"L’enfant cheval" de Rupert Isaacson (The Horse Boy)

 

L’enfant cheval (The Horse Boy)
Auteur : Rupert Isaacson
Traduit de l’anglais par Esther Ménévis
Éditions : Albin Michel (1 er Septembre 2009)
ISBN :978-2226319982
486 pages

Quatrième de couverture

En 2004, au Texas, Rowan a deux ans quand les médecins diagnostiquent chez lui une forme rare et violente d'autisme, laissant ses parents désespérés. Anéantis, les rêves et projets d'une famille heureuse. Pourront-ils un jour communiquer avec leur enfant ? Seul réconfort aux crises de Rowan : chevaucher avec son père sur Betsy, une vieille jument. Une idée folle traverse alors la tête de Rupert Isaacson. Emmener son fils en Mongolie, l'une des dernières cultures équestres de l'humanité, et un pays où le chamanisme est toujours très présent, où les rapports entre le corps et l'esprit ne sont pas les mêmes que dans le monde.

Mon avis

Lorsque des parents prennent en pleine face un diagnostic difficile à entendre concernant leur enfant, les réactions peuvent être multiples.

Lorsqu’ils ont appris que Rowan, leur enfant, était autiste, son père et sa mère ont décidé de faire le maximum pour l’aider à évoluer, vers la communication, vers les relations sociales, vers l’autonomie… Vaste programme face aux crises, aux peurs, à la violence, aux cris, …
Ils ont essayé des thérapies, parfois très difficiles à vivre, des soins, des idées lues ici ou là… Sur stimuler ? Laisser faire à son rythme ? Trouver des scénarios sociaux pour lui « apprendre » les réactions à avoir dans telles ou telles circonstances ? Rowan ne supporte pas le contact physique, ne gère pas la frustration, l’incompréhension, comment l’aider ?

Son Papa observe que lorsqu’il chevauche ensemble sur Betsy, une vieille jument, son fils s’apaise. Il semble créer un lien avec l’animal, lui qui, d’habitude, est toujours dans sa bulle…. Alors le père est traversé par une idée folle : emmener son fils en Mongolie, au pays des chevaux, des chamans, là où le rapport aux animaux, à la nature est fort. Ne pas tenter ce voyage, ce serait renoncer mais partir est-ce bien raisonnable ?

C’est cette expérience vers l’inconnu mais aussi vers l’espoir d’un mieux que partage l’auteur avec nous. Il nous raconte, en toute simplicité, comment ce périple a aidé Rowan, ce qu’il a apporté à toute la famille, comment, au retour, d’autres projets sont nés. Ce n’est pas la solution miracle, il n’y en a pas. Autant de personnes, autant de formes d’autisme …. Mais pour ce petit garçon, les chevaux ont été un parfait catalyseur pour aller vers les autres, pour progresser. On parle beaucoup de médiation animale pour aider ceux qui sont en souffrance, c’est un bon moyen parmi d’autres pour avancer.

Ce livre est un magnifique témoignage mais également un cri d’amour d’un père, prêt à soulever des montagnes, pour son fils. Le récit est parfois un peu « brut », l’auteur n’est pas écrivain, il livre les événements tels qu’ils se sont déroulés mais peu importe, l’essentiel c’est de constater qu’il faut toujours garder espoir, qu’il faut toujours croire en un mieux et ne jamais baisser les bras.

 


"La rivière des disparues" de Liz Moore (Long Bright River)

 

La rivière des disparues (Long Bright River)
Auteur : Liz Moore
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Seelow)
Éditions : Buchet-Chastel (1 er Avril 2021)
ISBN : 978-2283032367
420 pages

Quatrième de couverture

Kensington, Philadelphie. Dans ce quartier gangréné par la drogue se croisent deux soeurs autrefois inséparables. Aujourd'hui, tout les oppose. Mickey, l'aînée, la protectrice, a rejoint la police. Kacey a sombré dans la drogue et se prostitue pour acheter des opioïdes. Quand Kacey disparaît à nouveau, alors qu'une série de meurtres fait rage dans le quartier, Mickey n'a plus qu'une obsession : retrouver le coupable, et sa soeur, avant qu'il ne soit trop tard.

Mon avis

Kensington, quartier de la ville de Philadelphie où des drogués, des prostituées, traînent. C’est là que vit probablement Kacey, et c’est là également que sa sœur Mickey patrouille dans le cadre de son travail (elle est policière) lorsqu’il y a des délits. L’occasion pour elle d’essayer d’avoir des nouvelles de sa frangine. Ce n’est pas simple car personne ne lui répond, Kacey a déjà « fait l’article » pour que les gens qui pourraient dire quelque chose se taisent.

Alors pourquoi une telle situation ? C’est par une construction habile- avant, maintenant- que l’auteur nous dévoile l’histoire de la famille. La mère des deux jeunes femmes qui est décédée, le père qui a fui, la grand-mère qui les a élevées et les collègues, les amis, les connaissances qui gravitent autour. Tout ça ajouté à l’enquête que mène Mickey sur des meurtres dans ce coin de la ville où il ne fait pas bon vivre.

Mickey a une vie mouvementée, un petit garçon à élever, des investigations pour le travail à faire, des recherches pour empêcher Kacey de sombrer encore plus etc. Elle a des difficultés à tout mener de front et elle ne veut rien lâcher. Elle se fait parfois aider par un ancien collègue.

Dans ce roman, on voit le côté noir et sombre de Philadelphie. Malgré la présence policière, il y a des assassinats, des personnes qui plongent dans la drogue, de la violence, de la délinquance…. Et tout ce que ça suppose de dépendance (notamment pour les bébés des mamans sous opiacés). Tout est fragile, instable. Même quand on travaille dans la police, on ne sait pas à qui se fier, qui croire et ce n’est pas Mickey qui dira le contraire.

L’auteur maintient le suspense tout au long de ce livre. Habilement, elle distille petit à petit des informations, des indices, permettant de mieux cerner la vie des personnages. Son récit est parfaitement articulé. L’écriture est prenante (merci à la traductrice) et le style totalement addictif. La psychologie des personnages, leur caractère, sont bien exprimées ainsi que les diverses émotions qui les traversent. J’ai vraiment trouvé intéressant le fait que les liens entre les uns et les autres ne soient dévoilées que petit à petit, il y avait toujours un petit truc à découvrir et cela maintenant l’intérêt.

Une excellente lecture !


"Eblouis par la nuit" de Jakub Żulczyk (Ślepnąc od świateł)

 

Éblouis par la nuit (Ślepnąc od świateł)
Auteur : Jakub Żulczyk
Traduit du polonais par Kamil Barbarski
Éditions : Payot & Rivages (7 Avril 2021)
ISBN : 978-2743652920
530 pages

Quatrième de couverture

Jacek est dealer de cocaïne à Varsovie. Solitaire, froid et cynique, il navigue entre les bas-fonds de la société et une clientèle huppée. Á travers un monologue teinté de mélancolie, il nous entraîne dans la nuit varsovienne, ses discothèques à la mode et ses fêtes privées où s’affiche la jet set.

Mon avis

« Éblouis par la nuit » (première édition en 2014) a été adapté en série. L’auteur est journaliste, écrivain et scénariste.

C’est un roman âpre, dur, noir, profondément noir malgré les lumières de ville. Jacek a quitté Olsztyn, une ville de Pologne où il a laissé sa famille, pour s’installer à Varsovie, dans le but de faire des études à la faculté des Beaux-Arts et d’en vivre. Il s’est laissé embarquer dans de mauvaises fréquentations, avec l’idée de l’argent facile et sous une couverture de chauffeur de taxi, il est dealer de cocaïne. Il vit plutôt la nuit, et ses clients sont des hommes politiques, des gens de la jet set, des entrepreneurs etc. Il essaie de se tenir à distance, de ne pas consommer, de faire ce job comme il en ferait un autre (d’ailleurs pour sa mère, il est bien placé dans le monde des affaires, ce qui sous-entend de nombreux déplacements, une excuse pour ne pas aller la voir). Il est froid, détaché de la violence, qui semble le laisser indifférent, peu enclin à la compassion. Mais on sent que tout cela lui pèse.

« Il est des erreurs humaines comme de leurs aspirations, de leurs craintes ou de leurs rêves : il n’en existe qu’un nombre limité. »

On le suit pendant une semaine, surtout les soirs. Le récit est à la première personne, c’est comme un monologue, entrecoupé des « rêves » de Jacek. Il s’enfonce dans les ténèbres, essaie de surnager en espérant partir en Argentine, vivre un autre quotidien. Il s’accroche à cela, à la musique (de bien belles références), et à des songes où il imagine la cité engloutie sous un déluge, mais que c’est difficile….

Varsovie a une place importante dans ce récit, elle respire, elle est vivante, comme humaine, observant tout et ne disant rien…. Elle n’est pas attirante car on ne voit que son côté sombre. L’aspect psychologique des personnages est poussé, ils sont le plus souvent emplis de désespérance, n’attendant plus grand-chose de la vie. J’ai eu l’impression que Jacek se délabrait sous mes yeux, qu’il coulait lentement et ça me rendait triste pour lui car je me disais qu’à la base, il avait sans doute « un bon fond » (certaines de ses attitudes le montrent). Les dialogues sont vivants et offrent une autre alternative, pas de la légèreté, il ne faut pas croire mais le changement de style permet presque de souffler. Je dis presque car on reste dans un univers terriblement marqué par le mal. La drogue domine tout, régit les rapports humains, sème le chaos. Elle est rattachée à l’argent et le besoin en termes de dépendance, devient de plus en plus pressant autant pour les finances que pour la came.

Le phrasé est fort, puissant, glaçant, glacial, parfois brut comme le milieu dans lequel se déroule l’histoire. Il vous frappe, vous interpelle, vous secoue, vous fait frissonner. Vous n’osez pas imaginer la suite …. Jakub Żulczyk s’affranchit des qu’en-dira-t-on pour camper un monde obscur, terriblement avili par l’addiction aux stupéfiants. Cherche-t-il à choquer ?  Je ne pense pas. Il ose tout simplement dire les choses, montrer l’autre face du miroir, celle qu’on occulte car c’est plus facile ainsi….

Une lecture pas toujours aisée, tant le thème est douloureux, mais à découvrir…

 


"Une vie à inventer" de Priscille Deborah & Sandrine Cohen

 

Une vie à inventer
Auteur : Priscille Deborah / Sandrine Cohen
Éditions : Albin Michel (21 avril 2021)
ISBN : 978-2226452443
224 pages

Quatrième de couverture

En 2006, après deux ans de profonde dépression, Priscille Deborah se jette sous le métro. Elle a 31 ans, elle est mariée, elle a une fille. Elle survit au prix de ses deux jambes et de son bras droit. Contre toute attente, au lieu de l'anéantir, ce « big-bang » va la métamorphoser. Son handicap, étrangement, la révèle à elle-même et lui permet de trouver enfin sa place dans la vie.

Mon avis

Aller à la rencontre de sa propre vie….

Parce qu’écrire, c’est transmettre…
Parce que transmettre, c’est partager avec les autres …
Parce que partager avec les autres, ça peut transformer leur regard, leur approche …
Parce qu’en écrivant, on laisse une trace ….

C’est, entre autres, pour ça que Priscille Deborah a rédigé ce récit. Et aussi, pour montrer que, quoiqu’il arrive, on peut se réconcilier avec la vie, aimer et avancer.

En 2006, elle était au fond du trou, déprimait et avait des difficultés à le formuler. Lorsque les gens bien-pensants autour de vous, vous expliquent que vous avez tout pour être heureuse et que vous, vous êtes mal… Mais enfin, un toit, un métier, une famille, de l’argent, de quoi pourrait-on se plaindre ? Possiblement que tout cela ne soit qu’apparence, « une norme » de la société, ce qui doit être dans les codes (suivre la lignée familiale …) et pas forcément ce dont on a besoin profondément. Priscille ne se sentait à sa place nulle part. Mais que faire ?

Elle a craqué, elle s’est jetée sous le métro, car tout cela ne lui correspondait plus et elle n’en voulait plus. Réveil brutal avec trois membres amputés et la question lancinante qui hante les jours et les nuits : qu’est-ce que je fais là ? Quel va être mon avenir ?

Un livre offert par une amie, des rencontres et des mots qui résonnent et son chemin commence à prendre un autre cours. Celui de la vie. Elle apprend la patience, de nouveaux gestes, une nouvelle façon d’agir. Elle accepte son état physique, elle transforme son handicap en chance. Elle décide de se consacrer à sa passion de la peinture, renouant ainsi avec ses besoins profonds. Et en disant oui à ce nouveau moi, elle sait intuitivement qu’elle va pouvoir se dépasser, relever des défis, faire du sport, vivre de son art, aimer, être aimée…. Elle ne regarde pas ce qu’elle ne peut plus faire mais ce qu’elle peut encore faire. Elle découvre la confiance, les mains tendues, le lâcher prise, la joie de chaque instant vécu à fond, en pleine conscience, elle sort de son carcan et rayonne….

Oui, elle rayonne et son récit, montrant les difficultés, les coups de blues, le doute, les peurs, mais également les joies, est, comme elle, il irradie. Sur sa lancée, pleine d’énergie, elle a relevé le challenge médical du bras bionique, des mois d’exercices, de travail, pour gagner en autonomie.

Ce livre, co écrit avec Sandrine Cohen, est empli de sensibilité, de délicatesse. L’auteur ne se pose pas en donneuse de leçon, elle ne tombe pas dans le pathos non plus. Elle nous offre son expérience, elle développe sa profonde remise en question. Elle a choisi le bonheur, l’aventure de la vie et elle ne lâchera rien, parce qu’elle est, ici et maintenant, elle-même.   


"Nos âmes la nuit" de Kent Haruf (Our Souls at Night)

 

Nos âmes la nuit (Our Souls at Night)
Auteur : Kent Haruf
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anouk Neuhoff
Éditions : Robert Laffont (12 octobre 2017)
ISBN : 978-2221203415
178 pages

Quatrième de couverture

Dans la petite ville de Holt, Colorado, Addie, une septuagénaire veuve depuis des décennies, fait une étrange proposition à son voisin, Louis, également veuf : voudrait-il bien passer de temps à autre la nuit avec elle, simplement pour parler, se tenir compagnie ? La solitude est parfois si dure... Bravant les commérages, Louis se rend donc régulièrement chez Addie.

Mon avis

Un petit roman sans prétention mais lorsqu’on réfléchit, on s’aperçoit de la portée profonde des thématiques abordées. Celle de la transmission dans les familles, celle de la mort et de la solitude et celle de la vieillesse. Quand on est âgé, est-ce qu’on devient otage de ses enfants ? Obligés de se plier à leurs choix, de les écouter décider de ce qui est, sera, bon pour nous ?

On pourrait croire que non, chaque adulte est libre de sa vie… Et pourtant, combien de fils, de fille ont dit un jour « Mais maman (ou papa) c’est pour ton bien ? » ….

Bref, passons…

Je n’avais jamais lu cet auteur et ce livre m’a conquise. J’ai aimé l’écriture à petites touches, les dialogues indirectes, le lien qui se tisse entre ses deux « vieux » qui unissent leur solitude (tout en gardant un chez soi pour une part de liberté) pour rompre la monotonie des jours, échanger… Ils parlent, se confient, que ce soit douloureux ou pas, ils discutent sans tabou, de leur vie, de ce qu’elle leur a offert, ou repris…..Ils ne veulent plus vivre pour les autres, mais pour eux, sans doute parce qu’ils sont presqu’au bout du chemin et qu’ils veulent profiter de chaque instant.

« Qui aurait cru […..] qu’on ne serait pas complètement desséchés dans notre cops et notre esprit. »

La voilà leur force, ils n’ont pas le cœur sec, ils ont encore de l’entrain, de l’envie, notamment celui de transmettre, en « tricotant des souvenirs » avec le petit -fils qu’on leur confie. Mais parfois, les choses les plus heureuse, les plus simples, dérangent….. L’amour/ amitié qui les unit va-t-il résister aux regards des autres ? Si oui, jusqu’à quand ?

Addie et Louis sont attachants, leur fonctionnement m’a fait sourire. J’imaginais les voisins à l’affut derrière les vitres et eux, en « rajoutant », pour les « provoquer » gentiment et voir la suite de leurs réactions. J’ai beaucoup apprécié cette lecture, le récit est bien rédigé, il laisse de la place à l’expression des ressentis de chacun et peut provoquer des questionnements en nous. Une très belle lecture !


"Pleine balle" de James Holin

 

Pleine balle
Auteur : James Holin
Éditions : du Caïman (23 février 2021)
ISBN : 978-2919066872
272 pages

Quatrième de couverture

La nuit tombe sur Creil, frigorifiée par l'hiver, lorsque, le chef de l'antenne PJ trouve la trace du Blond. Cela fait des années que ce flic mystérieux à la main de résine surnommé Camerone par ses hommes traque le manouche, prince des casseurs. Il réunit au coup de sifflet son groupe. Les flics s'enfoncent dans la nuit à sa recherche.

Mon avis

Je ne sais pas si c’est à cause de la bataille de Camerone (combat qui opposa une compagnie de la Légion étrangère aux troupes mexicaines le 30 avril 1863 lors de l'expédition du Mexique) mais c’est ainsi qu’on nomme ce commissaire de la Police Judicaire de Creil. D’origine kabyle, né dans une famille très modeste, rien ne le destinait à être flic. Est-ce que c’est pour ça qu’il s’affranchit de ses supérieurs, des ordres de réunions qu’on lui donne ? Ou tout simplement parce qu’abîmé par la vie, vivant seul (sa femme a préféré partir devant son caractère plus que tourmenté), il n’a, comme on dit, plus rien à perdre ? Alors me direz-vous, pourquoi il continue ? Probablement à cause d’une vengeance qui l’habite, le fait avancer dans les journées noires et sombres qui se ressemblent toutes. Son idée fixe ? Le Blond. Un manouche, violent, voleur, qui passe toujours entre les mailles du filet. Pourquoi lui ? Il faudra, au fil des pages, remonter dans le passé de Camerone, pour comprendre.

Un passé douloureux, dont il joue un peu en ne le partageant que par bribes et en ne dévoilant qu’une partie de la vérité. Il est limite asocial ce gars et de ce fait, pas très attachant. Il ne traite pas de façon agréable ses collègues, encore mois la femme avec qui il entretient des relations épisodiques et sans véritable affection. Comme si son histoire personnelle était tellement dure à digérer, à vivre, qu’il ne pouvait pas donner de lui, restant à distance, indifférent en apparence.

Convoqué pour une réunion avec quelques huiles, il y va en traînant les pieds, simplement parce qu’il n’a pas le choix et bien entendu, sans aucune envie. Comme les autres fois, il ne se montre pas à son avantage et écoute d’une oreille distraite jusqu’à ce qu’une information fasse tilt. Des distributeurs de billets ont été attaqués et le mode opératoire lui rappelle celui du Blond dont il n’a pas entendu parler depuis de longues années. En outre, une voiture brûlée vient d’être découverte, elle a été volée, pas très loin de là. Une enquête rapide via les caméras de surveillance lui donne confirmation de ce qu’il pense, un des hommes cagoulés semble être le Blond !

Il réunit en hâte une équipe, se renseigne auprès d’indicateurs et la course poursuite s’engage. Obnubilé par son désir d’attraper le Blond, il ne calcule pas le danger, il fonce, entraînant ses coéquipiers dans sa folie. Car ses actions sont débridées, brutes de décoffrage, réfléchies rapidement (trop quelques fois). Il est dans l’action, pas dans la réflexion et pour cela il est un peu énervant. On a envie de lui dire de se poser, de réfléchir avant de se lancer aux trousses de celui qu’il traque. Mais bon, rien à battre, ni du lecteur, ni des collègues, ni de la hiérarchie…. Un électron libre….

C’est avec une écriture sèche, âpre, sans aucun pathos, que James Holin tisse son histoire. Les femmes sont quasiment inexistantes dans son intrigue, elles ont sans aucun doute des difficultés à se faire une place auprès de Camerone, tant ses relations aux autres sont complexes. Il est épuisant et s’épuise lui-même je pense car il n’arrive pas à vivre pour la vie tout simplement. Tout au long des chapitres, le rythme ne faiblit pas, à l’image du personnage principal qui ne se pose jamais et qui ne trouvera peut-être jamais la paix.

Une lecture qui fait mal, comme un coup de poing, tant le mal-être de Camerone est présent dans le récit mais un roman à découvrir.

 


"Un jeu de quilles" de Serge Mandaret

 

Un jeu de quilles
Auteur : Serge Mandaret
Éditions : Marika Daures (4 février 2021)
ISBN : 978-2491808075
284 pages

Quatrième de couverture

Véronique est une jeune femme dynamique aimant la vie avec passion. Son employeur, une banque internationale, la Banque, l’a choisie comme fusible pour se couvrir contre des opérations douteuses. Elle est brutalement licenciée puis injustement condamnée.
Véronique s’évertue à rebondir mais ceux qui la soutiennent sont rares et ses adversaires sont influents et sans état d’âme. Ceux qui l’approchent de trop près périssent de mort violente. Elle-même fait régulièrement l’objet de menaces sans équivoque. Ses ennemis les plus virulents s’acharnent à vouloir lui faire la peau.

Mon avis

Elle s’appelle Véronique, un petit bout de femme efficace au travail, engagée dans les missions qu’on lui confie. Mais un jour, elle devient ce qu’on peut appeler « une variable d’ajustement », un fusible. Celui qu’on fait « sauter » pour rééquilibrer le tout et dont on se débarrasse sans état d’âme. C’est ce qui arrive à Véronique, licenciée de façon totalement injuste et de plus, condamnée. Double peine puisque son mari a décidé de prendre ses distances en l’imaginant coupable. Elle va devoir tenir bon, seule.

Elle essaie de faire face, d’avancer mais c’est très difficile. Quand on galère, peu de personnes restent fidèles. Certains préfèrent s’éloigner car c’est plus facile. En relation avec un journaliste de Media Globe, elle lui conte son histoire, quitte à déranger ceux qui l’ont traitée comme moins que rien lorsque ça se saura. Ce qu’elle ignore, c’est que même renvoyée, elle est pistée, surveillée. Sans doute, a-t-on peur qu’elle parle et que quelqu’un finisse par la croire, d’autant plus qu’elle a fait appel de sa condamnation.

C’est d’ailleurs vrai, elle constate qu’on la suit puis que ceux qui l’aident, sont comme elle, menacés, voire éliminés. Que faire ? Baisser les bras et se taire, en renonçant à la vérité afin d’éviter des problèmes ? Se battre quitte à se mettre en danger et entraîner d’autres dans sa chute ? La jeune femme est entière, elle refuse d’abandonner, de se taire, sa volonté est là, enracinée en elle. Deux hommes croient en elle et font ce qu’ils peuvent pour la soutenir et que le pouvoir domine tout.

Va-t-elle obtenir gain de cause ?  Quels seront les dégâts collatéraux ? Pourra-t-elle les supporter ? Elle évolue dans un monde d’hommes, de durs à cuire, d’ambitieux aux dents longues qui n’ont qu’un objectif : le profit à tout prix. C’est compliqué de lutter pour trouver une place alors que tous les mâles « bien vus et bien notés » sont contre vous.

C’est dans les milieux de l’économie, des banques et des grandes entreprises, de la justice avec les avocats, des journalistes d’investigation, que l’auteur situe son récit. Son écriture est prenante, adaptée au propos avec un vocabulaire de qualité. Le rythme ne faiblit pas car on suit Véronique et on souffre pour elle. C’est une histoire emplie de dynamisme, de volonté, celle d’une femme d’exception qui refuse de se laisser faire et de baisser les yeux devant ceux qui essaient de l’impressionner et de la faire plier. Une belle leçon de vie !


"Le crime de mon père" de Gillian McAllister (The Evidence Against You)

 

Le crime de mon père (The Evidence Against You)
Auteur : Gillian McAllister
Traduit de l’anglais par (Grande Bretagne) par Françoise Smith
Éditions : Marabooks (31 mars 2021)
ISBN : 978-2501138505
402 pages

Quatrième de couverture

Il y a 18 ans, le père d'Izzy English a été emprisonné pour le meurtre de sa femme Alexandra. Sa peine purgée, il écrit à sa fille avec l'espoir de démonter l'accusation et de lui prouver son innocence. Mais cherche-t-il à la manipuler ? Izzy est déchirée entre les souvenirs d'une enfance heureuse auprès d'un père aimant et l'idée que celui-ci a tué sa mère adorée.

Mon avis

A l’adolescence, amoureuse de Pip, Izzy envisageait son avenir en lien avec la danse. Pointes, chassés, entrechats, c’était toute sa vie. Sa mère tenait un restaurant, son père faisait de petits boulots, tout en étant artiste à côté. Et puis, un jour, tout s’est écroulé. Le corps de sa maman a été retrouvé dans les bois et son père a été accusé puis jugé pour assassinat. Recueillie par ses grands-parents, perturbée, Izzy a raté son concours de danse. Elle a repris, avec oncle et cousin, la petite affaire maternelle. Non pas qu’elle apprécie le commerce et la cuisine mais elle n’avait pas vraiment le choix. Elle a tenu bon, bien que Pip lui ait tourné le dos et que Papi, Mamie ne soient pas très démonstratifs, ni vraiment aidants. Elle est maintenant mariée à Nick, qui est analyste criminel. Ils n’ont pas d’enfants. Izzy peine à construire une famille avec ce qui lui est arrivé. Elle vit « par procuration », celles des autres mais cela ne la satisfait pas.

Gabriel, Gabe, le père, s’est bien tenu en prison et le voilà dehors. Bien sûr, il ne doit pas quitter l’île de Wight (où vit sa fille également), lieu où beaucoup de personnes le connaissent et ont des souvenirs des événements passés. Il contacte sa Izzy, par courrier, pour la rencontrer et lui donner, dix-huit ans après sa version des faits. Espère-t-il prouver son innocence alors que tous les indices sont contre lui ? Que veut-il réellement ? Est-il dangereux ? Izzy peut-elle le voir sans en parler à son mari ? Et à quoi bon tout cela si longtemps après ?

Izzy a trente-six ans, et elle prend la décision d’écouter son père. Au fil de leurs rencontres, la version de ce dernier est confrontée aux réminiscences qu’elle a des faits. Des divergences surgissent et la déstabilisent complètement. A qui se confier, comment se faire aider ? Son mari, l’ancien défenseur de son paternel, son oncle, son cousin ?

L’écriture (merci à la traductrice Françoise Smith) précise, pointilleuse, très détaillée de l’auteur m’a fait penser aux romans d’Elizabeth George. Comme cette dernière, Gillian McAllister prend le temps d’installer les liens et les relations entre les différents personnages, de nous faire comprendre comment chacun fonctionne au niveau psychologique et dans son approche de chaque situation. Au-delà des apparences, parfois bien lisses, il y a la face cachée, profonde, de chaque être. Cet aspect est vraiment un point fort du récit. De plus, elle instille le doute en nous. Que cherche vraiment Gabe ? Jusqu’où va sa culpabilité ? En outre,le choix du lieu a de l’importance. Une petite île, où tout le monde se connaît ou presque, où il est difficile d’avoir une vie privée.

Les différents protagonistes sont bien pensés. Izzy forte et fragile, qui subit des ascenseurs émotionnels, ne sachant plus que penser, ne sachant pas si elle aime celle qu’elle est devenue. S’est-elle construite ainsi par défaut ? Gabe, le père, tout en ambivalence, soucieux d’apporter une forme de vérité, perdu après toutes ces années où on l’a pris en charge, incapable d’utiliser certaines formes modernes de communication ou d’achat, totalement décalé dans ce nouveau quotidien. Nick en mari attentionné, bien propre sur lui, mais souhaitant que la page tournée reste refermée. Et puis les « seconds rôles », bien campés, avec une place parfois prépondérante, même si on ne le sait pas tout de suite. L’atmosphère est réaliste, on sent les regards, la peur, la suspicion...

Cette lecture a été très prenante. J’ai aimé le faux rythme insufflé par les retours en arrière. J’ai été captivée par l’examen minutieux de chaque indice « nouveau » qui réapparaît, l’évolution des individus, leurs choix face à ce qu’ils perçoivent, leur interprétation, leur déni….  En résumé, une belle découverte !


"La saga des Cazalet – Tome 1 : Étés anglais" de Elizabeth Jane Howard (The Light Years. The Cazalet Chronicles)

 

La saga des Cazalet – Tome 1 : Étés anglais
Auteur : Elizabeth Jane Howard
Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff
Éditions : La Table Ronde (12 mars 2020)
ISBN : 978-2710388586
580 pages

Quatrième de couverture

Juillet 1937. À Home Place, au coeur du Sussex, jardiniers, femmes de chambre et cuisinière sont sur le pont. La Duche orchestre le ballet des domestiques avant l'arrivée de ses trois fils, Hugh, Edward et Rupert Cazalet, en chemin depuis Londres avec épouses, enfants et gouvernantes. L'été regorge d'incertitudes mais, sans l'ombre d'un doute, une nouvelle guerre approche : entre pique-niques sur la plage et soirées auprès du gramophone, il faudra inventorier lits de camp et masques à gaz.

Mon avis

Ayant lu beaucoup de critiques positives de ce roman, je me suis décidée à le lire. Et bien, la rencontre est ratée.
Pourtant il me semblait que ce recueil avait tout pour me plaire : un fond historique d’avant-guerre (1937), une saga familiale, un lieu : le Comté traditionnel du Sussex en Angleterre et des personnages variés.

Chaque été, la famille Cazalet se retrouve dans une immense propriété. Il y a les parents, les deux fils revenus de la première guerre, leurs épouses (très différentes), leurs enfants, la fille célibataire attentionnée auprès tout le monde et le cadet (veuf) et sa nouvelle femme. Les domestiques dévoués (dont une allemande pour apporter un peu de fantaisie) sont également présents au domaine. Tous ont peur du nazisme qu’on sent monter et de ce que ça peut entraîner mais c’est l’été donc ils essaient d’en profiter.

Pourquoi je n’ai pas adhéré ? J’ai trouvé ce quotidien de riches bourgeois terriblement plat, il ne se passe pas grand-chose, on tourne autour des mêmes ingrédients. Le fond historique est très peu approfondi, les liens avec les employés également (chacun sa place, pas d’esclandre, pas de dérive ou si peu). Tout cela manque de rythme, d’actions, enfin pour moi.

Bien sûr, les descriptions sont bien faites, l’écriture est fluide (j’espère que la traductrice s’est moins ennuyée que moi) mais je me suis attachée à aucun protagoniste, je suis vraiment restée en dehors. Cette lecture m’a paru longue. A chaque page tournée, j’espérais un rebondissement, une action débridée de l’un ou l’autre pour mettre du pep dans le fil des jours mais que nenni. Cela m’a semblé lisse, même pas une pointe d’humour ou de dérision.

Je ne nie pas les qualités de l’auteur, je sais qu’elle a trouvé et trouvera encore des personnes qui seront captivées et intéressées par ce récit mais les tomes suivants, ce sera sans moi…..


"Le rouge et le brun" de Maurice Attia

 

Le rouge et le brun
Auteur : Maurice Attia
Éditions : Jigal (20 Février 2021)
ISBN : 978-2377221059
297 pages

Quatrième de couverture

1978. Pour échapper à la routine, Paco Martinez, ancien flic, désormais chroniqueur judiciaire et critique de cinéma au Provençal, parvient à convaincre sa rédaction de l’envoyer à Rome pour couvrir l’enlèvement d’Aldo Moro par les Brigades rouges. Simultanément, Irène, sa flamboyante compagne, va enquêter sur l’histoire de son père, après avoir découvert dans le grenier familial orléanais un manuscrit, rédigé par lui. Il y narre un épisode oublié de 1899, le siège du grand Occident de France, dirigé par Jules Guérin, patron de l’Antijuif, hebdomadaire vendu à 200 000 exemplaires, et accusé de sédition.

Mon avis

Avant, Paco était flic. Malgré le danger il aimait ça, chercher, traquer ceux qui avaient fait du mal et ressentir la peur dans ses entrailles. C’est comme ça qu’il existait. Et puis, il a vécu des trucs tellement durs qu’il a pris du recul et le voilà journaliste, Il regarde des films et les commente, pas de quoi être emballé mais bon, de temps en temps il fait des chroniques judiciaires. Avec cette nouvelle activité, il reste plus à la maison. Et ça, ça ne lui va pas, son couple s’en ressent. Pourtant il l’aime sa belle Irène, ils ont survécu ensemble et avancent vaille que vaille. Mais le manque d’action est bien réel, rien pour pimenter le quotidien… Alors il propose à son journal de se rendre à Rome pour faire quelques articles sur Aldo Moro (membre de la démocratie chrétienne) qui vient d’être enlevé par les Brigades Rouges (on est en 1978). Le voilà parti, laissant femme et enfant en France. Sur place, il fait des rencontres, il observe et son ancien boulot le rattrape. Assistant à des faits de fuite après violence, il mène l’enquête et s’attarde en Italie. Une façon comme une autre de ne pas rentrer tout de suite, de faire le point, de vivre autre chose….

Pendant ce temps, Irène d’abord confiante, finit par se poser des questions. Elle a le sentiment que Paco s’éloigne, qu’il omet des détails, qu’il ne lui dit pas tout….et cela installe un malaise lors de leurs conversations au téléphone. Décidant de faire quelque chose, elle profite de cette absence pour se plonger dans un manuscrit écrit par son père (qui s’est suicidé). Dans cet écrit, il relate des événements de 1899 lorsque le siège du journal « L’Antijuif » a été assiégé. Y-a-t-il dans ce récit des informations liées à l’histoire de sa famille ? Ce qu’elle découvre, est-ce de la fiction ou la réalité, un mélange des deux ?

Ces deux aspects du roman auraient pu être séparés en deux livres mais il est intéressant de les avoir regroupés. Quelle que soit l’époque, les extrémistes en politique ont fait des dégâts, le dialogue a été difficile avec eux comme le démontre Maurice Attia et puis, on suit l’évolution du couple, chacun à la recherche de ses besoins et de la place qu’il veut donner à l’autre.

Ce recueil est rythmé (entre les chapitres sur Paco et Irène) par des courriers écrits par Aldo Moro qui sent, petit à petit, que tout le monde le lâche, ainsi que des réflexions d’Irène. Aldo est un  homme généreux qui voit une mort violente se profiler. L’auteur ne juge pas le gouvernement italien, les médias, la police, il relate des faits, les analyse avec minutie. Son approche est historique mais également très humaine à travers la vie de ses personnages qui sont confrontés à de forts questionnements intérieurs sur le sens de leur vie, de couple et autre.

Maurice Attia ferre le lecteur avec des individus attachants, qui nous ressemblent avec leur force et leurs faiblesses. Il nous rappelle que rien n’est jamais gagné, qu’il faut croire en la vie pour avancer. Une trame faite d’événements réels captivante complète cette présentation. J’aime son écriture teintée de désespérance, de poésie, agrémentée de nombreuses références (notamment aux films). J’apprécie son approche des caractères, des tourments qui animent ceux qu’il évoque. Il creuse dans leur personnalité pour nous offrir un panel complet de chacun. Mais quand on referme la dernière page, il vaut mieux éviter de se regarder dans un miroir car la question « qui suis-je vraiment » nous sauterait au visage….


"Oh Happy Day" d'Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat

 

Oh Happy Day
Auteurs : Anne-Laure Bondoux & Jean-Claude Mourlevat
Éditions : Fleuve (12 mars 2020)
ISBN : 978-2265144354
336 pages

Quatrième de couverture

Après quatre ans de silence et ce qu'il appelle son " grand malheur ", Pierre-Marie Sotto décide d'écrire à Adeline Parmelan au sujet d'un certain carnet qu'il aurait laissé chez elle. Est-ce un prétexte pour reprendre contact avec celle qu'il n'a jamais oubliée depuis leur rupture ? En ce cas, le moment paraît très mal choisi. Occupée par son prochain déménagement vers le Canada avec l'homme qui partage désormais sa vie, Adeline a bien d'autres projets en tête que de renouer avec lui.

Mon avis

Quel bonheur de retrouver la plume des deux auteurs ! C’est enlevé, empli d’humour et de dérision et malgré tout, on aborde des sujets importants : la mort de jeunes enfants et la difficulté à ne pas culpabiliser, la mise sous emprise d’une personne phagocytée par une autre, le pardon et le chemin vers la résilience, le travail d’écriture, les échanges familiaux ou en couple avec les non-dits, la part de secret de chacun et bien d’autres thématiques encore.

Les personnages secondaires m’ont semblé plus présents que dans le livre précédent, c’est une bonne chose car cela évite d’avoir un « copié collé ». Il y a du rythme, des rebondissements, quelques invraisemblances qui ne gênent pas tant la lecture est fluide, prenante.

Le style épistolaire est toujours là avec des mails que les deux protagonistes s’envoient (plus quelques autres entre d’autres individus). Ils sont entrecoupés de faits du quotidien, de réflexions sur leurs ressentis ou celui de certaines personnes. Il y a de l’émotion, de l’amour ou de la haine, des joies, de la tristesse, de l’amusement, on trouve de tout dans ce roman ! On se détend, on passe un excellent moment !

Je l’ai trouvé un peu moins magique que le premier, sans doute parce que j’en attendais beaucoup et qu’il est toujours difficile de faire une suite (l’effet de surprise n’étant plus là). Mais je n’ai pas boudé mon plaisir bien au contraire !


"La prophétie de l’âge d’or -Tome 1 : Désolation" de Néo Leuduc

 

La prophétie de l’âge d’or -Tome 1 : Désolation
Auteur : Néo Leuduc
Éditions : du Saule (29 décembre 2020)
ISBN : 978-2356770387
436 pages

Quatrième de couverture

Printemps 2200 : la guerre fait rage entre l'Afrique et l’Europe. La cause en est une sécheresse mondiale, conséquence du réchauffement climatique amorcé par les Hommes dans les années 2000. Dans un dernier élan désespéré, les Africains sur le point d’être anéantis plongent l’espèce humaine dans le chaos. Dans un monde désormais apocalyptique, les Hommes, menacés d’extinction, ayant perdu tout repère, doivent lutter contre l’adversité, les animaux sauvages et surtout leur propre cruauté.

L’avis de Franck

Le thème abordé dans ce roman pourrait être notre futur dans quelque temps (que j’espère lointain) si nous ne faisons pas attention.

L’eau est devenue une denrée rare et pour pallier au manque de ressources, on restreint l’accès à cet or bleu. Sauf que lors d’un attentat, la population terrestre se retrouve rétrogradée aux plus sombres heures du Moyen-Âge.

Il y a trois parties distinctes dans ce livre :

- les prophéties de Nostradamus qui prévient les populations futures des cataclysmes à venir et des solutions possibles pour s’en sortir.

- les temps futurs idéalisés avec des clones humains et la pénurie d’eau

- les heures sombres (mais je n’en dirai pas plus pour ne pas « divulgacher » comme disent nos cousins Québécois).

Il est clair que l’auteur a bien travaillé son thème et l’histoire, passionnante, se tient de bout en bout. J’ai été un peu désarçonné par la transformation physique très (trop?) rapide  de Kita mais cela ne nuit pas au tempo de l’histoire.

Le pouvoir du héros de ce récit est aussi bien trouvé et, comme tout pouvoir, il a aussi son talon d’Achille.

Lors des heures sombres, la violence est mise en avant et peut rebuter le lecteur sensible. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché et ne pas oublier que ce n’est qu’un roman… Mais le récit est logique, l’écriture est très agréable avec un excellent dosage entre explications et descriptions pour se mettre dans l’ambiance.

Au fur et à mesure de l’avancée du roman, on se surprend à tourner les pages avec envie sans se préoccuper de l’heure et de ce qui nous entoure. Ce qui confirme que l’écriture, le style et le contenu de ce recueil sont addictifs , bien pensés, et tout à fait aboutis.

La lecture de ce premier tome ayant été rapidement terminée, j’ai hâte de découvrir la suite des aventures de Tristan et de sa compagnie d’aventuriers.


"Vol AF 747 pour Tokyo" de Nils Barrellon

 

Vol AF 747 pour Tokyo
Auteur : Nils Barrellon
Éditions : Jigal (20 février 2021)
ISBN : 978-2377221073
242 pages

Quatrième de couverture

Ce n’est pas de gaîté de cœur que Pierre Choulot est dans cet avion en direction de Tokyo : le billet lui a été offert par ses collègues à l’occasion de son départ à la retraite. Lui qui adorait son boulot de commandant à la Brigade financière de la PJ parisienne, n’a accepté ce voyage que pour faire plaisir à son épouse, d’origine japonaise. Mais en plein vol, quand on retrouve le cadavre du pilote, seul, dans le cockpit verrouillé, le commandant Choulot va vite reprendre du service. Très rapidement, il découvre qu’aucune autre issue ne permet d’accéder au poste de pilotage ! Suicide ou assassinat ?

Mon avis

Huis clos en plein ciel

Commandant à la Brigade financière de la police judiciaire parisienne, Pierre Choulot fête son départ à la retraite. Pas très envie d’arrêter son activité professionnelle, de voir tous ses collègues s’agiter devant lui, d’écouter discours et compliments. Mais bon… Voilà le cadeau et c’est un billet d’avion pour partir à Tokyo avec sa charmante épouse d’origine japonaise. Sourires et remerciements de circonstances et on passe à autre chose.

Quelques semaines plus tard, c’est le moment du départ. Pierre est bougon. De nombreuses heures de vol sans cigarette alors qu’il a besoin de sa dose de nicotine, le temps va lui paraître long, très long. Sa femme a un livre, un roman policier, c’est comme si le boulot le poursuivait. Installé dans l’avion, il sent déjà le manque et a envie de fumer.

C’est calme, tout le monde est censé dormir mais Choulot observe et il s’aperçoit que le personnel navigant a l’air un peu paniqué. Et quand il se promène pour essayer d’en savoir plus, on le renvoie à sa place…Mais il voit bien que quelque chose ne tourne pas rond. Finalement, il s’avère que le cockpit est inaccessible, qu’il n’y a qu’un seul pilote à l’intérieur (malgré la règle des quatre yeux) et qu’il refuse d’ouvrir la porte. Enfin, c’est ce qu’on suppose vu qu’il ne répond pas et que le code d’urgence est inefficace. La porte finira par s’ouvrir et le pilote sera retrouvé mort (heureusement l’avion est en pilote automatique). Les deux co-pilotes vont être obligés de prendre la relève bien que l’un des deux soit très malade. Choulot, toujours en manque de clopes, voit là une belle occasion de se changer les idées. Et puis chasser le naturel… il va donc mener l’enquête le temps d’un vol, car forcément en vase clos, si l’homme ne s’est pas suicidé, c’est un meurtre.

Calmer le personnel, laisser dormir les passagers, prendre les choses en mains et résoudre l’énigme, en voilà une belle mission alors qu’on est retraité ! Pierre Choulot est ravi de replonger si vite dans ce qu’il aime par-dessus tout. Observer, questionner, recouper les indices, déduire.  Le lecteur se retrouve dans une atmosphère à l’ancienne, sans ADN, ni technologie excessive, on ramasse une poussière, on scrute le moindre petit signe, un mot, un geste, tout peut être interprété, compris pour aider à résoudre l’enquête.

Nils Barrellon a dû prendre beaucoup de plaisir pour rédiger ce roman. Il a dû se renseigner sur l’avion, son fonctionnement, ses « codes ». En ce qui concerne l’intrigue elle-même, il était nécessaire que ça se tienne, que ce soit possible, matériellement, sur la durée du trajet etc.
Son écriture est fluide, ça se lit rapidement et c’est plaisant. J’ai trouvé malin que le livre lu par l’épouse du policier apporte des éléments qui l’aident. Le choix, la place des passagers interviennent aussi, tout a son importance. J’ai particulièrement apprécié l’ambiance de ce récit, les références glissées ça et là et le sens du détail pour que les choses s’éclaircissent petit à petit.

La fin est astucieuse car la résolution est amenée de façon originale et si, on peut penser, que tout cela, ne serait pas vraiment ainsi dans la vraie vie, c’est tant mieux !


"Poings de boxe : Les écrivains sur le ring" de Nicolas Grenier

 

Poings de boxe : Les écrivains sur le ring
Auteur : Nicolas Grenier
Éditions : Du Volcan (17 Novembre 2020)
ISBN : 979-1097339302
182 pages

Quatrième de couverture

Cette anthologie sur la boxe nous propose des textes accessibles à tous, de 7 à 77 ans, de l'amateur de boxe, de littérature sportive, et amoureux des livres à un autre public, celui des sportifs, des professionnels, du monde universitaire et des écoles privées et publiques. Avec « Poings de boxe : les écrivains sur le ring », on retrouve, sur le ring, les poids lourds de la littérature : Alexandre Dumas, Victor Hugo, Jack London, Jules Verne. Des poids plume : Mark Twain, Georges Feydeau, Tristan Bernard. Au final, dans ce match littéraire, beaucoup de nationalités.

Mon avis

Une fois encore, Nicolas Grenier frappe fort, sans jeu de mots ; -)
Son recueil de textes est très intéressant tant par la forme que par le fond.

Il s’agit d’un ensemble d’extraits de romans ou de théâtre ainsi que de poème. Tous parlent de la boxe, soit parce que cela fait partie de l’histoire, soit parce que l’auteur cité avait un faible pour ce sport, soit parce qu’il s’agit d’un boxeur qui parle de son expérience.

Je dis souvent que je n’aime pas la boxe. J’ai l’impression que ces sportifs se font mal, qu’ils souffrent et j’ai du mal à comprendre leur passion. Mais ce livre m’a apporté un autre éclairage, sans doute parce que les mots sont bien moins violents que les images et que certains passages m’ont mis le sourire aux lèvres.

Sous forme d’un abécédaire, l’auteur présente les écrivains (même des femmes parlent de boxe dans leur récit) et les aperçus qu’il a sélectionnés. Pour chacun d’eux il situe le rédacteur dans le contexte de l’époque où il a rédigé, il relate brièvement quelques petites choses sur lui (son pseudonyme, sa personnalité, ses choix) puis il replace le passage qui va suivre dans l’ensemble de l’œuvre. C’est très bien fait et cela démontre un travail de recherches approfondi et complet. Et on s’aperçoit que ce sport est bien souvent cité dans des livres pas très récents.

Mettre le sport en lumière par le biais de la littérature est un sacré challenge ! Tout à fait réussi dans cette anthologie où Victor Hugo m’a étonnée. Quant à Jules Verne, je croyais tout connaître de lui… et bien non….. Richement documenté, bien choisis, tous les textes ont été une belle découverte et je me suis fait plaisir avec cette lecture !

Mon préféré ? C comme …. Camaraderie


"L'inspectrice Harris fait n'importe quoi" d'Aloysius Wilde

 

L’inspectrice Harris fait n’importe quoi
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Chaka édition (22 mars 2021)
ISBN : 1230004622154
12 pages

Quatrième de couverture

Alicia Harris est inspectrice principale au département des affaires criminelles du New York Police Department dont elle est une figure emblématique. Afro Américaine de trente-cinq ans, elle est violente, imprévisible, voleuse….

Mon avis

Mon ressenti ne sera pas très long car le récit lui-même est court, trop court….  Je suis impatiente de lire la suite car cette mise en bouche m’a beaucoup plu.

L’écriture et le style sont vifs, endiablés, empreints d’humour. L’inspectrice Harris vaut le détour et les personnages secondaires ont également de la consistance. La situation évoquée est sujette à interprétation et cela m’a amusée. Quant aux dialogues, ils sont plain de dérision et totalement jubilatoires !

Une récréation plaisante comme je les aime. J’ai beaucoup ri et j’espère qu’il en sera ainsi lorsque je découvrirai la totalité de l’histoire.


"La lectrice disparue" de Sigríður Hagalín Björnsdótti (Hið heilaga orð)

 

La lectrice disparue (Hið heilaga orð)
Auteur : Sigríður Hagalín Björnsdótti
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Éditions : Gaïa (4 Novembre 2021)
ISBN : 9782847209938
336 pages

Quatrième de couverture

Edda, une jeune Islandaise, disparaît un beau matin, abandonnant son mari et leur bébé. Quand la police découvre qu’elle s’est rendue à New York, son frère Einar part à sa recherche. Ce sauveteur chevronné a l’habitude de pister des disparus, mais il évolue cette fois-ci dans un environnement étranger et sa dyslexie ne lui facilite pas la tâche.

Mon avis

« Nul ne peut effacer une histoire lorsqu’elle a été dite. »

Ce roman atypique m’a énormément plu. Il est empreint d’une atmosphère très particulière reliée à la lecture et à l’écriture.

Nous commençons à Reykjavik, où Júlía, une très jeune femme, cherchant à s’échapper de sa famille, fréquente Orlygur plus âgé qu’elle, qui se dit cinéaste, artiste, réalisateur …. C’est surtout un flambeur, plus préoccupé de sa petite personne que de son amoureuse. D’ailleurs, lorsqu’elle lui annonce qu’elle est enceinte, ça ne le fait pas vraiment vibrer et il n’est pas du tout ravi qu’elle s’installe chez lui. Un jour, elle reçoit un appel d’une certaine Ragneiður qui lui dit être enceinte du même homme ! Elles choisissent de faire front ensemble et vont élever Edda et Einar, leurs enfants comme une sœur et un frère. Ils sont excessivement différents et pourtant ils semblent former une seule et même personne.

Edda lit beaucoup, retient tout et vit dans le monde des mots qui deviennent vivants pour elle. Elle s’en nourrit, elle en a besoin pour exister mais ils l’envahissent et la coupent des autres. Son « frère » est dyslexique, il souffre lorsqu’il déchiffre, les lettres dansent, s’animent, et il n’arrive pas à les poser pour savoir ce qui est écrit. Alors il écoute sa sœur qui lui conte des histoires, certaines qui font peur, d’autres plus tendres… Et il entretient, pour eux deux, des rapports avec les autres car la vraie vie, c’est également tisser des liens, n’est-ce pas ? Ils arrivent ainsi -chacun son rôle- a un équilibre.

Ils grandissent et un jour, Edda, mariée et jeune maman, disparaît. Son frère a pour mission de la retrouver à New-York, où elle semble avoir atterri. Il part à sa recherche. Il va essayer de démêler les fils d’un immense écheveau qui est là sous ses yeux mais son handicap ne le rassure pas, au contraire. Il est tellement ardu de lire, en plus dans une autre langue ! Mais il veut comprendre cette fuite alors il persévère.

Ce recueil se présente sous plusieurs aspects. Il y a « ici » avec les réflexions d’un des personnages, « jadis » avec des retours en arrière et les « jours » qui s’égrènent avec Einar à New-York, ainsi que des lettres et des histoires. J’ai trouvé très enrichissant d’avoir ses formes d’écriture variée.

A travers son récit, l’auteur aborde plusieurs thématiques : la crainte que le numérique avale l’écrit, le handicap et l’acceptation de ce qu’on est, de ce qu’on peut être, la tradition orale et l’écriture, la place des mots, leur pouvoir, les légendes, les contes, les histoires et leur influence sur ceux qui les lisent ou à qui on les lit, la complexité des relations humaines, l’amour qui étouffe ou qui fait grandir, la famille, la place des réseaux sociaux….

Cette lecture a été une agréable découverte (merci au traducteur, Éric Boury, qui a dû faire un travail remarquable pour choisir les mots afin que leur saveur reste intacte). Il est intéressant d’observer comment l’amitié entre les deux mères a évolué et comment les deux enfants se sont construits au milieu de tout ça. J’ai aimé les sujets abordés et le fait que ce soit fait de façon originale. C’est surprenant et ça permet également de se poser des questions sur la place des mots dans notre vie, notre rapport à la lecture et à l’écriture. Un roman qui se démarque et qui interpelle.


"Le cercle des mensonges" de Céline Denjean

 

Le cercle des mensonges
Auteur : Céline Denjean
Éditions : Marabooks (3 mars 2021)
ISBN : 978-2501138581
480 pages

Quatrième de couverture

Un meurtrier aux abois, pris dans une spirale infernale…
Une agente d’entretien, obligée de prendre la fuite après avoir été témoin d’un meurtre…
Un étudiant sans histoires tombé du toit d’un immeuble en construction…
Une femme bien sous tous rapports retrouvée assassinée dans une forêt près de Toulouse…
Et si tous ces événements étaient reliés ? S’ils formaient les éléments d’une gigantesque toile ?

Mon avis

Avec son dernier roman, Céline Denjean monte en puissance et nous offre un récit abouti, aux protagonistes travaillés, avec plusieurs entrées et des thématiques très intéressantes.

Un étudiant, fils d’un homme politique haut placé se suicide. Les parents ne peuvent pas imaginer qu’il se soit donné la mort alors qu’ils devaient les rejoindre pour fêter l’anniversaire de sa sœur. C’est le lieutenant de police Urbain Malot qui est chargé de l’enquête avec son équipe. Très vite les policiers cernent des zones d’ombre : le jeune homme, pour les besoins de sa thèse, avait infiltré le milieu des sans domicile fixe, il y a eu peut-être un témoin le soir de sa mort…mais cette personne n’est pas joignable…. Par quel bout entamer des recherches et surtout en se basant sur quoi ?

Parallèlement, la gendarme Éloïse Bouquet, personnage récurrent de l’auteur, se retrouve avec une femme assassinée sur les bras, un professeur sans histoire. Qu’a-t-il pu se passer ? De plus, elle traque toujours (sans l’aval de ses supérieurs) une criminelle qui lui a échappée et pour cela, elle se fait aider par une journaliste, Amanda.

Au quotidien, gendarmes et policiers ne font pas partie de la « même famille » et n’ont pas forcément des méthodes d’investigation identiques. De ce fait, Éloïse et Urbain ne se connaissent pas et ne communiquent pas. On suit donc les deux groupes, chacun sur leur affaire, par l’intermédiaire de chapitres assez courts, nous mettant rapidement dans l’histoire et dans l’ambiance. D’un côté, la population des SDF dont certains disparaissent. Mais comme ils sont pratiquement sans identité et ne manqueront à personne, est-ce nécessaire de creuser ? De l’autre côté, une enseignante tuée, dont l’ex-mari semble avoir des activités pas très nettes.

Il y a du rythme, des rebondissements, de l’action, des dialogues et le lecteur tourne les pages sans s’en rendre compte. Pas de temps mort. Les sujets évoqués sont captivants : les sans-papiers, les sans domicile fixe, les recherches dans le milieu médical. Céline Denjean ne se contente pas d’en parler « comme ça », elle creuse vraiment, rappelant que les hauts placés sont quelques fois intouchables, se permettant d’agir inconsidérément, de prendre des décisions sans réfléchir aux conséquences. Tout cela au nom du pouvoir et c’est vraiment révoltant.

C’est un des éléments qui fait que j’apprécie beaucoup cet écrivain. Elle ancre ses textes dans la réalité, dans le quotidien de notre société. Elle nous en montre les travers et ne pratique pas la langue de bois, elle écrit ce qui existe, ce qu’on tait, ce qu’on refuse de voir et c’est loin d’être réjouissant … De plus, les personnages qu’elle présente ont vraiment de la consistance, leur caractère est étoffé, on peut suivre leur histoire personnelle qui peut expliquer certaines de leurs réactions. Éloïse est ma préférée (quoique Urbain me plaît bien), j’aime sa fragilité sous des dehors solides, son opiniâtreté, son côté obstiné car elle ne veut rien lâcher. Il faut des gens comme elle dans la vraie vie pour que les choses avancent et elle est tellement palpable sous les mots que c’est comme si elle était réelle. C’est un autre atout des recueils de Céline Denjean : on est dedans, à fond, concerné par ce qu’on lit, avec l’impression de lire de vrais faits divers.

L’écriture est prenante, les scènes décrites sont bien présentées, on pourrait faire des films de ces (ses) intrigues ! Les mensonges se croisent, s’entrecroisent mais la vérité finit par sortir, quant à la justice…. Il est parfois bien nécessaire de lui donner un coup de pouce…..

Je n’ai pas été déçue, bien au contraire, cette lecture m’a captivée !

 

 


"Micha et la fée des mots" de Valéria Jourcin Campanile et Isabelle Pit

 

Micha et la fée des mots
Auteur : Valéria Jourcin Campanile
Illustrations d’Isabelle Pit
Éditions : Rêve de livres (26 Septembre 2020)
ISBN : 978-2491205010
28 pages

Présentation

Une histoire mystérieuse et poétique sur la rencontre de Micha un petit garçon fâché avec la lecture et l’incroyable fée des mots.

Mon avis

Enseignante, je suis régulièrement face à des élèves pour qui la lecture est tellement laborieuse qu’ils en sont dégoûtés. Il faut alors leur redonner l’envie de découvrir des textes adaptés, de ne pas être rebutés par les mots et si possible, leur offrir le souhait de poursuivre cette rencontre. Car, un album, un livre, c’est pouvoir s’échapper, apprendre …

Micha et la fée des mots a été conçu avec les conseils d’une orthophoniste en direction des enfants dys mais pas seulement. Chacun d’eux pourra y trouver du plaisir et c’est bien ça l’important, non ?

C’est un album aux illustrations empreintes de douceur, avec des couleurs magnifiques et un tracé graphique précis. Ce n’est pas surchargé et les dessins sont très parlants. Il se dégage de planches une atmosphère en lien avec ce qu’elles représentent tant les visages et le décor sont expressifs.

Le texte peut être lu à des enfants dès sept ans, et ils peuvent également le découvrir seuls. Les mots plus difficiles sont écrits en couleurs et expliqués à la fin. Il aurait pu être intéressant de les mettre sur un document à part, que le lecteur aurait toujours sous la main sans avoir à tourner les pages. Je pense également que certaines explications devront être (pour les plus jeunes) précisées par un adulte. La police de caractères a été bien choisie car elle est très lisible et c’est important pour ceux qui sont en difficulté.

L’histoire est belle, accessible, facile à comprendre et donne la part belle aux mots, les dessins soutiennent le contenu écrit et donne plus de légèreté à l’ensemble, une part de rêve. Ce recueil aidera, je le souhaite, de futurs lecteurs à prendre du plaisir en découvrant la magie des mots.


"Frontière belge" de Nicolas Freeling (Gun before Butter)


Frontière belge (Gun before Butter)
Une enquête de l’inspecteur Van Der Valk
Auteur : Nicolas Freeling
Traduit de l’anglais par Marcellita de Moltke-Huitfeld et Ghislaine Lavagne, revu par Rémy Lambrechts
Éditions : L’Archipel (1 er Avril 2021)
ISBN : 978-2809841268
265 pages

Quatrième de couverture

Ce roman se déroule dans les années 1960 quand il existait encore des frontières entre la Belgique, la France et les Pays-Bas. Van der Valk y croise Lucienne Englebert alors que son père, chef d'orchestre de renom, vient d'être victime d'un accident de voiture.
Puis l'inspecteur l'oublie, accaparé par plusieurs affaires, dont l'assassinat a priori banal d'un homme. A priori seulement, car cet individu aux identités multiples obligera notre atypique policier hollandais à se rendre en Belgique…

Mon avis

Nicolas Freeling (de son vrai nom Nicolas Davidson) est décédé en 2003 (né en 1927). Il était chef cuisinier et alors qu’il purgeait une peine de prison de trois semaines (accusé à tort d’un vol de nourriture), il a décidé d’écrire pour ne pas s’ennuyer. C’est comme ça qu’est né, à partir de 1962, son héros récurrent, le commissaire Van der Valk. « Frontière belge » est la troisième histoire de ce policier et a été publiée en France, en 1965, la première fois. La réédition aux éditions L’Archipel m’a permis de faire connaissance avec l’auteur et son policier. Et je dois le dire tout de suite, c’est une belle rencontre !

Le récit se situe dans les années 60. On est loin des procédés modernes avec l’ADN, des téléphones portables, des échanges par mail et des recherches sur internet. Cela donne un petit côté suranné que j’ai énormément apprécié tant dans le contexte que dans l’écriture.

L’inspecteur Vand Der Valk marche dans les rues d’Amsterdam et assiste à un accident. Il échange quelques mots avec le conducteur qui meurt sous ses yeux et il aide une jeune femme, sa fille à s’en sortir. Pour une raison inexplicable, elle l’intrigue mais il finit par ne plus y penser car il doit se concentrer sur son métier : enquêter. Ça tombe bien, une voiture abandonnée ouverte avec les clés, devant une demeure lui pose question.  En jouant les cambrioleurs, il rentre dans l’habitation et découvre un homme assassiné. Rien ne permet de l’identifier, pas de vie privée ? Il se cachait ? Bizarre…..

Pour essayer de cerner, de savoir qui est vraiment l’homme tué sans identité, l’inspecteur va se « couler » dans sa personnalité. En utilisant le peu d’indices qu’il a, il se glisse dans ses pantoufles, s’imprègne de ce qu’il observe pour arriver à raisonner, à penser comme lui. Il est suffisamment intuitif pour exploiter la moindre petite piste et il s’en sort pas mal. Il s’arrange avec les formalités car il aime bien exploiter ce qu’il examine à sa façon. Ses déductions et ce qu’il en fait valent le détour car c’est très original. Les investigations de notre fin limier vont l’amener à visiter l’Allemagne, la Belgique en plus du pays où il réside. Cela permet de découvrir les mœurs de chaque endroit, les relations plus ou moins tendues entre ces contrées, les commentaires des douaniers etc. C’est très intéressant.

L’écriture, un peu à l’ancienne, est quelques fois teintée d’ironie, voire d’autodérision et d’humour, c’est un régal. Les traducteurs avaient bien besoin d’être trois pour ne pas rater la subtilité du texte, merci à eux ! Il n’y a pas un rythme trépidant, des rebondissements à foison, simplement un homme qui a les yeux ouverts, qui scrute et ne laisse rien passer. J’ai lu qu’on comparait les romans de cet auteur à ceux de Simenon. Simenon m’ennuie, je trouve que ça n’avance pas. Là, je n’ai vraiment pas ressenti de lenteur. L’attitude de l’inspecteur ne m’a pas exaspérée ou gênée, bien au contraire. Je l’ai trouvée amusante, un brin roublarde parfois et son interprétation des faits est captivante. Et puis, il y a cette atmosphère indéfinissable, si bien exprimée qu’on a l’impression de regarder un film en noir et blanc.

Vraiment un super moment de lecture !

"Le petit soviet" d'Eric Decouty

 

Le petit soviet
Auteur : Éric Decouty
Éditions : Lina Levi (1 er Avril 2021)
ISBN : 979-1034904105
290 pages

Quatrième de couverture

Il a fallu l’appel d’un banquier inconnu pour que Joseph Kruger fasse le voyage. Puisque l’homme a insisté, il viendrait en personne récupérer les derniers documents concernant la succession de ses parents décédés récemment. Dès l’instant où il remet les pieds au Village, Joseph est assailli par les souvenirs d’enfance qu’il pensait effacés. Mais surtout, dans ces rues vides, il a l’impression tenace que chacun de ses mouvements est surveillé, et que tous ont été informés de son retour. Il comprend vite que sa présence dérange, qu’on aimerait savoir s’il sait… Que devrait-il savoir ?

Mon avis

Joseph Kruger est marié à Janet, il mène une vie tranquille, leurs enfants vont bien, ils sont heureux et coulent des jours paisibles. Un jour, il reçoit l’appel d’un banquier. Cet homme lui dit qu’il doit venir pour régler la succession de ses parents, récemment décédés. Joseph n’est pas très motivé pour retourner sur les lieux de son enfance. Il est parti il y a longtemps et a coupé les ponts avec tout ça. Mais finalement, il décide d’aller sur place, de refaire un tour, probablement une dernière fois.

C’est Joseph qui raconte son séjour. Il s’installe au Village, où il a vécu avec ses parents. Jamais il ne nomme le lieu, c’est le Village avec une majuscule, comme il y a la Ville toute proche, où il rencontrera le banquier. Les autres endroits où il se déplace peuvent être nommés mais pas le Village, ni la Ville, comme si en prononçant ou en écrivant leur nom, ça les rendait réels, trop présents, capables de prendre le pas sur les personnes ou alors capables de divulguer ce qui a toujours été tu. Il ne voulait pas rester, il avait l’intention de régler tout ça rapidement mais finalement il s’attarde car il veut comprendre.

Comprendre quoi ? Ce qu’il ne sait pas, ce qu’il entend dans les silences, ce qu’il sent dans les quelques mots échangés, ce qu’il devine dans les regards dérobés. À peine arrivé, Joseph replonge en arrière. Des personnes se présentent, lui disent bonjour, prennent de ses nouvelles. Lui, il ne se souvient pas de tout, la mémoire est sélective et il ne déchiffre pas tout. Plutôt détaché de tout ça, il finit par se « prendre au jeu » et il a envie de creuser. Pourquoi ? Parce que dans une conversation, au détour d’une phrase, quelqu’un cite son grand-père en évoquant un suicide. Il n’avait jamais vu la mort de cet homme sous cet angle. Alors, il décide rester afin que tout soit clair et expliqué : la mort de son Papi mais également le leg qu’il vient de recevoir et qui est, pour le moins, surprenant.

Plusieurs lui disent qu’il n’est pas bon de se pencher sur le passé, de le remuer. Raison de plus pour aller plus loin bien qu’il dérange (ça, il le sent très vite). Joseph ne sait pas où vont le mener ses investigations mais à chaque petit bout découvert, il a envie d’en savoir plus, de compléter le puzzle. Il n’est pas le bienvenu avec ses questions, il doit se faire aider par quelques-uns ou quelques-unes ;- ) discrètement. Une fois qu’il a les informations, il est nécessaire qu’il prenne du recul, qu’il réfléchisse, qu’il digère ce qu’il a appris sans que cela le touche trop (pas facile !)

Il va revenir en arrière, au moment de la seconde guerre mondiale, près des résistants, du maquis, des FTP (francs-tireurs et partisans français) créés par le parti communiste et qui sont partisans de la guérilla urbaine et de l'action immédiate. Il y a eu des tensions, des tiraillements à cette époque. Les secrets, les non-dits, tout ce qui a été dissimulé, refoulé, va ressortir par bribes au grand jour. À Joseph de faire le lien, de rassembler les morceaux, de compléter les blancs pour avancer, aller vers le futur et peut-être laisser son passé derrière lui.

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Sa construction m’a plu, le contenu m’a interpellée sur des événements (notamment celui de la rade de Brest) que je ne connaissais pas. L’évolution de Joseph au fur et à mesure de ses découvertes est intéressante. Il s’engage de plus en plus au fil des pages, son sens de la déduction s’affine et sa femme, à distance, est de très bon conseil. L’écriture est fluide. Les propos suffisamment détaillés pour nous captiver et nous maintenir dans l’intrigue.

En conclusion, un premier roman riche et original.


"Ne la quitte pas du regard" de Claire Allan

 

Ne la quitte pas du regard (Apple of My Eye)
Auteur : Claire Allan
Traduit de l’anglais par Nicolas Porret-Blanc
Éditions : L’Archipel (1 er Avril 2021)
ISBN : 978-2809841503
388 pages

Quatrième de couverture

" Ne crois pas ce qu'il te raconte. " Cette note anonyme glissée dans son casier instille le doute dans l'esprit d'Eli, une infirmière enceinte de sept mois. Simple plaisanterie de mauvais goût ou véritable avertissement ? Le message fait-il allusion à son mari, Martin, qu'elle sent de plus en plus distant depuis le début de sa grossesse ? Dans l'ombre, une femme semble l'épier. Une femme qui souhaite plus que tout devenir mère...

Mon avis

Eliana, Eli, est infirmière en soins palliatifs. Ce n’est pas facile tous les jours mais elle aime son métier, sa mission, qui est d’accompagner en fin de vie ceux qui lui sont confiés. Elle travaille, entre autres, avec Rachel, qui est devenue une amie sûre. Mariée à Martin, un architecte, Eli est enceinte de sept mois au début du récit. Ce n’est pas vraiment une grossesse épanouie car elle souffre d’hyperémèse gravidique, c’est une complication lorsqu’on attend un bébé, qui provoque des nausées et des vomissements jusqu’à un stade avancé. Cela l’épuise, les odeurs et la cuisine l’écœurent et elle est très fatiguée. De plus cet état de fait la rend fragile, hypersensible, toujours à fleur de peau rendant ses discussions et ses relations avec son époux parfois un peu difficiles. Elle est tellement affaiblie que la moindre petite chose peut la contrarier, lui mettre les larmes aux yeux. En ce moment, son conjoint est sur un gros chantier, à Londres (alors qu’ils habitent à Derry, en Irlande). Il doit donc s’absenter régulièrement, il rentre fourbu et tout cela conjugué à une fatigue accrue pour tous les deux, fait qu’ils s’éloignent l’un de l’autre. De plus, Eli, presqu’au bout du rouleau physiquement, a l’impression qu’elle ne sera pas une bonne mère, qu’elle ne s’attache pas à ce bébé qui, pour l’instant, lui provoque des désagréments, Mais heureusement, elle peut compter sur sa maman, Angela, qui est toujours présente en cas de coups durs. Ces deux là ont une relation assez fusionnelle, sans doute parce qu’Angela était seule pour élever sa fille.

Un jour, Eli trouve une lettre dans son casier au travail. Quelques mots sans signature qui lui font très mal. « Ne crois pas tout ce qu’il te raconte. » Qui a laissé ce message ? Pourquoi ? Comme le ver dans un fruit, le doute s’insinue dans son esprit. Ses émotions exacerbées par les hormones prennent le dessus, elle perd son jugement rationnel, s’affole, se pose des questions. Martin essaie de la calmer mais d’autres événements déstabilisants arrivent, achevant de la troubler. Elle est perdue, elle ne sait plus que faire….Est-ce que celui qu’elle aime la trompe ? Ment-il ? A-t-il une double vie ?

Ce roman est construit en alternant les points de vue d’Eli, et de deux autres personnes. Une même situation peut être vue différemment suivant qui prend la parole. Les perceptions ne sont pas forcément identiques d’un individu à l’autre. On observe Eli qui perd pied, on voudrait l’aider car elle reste attachante. Mais on voit bien qu’elle se laisse déborder par tout ce qui gronde en elle. Comment va-t-elle s’en sortir ? Ce recueil est ce qu’on appelle un page-turner, on commence et on ne le lâche plus. L’écriture (merci au traducteur), le style sont très addictifs, le rythme ne faiblit pas car il y a des rebondissements. Qu’il y ait une ou deux invraisemblances, quelques petites choses qui donnent le sentiment d’être prévisibles, tout cela n’empêche pas de prendre beaucoup de plaisir à la lecture car, sauf si on a lu la fin, on ne peut pas tout voir venir. Ce n’est pas prise de tête, ça reste un bon thriller sans pour autant qu’on y trouve une étude psychologique approfondie de chacun des personnages.

J’ai trouvé intéressant de sentir, entre les lignes, le thème de l’amour. Jusqu’où peut-on aller par amour, qu’est-ce qu’aimer ? Est-ce que ça se mesure ? Peut-on aimer trop, aimer mal ? Et dans ce cas, quelle place donner au pardon ?

Un auteur que je viens de découvrir et que je retrouverai avec plaisir.


"L'ombre Cassiopée" de Laurent Cornut

 

L’ombre Cassiopée
Auteur : Laurent Cornut
Éditions : Monbestseller (17 Septembre 2014)
ISBN : 979-1037716125
150 pages

Quatrième de couverture

En Bretagne, un couple, dont la femme est enceinte, est confronté à une dure réalité : des gens veulent s'emparer de leur bébé pour mener sur lui des expériences médicales. Leur route croise celle d'un autre couple aux intentions équivoques, celle de scientifiques peu scrupuleux, de tueurs sans pitié, de créatures hybrides... Le couple va tout faire pour sauver son bébé, dénoncer les expérimentations et combattre le "projet Cassiopée" avant qu'il n'ait condamné l'humanité toute entière…

Mon avis

La Bretagne, un coin calme en apparence mais Jeannie et Tom sont face à une situation terrible. Ils sont harcelés et doivent donner leur bébé pour des expériences médicales. Ils restent unis, se serrent les coudes, leurs caractères sont peu développés mais suffisamment explicites pour que ce qu’on sait permette de comprendre l’histoire. Lui, il ne se laisse pas intimider et essaie d’agir avec intelligence et discernement. Elle, elle essaie de comprendre, de prendre le temps de réfléchir avant d’agir. Ils sont attachants et on se sent proches d’eux et de leurs préoccupations. On sent la peur qui les habite, l’angoisse toujours présente.

Autour d’eux, gravitent d’autres couples dont un est au courant mais leur met la pression car on les fait chanter eux-mêmes. On suit aussi les « hybrides » liés au programme de recherches et les médecins malhonnêtes qui se cachent derrière un complexe nautique en bord de mer. Le couple va se rendre compte de ce qui se passe et aidé d’amis, essaiera de tout faire pour sauver le bébé et dénoncer les expérimentations.

La lecture est prenante dès les premières lignes qui intriguent (une femme qui meurt dans le complexe nautique). Peu de temps mort et une écriture vive et régulière font de ce livre un roman qui ne lasse pas, qui interroge sur les progrès de la science et les risques qui sont liés à ces avancées. Quelques références scientifiques, glissées çà et là complètent le tout.

Un récit avec une thématique connu mais abordé de façon originale.