"La lectrice disparue" de Sigríður Hagalín Björnsdótti (Hið heilaga orð)

 

La lectrice disparue (Hið heilaga orð)
Auteur : Sigríður Hagalín Björnsdótti
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Éditions : Gaïa (4 Novembre 2021)
ISBN : 9782847209938
336 pages

Quatrième de couverture

Edda, une jeune Islandaise, disparaît un beau matin, abandonnant son mari et leur bébé. Quand la police découvre qu’elle s’est rendue à New York, son frère Einar part à sa recherche. Ce sauveteur chevronné a l’habitude de pister des disparus, mais il évolue cette fois-ci dans un environnement étranger et sa dyslexie ne lui facilite pas la tâche.

Mon avis

« Nul ne peut effacer une histoire lorsqu’elle a été dite. »

Ce roman atypique m’a énormément plu. Il est empreint d’une atmosphère très particulière reliée à la lecture et à l’écriture.

Nous commençons à Reykjavik, où Júlía, une très jeune femme, cherchant à s’échapper de sa famille, fréquente Orlygur plus âgé qu’elle, qui se dit cinéaste, artiste, réalisateur …. C’est surtout un flambeur, plus préoccupé de sa petite personne que de son amoureuse. D’ailleurs, lorsqu’elle lui annonce qu’elle est enceinte, ça ne le fait pas vraiment vibrer et il n’est pas du tout ravi qu’elle s’installe chez lui. Un jour, elle reçoit un appel d’une certaine Ragneiður qui lui dit être enceinte du même homme ! Elles choisissent de faire front ensemble et vont élever Edda et Einar, leurs enfants comme une sœur et un frère. Ils sont excessivement différents et pourtant ils semblent former une seule et même personne.

Edda lit beaucoup, retient tout et vit dans le monde des mots qui deviennent vivants pour elle. Elle s’en nourrit, elle en a besoin pour exister mais ils l’envahissent et la coupent des autres. Son « frère » est dyslexique, il souffre lorsqu’il déchiffre, les lettres dansent, s’animent, et il n’arrive pas à les poser pour savoir ce qui est écrit. Alors il écoute sa sœur qui lui conte des histoires, certaines qui font peur, d’autres plus tendres… Et il entretient, pour eux deux, des rapports avec les autres car la vraie vie, c’est également tisser des liens, n’est-ce pas ? Ils arrivent ainsi -chacun son rôle- a un équilibre.

Ils grandissent et un jour, Edda, mariée et jeune maman, disparaît. Son frère a pour mission de la retrouver à New-York, où elle semble avoir atterri. Il part à sa recherche. Il va essayer de démêler les fils d’un immense écheveau qui est là sous ses yeux mais son handicap ne le rassure pas, au contraire. Il est tellement ardu de lire, en plus dans une autre langue ! Mais il veut comprendre cette fuite alors il persévère.

Ce recueil se présente sous plusieurs aspects. Il y a « ici » avec les réflexions d’un des personnages, « jadis » avec des retours en arrière et les « jours » qui s’égrènent avec Einar à New-York, ainsi que des lettres et des histoires. J’ai trouvé très enrichissant d’avoir ses formes d’écriture variée.

A travers son récit, l’auteur aborde plusieurs thématiques : la crainte que le numérique avale l’écrit, le handicap et l’acceptation de ce qu’on est, de ce qu’on peut être, la tradition orale et l’écriture, la place des mots, leur pouvoir, les légendes, les contes, les histoires et leur influence sur ceux qui les lisent ou à qui on les lit, la complexité des relations humaines, l’amour qui étouffe ou qui fait grandir, la famille, la place des réseaux sociaux….

Cette lecture a été une agréable découverte (merci au traducteur, Éric Boury, qui a dû faire un travail remarquable pour choisir les mots afin que leur saveur reste intacte). Il est intéressant d’observer comment l’amitié entre les deux mères a évolué et comment les deux enfants se sont construits au milieu de tout ça. J’ai aimé les sujets abordés et le fait que ce soit fait de façon originale. C’est surprenant et ça permet également de se poser des questions sur la place des mots dans notre vie, notre rapport à la lecture et à l’écriture. Un roman qui se démarque et qui interpelle.


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