; -)

Et il a donné (et donne encore) ses connaissances, son temps, son humanité, son écoute, sa gentillesse, sa patience… tout ça sans compter. Parce qu’ « épouser » un tel métier, c’est avant tout, penser à ses patients avant de se pencher sur soi. La priorité, c’est celui qui souffre et faire tout ce qu’il est possible pour que ça aille mieux.

Avec l’intelligence du cœur, Olivier Kourilsky nous raconte son cheminement depuis son enfance jusqu’à maintenant. Sa vie, ses études, son travail, ses malades, tout cela est passionnant. Il ne se contente pas de nous transmettre des anecdotes, d’évoquer des rencontres, des situations graves, d’autres plus amusantes. Il livre également un vrai plaidoyer pour montrer qu’il ne faut pas que le progrès détruise le lien « médecin-patient » (voir le titre de cette chronique), qu’il ne faut pas que les hauts placés restent bloqués sur leurs idées, qu’il faut réfléchir en toute humanité. Il évoque, avec honnêteté les problèmes de déontologie, d’éthique, la place des financements, de ceux qui voudraient gouverner alors qu’ils ne sont pas sur le terrain, au contact des malades. Il égratigne certaines lois. On s’aperçoit qu’il ose dire des choses, qu’il n’a pas toujours la langue dans sa poche mais qu’il ne se cache jamais. Il revendique son franc parler et il tire la sonnette d’alarme. Il faudrait que cette lecture soit obligatoire en internat pour que les futurs praticiens n’oublient pas d’être bienveillants.

Il présente avec doigté les progrès pour les dialyses, les greffes de reins et donc le don d’organes. Mais tout cela reste abordable et il en ressort une lecture de qualité, agréable. On se dit qu’être suivi par un docteur comme lui, doit faire moins peur, même si on se sait gravement atteint. On le sent dans son texte, chaque patient est pour lui une personne unique, qui existe à ses yeux et pour qui il fera le maximum.

Je trouve cette lecture très enrichissante, elle nous fait découvrir un aspect des hôpitaux, des relations entre collègues, ou entre élèves et professeurs qu’on n’imagine pas. Il n’y a pas qu’avec ses patients que cet homme a tissé des liens. C’est également le cas avec ceux auprès desquels il a appris mais aussi ceux et celles avec qui, au quotidien, il s’est battu dans son service. Il est évident qu’il a été apprécié par tous et c’est sans aucun doute parce qu’il a toujours su donner une place à chacun sans avoir la grosse tête.

Je connaissais l’auteur de romans policiers, je connais maintenant le médecin.
Olivier Kourilsky est un homme bon, une belle personne qui parle de cette vocation qui l’habite depuis toujours avec amour et humilité.

"A corps perdu" de Marie Talvat et Alex Laloue


A corps perdu
Auteurs : Marie Talvat et Alex Laloue
Éditions : Plon (6 Juin 2019)
ISBN : 978-2259278225
310 pages

Quatrième de couverture

Alors que sonne la quarantaine, le commissaire Galien a perdu ses illusions de jeune flic.  Jamais il n'aurait pensé que sa route croiserait à nouveau celle de Pauline Raumann, la seule femme qu'il ait jamais aimée et qui l'a quitté dix ans plus tôt. Mais lorsque le fils de cette dernière est kidnappé dans des circonstances étranges, Arsène Galien ne peut s'empêcher de se mêler de l'enquête.

Mon avis

Au nom du fils

Arsène Galien est flic. Suite à une opération qui ne s’est pas déroulée comme il le pensait, il a quitté la brigade criminelle et le terrain brûlant de l’action quotidienne, avec son taux d’adrénaline, pour un poste plus calme à l’Etat-Major. Mais cela ne s’est pas fait sans dégâts, il s’est perdu en chemin et la femme qu’il aimait l’a quitté. Elle a pourtant tout fait pour lui tendre la main, pour le maintenir à flots mais il était mal, si mal, qu’il n’avait pas la force de s’accrocher à ce qu’elle lui proposait. Il s’est noyé, dans l’alcool, les cigarettes, les rencontres d’un soir etc. Il a fui son regard bienveillant, elle a fini par baisser les bras, et leur amour s’est délité. Dix ans après cette rupture, il maintient un semblant d’équilibre au boulot. C’est une forte tête, un casse-pieds mais Yacine Chuck, l’ami de toujours, lui est resté fidèle.

Pauline, de son côté, a eu du mal à se remettre de cette séparation mais elle est maintenant mariée à Lionel, un homme riche et bon et elle se sent heureuse entre son époux, son travail de journaliste et son petit Gabriel qui a dix ans. Elle vit confortablement grâce à l’argent de celui qui partage son quotidien.

Ces deux-là mènent leur vie, chacun de son côté, jusqu’au jour où le fils de Pauline est enlevé. Réseau pédophile, vengeance, demande de rançon, tout est envisagé et envisageable. Elle est, comme toute femme placée face à un tel drame, perdue, affolée, angoissée, terrorisée à l’idée de ne jamais revoir son fils. Arsène qui apprend ce qui vient de se passer, se décide à l’aider en menant l’enquête, en parallèle de ses collègues chargés de l’affaire. Le fidèle Chuck va lui aussi se mettre en quête d’indices pour essayer de sauver le petit garçon.

Ecrit à quatre mains, par Marie Talvat et Alex Laloue - qui ont eu les mêmes professions que leurs héros (journaliste et policier)- ce roman se dévore. Il alterne les points de vue (écrits à la première personne) entre les deux protagonistes. Certaines situations sont ainsi abordées avec un double regard, mais ce n’est pas systématique, ce qui évite la lourdeur d’une redite. L’intérêt de ces chapitres à deux voix est, entre autres, d’avoir des approches différentes : à cause de la place de chacun dans la vie de l’autre, mais aussi par l’intermédiaire des métiers qui n’observent pas les événements sous le même angle et bien sûr un aspect féminin et un masculin. Pour autant, on a n’a nullement le sentiment d’un texte haché où la parole serait distribuée tour à tour. Pas du tout, bien au contraire. Le récit est fluide, l’écriture agréable, posée, unie. Le style vif permet d’être tout le temps dans l’action. Et le côté psychologique, s’il n’est pas prédominant, est évoqué avec intelligence pour tenter de donner une explication aux exactions commises. Des thèmes intéressants sont glissés çà et là, même si ce n’est pas approfondi afin de ne pas casser le rythme.  Poids de la culpabilité, paradis fiscaux, influence de la mafia, embrigadements dans des réseaux, force de l’amitié, lourdeurs de certaines procédures, etc…. tout est décrit avec doigté. On sent que les auteurs parlent de ce qu’ils connaissent et ils le font bien !

Je n’ai pas vu le temps passer en lisant ce livre ! Je l’ai trouvé captivant, équilibré et agréable à lire !

"Les mystères de Venise - Tome 2: L'or de Venise" de Maria Luisa Minarelli (Oro venaziano)


L’or de Venise (Oro veneziano)
Les mystères de Venise tome 2
Auteur : Maria Luisa Minarelli
Traduit de l’italien par Marie-José Thériault
Éditions : Thomas & Mercer (4 juin 2019)
ISBN : 978-2919806218
350 pages

Quatrième de couverture

Venise, 1753. Le carnaval touche à sa fin quand sœur Maria Angelica, religieuse du couvent de Murano, est retrouvée sauvagement assassinée dans son appartement secret au cœur de la ville. Alors que Venise est en fête, Marco Pisani se lance dans l’enquête et découvre bientôt que la moniale menait une double vie. Aidé par ses amis, dont l'avocat Daniele Zen, le magistrat croit rapidement avoir identifié le coupable. Mais les crimes s’enchaînent sans lien apparent entre eux.

Mon avis

Nous sommes à Venise en 1793, le Carnaval est présent et va bientôt se terminer. C’est la Cité de l’époque qui sert de décor à ce roman policier de bonne facture. Les personnages principaux sont listés en début d’ouvrage et si, d’aventure, on ne sait plus qui est qui, c’est bien pratique d’aller voir dans les premières pages.

L’advocateur, magistrat aux missions variées, Marco Pisani, se retrouve à mener une enquête pour le moins bizarre. Une religieuse, d’un certain âge, avait un amant et a été assassinée. A l’époque, certaines femmes se retrouvaient au couvent, non pas par choix, mais parce qu’elles n’avaient pas d’autres solutions pour fuir, soit un mariage arrangé, soit une vie de misère… De là, à renoncer totalement aux plaisirs de la chair… Elle était pourtant discrète et s’offrait peu de sorties mais…. Pourquoi et par qui a-t-elle été tuée ? C’est ce que Marco, sa fiancée Chiara (un peu voyante), son ami Zen, et bien d’autres vont essayer de comprendre…. D’autant plus que de nouveaux meurtres arrivent et qu’il semble y avoir un lien, mais lequel ?

Pénétrer dans ce roman, c’est entrer dans une autre vision de la Sérénissime. La période historique évoquée nous met face à des personnages qui portent des habits particuliers, des perruques, qui se chauffent au bois, qui n’ont pas de téléphone pour communiquer ! L’atmosphère est d’ailleurs très vivante, décrite avec juste ce qu’il faut de détails pour qu’on visualise sans que ce soit barbant.

L’écriture est fluide, agréable, le style vif agrémenté de rebondissements pour maintenir l’attention du lecteur. Les différents protagonistes, et corps de métiers sont bien présentés et crédibles, même si c’est une période que je connais peu et que je ne peux pas vraiment juger. J’ai apprécié cette lecture qui apporte un voyage dans le temps et l’espace tout à fait divertissant !

NB : Je n’avais pas lu le tome 1 et cela ne m’a pas dérangée.

"Face au vent" de Jim Lynch (Before the wind)


Face au vent (Before the wind)
Auteur : Jim Lynch
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Éditions : Gallmeister (4 Janvier 2018)
ISBN : 978-2351781449
370 pages

Quatrième de couverture

Dans la famille Johannssen, la voile est une question d'ADN. Installés au coeur de la baie de Seattle, le grand-père dessine les voiliers, le père les construit, la mère, admiratrice d'Einstein, calcule leur trajectoire. Si les deux frères, Bernard et Josh, ont hérité de cette passion, c'est la jeune et charismatique Ruby qui sait le mieux jouer avec les éléments.

Mon avis

« Pendant des années, la voile nous a unis. Nous étions régatiers, constructeurs et plaisanciers. C’était à la fois notre entreprise familiale, notre sport et notre drogue favorite. Et puis, la voile a fini par nous séparer »

C’est une famille qui respire voile, mange voile, pense voile, c’est plus qu’une passion, c’est comme le sang qui coule dans les veines, ça fait partie d’eux de grand-père en petits enfants. Même la mère qui semble plus à distance, car elle est mathématicienne, trouve le moyen de relier voile et maths ! Trois générations sont réunies à Puget Sound et la famille est connue dans ce coin de bord de mer (d’ailleurs pourraient-ils vivre ailleurs ?).  Le papy dessine, le père fabrique, la mère pense, les trois enfants participent aux régates régulièrement. Mais Ruby la fille se détache de ce petit monde, elle a un don, elle sent le vent, elle saisit quand il va arriver, tourner, virer, et cela les aide à gagner. Jusqu’au jour où tout vole en éclats.

C’est Josh, un des deux fils de la famille qui raconte, douze ans après les événements qui ont amené à cette dissolution. Qu’a-t-il pu se passer entre les membres de cette famille pour que certains choisissent de fuir, de tout arrêter ? Quelle est la part de secrets, de non-dits qui les a empoisonnés ? N’avaient-ils que le langage de la navigation en commun, et rien d’autre ?

Josh est sur le chantier de réparations des bateaux, à quai, dans un lieu fixe, comme s’il avait besoin de racines. Mais il nous entraîne loin dans le temps, dans différents coins du monde également, par flashs, pour nous conter cette « déconstruction ». Rêves perdus, espoirs brisés, volonté d’être maître de sa destinée, qu’en est-il de chacun ?

C’est un récit plein de silences et de bruits (et ce n’est pas opposé, il y a les silences entre les individus, le bruit du vent, du chantier dans l’environnement), d’émotions contenues qui s’expriment entre les lignes, comme s’il était difficile de poser des mots sur les contradictions de ces personnes qui s’aiment mais ne savent pas forcément se parler, de peur de se blesser ? Petit à petit, nous réalisons les difficultés de communication de ces sportifs accomplis qui sont le nez, non pas dans le guidon, mais sur la proue. C’est avec une plume délicate mais parfois acide que l’auteur décrit cet univers. Il faut aimer la mer, la voile pour apprécier la finesse des scènes, du vocabulaire mais si ce milieu nous est un peu étranger, on peut déjà goûter au style poétique. Les termes techniques restent digestes car le traducteur a fait un travail remarquable en ce sens.

C’est un roman surprenant parce la voile et tout ce qui est lié à cette thématique prend beaucoup de place mais il faut se laisser porter par le vent pour en profiter pleinement.






"Le barbu céleste" de Sébastien Rozeaux


Le barbu céleste
Auteur : Sébastien Rozeaux
Éditions : Globophile (17 Janvier 2014)
ISBN : 978-2953896442
160 pages

Quatrième de couverture

Le Barbu, homme entre deux âges, travaille dans l'écologie : il ramasse les canettes en aluminium dans les parcs de Porto Alegre. Il s'y promène avec nonchalance depuis des années, les mains posées sur sa longue barbe, jusqu’au jour où il rencontre...

Mon avis

L’essentiel et le superflu

On ne sait pas vraiment d’où il vient, ni où il veut aller mais le barbu est céleste est là, bien présent. Il passerait presqu’inaperçu tant il est peu considéré. C’est un vieux sage quoiqu’on ne soit pas très sûr de son âge, ce n’est pas parce qu’il est très barbu que… Il « fait dans l’écologie » en ramassant des canettes en aluminium revendues au poids à la déchetterie. Il « accompagne » l’air de rien les jeunes pour qu’ils comprennent l’importance de la vie. Pas de grandes actions mais des choses à sa mesure et si chacun …. Un jour, un événement le bouleverse et son quotidien se transforme. Chaque rencontre qu’il fait est alors vécue à fond, « en conscience ». Il offre à ceux qu’il côtoie son regard acéré sur la société brésilienne mais il observe également ce que ses interlocuteurs lui présentent. Par l’intermédiaire des personnes qu’il croise, le lecteur sent battre le cœur discret du pays, il s’approche à pas silencieux de l’intérieur, de la face cachée de tous les jours. On découvre le Brésil, pas celui des carnavals, des chants, des fêtes, non, celui d’une réalité existante mais peu exposée.

Sébastien Rozeaux est historien, spécialiste du Brésil, c’est donc une approche fine qu’il exprime dans son roman. Le barbu céleste et les différents protagonistes ont des personnalités attachantes. Par leurs conversations, c’est tous ceux qu’on oublie trop souvent qui prennent la parole ….


J’ai apprécié cette lecture « hors du temps », loin des sentiers battus. J’ai « goûté » la poésie de l’auteur, ses mots qui portent un message sans ostentation, comme autant de murmures d’un « port joyeux » qui a eu enfin l’occasion de parler…..

"Judith Winchester - Tome 2 : La prophétie de Glamtorux " de Julie Michaud


Judith Winchester - Tome 2 : La prophétie de Glamtorux  
Auteur : Julie Michaud
Éditions : Publishroom (16 Juillet 2018)
ISBN : B07FM43L3W
360 pages

Quatrième de couverture

Les plans de Sombro révélés au grand jour, les élus de Wanouk se rendent aux quatre coins du monde pour empêcher la renaissance du maître des forces obscures. Un ancien grimoire pourrait être la clé, et une mystérieuse prophétie décider du sort de Judith et de ses amis. Cependant, la jeune fille doit lutter contre ses propres démons. La mort de son ami Hugo a réveillé en elle son côté sombre, et son âme bascule un peu plus chaque jour.

L’avis de Franck

Suite des (més)aventures de Judith WINCHESTER, élue de Wanouk.

Le deuxième tome se situe dans la continuité du premier et Judith, personnage principal de cette saga, est tiraillée entre le bien et le mal, entre le côté lumineux de son pouvoir et le côté noir de l’ennemi juré des élus, le fameux Sombro.
Le style d’écriture est fluide et les gros mots, plutôt présents dans le premier tome, se sont faits plus discrets dans cet opus. Est-ce volontaire pour montrer une évolution positive du personnage ? En tout cas, le texte s’en trouve plus léger et plus agréable à lire.
L’histoire se tient et suit une logique interne tout à fait acceptable. Judith est aveuglée par sa colère et en même temps, adoucie par son amour envers son frère et les autres élus. Ce qui explique et soutient l’évolution de l’intrigue tout au long de ce tome jusqu’au dénouement final tant redouté.
Si le début de l’histoire peut être un peu fastidieux à lire, il est nécessaire de ne rien rater pour comprendre le final du livre. Les protagonistes sont bien installés et leur évolution tout à fait dans la logique de l’histoire. L’auteur a bien mis en place ses héros et son intrigue.
Petit détail : la couverture est bien conçue puisqu’elle reprend la présentation du tome 1 avec cette fois-ci, le personnage central de l’épisode : Cédric et son animal totem.
Si les autres tomes à venir de cette saga, sont de même qualité, on peut tenir un terreau favorable pour une série de films cinématographiques à la Hunger Games ou autres films pour adolescents.
Ce sera à vérifier avec le troisième tome que je vais commencer sous peu.

Deux remarques pour terminer :
- il vaut mieux avoir lu le premier tome pour bien apprécier le second.
- la présence de fautes d’orthographe ou d’accords grammaticaux entachent la lecture et parfois la compréhension du texte, entraînant de temps à autre quelques non sens.

"Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin


Changer l’eau des fleurs
Auteur : Valérie Perrin
Éditions : Albin Michel (28 Février 2018)
ISBN : 978-2226403049
560 pages

Quatrième de couverture

Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués passent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu'elle leur offre. Son quotidien est rythmé par les confidences des visiteurs et la joie des fossoyeurs. Un jour, parce qu'un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule.

Mon avis

« Mais comme je n’ai jamais eu le goût du malheur, j’ai décidé que ça ne durerait pas. »*

Comme indiqué dans le titre que j’ai choisi pour cette chronique, ce roman est porté par l’optimisme. Pas celui, béat, qui prétend que tout est pour le mieux dans le monde (alors qu’on sait bien qu’il n’en est rien). Non, celui qui offre sur chaque événement difficile, douloureux, la possibilité de puiser au fond de soi, avec ou sans l’aide des autres, la force d’avancer, de continuer. C’est être optimiste que de se donner une chance de s’en sortir au lieu de baisser les bras et en ça, Violette, le personnage principal de ce livre, nous donne une sacrée leçon. Qui plus est, alors qu’elle est garde-cimetière, elle nous distille une leçon de vie !

Pourtant, elle a mal commencé son existence dès le début, et elle a tout fait pour s’en sortir. La vie, ce n’est pas qu’une question de choix, c’est aussi des rencontres, des personnes avec qui on arrive à communiquer, à se parler en se touchant des yeux, et d’autres avec qui, dès le départ, il y a maldonne parce les mots, les actes, les gestes sont interprétés et qu’après il est trop tard….

Dans un récit tendre, doux, bouleversant, Valérie Perrin, avec une écriture infiniment délicate, à points comptés, nous raconte Violette mais aussi tous les autres. Ceux que son héroïne a côtoyés, ceux dont elle a entendu parler. Chaque chapitre est précédé d’une citation. Dans certains, Violette s’exprime à la première personne, dans d’autres, on découvre des faits, un journal intime, des dialogues, qui nous éclairent sur le reste.

J’ai eu un coup de cœur pour Violette. Battante, bienveillante, à l’écoute, prête à donner toujours sans calculer. Elle est « présence » dans ce recueil, elle l’habite et elle devient très vite quelqu’un qu’on n’a pas envie de quitter, quelqu’un qu’on veut connaître encore plus. Et c’est ce que nous permet l’auteur. A petites touches, comme sur un tableau issu du pointillisme, elle construit le portrait d’une femme tout à la fois simple et surprenante à qui on ne souhaite qu’une chose : d’être heureuse ici et maintenant.

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