"Victime 55" de James Delargy (55)


Victime 55 (55)
Auteur : James Delargy
Traduit de l’anglais (Irlande) par Maxime Shelledy et Souad Degachi
Éditions : HarperCollins (8 janvier 2020)
ISBN : 979-1033903109
450 pages

Quatrième de couverture

Une petite ville perdue en Australie. Un jour de canicule débarque, au poste de police, un homme, couvert de sang. Gabriel déclare avoir été séquestré dans une cabane par un serial killer. Quand la chasse à l’homme commence, ce même jour de canicule, débarque un deuxième homme. Heath est couvert de sang. Heath déclare avoir été séquestré dans une cabane par un serial killer, un certain Gabriel.

Mon avis

Bluffant

Victime 55 est le premier roman de James Delargy, irlandais d’origine, qui a vécu en Australie, en Afrique du Sud et en Ecosse. Ce baroudeur réside aujourd’hui en Angleterre. Il a situé l’intrigue de ce recueil dans une petite ville perdue d’Australie. Le lieu est important. Loin de tout, avec des paysages secs et chauds, parfois touffus, immenses dans lesquels il est facile de se perdre. L’action se déroule en Novembre 2012 et quelques passages sont issus de 2002, dix ans auparavant.  A cette époque, deux amis recherchaient un jeune homme qui s’était égaré. Du temps a passé et les voilà séparés maintenant, chacun ayant suivi un chemin différent. L’un, le sergent Chandler Jenkins, est resté sur place, à Wilbrook, il a deux enfants qu’il élève de son mieux avec l’aide de ses parents, car sa femme est partie. Elle avait envie de ville, de plus grands espaces. L’autre, Mitchell Andrews, dit Mitch, est monté en grade, il est maintenant inspecteur et travaille plus loin dans une grosse bourgade, à une centaine de kilomètres, pour la police d’état. Ces deux-là ne sont plus en contact, leur complicité a été brisée.

Chandler veille sur la petite cité, à la manière d’un shérif, peu de mouvements, quelques plaintes mais cela lui convient. Un jour, Gabriel, un homme blessé, débarque au poste de police. Il est apeuré et déclare avoir été séquestré par un tueur en série, qui lui aurait annoncé qu’il allait être sa prochaine victime, la cinquante cinquième. Un peu plus tard, dans la même journée, un autre homme, Heath, dans le même état, se présente à son tour et raconte la même chose. Sont-ils de mèche ? Qui ment et pourquoi ? Quel est le but caché de ces incursions dans ce coin paumé ? Chandler ne peut gérer seul une telle situation et ses supérieurs sont prévenus. C’est Mitch, son ancien camarade qui arrive avec son équipe. Si ces deux là ont été copains, c’était il y a longtemps. On sent tout de suite que ce n’est plus le cas et cela ne va en rien simplifier les relations de travail. Mitch se comporte en chef, (ce qu’il est), sans aucune empathie, donnant des ordres, surveillant Chandler et le prenant pour son larbin. Il le rabaisse même un peu…. Cela instaure une atmosphère délétère entre les deux hommes et leur équipe et ça n’aide pas l’enquête. Un vieil antagonisme qui leur pourrit la vie mais aussi celle de tous ceux qui les côtoient.

J’ai trouvé cette lecture très intéressante et addictive. L’écriture de l’auteur est prenante (bravo aux traducteurs). La trame de départ (deux hommes, le même récit, chacun accusant l’autre, chacun ayant peur pour sa vie…) est originale. En outre, le décor apporte un intérêt supplémentaire. On pourrait penser qu’une histoire en vase clos ne va pas captiver le lecteur. Et bien, c’est tout le contraire ! L’intérêt ne faiblit pas et va même grandissant et il y a du rythme. On suit les raisonnements des uns et des autres, on sent que des indices nous échappent, on voudrait comprendre, avancer…. J’ai été bluffée par le comportement de Gabriel et de Heath. J’ai mis beaucoup d’énergie à essayer de comprendre si l’un ou l’autre racontait des bobards ou si les deux me manipulaient. Je trouve que l’auteur a été très fort sur ce coup-là. Par l’intermédiaire de son intrigue, James Delargy aborde d’autres thèmes comme la vie dans les coins isolés, le poids du passé, de la religion…

C’est un auteur à ne pas perdre de vue si ces prochains opus sont de la même qualité !




"Dancefloor Memories" de Lucie Depauw


Dancefloor Memories
Auteur : Lucie Depauw
Éditions : Koïnè (1 avril 2012)
ISBN : 978-2953354126
50 pages

Quatrième de couverture

Pièce de théâtre sur un trio amoureux du troisième âge. Une histoire d'amour et de perte sur la vieillesse, le délitement, la mémoire qui flanche et les élans amoureux qui bravent le soir de l’existence pour une fenêtre réjouissante sur une de nos peurs les plus tenaces, celle de notre propre finitude.

Mon avis

Ils sont trois, plutôt près de la fin de leur vie que du début…. Trois à se parler, s’interpeller, se répondre, échanger ou parfois se taire, se tromper, s’égarer, …. Il y a Gary, l’américain venu sauver les jolies françaises en 1944, il y a Marguerite marié à Pierre qui a la maladie d’Alzheimer. C’est pour elle que c’est difficile. Que faire, comment survivre lorsque l’être aimé sombre dans l’oubli de tout, même de soi ?

Et si on dansait ?

Alors Marguerite va danser, histoire de sortir un peu, d’avoir une bulle d’air et une petite plage de liberté qui l’aident à tenir au quotidien près de son époux « qui n’est plus présent ». Sur le parquet ciré, elle rencontre Gary…. A soixante-dix, quatre- vingts ans quels liens peut-on créer, que peut-on espérer de la vie ? Tout simplement les mêmes émotions que les plus jeunes, celles qui font bouger le corps, briller les yeux, battre le cœur….

Dans cette pièce où les voix murmurent, où les mots dansent sous les yeux et chantent à l’oreille, une tendresse infinie apparaît entre les lignes. Celle de Lucie Depauw pour ses personnages qu’elles accompagnent vers l’espoir, vers la vie ou vers l’absence…..

En cinq mouvements, le texte nous porte vers le passé, vers le présent, nous faisant entrevoir l’avenir, nous permettant de valser, d’accompagner les protagonistes, de les sentir proches de nous tant leurs paroles, toutes en poésie, sont vibrantes de réalisme. On découvre les problèmes que Marguerite rencontre avec celui qu’elle a épousé, les posts it pour aider, les renoncements, les peurs, et puis parfois la lueur qui permet de croire encore en la vie… Cette lecture est belle, douce, empreinte de délicatesse et d’amour…..

«Une brasure incandescente
nos températures qui grimpent jusqu’à la fusion
des atomes à la vie à la mort »



"Faut que tu viennes" de Pascal Thiriet


Faut que tu viennes
Auteur : Pascal Thiriet
Éditions : Jigal (15 mai 2014)
ISBN : 979-10-92016-22-2
264 pages

Quatrième de couverture

Dido n’a aucun scrupule, mais elle a un principe : pour exister, il faut servir à quelque chose, être utile, avoir un talent – même un tout petit – et le mettre au service de tous… Elle, son talent, sa spécialité, c’est de tuer les banquiers ! Et d’habitude, elle fait ça très bien… Mais là, elle a dérapé ! Enée, lui aussi a un principe. Si Dido lui dit : « Faut que tu viennes… », il accourt. Toujours ! Et côté scrupules, lui aussi voyage léger… Mais parfois dans la vie, en plus des principes et des scrupules, il y a les impondérables, les dommages collatéraux qu’on n’attendait pas… Alors quand Dido décide de se lancer dans cette affaire, il y a fort à parier qu’Énée va se retrouver très vite les mains dans le cambouis… Dido et Énée, un couple improbable et déjanté, des situations scabreuses et ébouriffantes, un style cash et pimenté, un humour très noir et des cadavres à la pelle.

Mon avis

« Plus tard j’ai compris que l’argent c’est juste l’écume, pas la vague. » *

Dido, c’est la femme, tête pensante sous des dehors gouailleurs, elle tue et arnaque avec intelligence et connaît les combines pour ne pas se faire prendre. Enée, c’est l’homme, ami de Dido. Ils ne vivent pas ensemble. Lui, il s’est installé avec une jeune femme dans un coin reculé. Il est très copain avec toutes formes d’alcool et passe sans aucune difficulté de l’anisette à la vodka sans oublier le whisky. Elle, elle est installée sur Montpellier, enfin pour l’instant car elle joue également aux pigeons voyageurs pour ne pas se faire prendre. Quand Dido appelle, c’est bref, concis, mais Enée arrive, accourt plutôt, sans attendre.

Alors pour le dernier « Faut que tu viennes. » que l’on peut associer à « J’ai besoin de toi, je suis dans la m… » (ça elle ne le dit pas, c’est le lecteur qui comprend vite et qui lit entre les lignes ;-), Enée est parti la rejoindre sans (se) poser de questions, parce que c’est comme ça, il cède à chacune de ses demandes. Non pas qu’il soit bête et obéissant, non, si Dido le sollicite, c’est qu’il y a urgence donc il y va et attend ses ordres, point barre. Cette fois-ci, elle a raté le banquier qu’elle voulait occire et s’il se réveille de son coma, il va probablement la reconnaître donc si Enée pouvait se rendre discrètement à l’hôpital pour le débrancher…. ce serait un souci de moins… parce qu’elle est comme ça, Dido, pas trop de scrupules avec les riches et la loi….

Récit de rencontres improbables avec des personnages principaux et secondaires hauts en couleurs, « Faut que tu reviennes » nous emmène au pays des escroqueries, magouilles, arnaques mais également au pays des amitiés solides, brutes de décoffrage. Tout ceci est un peu, beaucoup déjanté, pas toujours très crédible, mais on ne s’ennuie pas une seconde. Les rebondissements discutables sont légion, les rôles secondaires aussi bien ciblés que les premiers. On sourit, on rit, on se détend, on se prend à penser « Mais où est-il allé chercher tout ça ? » et puis on tourne la page pour découvrir la prochaine situation tout aussi équivoque et les choix que feront les protagonistes.

On pourrait croire, comme ça, que c’est superficiel mais que nenni. Sous des dehors de franche rigolade, l’auteur a su apporter une bonne part d’humanité à ses êtres de papier. Les relations entre Dido, Enée et leurs proches sont emplies d’une tendresse cachée comme si la pudeur prenait le dessus sur leurs « grandes gueules »….. Il n’y a pas une grosse intrigue mais ce qui se passe est suffisant pour passer un bon moment.

Le style est décalé, l’écriture vive et les dialogues truculents. Le vocabulaire et les tournures de phrases ont un ton un peu «titi parisien ». L’auteur joue même avec les mots et les sonorités ; il s’amuse, on jubile et les pages défilent.

Bien entendu, il ne faudrait pas lire un polar comme celui-ci tous les jours. C’est comme le chocolat, si on en consomme trop, ça devient très vite écœurant mais à petites doses, bien choisi et avec le bon pourcentage de cacao hum…un régal. Pour cet opus, c’est le même principe, le dosage d’humour et d’événements incongrus est bien ciblé pour le plus grand plaisir du lecteur…..


NB : une mention particulière à la couverture que j’apprécie beaucoup.

*page 69 du livre

"la ligne de tir" de Thierry Brun



La ligne de tir
Auteur: Thierry Brun
Éditions: Le Passage (24 Mai 2012)
ISBN: 9 782847 421934
240 pages

Quatrième de couverture

Le commissaire Fratier est sur le point d’être mis en examen. Depuis longtemps, il est lié à la pègre dans sa ville de Nancy et le témoignage de Loriane Ornec, qu’il a corrompue quand elle était dans son service, pourrait l’envoyer en prison. Il décide de la tuer et contraint Alice Résilia, une ancienne terroriste de la mouvance gauchiste instrumentalisée par le pouvoir, à exécuter cette tâche.


Mon avis

Un prologue, en 2002, à Paris, un attenta raté. Raté complètement, une catastrophe avec des « dommages » graves, très graves…Raté ? La faute à qui, la faute à quoi ? La faute a pas de chance, au destin, au concours de circonstances qu’on ne maîtrise pas…
Ensuite, le premier chapitre : un homme chez un spécialiste. Ce dernier lui annonce qu’il est atteint de dégénérescence maculaire et qu’il va perdre la vue assez rapidement, un traitement ralentira peu l’évolution inéluctable. On ne sait rien de cet homme sauf ses nom et prénom. On le découvrira par la suite.
Chapitres suivants, une femme, on comprendra vite qu’elle n’a pas toujours été du bon côté de la barrière, passant d’un statut de fliquette bien propre à une femme pas très nette, fréquentant des gens encore moins nets qu’elle….
Les deux autres personnages marquants de ce roman sont le commissaire Fratier et Shadi Atassi.
Fratier, c’est le boss, le chef, celui qui sait tout, qui a toujours raison et qui ne fait pas de sentiments (sauf s’il le décide alors il donnera tout), toujours sur la brèche et menacé par une mise en examen.….
Atassi, un syrien, c’est le chef de gang de Nancy (mais cela aurait pu être une autre ville).
Le point commun entre ces deux hommes, c’est leur haine envers un troisième qui est un tueur implacable.
D’autres hommes et femmes apparaîtront mais leur caractère sera moins marqué.
Ce roman est le récit de ces hommes et ces femmes qui se poursuivent et pas un ne domine l’autre, même si chaque lecteur peut s’attacher différemment à un être découvert dans les pages plus qu’à son voisin de papier.
Chasseurs et chassés se croisent et s’entrecroisent, se pourchassent …les traqués de viennent traqueurs et vice versa. Pourquoi ? Passé et présent se mêlent et les explications apparaissent petit à petit…

Le rythme est fou, rapide, les chapitres courts, les dialogues ciblés, les phrases construites sans fioriture inutile, on dirait le scénario d’un film tant c’est visuel et rapide, les images défilent, on passe d’un lieu à l’autre: Nancy, Paris, la campagne ou la montagne reculées…
Les faits s’enchaînent à une allure expéditive, on va d’un individu au suivant sans faire de pause et on ne suit pas de façon linéaire chaque protagoniste bien que tout soit lié ou relié. On a l’impression de manquer de souffle, d’être pris dans un engrenage où rien n’arrête personne hormis la mort …. Et lorsqu’elle est là, elle est violente, provoquant des dommages collatéraux…
L’écriture est « masculine », les phrases « sèches » et courtes, le ton incisif, on n’a pas le temps de s’appesantir, de se poser des questions, la cadence effrénée nous emporte plus avant.

On peut sans doute regretter que tout cela semble un peu superficiel car on reste avec l’action des personnages. Thierry Brun, probablement par choix, ne creuse pas les milieux corrompus et leurs rouages ne va pas chercher très loin dans les pensées des hommes et des femmes.
Il y aurait peut-être eu matière à faire autre chose….

Néanmoins, l’auteur maîtrise parfaitement l’art du suspense et l’art de jeter le trouble dans l’esprit du lecteur. Tout cela est admirablement bien ficelé et on passe un bon moment.

"Chaman" de Maxence Fermine


Chaman
Auteur : Maxence Fermine
Éditions : Michel Lafon (12 Octobre 2017)
ISBN : 978-2749932545
131 pages


Quatrième de couverture

Le jour où Richard Adam comprit qu’il n’avait qu’une vie, il n’avait jamais été si proche du ciel. Et pour cause. Il se tenait en équilibre sur une poutrelle d’acier, à près de soixante mètres de hauteur. Parvenu au bout de son perchoir, il s’arrêta, retint son souffle, et contempla une dernière fois le paysage qui s’offrait à lui, telle une flaque d’or blanc. Il pensa que la vue était sublime, et la vie, terriblement fragile. Un souffle de vent, un faux pas, et il disparaîtrait à jamais. Il s’envolerait tel un oiseau dans les nuées. Il n’avait jamais été vraiment sujet au vertige. Jusqu’à aujourd’hui.

Mon avis

Coup de cœur !

Un livre comme je les aime, portée par une écriture infiniment délicate, tendre et poétique. Des phrases au ton juste qui vous émeuvent au plus profond et un récit initiatique avec une réelle réflexion sur ce qui fait et jalonne notre route.

Richard Adam a une quarantaine d’années, indien par sa mère, blanc par son père, il vit et travaille en ville. Sa génitrice meurt et elle avait demandé que ses cendres soient dispersées sur la terre de ses ancêtres.   Richard se décide, un aller retour là bas sera bien vite fait et il aura la conscience tranquille en ayant accédé aux désirs de sa maman.  Il pose quelques jours de congés et part avec l’intention de rentrer assez vite.

Mais, ce serait sans compter sur les rencontres, celles d’un jour, d’un séjour, d’une vie …. Les rencontres, c’est le sel d’une vie, ce qui vous porte vers l’autre, vous fait remettre en question vos certitudes, vous oblige à voir plus loin que votre quotidien, à vous bouger….
Richard est un homme simple (au sens noble du terme) qui aime et s’étonne de ce qu’il vit chaque jour.
« L’étonnement toujours renouvelé du spectacle qu’offrent le ciel et ses myriades d’étoiles illuminant la nuit comme de minuscules flambeaux perdus dans l’immensité. »
Et pourtant pour une promesse, il part vers les indiens qu’il connaît peu ou de loin. Il écoute de la musique et on le suit dans sa voiture, imaginant ses yeux surpris et son visage étonné en arrivant dans la réserve…  Il voit ces hommes et ces femmes  qui vivaient en harmonie, en lien avec la nature et dont  la ruée vers l’or a bouleversé les codes, les habitudes .  Ils se sont retrouvés « parqués », « surveillés »… Cet état de faits est décrit avec droiture, précision, à mots couverts … On sent la souffrance sous l’apparente tranquillité ….

Dans ce magnifique roman, chaque chapitre a pour titre un mot que l’on retrouvera dans les pages qui suivront et chacun a une phrase en exergue, une citation choisie avec intelligence. 
« La moindre pierre avait une valeur à mes yeux, chaque arbre qui poussait était un objet de respect. Maintenant, je m’incline avec l’homme blanc devant un paysage peint dont on estime la valeur en dollars. »

Cheminer aux côtés de Richard, l’accompagner dans sa découverte d’une partie de ses racines, le voir faire des choix, suivre ses pensées, marcher dans ses pas….. tout cela a été un réel enchantement pour moi. L’atmosphère m’enveloppait d’un doux manteau indien décoré avec soin, je sentais presque la présence des personnages …. Richard Adam est un « demi indien, demi-blanc », où se trouve sa place ? Qui voudra de lui, où sera-t-il heureux ? Jusqu’au décès de sa mère, il ne s’est pas posé de questions, mais elles vont venir en force vers lui …

Maxence Fermine est un écrivain français et je ne sais pas comment il choisit les thèmes qu’il évoque. « Neige » m’avait captivée,  Chaman m’a bouleversée ….

"Petite anthologie sportive & autres plaisirs littéraires : d'Honoré de Balzac à Émile Zola" de Nicolas Grenier


Petite anthologie sportive & autres plaisirs littéraires : d'Honoré de Balzac à Émile Zola
Auteur : Nicolas Grenier
Éditions : du Volcan (14 Novembre 2019)
ISBN : 978-2954683348
142 pages

Quatrième de couverture

Des auteurs classiques, d'Honoré de Balzac à Emile Zola, sont réunis dans cette Petite anthologie sportive & autres plaisirs littéraires. Parmi les écrivains, citons Victor Hugo, Gustave Flaubert, Jules Verne, ou encore Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Alphonse Daudet, et au XXe siècle, Anatole France, Marcel Proust et Pierre de Coubertin. Au programme de ce "match littéraire" : alpinisme, auto- mobile, aviron, boxe anglaise, cyclisme, escrime, football, golf, gymnastique, hippisme, jiu-jitsu, lutte gréco-romaine, natation, patinage, ping-pong, plongée sous-marine, rugby, savate, tennis, tir à l'arc. Une occasion de redécouvrir ces champions de la littérature française, sur le terrain sportif !

Mon avis

Dans cette anthologie, Nicolas Grenier a réuni vingt textes qui parlent de sport. Ils sont introduits par la première lettre de la discipline évoquée : « A comme automobile » par exemple. De plus, chaque extrait est précédé d’un commentaire. L’auteur replace le passage cité dans le contexte d’une époque, d’un livre, d’un écrivain. C’est fait d’une façon très intelligente et très subtile. Lorsqu’on lit, dans les pages suivantes, le « morceau choisi », on ne l’appréhende pas de la même façon. On le découvre d’une autre manière, on le « savoure » différemment car l’introduction de Nicolas Grenier nous a, en quelque sorte, mis l’eau à la bouche.

Je ne sais pas comment Nicolas Grenier s’est organisé pour sélectionner ces récits sportifs.  Qu’est-ce qui a motivé ses choix ? Est-ce qu’il avait déjà tout en mémoire et il a fait des recherches pour les retrouver ? Ce qui est sûr, c’est que l’éventail offert est excellent tant dans la variété d’approche du sport présenté, que dans l’écriture elle-même. Cela offre au lecteur un autre angle de lecture de « classiques ». On s’aperçoit que ces grands noms pouvaient faire preuve de dérision, d’humour, que leur culture était complète, qu’ils pouvaient parler de tout et que même, des années, voire des siècles plus tard, ils sont encore capables d’apporter de la nouveauté à ceux qui les ont lus et qui croyaient, à tort, tout connaître de leurs écrits (même si on a déjà feuilleté le livre d’où vient le texte, il y a de fortes chances pour qu’on ne s’en souvienne pas précisément et qu’on soit dans l’ignorance complète des détails qui le constituent).

Cette lecture a été pour moi une parenthèse enchantée, une gourmandise à déguster et à relire….pour encore mieux savourer….
Une mention spéciale à G comme ….. GYMNASTIQUE 😉

"L'art du meurtre" de Chrystel Duchamp


L’art du meurtre
Auteur : Chrystel Duchamp
Éditions : L’Archipel (16 Janvier 2020)
ISBN : 9782809827941
272 pages

Quatrième de couverture

Le corps de Franck Tardy, avocat à la retraite, est retrouvé dans son luxueux appartement du XVIe arrondissement. Il a été torturé, mutilé, puis assis à une table dressée pour un banquet. Un crime de toute beauté ! Dépêchée sur place, l’équipe de la PJ découvre que l’homme – un collectionneur – fréquentait les clubs sadomasochistes de la capitale. Et que, malgré sa fortune, il était à court de liquidités.

Mon avis

Au nom de l’art….

En matière d’art, on voit parfois des choses qui désarçonnent et Chrystel Duchamp est très bien documentée sur le sujet. Elle évoque notamment Orlan, une artiste plasticienne originaire de ma ville (donc j’ai forcément entendu parler d’elle) qui a fait de son corps une œuvre d’art à travers ce qu’on appelle « l’art corporel ». On adhère ou pas mais ce qui est certain, c’est qu’elle est connue et que sa réputation a dépassé nos frontières….
Pourquoi cette introduction ? Il était important pour moi de placer ce que l’on peut assimiler à une parenthèse en début de chronique car l’art domine dans ce roman. Et n’allez pas croire que : « Et peu importe l’intrigue ! » Non : art, meurtres et enquêtes sont étroitement liés dans un ballet mené de main de maître par cette jeune auteur (e ). Toutes les références qu’elle cite sont de qualité et apportent un éclairage supplémentaire sur le travail de recherches de l’équipe de policiers.

Mais venons-en aux faits. Franck Tardy, un avocat à la retraite, est retrouvé assassiné à son domicile. L’acte en lui-même est grave mais la mise en scène de cette mort est pour le moins déroutante, effrayante. Il a été torturé et le décor installé laisse à penser que celui ou celle qui a commis cet acte ignoble a un esprit pervers, voire torturé et complètement malsain, assorti d’un goût artistique surprenant et douteux.  Audrey, jeune enquêtrice, est dépêchée sur place avec sa cheffe, Patricia dite Pat. Cette dernière lui sert de mentor, de mère car Audrey a une fâcheuse tendance à se laisser aller, à dériver sans modération depuis qu’elle a été trahie par l’homme qu’elle aimait. Alors, lorsque c’est nécessaire, Pat la secoue, la remet sur les rails, l’entoure, l’écoute. Les voilà avec l’équipe, sur les lieux du crime. Le but est de comprendre, récolter des indices, faire des liens comme pour toutes les investigations… Mais Audrey, avant de choisir la police, faisait des études à l’école du Louvre et incontestablement cette passion est restée présente en elle. Alors, dans le grand appartement de l’homme décédé, inconsciemment, tout ce qui est en lien avec la peinture lui saute aux yeux et avec tout ce qu’elle découvre sur les murs, il y en a pour une fortune ! Pourtant, il semblerait que l’avocat avait acquis une dernière toile et était en dette auprès du fournisseur. Tout ceci paraît bien bizarre et les membres de la PJ (police judiciaire) ne sont pas au bout de leurs peines, d’autant plus que Tardy fréquentait un club privé SM et n’avait pas toujours bonne réputation quant à ses penchants extrêmes. Est-ce que des femmes, qu’il avait humiliées, se sont rebellées ?
Peu de temps après un autre amateur d’art est également tué, la piste d’un tueur en série commence à s’imposer…. Mais est-ce aussi simple que cela ? Il faudra toute la sagacité des enquêteurs pour cerner l’affaire et encore….

Je n’ai pas lâché ce roman, une fois commencé et je me dis que si certains textes sont accompagnés d’une play list, celui-ci pourrait l’être par un press book avec des photos des nombreuses œuvres citées au fil des pages. Les chapitres sont courts (et les titres en rapport avec des tableaux sont bien choisis), maintenant un rythme soutenu, complété par une écriture incisive, fluide avec des phrases précises. Pour son premier titre dans la catégorie suspense, Chrystel Faure a mis la barre très haut. Le choix du thème général est une force supplémentaire pour son récit et les nombreuses connaissances qu’elle partage sont toutes en écho à l’histoire, intégrées à la perfection (et ça, chapeau !) Le récit m’a captivée. L’air de rien, de nombreux sujets sont abordés et pas des moindres. Entre les relations néfastes, le travail qui prend trop de place, la complexité des rapports humains, il y a aussi une interrogation qui domine tout : peut-on tout tolérer, tout autoriser au nom de l’art ? Les réponses sont nombreuses et variées et de temps à autre déstabilisantes comme vous le verrez si vous lisez ce livre dont le final est bluffant ….

"Blessures invisibles" d'Isabelle Villain


Blessures invisibles
Auteur : Isabelle Villain
Éditions : Taurnada (9 Janvier 2020)
ISBN : 978-2372580649
260 pages

Quatrième de couverture

Le major Maraval est retrouvé mort à son domicile, une balle dans la tête, son arme à la main. La thèse du suicide est pourtant très vite abandonnée par le groupe du commandant Rebecca de Lost, et les pistes militaires et familiales se multiplient. Dans le même temps, le "tueur au marteau", demeuré silencieux depuis l'enterrement du capitaine Atlan, décide de reprendre du service. Deux enquêtes sous haute tension.

Mon avis

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé le commandant Rebecca de Lost. Je l’avais laissée, pas très en forme, à la fin du récit précédent d’Isabelle Villain et la revoir sur le terrain est une bonne chose. Même si les souffrances ne sont ni effacées, ni réglées, elle n’a rien perdu de son opiniâtreté, de son énergie, de sa volonté de résoudre les enquêtes qui lui sont confiées. Le tueur au marteau court toujours et se remet à sévir alors qu’il y avait eu une très longue pause, bizarre. Elle doit, elle veut le coincer. Mais elle n’a pas que ça à résoudre. Un militaire a été retrouvé mort à son domicile. Il semble qu’il s’agit d’un suicide car il souffrait de SPT (stress post-traumatique), ce mal-être profond des soldats lorsqu’il revienne dans une vie plus calme, plus dans la norme. Pourtant certaines choses laissent à penser que c’est peut-être une mise en scène. Alors que s’est-il réellement passé ?

Rebecca et son équipe vont être confrontés à ces deux affaires. Rien d’évident d’autant plus qu’elle ne sait plus très bien où elle en est au niveau personnel et amoureux (alors forcément, ça la perturbe) et qu’un de ses collègues semble bien proche de l’épouse de l’homme trouvé mort….  Tout cela ne simplifie pas les relations et le quotidien. Mais de ce fait, le commandant de Lost et ses adjoints sont terriblement humains et c’est un plus pour le lecteur qui découvre des individus qui lui ressemblent et auxquels il peut s’identifier. Rebecca a un passé lourd, des choses à régler avec elle-même et avec les autres. De temps à autre, sa vie lui semble lourde à porter et malgré tout, elle essaie d’aller de l’avant. La connaître, d’une façon plus approfondie au fil des recueils, la rend attachante. Mener de front ces deux enquêtes va lui demander de rester concentrée, de ne laisser passer aucun indice mais sa volonté la rend forte.

Dans ce roman, Isabelle Villain a beaucoup creusé l’aspect psychologique des protagonistes. Elle est allée loin dans la noirceur de l’âme humaine. Elle a mis en scène des personnes retorses, dangereuses, manipulatrices, perverses. Elle a su construire leur portrait par petites touches pour qu’on les découvre lentement et qu’on les cerne plus précisément au fil de pages ….. C’est captivant et l’attention est maintenue en permanence. J’ai trouvé également intéressant que l’auteur aborde le SPT. Cela reste un sujet difficile même si on en parle plus qu’avant. La grande « muette » refuse parfois de l’évoquer (comme expliqué dans ce recueil), dommage…. Le SPT est une souffrance pour la personne concernée et pour son entourage, il faut en être conscient. Cet état entraîne d’importants troubles relationnels. Et c’est tellement difficile d’en discuter, de le reconnaître bien qu’il existe des groupes de paroles …. D’autres thèmes sont présentés dans ce livre et l’ensemble reste homogène et bien dosé, rien n’est flou.

L'écriture, de qualité, est fluide et addictive, le rythme excellent, le cheminement vers la découverte finale pour le meurtrier au marteau bien amené (et totalement bluffant) maintenant le lecteur sous tension, la peur au ventre. Le suspense ne faiblit pas et l’histoire se lit d’une traite. J’ai énormément apprécié ma lecture, ne voyant pas le temps passer. Et j’espère retrouver Rebecca et l’auteur (qui se bonifie au fil des titres) très rapidement.

"Bettý" de Arnaldur Indridason (Bettý)

 

Bettý (Bettý)
Auteur : Arnaldur Indridason
Traduit de l’islandais par Patrick Guelpa
Éditions : Métaillé Noir ( 27 Octobre 2011)
ISBN : 9782864248453
220 pages

Quatrième de couverture

"Dans ma cellule je pense à elle, Bettý, si belle, si libre, qui s'avançait vers moi à ce colloque pour me dire son admiration pour ma conférence. Qui aurait pu lui résister. Ensuite, que s'est-il passé ? Je n'avais pas envie de ce travail, de cette relation.J'aurais dû voir les signaux de danger.J'aurais dû comprendre bien plus tôt ce qui se passait.J'aurais dû ...J'aurais dû ...J'aurais dû... Maintenant son mari a été assassiné et c'est moi qu'on accuse. La police ne cherche pas d'autre coupable. Je me remémore toute notre histoire depuis le premier regard et lentement je découvre comment ma culpabilité est indiscutable, mais je sais que je ne suis pas coupable. Un roman noir écrit avant la série qui fit connaître le commissaire Erlendur."

 Mon avis

Un roman court pour partir à la découverte des rouages d’une sombre machination.

Construit pour nous manipuler le plus possible, les pièces du puzzle vont s’emboîter petit à petit, formant un tout qui n’aura rien de très original car les protagonistes ont un air de déjà vu et semblent un peu caricaturés…

Quelques longueurs dans la première moitié du roman mais cela est peut-être nécessaire pour que le lecteur soit bien imprégné des différents personnages.

Dans la seconde partie, le personnage principal, nous transmet la détresse de celui qui a compris et qui ne sait comment agir pour prouver son innocence…

La personne accusée se raconte, s’interroge, essayant de trouver les enchaînements qui l’ont amenée jusqu’à cette situation douloureuse et inextricable….

Le style est assez plat mais on ne peut pas être bon à tous les coups !!!

Et puis ça se lit vite !!!


"Bête à mourir" de Yolande Nahas


Bête à mourir
Auteur : Yolande Nahas
Éditions : Les 2 encres (20 Septembre 2013)
ISBN : 978 2 35168 606 5
208 pages

Quatrième de couverture

Yolaine, jeune femme de trente ans, voue un amour sans limites aux animaux et ce, depuis l'enfance. Quand son chien, Indiana, commence à vieillir, le vétérinaire qu'elle consulte pour l'aider à soulager son arthrose ne lui inspire pas confiance. Elle le harcèle sans cesse, le provoque, met en doute son soi-disant « amour des bêtes ». Après plusieurs consultations à « couteaux tirés », c'est le clash. Le médecin sort de ses gonds et, emporté par la colère, la blesse au visage, au risque de perdre son droit d’exercer.

Mon avis

Elle s’appelle Yolaine, il s’appelle Indiana. Lui, c’est son chien, celui qui est là toujours près d’elle, fidèle compagnon, l’aime-t-elle plus que les hommes ? La question n’est pas là… Ils ont besoin l’un de l’autre, et il comble tous les manques d’amour qu’elle aurait pu ressentir. D’ailleurs, elle n’en ressent pas des manques car il lui donne tout…
Mais la vie d’un chien est plus courte en général que celle d’un humain. Indiana vieillit et cela elle ne peut pas le comprendre, l’accepter, pas lui, non pas lui. Il y a sûrement quelque chose à faire, un médicament miracle, une piqûre qui l’aidera à mieux marcher, un traitement, même très onéreux …

En face de Yolaine, le vétérinaire, un nouveau en plus, l’ancien ayant pris sa retraite !
On ne peut pas parler d’entente cordiale entre ces deux là  et lorsque le professionnel parle d’un chien vieillissant, sa propriétaire ne l’entend pas de cette oreille ! On pourrait dire (sans jeu de mots) qu’ils ont des relations de chiens et chats.
Alors comme chat et souris, Yolaine et le vétérinaire se cherchent,  à la fois attirés, fascinés  l’un par l’autre  et rebutés. Ils ne savent plus très bien où ils en sont : lui avec sa fiancée, elle avec son animal de compagnie qui prend tant de place.
C’est le long chemin pour apprivoiser la disparition d’Indiana que nous décrit, en finesse, Yolande Nahas.  Ella le ton juste de celle qui a connu la situation (on peut le lire d’ailleurs dans les remerciements).  Yolaine qui ne vivait que pour son chien, va, également, petit à petit, s’ouvrir aux autres.

L’écriture est délicate, le style fluide agrémenté de dialogues rendant tout cela « bien vivant ».C’est une belle lecture, à découvrir même si on n'apprécie pas les animaux.

"Chien de guerre" de Jérémy Bouquin


Chien de guerre
Auteur : Jérémy Bouquin
Éditions : du Caïman (14 Janvier 2020)
ISBN : 978-2919066797
234 pages

Quatrième de couverture

De retour d'Afghanistan, viré de l'armée, Franck se retrouve chez sa mère avec sa copine et son fils nouveau-né. Cet ancien bidasse va devoir réapprendre à vivre parmi les siens, dans son quartier pourri, hanté par le traumatisme de la guerre. D'insomnies en désillusions, les virées enragées avec d'anciennes fréquentations ne vont que précipiter sa chute. Mais sera-t-il le seul à tomber ?

Mon avis

Chien de guerre …. Chienne de vie ?

Comme le montre la photo de la couverture «il » a connu la guerre. Pas celle des anciens, non, lui c’est celle de maintenant, en Afghanistan. Il est revenu parfois, en permission, et avec sa copine, ils ont eu un petit. Il ne le connaît pas vraiment ce môme mais c’est le sien alors…. 
L’armée ça vous forge un homme à ce qu’on dit, oui… mais parfois ça les détruit et ça on l’oublie. Pas forcément une destruction physique, et du coup, c’est bien pire. C’est comme un mal inexplicable qui ronge de l’intérieur, qui transforme celui que vous êtes en bête ou en autre chose…  Et lorsque vous revenez de « là-bas » personne ne vous reconnaît et vous, vous ne reconnaissez personne. Engagez-vous qu’ils disaient ? L’armée est une grande famille…. Oui mais….

Franck est revenu au pays, avec son barda de soldat sur l’épaule, le revoilà en France. Pas vraiment comme un héros, mais plutôt perdu, paumé. Comme les fins de mois sont difficiles, sa compagne vit chez sa mère à lui avec le bébé. Dès le début de ce récit, on voit qu’il a du mal à trouver sa place, que le traumatisme de ce qu’il a vu, vécu, le hante. Il n’a pas été accompagné dans ce retour à une vie dans la norme loin des combats, du bruit des bombes et des pistolets mitrailleurs…. L’effet de l’adrénaline est retombé, l’activité à outrance aussi. Comment se reconstruire ? Franck tourne en rond et va finir par faire une rencontre, une vieille connaissance….  Va-t-il s’en sortir ou tomber plus bas ?

Ce récit brut, noir, cerne les limites de la désespérance. L’auteur pointe du doigt le mal-être de Franck, les difficultés à se réintégrer dans son couple, dans sa famille où il n’a plus de repères. Quant à un boulot, n’en parlons pas …. Tout semble lourd à cet homme. Il a l’impression que plus rien ne lui appartient. Son quotidien était tellement différent, comment exister, se positionner ?

J’ai trouvé ce roman très fort, dur, mais réaliste. Bien sûr, toutes les situations ne se ressemblent pas mais on oublie de temps à autre Le SPT (stress post-traumatique) même si on en parle plus qu’avant. Jérémy Bouquin montre bien que c’est une souffrance pour la personne concernée mais également pour toutes celles qu’elle côtoie. Une pathologie de la mémoire qui entraîne d’importants troubles relationnels. Et c’est tellement difficile d’en parler, de le reconnaître …. Franck est hanté par son passé de militaire qui lui revient par flashs et il sait bien qu’il doit trouver une activité professionnelle ….alors quand on lui propose de l’argent gagné facilement, c’est tellement plus simple que de se battre contre les lenteurs administratives….

L’écriture et le style de l’auteur sont francs, très parlants avec des dialogues et des pensées qui font mouche. Jérémy Bouquin va au fond d’un quotidien sombre, délicat à gérer, angoissant, sans tomber dans l’excès. Son propos est parfaitement dosé et ce recueil est un très bon roman noir.





"Nos rêves indiens" de Stéphane Marchand


Nos rêves indiens
Auteur : Stéphane Marchand
Editions :Fleur Sauvage (1 avril 2016)
ISBN: 979-1094428177
152 pages

 Quatrième de couverture

Enfermé dans les toilettes d'un train, un homme s'évade en songeant à cette Porsche qu'il part acheter. Cerné par les banques, un autre le rejoint, prêt à céder l'automobile de collection. Entre Paris, Lyon et Marseille, ces deux êtres, ainsi que leurs proches et leurs compagnes, nous rappellent à la vie, ses moments forts et ses petits bonheurs. 4ème de couverture : C'est l'histoire de gens qui se croisent, se rencontrent, se quittent ou se retrouvent. Au rythme de la bouleversante musique du hasard et des souvenirs, ces quelques êtres vont nous rappeler au sens de la vie, à ses moments forts et ses petits bonheurs... si précieux.

Mon avis

Être utile à vivre et â rêver...

Cher Monsieur Marchand

Je sais, on ne dit pas cher Monsieur à un presque inconnu, je sais. Mais là, je vous arrête tout de suite. Vous ne pouvez pas être un total inconnu pour moi et s'il vous faut des raisons, je vais vous en citer plusieurs.

D'abord, vous vous êtes livré dans les pages que j'ai découvertes (et oui, je sais lire entre les lignes), ensuite vous aimez les Hommes et les Mots, avec des majuscules pour les deux et enfin vous parlez de personnes  qui ont marqué à jamais mon existence, d'abord une rencontre avec la poésie d'Eluard, puis la phrase de Géronimo.... Alors s'il fallait des raisons, en voilà, mais je peux vous en donner encore d’autres…..

J’aime quand les mots parlent au cœur, à l'âme, et ceux de votre roman l'ont fait.

Ce livre est un partage d'instants de vie, reliés par les circonstances, le hasard, l'essence même de l'existence. Toutes les situations de  raccrochent les unes aux autres par des choix qui entraînent une route ou une autre .... Et dans vos textes on le sent ce fil ténu de la vie, nos vies, avec les choix qui s'ouvrent à nous: rester, partir, oublier, parler, se taire, vivre ou mourir... Finalement on a toujours le choix, pas tous les choix mais le choix....Des liens qui se tissent, se croisent, s’entremêlent….

Et j’ai pensé à cette phrase de François Mauriac 

« Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont accordées à notre destinée et ont une signification qu’il appartient à chacun de découvrir » 

Je me suis laissée bercer par la musicalité de votre phrasé, par chaque paragraphe dont certains me semblaient écrits pour moi, j'entendais Brel chanter, je vous voyais pleurer....

Que dire de plus de votre recueil ( j'aime bien cette idée de recueil, comme si j'avais, en vous lisant, recueillis vos émotions au creux de mes mains, comme autant de petits bouts de destins vivants...), je le sentais battre, respirer, votre écrit, comme animé de sa propre vie, parfois léger, puis plus grave, beau et douloureux....

Ne pas oublier, comme dirait Stan, ne pas oublier... Ne pas oublier de parler de ce livre mais seulement à ceux qui seront capables de le comprendre, ne pas oublier de dire merci à l'écrivain et à l'éditeur pour cette rencontre. Ne pas oublier de le relire, de graver chaque mot au creux de moi pour ne pas oublier de vivre, prendre le temps de dire à mon aimé que sa voix résonne dans tous les bruits du monde. Ne pas oublier de dire à ceux qui comptent pour moi que je les aime, ne pas oublier...

Je suis avare de coups de cœur littéraire parce qu'il faut que les mots aient un sens profonds et qu'ils retentissent en moi … mais ce roman, Cher Monsieur (et oui, j’insiste), j’aurais voulu, dû, souhaité, aimé, l’écrire….parce qu’il y a vous mais aussi un peu de chacun de nous dans ce que vous avez su si bien exprimer avec délicatesse, tendresse, finesse et amour sans aucun doute….

Poétiquement,

Cassiopée





"Au nom du fric" de Pascal Thiriet


Au nom du fric
Auteur : Pascal Thiriet
Éditions : Jigal (18Mai 2015)
ISBN : 979-10-92016-37-6
240 pages

Quatrième de couverture

Hercule du Tylleux a un gros problème… Il est riche, très riche ! Banque, pétrole, immobilier, finance et CAC 40, son terrain de jeu est immense ! Pour ne rien arranger, il a une femme fantasque et encombrante mais troisième fortune de France, deux héritiers un peu compliqués et probablement plusieurs maîtresses… Quand il décide de léguer sa fortune au plus méritant de ses fils, l’ambiance va brutalement s’alourdir. D’autant que Blasphème, son bras droit, aussi dangereuse qu’une tarentule, et Sun Tzi, un génie de l’informatique, décident de s’allier pour faire vaciller l’empire… La tragédie se met en place, la poudre va parler… Les milliards vont voler !

Mon avis

« Battle of the sons »

Bienvenue chez les Du Tylleux, richissime famille de banquiers. Enfin, c’est surtout Madame qui est une grosse fortune mais Monsieur l’a épousée et ils ont fait « pot commun », même si les parts de l’une …. Mais bon, ça, on ne l’étale pas sur la place publique…. D’ailleurs, Madame est nécessaire à la vitrine de Monsieur, comme il pourrait le faire avec un bel étalon.
« Même admiration d’amateur et même orgueil de propriétaire. »

Monsieur et Madame ont deux fils mais Monsieur lance un défi : du fric, du temps, et au bout du compte on fait …..  les comptes …  pour n’avoir qu’un seul héritier (avec une préférence pour celui qui ressemble à son père : ambitieux, machiavélique, fourbe….)

Beaucoup pensent que c’est couru d’avance tant la supériorité d’un des rejetons  est éclatante, du moins sur le papier. Mais c’est comme en Coupe de France, dans le monde du football blalbla, on a parfois des petits outsiders qui surprennent, et qui bouleversent l’équilibre que l’on croyait bien établi … C’est bien entendu cela qui met de l’ambiance dans le sport et également dans le livre. On se croirait presque sur un ring : un point pour lui, un point pour l’autre, tiens il a sorti un atout de sa manche et il va peut-être l’utiliser mais quand et contre qui ?

J’ai beaucoup apprécié cette mise en scène, enchaînant des situations qui semblent tout à fait dans la norme de cette famille très « classique »…. Et puis comme autant d’éclairs dans un monde lisse, des personnages ou des faits qui font arrondir la bouche sur un « oh »… un peu stupéfait, un peu gêné (oh si quelqu’un lisait par-dessus mon épaule…) Oh, il (l’auteur) ose, il se lâche, il ouvre les vannes et oh…je peux l’écrire ? Avec des choses qui pourraient être horribles, il me fait sourire….

On pourrait presque penser à la fable «  Le laboureur et ses enfants »…. Mais la morale … la morale…. Et bien les protagonistes ne connaissent sans doute pas ce mot, morale ? moralité ? Euh, c’est quoi ça ? Il sont pour certains, pourris jusqu’à la moelle. Du coup, le suspense et les rebondissements sont bien présents….  Les seconds rôles ont de quoi faire et de quoi dire, ils ne sont pas là pour compléter la galerie mais bien pour apporter quelque chose, parfois d’essentiel à cet opus. Une mention particulière à Greit et Sun Tzi ….

L’écriture de Pascal Thiriet est riante, vive, dotée d’un humour qui fleure bon le cynisme utilisé à bon escient :
« C’étaient des bâtards exotiques au milieu d’une meute à pedigree. »
« Le silence se prolonge autour de la table, un silence de forêt vosgienne en décembre. »
L’auteur a son franc parler et n’hésite pas à mettre en place la corruption, le vol, la violence, la triche…. Bienvenue dans le monde du fric qui ne sent pas bon….  Il n’hésite pas à bousculer la hiérarchie, les choses établies, le « quand dira-t -on » ne lui fait pas peur, il secoue le « politiquement correct » et égratigne clairement le monde la finance. On a la nette impression qu’il sait de quoi il parle parce que ce qu’il décrit (les échanges, les marchés, les magouilles, les transactions…) sonne très vrai, trop parfois …. Au point de faire froid dans le dos…..

C’est un roman qui m’a bien plu tant par le style, délicieux mélange d’humour effronté et de bienséance dans une famille à particule… que par les individus  présentés qui ont tous un petit côté amoral qui étonne,  qui fait sourire comme autant de pieds de nez à une société trop bien pensante….

"Le printemps des corbeaux" de Maurice Gouiran


Le printemps des corbeaux
Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (10 Septembre 2016)
ISBN : 979-10-92016-86-4
248 pages

Quatrième de couverture

Mai 81. La France se passionne pour les prochaines présidentielles. Louka, jeune étudiant marseillais, cherche plutôt une idée pour gagner un peu de fric. Une mère aux abonnés absents, un père abattu lors d'un braquage, Louka a un passé chargé, trimballé entre foyers et familles d'accueil. Pour l'instant, il va à la Fac, vit de petits boulots et de combines en tout genre. Mais Louka est intelligent, il fonctionne à l'instinct, maîtrise déjà les codes des voyoux et ceux qui permettent de mener les hommes. Et c'est en lisant un article du Canard sur Papon que l'idée va jaillir... Sans aucun état d'âme, il met alors en place une redoutable machine à cash... Mais le chemin qui mène à l'enfer n'est-il pavé que de bonnes intentions ?

Mon avis

Du temps de Tonton….

Nous sommes en Mai 1981, juste au moment des élections présidentielles, dans une ambiance que l’auteur retranscrit avec justesse, nous rappelant au passage, l’affaire Papon. On est à Marseille, là où la police ne voit pas toujours tout. On fait connaissance avec Luc  Rio ou Louka. C’ est un jeune étudiant qui n’a pas connu que des jours heureux.
« Mon enfance n’était qu’à moi. Je n’en étais pas fier et n’avais qu’un désir : l’enfouir pour toujours dans les tréfonds de ma mémoire, ne plus jamais en parler, ne plus jamais y penser. » Il aimerait avoir de l’argent,  vivre simplement mais pouvoir choisir ses loisirs. Pour l’instant, ce n’est pas possible et il en est conscient.
« Je savais depuis belle lurette que mes origines plus que modestes me condamneraient à bosser toute ma vie, que ce soit de manière légale ou non. »
Il habite dans un minuscule logement dans l’immeuble de sa grand-mère qui passe ses journées à ressasser de vieux souvenirs en écoutant des chanteurs oubliés comme André Claveau. Mais l’universitaire est futé,   il a trouvé une combine pour détourner de l’argent sans faire de dégâts humains. Bien sûr, « c’est pas bien » mais ça fonctionne du feu de Dieu… Sauf que l’argent, ça grise, ça éblouit et que plus on en a plus on en veut….

Alors quand Jeannot, qui a connu la guerre d’Algérie, propose un autre petit tuyau qui peut rapporter encore plus gros et surtout très vite….et bien Lucas adhère… D’autant plus qu’il est amoureux de Lucie. Sa belle est issue d’un milieu favorisé et il faut maintenir un certain style pour les sorties (on ne mange pas dans n’importe quelle gargote lorsqu’on sort avec la nièce d’un futur élu (mais de droite et en Mai 1981, c’est plutôt l’autre côté qui a du succès…)…. Qui plus est, lorsque ce dernier trouve que Lucas pourrait l’aider….et faire partie de sa garde rapprochée.

Tout est business surtout sur la Canebière et dans ses environs  …. Pourtant tout cet argent, est-ce que ça ne fausse pas les rapports humains ?
Une fois encore, Maurice Gouiran met au jour des faits du passé et les intègre à son intrigue avec doigté. On découvre des événements qui ont été enfouis (par qui ? pour quoi ?) et qui seront  accessibles bientôt (tiens ? est-ce un hasard ?)…. Avoir accès aux archives de la seconde guerre mondiale peut bouleverser l’équilibre de certaines familles et on peut se poser la question de savoir si remuer d’anciens événements est une bonne chose.

En faisant des recherches sur ce sujet (merci Monsieur Gouiran ! de me donner à chaque lecture, la possibilité d’enrichir mes connaissances), j’ai lu cette phrase :
« Il n’y a pas d’archives cachées, il n’y a que des archives égarées, non inventoriées, volées (notamment par les FTP et le PCF à la Libération), détruites. »
Et j’ai trouvé cette remarque bien facile….

Louka n’est pas honnête, on est d’accord,  mais c’est quelqu’un d’attachant. On sent combien le poids de l’enfance a conditionné son présent, ses désirs les plus profonds. En plus, il a de l’idée, il est astucieux et capable de réfléchir (même si ….. pour la boîte aux lettres …) et on se prend à compatir pour que les machinations qu’il met en place fonctionnent et qu’il s’en sorte….

Les élections présidentielles servent de toile de fond et cela sent le « vécu », on s’y croirait ! C’est une grande force de l’auteur : il a installé son roman dans un contexte bien défini mais chaque détail est pensé, mis en concordance avec le cadre évoqué. Et chaque fois, il me touche au plus profond en me faisant découvrir des pans de l’Histoire (avec un grand H) et en me rappelant que les hommes  … ne sont que des hommes avec leur force mais aussi leur faiblesse…..


"Pour services rendus" de Iain Levison (Version of Events)


Pour services rendus (Version of Events)
Auteur : Iain Levison
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fanchita Gonzales Batlle
Éditions : Liana Levi (9 Janvier 2020)
ISBN : 979-1034902217
240 pages

Quatrième de couverture

En 1969, ils étaient au Vietnam, embourbés dans la jungle et dans une guerre de plus en plus absurde. Fremantle, sergent aguerri, Drake, jeune recrue pas très douée. En 2016, ces deux-là se retrouvent. L'ancien sergent dirige le commissariat d'une petite ville du Michigan, et le soldat malhabile est un sénateur en campagne pour sa réélection. Ce dernier a raconté ses faits d'armes au Vietnam, version Disney Channel, pour s'attirer un électorat de vétérans, et il recourt à son ancien chef pour les corroborer. Ce ne sera qu'une, une interview télévisée, dans laquelle Fremantle ne devra pas vraiment mentir, non, il devra juste omettre de dire toute la vérité….

Mon avis

« Si jamais vous avez besoin de quelque chose… »

« Si jamais vous avez besoin de quelque chose… » Lorsqu’il a prononcé cette phrase, au Vietnam, en 1969, le sergent Fremantle n’a pas pensé un seul instant qu’elle lui reviendrait en pleine figure, à la façon d’un boomerang, quarante-sept ans plus tard, en 2016. Lui qui a été un sergent entraîné, meneur d’hommes, capable de faire face, est maintenant responsable d’un commissariat dans une petite ville du Michigan. Une vie monotone, sans éclats, une femme et une fille, des collègues …. En Octobre 2016, deux hommes venus du Nouveau Mexique lui rendent visite…La photo d’un militaire à la main, il lui demande s’il reconnaît Wilson Drake… Pour lui, il s’agit de Billy, une jeune recrue pas dégourdie qu’il a eu sous ses ordres il y a longtemps… si longtemps qu’il avait presque oublié ce pan de sa vie…..

Wilson ou Billy se présente à un poste de sénateur et a raconté ses états de service au Vietnam afin de gagner quelques voix auprès des vétérans… sauf qu’il a agrémenté un peu les événements pour qu’ils rentrent dans le décorum. Tout cela pour faire bon effet… Malheureusement pour lui et sa campagne électorale, ses erreurs ont été pointées et il faut rectifier le tir. D’où l’idée de demander à Fremantle de corroborer ses dires.  C’est simple, ce sera en échange de quelques jours de vacances et d’une éventuelle rallonge budgétaire pour son équipe de policiers et ses projets professionnels. D’ailleurs, on ne lui demande pas grand-chose, simplement une petite interview télévisée, histoire de remettre les pendules à l’heure….

Que faire ? Se laisser tenter ? Dire non ? A-t-il seulement le temps de réfléchir ce brave homme ? Les adjoints du sénateur lui précisent que l’avion est retenu, que la maison est prête pour les accueillir lui et son épouse… Alors quelques jours de congés ne se refusent pas… et il part sans avoir la possibilité de réfléchir et sans se douter une seconde de tout ce que cela va entraîner….

Dans cet excellent roman, Iain Levison nous rappelle combien certains hommes sont prêts à tout pour accéder au pouvoir. Il démontre également le rôle des médias qui peuvent manipuler, transformer l’approche d’un même fait en ne montrant que des extraits bien choisis par exemple. Ce qu’il présente est tout à fait crédible et terriblement d’actualité aussi…. Rien n’a changé…. L’auteur croque la société américaine à la perfection. Son écriture est fluide (merci à la traductrice) et il y a régulièrement des piques humoristiques qui égaient le propos, il peut même être un tantinet cynique.
« Pour Fremantle, les civils sont comme des oisillons. Il leur faut une nourriture prédigérée. Il a appris que c’est la meilleure façon de leur parler de la guerre., parce que si vous vous mettez à leur dire toute la vérité, ils vous traiteront de menteur. »
Certains « s’arrangent » avec la vérité, parce que ça fait mieux, autant pour celui qui parle que pour celui qui écoute… Vérité, mensonge, parfois la frontière est bien mince et chacun peut interpréter une même action de façon différente…. Iain Levison souligne que les hommes peuvent être faibles, qu’ils ont leurs travers et que rien n’est vraiment acquis…

J’ai trouvé cette lecture subtile et très juste. Le récit est mesuré, jamais exagéré. Tout est dosé avec intelligence tant dans le contenu que dans la forme. C’est un auteur que je vais suivre de près et dont le texte bien qu’évoquant la politique est très abordable.




"Instinct" de James Patterson & Howard Roughan (Murder Games)


Instinct (Murder Games)
Auteurs : James Patterson & Howard Roughan
Traduit de l’américain par Philippine Voltarino
Éditions : L’Archipel (9 Janvier 2020)
ISBN : 978-2809828108
352 pages

Quatrième de couverture

Le professeur Dylan Reinhart est l’auteur d’un ouvrage de référence sur les « comportements déviants ». Lorsque Elizabeth Needham, du NYPD, en reçoit un exemplaire accompagné d’une carte à jouer tachée de sang, tout porte à croire qu’un tueur s’intéresse à l’éminent docteur en psychologie…

Mon avis

Attention, c’est un livre qui entraîne le lecteur et il vaut mieux avoir un peu de temps pour le lire ! En effet, l’écriture de l’auteur (James Patterson est écrit en plus gros sur la couverture, on va considérer qu’il est l’auteur principal ;-)  est fluide, accrocheuse, vive, et le lecteur est très vite scotché au récit. La traduction est excellente. Les chapitres sont courts (seulement quelques pages), plein de rebondissements.

Dylan Reinhart est professeur de faculté, il a également écrit un ouvrage très fouillé sur les comportements de ceux qui agissent en marge de la société, le plus souvent pour semer le mal. Elizabeth Needham, inspecteur de police à New-York, le contacte car un chroniqueur du New-York Gazette a reçu son livre dans lequel était glissée une carte à jouer en guise de marque page. Elle est tachée de sang et correspond à un meurtre récent avec un groupe sanguin très rare.  Quel rapport entre le livre, les cartes et l’assassinat ? La policière espère l’aide de l’éminent universitaire pour comprendre le fonctionnement du tueur et peut-être anticiper d’autres décès. Rien ne va être facile, les cartes sont semées tels les cailloux du petit poucet. Il leur faudra raisonner avec beaucoup de justesse pour avancer pas à pas et essayer de sauver ce qui peut l’être…..

Ce qui m’a le plus intéressée dans ce recueil, c’est la méthode qu’utilise Dylan pour « pénétrer » dans la tête du « Dealer » (nom donné à l’assassin). Il met tout en œuvre pour cerner ses pensées, ses idées, déchiffrer ses raisons d’agir de telle ou telle façon. C’est un jeu de chat et de souris, un jeu de qui perd gagne, car finalement, contrairement à ce que certains pourraient penser, rien n’est laissé au hasard ni pour l’un, ni pour l’autre. C’est astucieusement mis en place dans le roman, pas comme un puzzle, plutôt comme un immense échiquier où chacun déplace une ou deux pièces, attend la réaction de l’autre pour intervenir, rebondir, et agir. Aucun des protagonistes (que ce soit du côté de l’enquête ou du côté de la « mort ») n’abandonne, n’abdique. Chacun veut être fort, chacun veut prouver qu’il n’est pas là pour s’en laisser conter, chacun veut le « respect » de l’autre…. On s’attache à Dylan, d’autant plus que son histoire personnelle n’est pas évidente, ni facile. Cela donne un côté très humain à son personnage. En toile de fond du récit, il y a également les relations politiques, notamment pour le maire, qui n’est pas toujours très clair dans ses agissements, ses choix, ses relations. Jusqu’où les hommes de pouvoir peuvent-ils aller pour maintenir leur emprise ? La corruption est-elle nécessaire pour qu’ils arrivent à leurs fins ? Même si la recherche concernant le Dealer est le sujet principal de ce roman, d’autres thèmes sont abordés. Cela complète l’intrigue et donne un « fond » à l’ensemble de la lecture, rendant tout cela moins superficiel. Bien sûr, on n’est pas dans un contexte où l’approche psychologique est très approfondie mais je ne pense pas que ce soit le but de l’écrivain. C’est malgré tout, assez complet.

Sans conteste, il souhaite nous captiver, nous offrir un excellent moment de lecture et c’est tout à fait réussi !












"Serenissima Tosca" de Jean-Pascal Dumans

 

Serenissima Tosca
Auteur : Jean-Pascal Dumans
Éditions : les 2 encres (2 Juin 2012)
ISBN : 9782351684672
340 pages

Quatrième de couverture

Un roman d'action au cœur de Venise...

Vous prisez les énigmes policières, vous aimez Venise comme elle mérite d'être aimée, vous appréciez les personnages vrais et vivants, vous goûtez la langue et le style quand ils allient l'élégance et la simplicité ? Vous lirez d'une traite Serenissima Tosca et y prendrez un plaisir rare.

Quelques mots sur l’auteur

De formation littéraire classique puis juridique, Jean Pascal Dumans a embrassé une carrière professionnelle dans l'univers bancaire qui lui a permis, de l'Afrique Noire à l'Outre Mer français en passant par l'Hexagone ou Monaco, d'enrichir sa vision du monde et des hommes. Passionné de littérature, il se tourne enfin vers la création. Serenissima Tosca est le premier roman qu'il publie. L'auteur partage sa vie entre Paris, la Provence et l'Italie, et son temps entre l'écriture et sa famille.

Mon avis

 Ayant répondu oui aux questions posées sur la quatrième de couverture, il était grand temps de se plonger dans ce roman… Ce que j’ai fait avec plaisir, me promenant dans Venise la sérénissime, Milan et d’autres villes italiennes ainsi qu’à Arles et en Provence mais aussi sur les plages de Saint Jean de Luz et dans le pays basque, où il m’a été donné d’admirer la plastique de Tosca (l’auteur aurait pu penser aux lectrices qui vont être jalouses de cette dernière et qui vont attendre jusqu’à la dernière page la description du corps beau, musclé et bronzé d’Hubert, compagnon chanceux de cette femme merveilleuse….)

Cette parenthèse refermée ; si vous lisez le livre, vous verrez que l’auteur, sans les ouvrir (les parenthèses !) en fait de nombreuses prenant le lecteur à témoin des événements, comme il le ferait avec un vieil ami en compagnie de qui il partagerait le récit autour d’une bonne tasse de thé (pour moi, d’autres préférant peut-être un bon vin…)

« Nous manquerions d’élégance à imposer plus longuement notre présence à Hubert. La discrétion nous commande de respecter sa solitude, dans ce moment de faiblesse …. »

Venons-en à Tosca et Hubert, couple sympathique qui semble avoir trouvé le bonheur après des épisodes douloureux qui seront discrètement abordés au fil des pages sans tomber dans le déballage sentimental. On apprendra ainsi à mieux les connaître et à comprendre comment fonctionne leur couple qui, bien que très amoureux, se « cherche » parfois encore un peu.

Elle, veuve, italienne, pharmacienne, 36 ans, belle, racée, intelligente, impulsive, aimant la musique et le ciel bleu entre autres.

Lui, célibataire ayant souffert suite à une histoire d’amour pas simple à vivre, directeur et actionnaire d’une société d’assainissement des eaux, consacrant l’essentiel de son temps à son travail et quelques amourettes.

Venise, la belle est là, charmante, séduisante, magique, et nos deux comparses se rencontrent dans cet univers atypique.

Depuis vingt-sept mois, c’est l’amour fou….

Chacun a le caractère vif et prompt, l’esprit en éveil et les sens en alerte (les sous-entendus de câlins sont « contenus » mais nous font sourire …. L’homme (et la femme amoureuse ;-) n’étant pas de bois, même dans les romans ….)

Le neveu de Tosca, entend bien malgré lui, une conversation entre le proviseur de son lycée vénitien et un surveillant (qui lui a demandé de le suivre pour être puni). Les phrases qui sont parvenues à son oreille l’interpellent et il en parle à sa mère. Le lendemain, la police veut l’interroger car le « pion » a été assassiné… Face à cette kyrielle d’événements difficiles à gérer et avant que les choses n’empirent, la maman de ce jeune homme appelle la famille au secours : Tosca, mais aussi leur frère, Gian Carlo, Monsignore de Mantoue, ecclésiastique à l’évêché du même nom.

Tosca sans Hubert, ce n’est plus Tosca, donc, nos deux amoureux arrivent au plus vite et vont prendre le temps de mener une enquête discrète.

Nous les suivrons, parfois seuls, parfois en couple, parfois aidés par Stefano, dans des endroits insolites (la recherche d’Hubert dans les sous-sols de l’évêché est un pur régal….), essayant de comprendre s’il s’agit d’un trafic d’œuvres d’art ou autre, qui y est mêlé et comment tout cela s’articule…

Très vite pris dans l’ambiance de recherches, nous les accompagnerons avec bonheur dans leurs différentes destinations. Stefano, chauffeur de Gian Carlo l’évêque a plusieurs cordes à son arc et il est digne des meilleurs seconds rôles.

C’est sur un rythme trépident, avec une écriture très imagée, où le lecteur est régulièrement apostrophé, que Jean-Pascal Dumans, nous transporte. Les points d’humour et les apartés de bon aloi donnent de la légèreté au propos, permettant une lecture qui détend mais qui reste de qualité car l’intrigue est bien amenée et bien menée.

J’ai beaucoup apprécié le « ton » de cette lecture, la façon de s’exprimer de l’auteur, prenant le lecteur dans ses rets pour dire « Nous » et faisant des commentaires sur ses propres écrits…

C’est amusant, cela ne prend jamais trop de place (donc l’essentiel du récit n’est ni étouffé, ni oublié) et cela démontre (à mon sens) quelqu’un qui ne se prend pas au sérieux et qui a du plaisir à écrire …..


"Méthode 15-33" de Shannon Kirk (Method 15-33)

Méthode 15-33 (Method 15-33)
Auteur : Shannon Kirk
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laurent Barucq
Éditions : Denoël  (15 Février 2016)
ISBN : 9782207131640
304 pages

Quatrième de couverture

Imaginez une jeune fille de seize ans, enceinte et vulnérable, que l’on jette dans une camionnette crasseuse. Vous la croyez terrifiée?  Bien au contraire, elle n’est pas comme les autres, elle ne ressent aucune empathie. Un handicap qui va devenir une force redoutable : méthodique et calculatrice, elle met au point un plan d’évasion où rien n’est laissé au hasard.

Mon avis

Items……

Voilà un livre pour le moins surprenant avec pourtant une intrigue tout à fait ordinaire. Comme le dit la quatrième de couverture, la jeune Lisa, enceinte, a été kidnappée et elle n’a pas l’intention de se laisser faire. Tout va être calculé, minuté pour qu’elle arrive à ses fins : vivre et sauver son enfant. Va-t-elle réussir et comment ?

Une bonne partie des chapitres va être consacrée à découvrir ses raisonnements, sa façon de penser, sa logique d’adolescente qui peut se désolidariser de ses émotions pour être ainsi plus rationnelle dans ses réflexions.  J’ai vraiment, totalement, adhéré à ce concept, qui m’a emballée. Dans ces pages, c’est Lisa qui dit « je », elle analyse froidement la situation, les faits, les moyens qui sont mis à sa disposition et comment elle va les utiliser pour se libérer du carcan de ses geôliers. J’ai trouvé cette approche intéressante, fascinante. On a vraiment l’impression de pénétrer dans le cerveau de Lisa et de l’accompagner dans chacune de ses pensées. Peut-être que certains lecteurs trouveront que cette façon d’aborder les événements  empêche une quelconque empathie envers la jeune femme, mais moi, elle m’a  complètement séduite.

En parallèle, dans les autres chapitres, on suit un enquêteur : « L’agent spécial Roger Lui » qui a la charge de retrouver Dorothy, une autre jeune femme enceinte, qui a également disparu. Là, à son tour,  Liu prend la parole et dit « je ». Le fait d’alterner les deux points de vue évite toute lassitude et donne du rythme au roman. De plus, comme Lisa dissèque ce qu’elle vit avec détachement, retrouver Roger Liu met un peu de « couleurs » aux sentiments que le lecteur peut développer.  On découvre comment et pourquoi Roger a atterri dans ce service. On le suit, avec une collègue, dans chacune de leurs avancées, dans chacun de leurs progrès. C’est un homme intéressant, dont la personnalité n’est pas encore totalement décryptée et qui méritera sans doute d’être revu dans d’autres recueils si l’auteur le décide.

Vous l’aurez compris, l’individu le plus captivant de ce récit est Lisa. Non seulement par ce qu’elle est capable de mettre en place pour continuer à vivre, mais aussi pour ses rapports aux autres (on la voit également avec son amoureux, avec sa famille). Elle est atypique, hors normes mais pour mon point de vue, tout à fait « vraie ». Je veux dire par là que, même si on peut se dire qu’il y a quelques invraisemblances, que ça fait beaucoup, tout cela reste dans la réalité. Je suis persuadée que l’être humain confronté à des obstacles énormes, peut puiser en lui des ressources insoupçonnées dont il n’a même l’idée au départ. Et il ne s’agit pas uniquement de l’instinct de survie, la force de lutter est en chacun mais il faut peut-être savoir la trouver pour l’exploiter au maximum ensuite.

L’écriture de cet opus, (excellent travail de traduction) est très addictive, dès les premières pages, on a le désir de suivre le récit de Lisa, présenté sous forme d’un journal de bord. La constante évolution de son argumentation face à sa peur qu’elle domine et utilise comme une force supplémentaire est à découvrir. Bien sûr, les adversaires de Lisa ne sont vraiment pas dégourdis mais leur a-t-on demandé de penser ou plutôt d’exécuter leurs tâches sans réfléchir ? Je pense que l’opposition entre les ravisseurs qui ne raisonnent qu’en terme de profit et Lisa qui elle, cogite pour survivre  est d’autant plus importante que le but est différent. Ne recherchant pas la même chose, les hommes, qui ont fait prisonnière la jeune femme, n’ont pas à réfléchir puisque leur but est déjà atteint. C’est pour cela qu’ils baissent leur garde sans s’en rendre compte….

En conclusion, si vous avez le souhait d’une lecture qui ne se lâche plus une fois commencée, foncez !