"Les pères lointains" de Marina Jarre (I padri lontani)

 

Les pères lointains (I padri lontani)
Auteur : Marina Jarre
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Éditions : Christian Bourgois (13 Avril 2023)
ISBN : 978-2267051414
280 pages

Quatrième de couverture

Marina Jarre eut du mal à se faire à l’idée qu’elle appartenait à une famille. La sienne lui paraissait lointaine, éclatée entre plusieurs langues, cultures, et appartenances religieuses. Dans ce grand récit autobiographique enfin traduit en français, elle évoque cette étrangeté dans une prose singulière et dépeint l’interrogation lancinante qui l’habitat toute sa vie, sur sa place de fille, de mère et d’autrice

Mon avis

Née en 1925 à Riga. Romancière et dramaturge italienne d'origine juive lettone et de mère italienne, installée en Italie en 1935, Marina Jarre est diplômée de l'université de Turin en littérature chrétienne antique. Elle a enseigné pendant vingt-cinq ans. Elle est décédée en 2016. Ce livre est paru en 1987 en Italie.

Ce livre est un doux mélange de souvenirs, réflexions, ressentis, idées, pensées de l’auteur sur l’essentiel de sa vie. Elle commence avec son enfance en Lettonie, les relations avec son père (un juif letton) souvent absent, les liens avec sa mère et sa sœur (la préférée). Elle avait une dizaine d’années lorsque sa maman, qui avait décidé de se séparer de son époux, les a emmenées, sa frangine et elle pour vivre en Italie. C’est alors la grand-mère qui prendra le relais pour s’occuper des deux petites, Marina deviendra adolescente puis adulte. Après la seconde guerre mondiale, elle épouse Monsieur Jarre et s’installe avec lui.

On peut considérer que ces trois parties forment cette autobiographie mais ce n’est pas si tranché. Il y a en filigrane, des questions profondes sur le fait d’exister, d’être là ou ailleurs, comme si l’auteur cherchait, en permanence, son identité, ce qu’elle est au plus profond d’elle-même.

Est-ce que le fait d’avoir déménagé, de changer de langue et de culture lui a posé problème ? Avait-elle l’impression d’être de nulle part ? Elle s’interroge également sur le passage à l’âge adulte. « Était-ce un mûrissement artificiel ? »  Est-ce que participer à certains événements est un gage de maturité comme un rite initiatique ? Elle est devenue femme en mettant au monde ses enfants. « En tant que femme, il m’a fallu naître de moi-même, je me suis mise au monde avec mes enfants. »

On peut se demander si tout ce qu’elle présente et décrit s’est réellement passé comme ça. Elle ne montre pas tout, ce sont des flashs qui s’articulent autour d’elle, sous différents angles. Son écriture est d’une précision chirurgicale. J’ai été étonnée qu’elle analyse si finement ce qu’elle a vécu enfant. En était-elle capable à l’époque ou est-ce que le recul a transformé ses émotions ?

Ce récit n’est pas toujours linéaire, il y a quelques retours en arrière, comme lorsque la mémoire va à son rythme et que tirer un fil en entraîne un autre.

Dans le dernier tiers, Marina Jarre nous montre la difficulté pour les femmes de trouver leur place après la guerre, que ce soit dans le couple ou dans la société. Alors comment « Être » tout simplement ? Elle le dit elle-même. « Seule l’écriture me détournait de la noirceur. » « Je me rappelle très bien l’instant où je me rends compte que les mots agencés d’une certaine façon -selon une nécessité absolue – étaient beaux. »

C’est un livre singulier, on sent que cette femme s’est sans cesse remise en question, le cerveau bouillonnant, analysant ce qu’elle vivait, essayant de comprendre où était sa place mais aussi celle de toute sa famille. À travers cette biographie, c’est la présentation d’une famille, complexe parfois, et de tout une époque, que nous offre l’auteur.

Une lecture enrichissante qui ne manque pas de nous renvoyer à notre propre histoire.  

"La moitié fantôme" d'Alan Pauls (La mitad fantasma)

 

La moitié fantôme (La mitad fantasma)
Auteur : Alan Pauls
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge Mestre
Éditions : Christian Bourgois (6 avril 2023)
ISBN : 978-2267051360
386 pages

Quatrième de couverture

Savoy déteste son époque. Un pied dans son siècle et l’autre dans la nostalgie du précédent, il tient au contact humain, loin de la froideur des relations numériques. Un jour pourtant, il s’aventure sur un site de rencontre et fait la connaissance de Carla. La jeune femme, pendant un temps, met fin à la solitude de Savoy, avant de lui annoncer son départ. Elle lui laisse un manuel d’utilisation de Skype et un kit de natation pour seuls compagnons, et Savoy doit alors apprendre à se contenter des discussions en ligne avec Carla, loin du corps de l’être aimé…

Mon avis

Savoy n’est pas en phase avec le monde dans lequel il vit. Trop de modernisme le bouscule, l’angoisse, le dérange. Il n’aime pas l’univers virtuel de plus en plus présent dans le quotidien. Lui, quand il paie son loyer, il y va en personne et avec de la monnaie. Et pourtant, de temps à autre, il achète en ligne, mais on ne peut pas l’assimiler à un acheteur compulsif. Il va sur des sites, observe, décortique, analyse, puis il se rend sur place pour finaliser la transaction. Le contact est essentiel et quand il est en face de la personne, il peut également « voir d’autres choses, d’autres gens…. »

Ce qui l’intéresse, c’est la vraie vie. Il veut être là., ressentir une atmosphère retranscrivant ce qui se passe. Humer les odeurs de cuisine, écouter les bruits de lessive, voir quelqu’un sortir de la chambre ou de la salle de bain. Être au plus près de chacun. Remplir sa vie de ces petites rencontres, presque fortuites, qui le captivent. Non, ce n’est pas un voyeur, il ne revient pas forcément chaque jour au même endroit, bien que de temps à autre, il retourne en visite dans un appartement déjà connu (lieu qu’il explore pour des connaissances qui cherchent un logement). Il tient à ce que ce soit éphémère. La nostalgie l’habite….

Alors incontestablement, il est incompris. S’il explique ce besoin ses amis s’interrogent…  Il n’éprouve pas le besoin de justifier quoi que ce soit. C’est ainsi, point.

Et un beau jour, Savoy fait connaissance avec Carla sur un site de rencontres. Un début de relation se noue. Mais la jeune femme parcourt le monde en allant de maison en maison et elle le laisse avec de quoi aller nager (lui qui déteste la piscine) et le mode d’emploi pour communiquer via ordinateur, à distance, avec elle. Savoy est perdu, ça ne l’intéresse pas, ni de barboter, ni de « Skyper »….

Mais comment pallier ce manque de « vrai », comment vivre avec cette moitié fantôme, celle qu’on ne peut pas toucher car elle est virtuelle ou/ et à distance ? Savoy est un original, mais il est comme beaucoup d’entre nous (sauf que c’est plus « visible »). Il cherche sans cesse l’amour le plus abouti, l’objet parfait … sans doute parce qu’ainsi il existe.

C’est avec une écriture singulière, presque philosophique, des phrases parfois longues et des dialogues indirects que l’auteur nous emmène dans l’univers de cet homme atypique mais attachant. Quelques fois, une pointe d’humour tourne en dérision une situation somme toute banale « Savoy confia la mission à ses pieds-aussi apeurés que lui- d’évaluer la température de l’eau. »

Dans ce récit surprenant, Alan Pauls démontre l’absurdité du virtuel, tel que certains l’utilisent. On peut jouer sur le lieu, tricher « Allo t’es où ? Je ne t’entends pas… » L’emprise et la place dans et sur nos vies de ce mode de communication est énorme.  Il est peut-être tellement superficiel que tout risque de se déliter d’un instant à l’autre, non ?

Le ton est assez souvent désuet, un peu à l’image du personnage principal, décalé, perdu dans un monde qui peut lui échapper avant qu’il ne le rattrape à sa manière. Le fond et la forme ont un petit quelque chose de délicieux comme une parenthèse enchantée.

"Hacking à Hong Kong" de Juliette Belfiore

 

Hacking à Hong Kong
Auteur : Juliette Belfiore
Éditions : Cohen Cohen (9 Mars 2023)
ISBN : 978-2367491073
242 pages

Quatrième de couverture

Des hackeurs dérobent les cryptomonnaies d'un vernissage organisé par Sotheby's à Hong Kong. Le musée du Louvre est la cible de cyberattaques... Le capitaine Martin Cassard, en mission pour l'OCBC, se retrouve au cœur d'une enquête 3.0 qui débute par la rencontre d'une énigmatique femme blonde dans l'avion Paris-Hong Kong...

Mon avis

L’OCBC, Office central de lutte contre le trafic des biens culturels a vu arriver récemment dans ses rangs, le capitaine Martin Cassard, ancien de la PJ (police judiciaire). Il a eu un arrêt maladie de quatre mois après qu’une de ses missions s’est mal terminée. Il intègre donc une nouvelle équipe et des méthodes de travail différentes.

Il est en binôme le plus souvent avec Jessica, et il côtoie d’autres collègues dont des geeks. Le voilà avec une première tâche. Il doit se rendre à un vernissage à Hong Kong et se faire passer pour un collectionneur. En effet, les œuvres seront vendues en format réel et en digital (ce sont alors des œuvres phygitales). La toile peinte et sa version numérique sont proposées ensemble ou séparément au plus offrant lors des enchères. Le tout payé en monnaie « Artcoin ». Évidemment plus d’argent pour le vendeur. L’objectif pour Martin est d’acheter une peinture ou une photographie afin que l’OCBC suive sa traçabilité en disséquant toutes les couches de la transaction. Éviter les fraudes à l’avenir, voir si ce concept est fiable ou pas, si ça tient la route et si ça peut être généralisé.

Il arrive qu’avec des monnaies virtuelles, il y ait des vols ou des détournements. L’OCBC peut apporter une expertise et une « garantie ». Voilà donc Martin embarqué dans cette aventure. Le lecteur sent rapidement que quelque chose va se passer car quelques échanges entre des hackers sont glissés dans les pages.  Qui sont-ils et quel est leur but ? Une chose est sûre, ils ont de l’humour !

Pendant le vernissage, une coupure d’électricité et hop l’argent des enchères a été détourné. Catastrophe pour tous les acquéreurs ! Jessica demande à Martin de mener l’enquête puisqu’il est sur place, en collaboration avec la police du coin et tous les intervenants lors de l’exposition.

Il se lance dans des investigations et … la suite dans le roman !

L’auteur connaît bien le monde de l’art et l’Asie. Le contexte de son récit est de ce fait très vraisemblable et explicite. Les descriptions de certains lieux sont visuelles et on s’y croirait. L’intrigue, quant à elle, est captivante, avec son lot de surprises et de rebondissements. Les personnages sont crédibles et certains surprenants (on se doute que l’un d’eux n’est pas net, mais difficile de trouver lequel).

Le style et l’écriture de l’auteur sont très prenants, vifs, et fluides. Les nombreux dialogues donnent du rythme et évite un texte trop dense qui serait désagréable à lire. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère de ce roman, le mélange autour de l’art, le côté informatique qui m’a fascinée, les caractères de chaque individu. Parfois l’équipe de l’OCBC est débordée, ils n’ont pas de recul, sont dépassés et essaient de se ressaisir. Plus on avance dans l’histoire, plus ça s’accélère et je devenais encore plus « accro », pressée d’avoir le mot de la fin. Et quand je l’ai découverte, chapeau ! Je ne l’avais pas vu venir et c’est excellent !

NB : Magnifique couverture !

"L'affaire Chaland" d'Alep et Deloupy

 

L’affaire Chaland – Les crayonnés
Tirage de luxe numéroté à 200 exemplaires
Auteurs : Alep (scénariste) et Deloupy (illustrateur)
Éditions : Jarjille (10 Décembre 2022)
ISBN : 978-2-493649-10-2
74 pages

Quatrième de couverture

Tout va pour le mieux à la librairie l’Introuvable, Lucia est au Havre pour aider son amie Fabienne. Max et Lola profitent des premiers instants de calme après la naissance d’Esteban… Arrive alors, une alléchante proposition d’achat de planches originales du dessinateur Yves Chaland. Mais quand c’est trop beau, c’est qu’il y a anguille sous roche, ou rapace dans le ciel comme dirait Lucia !

Mon avis

C’est une expérience nouvelle pour moi que de lire une bande dessinée sous format « crayonné ». Et j’ai trouvé cette approche très intéressante. L’histoire, avec une bonne intrigue, tourne autour d’une vente de planches du dessinateur Yves Chaland, disparu en 1990. Elle s’insère dans une série consacrée à une librairie appelée « L’introuvable ». Les dialogues et discussions entre les personnages sont intéressants, avec quelques informations ciblées sur le monde des illustrateurs.

Quand elle sera sous format définitif, cette BD sera en couleurs, là, il n’y en a pas. Cela permet de se recentrer sur le dessin, sa création (par exemple, la chaise qui « déborde » de la case pour être bien représentée, alors que colorisée, ce sera gommé). Au-delà du tracé, on découvre également « les remarques », certaines basiques comme « plus gros » ou « plus petit », d’autres plus ciblés sur le décor (à modifier ou préciser) ou le contenu des bulles.

J’ai eu l’impression de pénétrer dans le monde des deux auteurs, de voir de plus près leur travail, d’être au-dessus de leur épaule. Cela m’a permis également de réaliser une partie du travail accompli en amont avant d’avoir l’œuvre finale. Quand on lit, tout cela paraît tellement facile parfois, qu’on oublie tout ce qu’il y a derrière l’objet qu’on est en train de lire.

Je sais que, la prochaine fois, que je rencontrerai des dessinateurs de BD, j’aurai des tas de questions à leur poser sur la construction des planches et du scénario. Est-ce que les deux « auteurs » se consultent ou est-ce que le scénario écrit par l’un est proposé à l’autre qui rédige alors les textes ? Comment s’organise la collaboration ?

Lire ce « crayonné » m’a amené à m’interroger sur la genèse de ce genre d’histoire et ça me convient tout à fait. J’aime l’idée que la lecture m’offre d’autres mondes et de belles découvertes.

La présentation de cette bande dessinée, en longueur, m’a bien plu à tenir en main, en plus elle est superbe !


"La solitude des Bois Noirs" de Maria-P. Mischitell

 

La solitude des Bois Noirs
Auteur : Maria-P. Mischitelli
Éditions : du Caïman (23 Mars 2023)
ISBN : 978-2493739087
158 pages

Quatrième de couverture

Que se passe-t-il dans ce coin du Livradois-Forez pouvant justifier une telle série d'assassinats ? Le lieutenant Louatah est dépêché de St Etienne pour tenter de percer des secrets bien gardés... pas seulement par la population locale. Quel est le rôle joué par Ganymède, un enfant de dix ans, venu d’Afrique, adopté par une famille aisée ? Un enfant qui passe ses journées en forêt à parler aux arbres, il doit en savoir, des choses...

Mon avis

On est dans le Livradois-Forez, une région avec un parc naturel où l’on trouve de belles forêts et des petits villages. C’est d’ailleurs dans l’un d’eux que se déroule ce récit. On fait rapidement connaissance avec Ganymède, un gosse d’origine africaine qui a été adopté par un couple du coin, les Chassagne. Ils sont maladroits avec cet enfant. Elle, Alice, ne sait pas l’aimer, on se demande si elle ressent un peu d’affection pour lui, elle lui préfère les bouteilles …  Quant au père, Marc, neurochirurgien dans la ville voisine, il est très occupé et gère de loin…

Alors, Ganymède, au nom original, est devenu ami avec Antoine, un homme qui est installé dans le coin. Lorsque le gamin se construit une cabane-nid dans les branches, ils discutent et le bambin se dit que peut-être, cet homme est plus simple et sincère que ceux qu’il côtoie habituellement. Ils créent un lien particulier ces deux-là et ils ne se pressent pas de finir la « construction » comme s’ils n’avaient pas envie de se séparer, de ne plus se voir…

Comme souvent dans le monde rural, les individus sont des taiseux. Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement, les gens se confient peu. Ils observent, allant jusqu’à épier, les voisins. Ils font des commentaires mais pas à tout le monde alors chacun son opinion et pas d’échanges. Les rumeurs vont bon train. Au milieu de tout ce petit monde un lieutenant de police débarque car des faits graves ont été perpétrés. Il se heurte à cette espèce d’omerta, comme si le village faisait bloc, ne lâchant que des choses insignifiantes qu’il ne peut pas vraiment exploiter pour faire avancer ses investigations. Alors il examine, décrypte, recoupe ce qu’il entend, ce qu’il croit comprendre, ce qu’il suppose et il essaie d’avancer.

Maria P. Mischitelli a écrit un recueil de poèmes. C’est probablement ce qui explique son écriture délicate, aérienne, sensible, au vocabulaire soigné, accompagné de quelques mots de gaga ou autres. Son univers par l’intermédiaire de Ganymède est un peu décalé, lyrique, c’est plein de tendresse. Le tout arrosé d’une pointe d’humour.

De nombreux thèmes sont abordés : l’intolérance, la différence, les non-dits, les choix pour adopter, le quotidien à la campagne où personne ne veut être dérangé dans ses habitudes quitte à mentir ou transformer les situations connues, les secrets qui peuvent amener certains sur des chemins qu’ils auraient dû éviter. On sent bien, pendant la lecture, que plusieurs villageois ne sont pas clairs, qu’ils sont presque en train de se protéger les uns les autres et on s’interroge sur ce qui les lie….

Il faut se laisser emporter par la vague, un peu comme sur la belle photographie de couverture pour apprécier pleinement ce récit dans son entièreté avec ses protagonistes originaux, son contexte bien représenté et analysé finement, son intrigue pas si facile qu’on l’imagine (l’auteur sait très bien lancer de fausses pistes) et ce petit Ganymède si attachant qu’on voudrait lui prendre la main et le faire rêver encore et toujours….

"La ride" de Simon Boileau & Florent Pierre

 

La ride
Auteurs : Boileau Simon (Auteur), Pierre Florent (Illustrations)
Éditions : Dargaud (21 Avril 2023)
ISBN : 978-2205202137
108 pages

Quatrième de couverture

Une « ride » - à prononcer ("raïde"), bien sûr ! - c'est une balade en vélo. Simon et Florent racontent la première impulsion, celle qui donne envie de larguer les amarres (pour une durée déterminée) et expérimentent qu’« on ne fait pas un voyage, c'est le voyage qui nous fait », comme l'a écrit l'immense écrivain voyageur Nicolas Bouvier. Un voyage en vélo façon buddy movie et pieds nickelés, de Paris à la Bourgogne, le tout en 5 jours, c'est aussi une manière d'aborder le territoire différemment, et de se retrouver un peu au bout du chemin !

Mon avis

Ils sont partis tous les deux avec leur vélo. Pas plus préparés que ça mais avec la folle envie de relever un petit défi, rouler cinq jours de Paris à la Bourgogne. L’un des deux semble plus motivé car il dit « Le vélo, c’est pas un loisir, c’est une quête indépassable, une discipline, un sacerdoce. » Le second prend peur devant les côtes, les kilomètres mais c’est à deux qu’ils roulent et l’expérience, au fil du temps, s’avère géniale.

On enfourche la monture pour une envie d’ailleurs et on se rend compte que ce mode de locomotion permet de vivre l’instant présent, ici et maintenant.  Il suffit, après l’effort, d’une bière fraîche pour se sentir merveilleusement bien. On revient aux valeurs simples, on savoure le moindre instant de quiétude.

Cette bande dessinée est agréable à lire. Des couleurs vives, des dessins clairs, une pointe d’humour et de dérision assortie d’une réelle réflexion sur la vie qui va trop vite, le stress du travail, et l’envie de larguer les amarres (même s’ils n’ont pas navigué ; -)

J’ai trouvé les dialogues savoureux, ils expriment les faits tels qu’ils sont. Les bagages trop lourds, les jambes raides, le bonheur d’avoir réussi à monter un raidillon, d’avoir observé un oiseau, un papillon…. Et toutes ces rencontres prévues ou imprévues, dégustées parce qu’ils ont le temps… Ça n’a pas de prix….

Moi qui aime circuler avec mon vélo, j’ai retrouvé dans cet album, ce sentiment de liberté que me procure ce moyen de déplacement. Le fait de se sentir plus proche de la nature, des gens qu’on croise. Prendre le temps et profiter de tout ce qui nous est offert, même un orage ; -)

Un bel ouvrage à offrir aux fans de la petite reine et aux autres pour qu’ils la ressortent de leur garage !


Love story à l'iranienne de Deloupy

 

Love story à l’iranienne
Auteur : Deloupy
Éditions : Delcourt (13 janvier 2016)
ISBN : 978-2756069210
144 pages

Quatrième de couverture

Les jeunes Iraniens rêvent-ils encore d'en finir avec le régime ? Comment se rencontrer dans cette société qui ne le permet jamais ? Comment flirter ? Comment choisir sa femme ou son mari ? Malgré la tradition, malgré le régime. Des journalistes ont interviewé clandestinement de jeunes Iraniens pour donner un éclairage politique et social. Comment échapper à la police pour vivre sa love story ?

Mon avis

Bonheur interdit ?

On a tendance à croire qu’il suffit de peu pour être heureux. Cette magnifique bande dessinée (l’illustrateur est de Saint-Etienne ;-) donne la parole à ceux qui, en Iran, cherchent le bonheur. Deloupy retrace avec fidélité dans des dessins épurés, superbes de délicatesse, de retenue,  et très expressifs, les témoignages de ceux que « Jane Deuxard » (un couple de journalistes qui a écrit les textes) a rencontrés.

On découvre les difficultés pour choisir celui ou celle avec qui on se mariera, les refus d’étudier pour les filles, le fait d’être surveillés toujours et encore plus que toujours…..parce que le gouvernement contrôle, triche, impose, oblige …..

Cet ouvrage est bouleversant, car des hommes et des femmes se sont mis en danger pour témoigner, prenant des risques pour donner de la voix. Ils sont admirables, tout autant que ceux  qui leur donnent la parole, promettant de ne jamais les recontacter pour les laisser dans une sécurité toute relative…...

Ce recueil est un coup de cœur. Pour la sobriété des illustrations et des textes qui permet d’aller à l’essentiel, pour le contenu qui nous ouvre les yeux sans voyeurisme, en posant les faits sans les juger, pour le sujet global qui méritait bien le prix Franceinfo de la BD d'actualité 2017, pour le courage des témoins et de ceux qui ont témoigné.

À savourer, à lire et à relire.....

"Bigoudis & petites enquêtes - Tome 3 : Panique à la noce" de Naëlle Charles

 

Bigoudis & petites enquêtes - Tome 3 : Panique à la noce
Auteur : Naëlle Charles
Éditions : Archipoche (13 Avril 2023)
ISBN : 979-1039203234
434 pages

Quatrième de couverture

Coiffeuse à Wahlbourg, Léopoldine est mère de deux adolescents intenables. Séparée de leur père qui l'a quittée pour sa jeune sœur, la préférée de ses parents, elle s'apprête à vivre l'un des pires moments de sa vie : le mariage de son ex et de sa sœur. Par chance, elle peut compter sur le soutien du lieutenant Quentin Delval avec qui elle a résolu deux enquêtes et forgé une solide amitié. Mais la noce la plus attendue de la région tourne au drame.

Mon avis

Léopoldine (Léo pour les intimes) c’est ma copine, et ça rime ! Héroïne de papier, j’aimerais bien qu’elle existe dans la vraie vie. Elle me fait rire, c’est une femme droite, elle aide ses amis, déteste (plus ou moins discrètement) ses ennemis et surtout, elle a de l’énergie à revendre. En plus, elle tient tête aux fâcheux, aux casse-pieds, à ceux qui veulent tout régenter dans sa vie et je trouve ça vraiment très bien ! Bref je suis fan et la retrouver a été un grand plaisir. J’ai lu le roman en une journée !

Léo doit assister au mariage de sa sœur. Pour ceux et celles qui n’ont pas lu les tomes précédents (celui-ci peut être découvert de façon indépendante même si ce sont les mêmes personnages et qu’il est intéressant de voir leur évolution), la frangine de Léo, Constance, est en couple avec l’ex-mari de celle-ci. On est d’accord, ça ne se fait pas mais ces deux-là s’en fichent. De plus, Constance est plus mince, a mieux réussi dans la vie (elle est avocate) et elle est la chouchoute des parents, de la mère surtout. Oui, berk, mais Léo tient le choc et avec ses deux enfants adolescents, ses amis-es, elle fait face ! C’est d’ailleurs ce qui la rend terriblement attachante. Elle a une pointe d’humour et elle est capable de se moquer d’elle-même. Je pense qu’elle cache sa détresse sous son air de rigolote pour donner le change et elle y arrive très bien. Depuis quelque temps, en plus de son travail de coiffeuse (et quand elle est au salon avec son associée Mag, c’est fou rire garanti tant on s’y croirait), elle mène l’enquête. En fait elle assiste Quentin Delval, un lieutenant de police, avec qui elle est devenue amie (et plus si affinités n’est pas encore d’actualité, quoique…). Lorsqu’il a des recherches à mener, elle l’aide. Il faut dire qu’avec son réseau de clients-es, son lieu de travail où les gens papotent, elle peut avoir des indices. En plus, elle connaît sa petite ville et ses habitants par cœur ce qui n’est pas le cas du lieutenant fraîchement arrivé. Leur binôme fonctionne pas mal, et ils se complètent.

Pour ne pas perdre la face au mariage de son ex, elle a demandé à Quentin de lui servir de cavalier. Le passage sur le choix de sa tenue (robe étroite ou plus évasée facilement retroussable) est un régal. Je ne donne pas de détails mais que c’est amusant ! Les voilà tous les deux partis à la noce où rien ne va se dérouler comme espéré. Une catastrophe, à tel point qu’il va être nécessaire, une fois encore, de mener des investigations pour élucider un fait plus que grave.

Ne comptez pas sur moi pour en dire plus, je ne veux rien dévoiler, ce serait gâcher la lecture qui est jubilatoire, agréable, avec une intrigue maîtrisée et ficelée.  On ne le dira jamais assez, un peu de légèreté (je n’ai pas dit de « mièvrerie ») qu’est-ce que ça fait du bien !

Naëlle Charles offre ici un récit où différentes thématiques sont abordées, le harcèlement, la jalousie, les violences conjugales, etc. Elle ne développe pas son propos (ce n’est pas le but) mais elle est en parle et c’est comme autant de sonnettes d’alarme pour que le lecteur ou la lectrice observe dans son quotidien et agisse si besoin.

Son écriture est vive, enjouée, sans fausse note. On se prend au jeu. On a envie de savoir, elle fait de l’esprit et on a le sourire aux lèvres presque en permanence. Le rythme est soutenu, les rebondissements insérés au bon moment. On alterne les chapitres entre Léo et Quentin qui s’expriment en disant « je » tour à tour ». Le phrasé, les réflexions, les ressentis sont adaptés à chacun.

Une belle réussite et vivement le prochain tome !

"L'amour était presque parfait" de Jean-Michel Thénard

 

L’amour était presque parfait
Auteur : Jean-Michel Thénard
Éditions : Seuil (7 Avril 2023)
ISBN : 9782021463538
256 pages

Quatrième de couverture

Juin 1945. Ingrid Bergman débarque à Paris et tombe aussitôt sous le charme de Robert Capa, qu’elle croise au Ritz. Le « plus grand photographe de guerre du monde » et la star d’Hollywood vont vivre deux années de passion. À Paris, Berlin, New York et Los Angeles, une folle aventure joyeuse et tendre, qui demeurera secrète mais fera de l’actrice une femme libre à jamais.

Mon avis

C’est l’histoire vraie, inspirée de faits réels mais librement interprétés, de la rencontre entre l’actrice suédoise Ingrid Bergman et le photographe (de guerre et de mode) Robert Capa. Ils sont restés ensemble pendant deux ans. Deux années d’une relation semi-cachée, tumultueuse, avec des hauts et des bas mais surtout passionnée.

Lorsqu’on regarde la photo de couverture, on voit combien l’actrice pouvait être rayonnante. Ce cliché est de 1945, j’aime l’idée de penser que c’est après qu’elle a fait connaissance de Bob, ce qui expliquerait cette espèce de lumière intérieure qu’elle dégage. Elle le dit, elle le clame, il l’a délivrée. Elle trompait son mari de l’époque, Petter Aron Lindström, un médecin. Elle ne voulait pas qu’il souffre alors elle se cachait mais parfois l’amour la transcendait, elle souhaitait le vivre au grand jour.

Tiraillée entre le cœur et la raison ? Pas vraiment. Ingrid est une femme de passion. Elle ne peut pas vivre les choses à moitié. Ses sentiments, ses émotions sont à leur apogée. Elle aime et souhaiterait partager cette « folie » avec la terre entière. Elle est mariée, ne renie pas son mari mais l’aventure avec Robert Capa la « révèle » à elle-même. Avant, elle était sous emprise, sous tutelle, c’est ainsi qu’elle ressentait la situation. Petter s’occupait de tout, gérait à l’extrême, lui laissant peu de marge de manœuvre. Capable de la rejoindre quand elle était en déplacement, pour mieux la surveiller ? Pour avoir « la main sur elle » ? Avec le recul, lorsqu’elle est avec Bob, Ingrid analyse l’attitude de son mari et réalise tout cela. Un époux prévenant, attentif, empressé mais c’est trop, vraiment trop car elle n’a pas de marge de manœuvre, elle étouffe…..

Sa relation avec Robert Capa va lui donner l’occasion de s’affranchir de ce carcan, de vivre comme elle l’entend, d’exister comme elle l’entend sans poids sur les épaules. Aime-t-elle plus qu’elle n’est aimée ? On peut se poser la question au vu de ce qu’on découvre dans ce roman-biographie. Peu importe, elle a choisi le bonheur à fond même si c’est sur une courte période.

David Seymour, dit « Chim », photojournaliste, a noté dans un cahier, une longue conversation qu’il avait eu avec l’actrice. C’est en se basant sur cet écrit et de nombreuses recherches que Jean-Michel Thénard a rédigé son livre. Il s’est mis « dans la peau » d’Ingrid Bergman et écrit à la première personne. Il utilise une écriture enthousiaste, dynamique, vive. Il plante le décor, décrit les doutes, les quasi certitudes, les envies, les peurs, les petites joies du quotidien. L’amant de la comédienne lui apporte la liberté, certes, mais également la fantaisie, une pointe de folie, de la vie qui pétille et étincelle. Mais parfois elle se questionne sur ce qu’il ressent et sur façon d’appréhender leur lien.

J’ai beaucoup aimé ce récit. J’ai apprécié d’avoir une autre approche de ces célébrités sans pour autant tomber dans le voyeurisme. Cela m’a permis de mieux connaître cette femme, de comprendre certains de ses choix et de voir que, même riche et célèbre, ce n’est pas toujours facile d’être soi….

Biographie, roman ? À chacun de choisir et finalement qu’importe ? L’essentiel est dans le plaisir de la lecture.

"Dans la combi de Thomas Pesquet" de Marion Montaigne

 

Dans la combi de Thomas Pesquet
Auteur : Marion Montaigne
Éditions : Dargaud (24 Novembre 2017)
ISBN : 978-2205076394
212 pages

Quatrième de couverture

Haaa, astronaute ! Si ça, c’est pas un métier qui épate la galerie ! Que l’on rêve d’en être ou qu’on fasse une poussée d’eczéma rien qu’en voyant une fusée décoller à la télé, nous aurions tous mille questions à poser à un astronaute. Pourquoi lui ? Comment se prépare-t-il ? A-t-il peur ? Qu’en pense sa famille ? Pourquoi fait-il ça ? En a-t-il l’étoffe ?

Mon avis

Sept ans d’entrainement pour une mission. Sept ans à ne vivre que pour ça. Finalement ce n’est pas si fun qu’on l’imagine le boulot d’astronaute. Pourtant Thomas Pesquet est déjà parti deux fois et ne rêve que de recommencer.

Dans cette bande dessinée, Marion Montaigne raconte avec humour le parcours de cet homme exceptionnel. L’envie tout petit d’aller dans l’espace, les cours pour être pilote d’avion, l’annonce d’une sélection à l’ESA (agence spatiale européenne) et les épreuves pour être élu, les sept années de formation, et la vie là-haut dans l’ISS. Un espace restreint où il a passé plusieurs mois avant de revenir et de constater ce que ce séjour avait provoqué sur son corps (et ça ce n’est pas fun du tout).

Deux cent huit pages de dessins, d’explications rédigées dans un style à la portée de tous, et parfois avec une pointe d’humour. On apprend énormément, plus que ce qu’on pensait. Je ne savais pas que les hommes de l’espace avaient une personne chargée de gérer leur planning. La station spatiale est internationale donc il y a du matériel de différents pays, il est nécessaire que tous les participants de l’ISS sachent réparer, utiliser tous les éléments. L’Europe finance à hauteur de 10 % donc Thomas Pesquet passe 10% de son temps en Europe…. Les spationautes vont d’un pays à l’autre et doivent parler de nombreuses langues, avoir un cerveau bien fait (les tests m’ont bien fait rire car parfois ils ont un côté loufoque), et une condition physique parfaite.

Tous, vraiment tous les sujets sont abordés, et Marion Montaigne ne lésine pas sur les détails d’autant plus qu’elle a questionné notre spationaute préféré et qu’il a répondu sans tabou. J’ai ri parfois aux éclats devant les blagues que ces scientifiques se font !

Il y a plusieurs chapitres, les dessins ne sont pas surchargés et les bulles sont intéressantes. On reconnaît les personnages (Monsieur Macron et d’autres).  J’ai appris et retenu plein d’informations et la forme pour les apprendre était très agréable (et certainement moins barbante qu’un article scientifique).

Je félicite Monsieur Pesquet qui a su mettre l’espace à notre niveau, en « vulgarisant » (même si je déteste ce mot) son métier, sa mission. Quant à Marion Montaigne qui l’a suivi, interrogé, écouté, observé, elle a bien de la chance… mais je ne suis pas jalouse (quoique) car elle a su retransmettre tout ça dans un album magnifique. Elle a dû avoir beaucoup de travail pour tout trier, organiser etc et elle a réussi à merveille.

Je suis totalement fan !

"Pierre de Stonne" de Fabrice Dario

 

Pierre de Stonne
Auteur : Fabrice Dario
Éditions : Otago (1 er Février 2023)
ISBN : 9782379920844
266 pages

Quatrième de couverture

Mai 1940, la Wehrmacht déferle sur les Ardennes. Les divisions blindées françaises, encore en état de se battre, se sacrifient à Stonne, un village perdu. Dans la fournaise d’un printemps de plomb, la bataille de Stonne se transforme en Verdun des machines.

Mon avis

Un beau livre avec une couverture solide, et une première page sur laquelle on découvre une illustration très parlante. Des soldats à cheval, en vélo, en charrette, qui laissent derrière eux une fumée sombre dans laquelle on ne distingue rien.

L’histoire se déroule en Mai 1940, dans les Ardennes. La bataille de Stonne qui oppose allemands et français fait rage. Les militaires doivent se battre au quotidien dans des conditions difficiles, voire épouvantables mais ils n’ont pas le choix. Parfois il faut annoncer la mort d’un pote, accepter les blessures, essayer de sauver ce qui peut l’être.

L’auteur, Fabrice Dario, a effectué un travail de recherches certainement très important pour nous offrir son roman le plus abouti. Son écriture s’est affirmée, affinée, et son récit a du « coffre », de la profondeur. C’est une période que je connaissais mal, et j’ai trouvé intéressant qu’il y ancre les aventures de ses protagonistes. L’un d’eux va trouver un manuscrit et j’ai bien aimé cette mise en abyme. D’autant plus que cette trouvaille ne sera pas anodine, elle va l’entraîner dans des aventures qu’il n’avait pas imaginées. Cela apporte un plus au déroulé du quotidien de ces hommes confrontés à la guerre, parfois démunis, de temps à autre maladroits dans leurs relations aux autres. Ils n’ont pas forcément « les codes » et certains sont très jeunes et ont été embarqués dans les combats sans en avoir fait le choix, simplement parce qu’il faut obéir et aller au front.

Ce qui est particulièrement remarquable c’est que personne n’est au-dessus du lot dans ce texte. Pas de héros plus fort que le voisin. Ce sont des hommes ordinaires (sans rien de péjoratif), avec leur force et leur faiblesse, leurs failles, leurs doutes. Ils n’aiment pas forcément se battre, ils n’ont pas choisi la guerre et ses déboires.

Les descriptions sont très vivantes, visuelles, les dialogues adaptés au contexte et à l’époque. Cet épisode historique est bien retranscrit et la lecture est intéressante.


"Rombo" de Esther Kinsky (Rombo)

 

Rombo (Rombo)
Auteur : Esther Kinsky
Traduit de l’allemand par Olivier Le Lay
Éditions : Christian Bourgois (13 Avril 2023)
ISBN : 978-2267051032
458 pages

Quatrième de couverture

C’est par un bruit que tout commence. Un grondement sourd venant de loin qui annonce la catastrophe imminente¬ : le rombo. Esther Kinsky donne à entendre ce grondement – mais surtout les voix de sept habitants d’un village isolé du Frioul – pour nous raconter le tremblement de terre du 6 mai 1976 qui a dévasté le nord-est de l’Italie.

Mon avis

Le souvenir, c’est comme une ombre. Il vous suit partout où vous allez.

Le 6 Mai 1976, un tremblement de terre a touché le Nord-Est de l’Italie sur plus de soixante-dix sept communes, notamment dans a région du Frioul. C’est là qu’Esther Kinsky situe son roman. C’est un texte à découvrir l’esprit ouvert, en étant prêt à se laisser surprendre.

Il y a plusieurs approches pour retranscrire tout ce qui a été bouleversé par le séisme. Les plantes, les arbres, le sol, la montagne, les animaux, les homme et les femmes, leurs habitations…. Les villages et les environs ont été dévastés et chacun a réagi avec ce qu’il était, ce qu’il pensait et ressentait.

Pas de trame narrative, pas d’intrigue, l’auteur présente un ensemble de regards sur ce traumatisme. La mémoire des faits avant, pendant, après, n’est pas la même suivant les individus. Certains effacent, d’autres réfléchissent, analysent. Certains se taisent, d’autres parlent ou écoutent. Que dire des animaux, de leur niveau d’alerte, eux dont les sens exacerbés ont perçus avant tout le monde la catastrophe ?

Sept personnages s’expriment, se racontent, ils confient leurs souvenirs, leur histoire, leur vie. Ils vont et viennent au gré des pages, apparaissant plusieurs fois. Leurs souvenirs sont entrecoupés de belles et intéressantes réflexions sur l’environnement animal et végétal, les habitudes, la naissance des montagnes, les paysages, la météo, les partisans, etc. Chacun a « sa voix » et son style. On peut passer d’une scène tendre vécue enfant à un moment particulièrement difficile lors du séisme. Ces différents fragments offrent une vue d’ensemble sur le village, et les liens humains qui s’y tissent plus ou moins tendus avec les inévitables discussions quand on n’est pas d’accord.

Dans ce livre, il y a ce qui est dit et ce qu’on devine entre les lignes, ce qui est suggéré à mots couverts. C’est la vie de tous les jours à petites touches comme autant de points de peinture sur une immense fresque qui se forme et se déforme comme la terre qu’elle évoque.

Et puis Rombo est présent, le grondement indescriptible annonciateur de la catastrophe, il enfle, il monte, il peut tout effacer lorsqu’il se transforme en action dévastatrice. Un bruit suivi de l’horreur et tout est remis en cause. La poussière envahit, l’homme disparaît…. On n’est pas grand-chose diraient les anciens ….

C’est avec une écriture infiniment poétique (merci au traducteur) que l’auteur nous emmène dans cet univers qui se joue de nos sensations. Les descriptions sont telles qu’on sent le Rombo celui qui fait que la peur reste présente, qui modifie les trajectoires de vie, qui change le regard sur le quotidien ….

Une construction originale pour un texte surprenant de réalisme.

"Ce que je n'ai pas su" de Solène Bagowski

 

Ce que je n’ai pas su
Auteur : Solène Bakowski
Éditions : Plon (13 Avril 2023)
ISBN : 978-2259316019
300 pages

Quatrième de couverture

Hélène, la quarantaine, est enseignante. Avec Paul, un écrivain célèbre, elle a filé le parfait amour pendant dix ans. Jusqu'au jour où il a disparu, sans laisser d'adresse. Un an plus tard, le téléphone sonne. Paul s'est tué en voiture, ses obsèques ont lieu le lendemain. Guidée par le besoin de comprendre, Hélène décide de s'y rendre. Elle va découvrir que Paul était, en réalité, un sublime inconnu...

Mon avis

Coup de cœur !

Un roman abouti, profond, délicat, une histoire qui sort de l’ordinaire et une écriture exquise. Solène Bagowski au sommet de son art : emporter le -la lecteur -trice dans son univers, le-la bouleverser avec un récit qui pourrait sembler improbable mais dont on se dit « et pourquoi pas ? » et « qu’aurais-je fait à leur place ? »

Hélène était en couple depuis dix ans avec Paul quand il a disparu, du jour au lendemain, en laissant un mot sur la table. Un message d’amour, sans reproche, pas agressif mais clair, il partait. Lui, l’écrivain à succès quittait sa vie, comme ça, sans explication. Où est-il allé ? Lui, l’homme sans famille, sans attache si ce n’est elle, pourquoi ce choix, maintenant ? Alors qu’ils coulaient des jours paisibles ?

Depuis un an, Hélène se reconstruit, pas à pas, jour après jour, doucement, comme une convalescente. Elle se pose encore beaucoup (trop ?) de questions. Son moral est fluctuant. Elle aimerait comprendre, savoir. Elle voudrait que Paul revienne, qu’il explique. Mais même son éditrice ne sait rien, le mystère est entier.

Et puis, un matin, un coup de téléphone. Paul est mort, un accident. Les obsèques sont le lendemain dans un village dont Hélène n’a jamais entendu parler. Bien sûr, le personnel de la maison d’édition sera présent, elle aussi. Qui les a prévenus ?

Se rendre là-bas, c’est accepter l’idée qu’il ne reviendra pas, que c’est fini, qu’elle ne saura sans doute jamais pourquoi il a pris la décision de ne rien dire et de fuir. Mais Hélène ira, elle le veut.

Une fois sur place, un tsunami la renverse, la jette à terre. Tout ce qu’elle avait comme certitudes sur l’homme qu’elle aimait vole en éclats. Pourquoi ces non-dits, pourquoi ces silences ? Peut-elle obtenir des éclaircissements, et si c’est le cas, ne risque-t-elle pas de souffrir encore plus ? Se relèvera-t-elle et à quel prix ?

Ce livre alterne deux entrées : on suit Hélène dans son cheminement pour appréhender la part d’ombre de Paul, le retrouver à travers ce qu’elle apprend de lui et faire route vers la résilience. D’autre part, on a des confidences de Paul où on a un aperçu de sa vie, de ses choix et ce qu’ils ont entrainé, de ses décisions parfois douloureuses.

C’est un texte intimiste qui fait la part belle aux émotions, aux sentiments, aux relations humaines qui ne sont jamais simples, ni linéaires. On voit comment et pourquoi Paul est devenu écrivain. Tout aurait pu être autrement, quoique …. Il n’a pas subi, enfin pas toujours, il a choisi et ce n’est en aucun cas facile.

J’ai aimé la façon dont est tissé ce récit présentant des personnages humains avec des failles, des doutes comme tout un chacun. Il y a une atmosphère feutrée, en retenue le plus souvent, on sent que parfois tout pourrait exploser (et ça arrive, cris et colère), et que tout le monde fait attention.

Dans ce recueil, Solène Bagowski a sublimé son style, son phrasé est d’une grande sensibilité, et elle a admirablement retranscrit la complexité des liens humains qu’ils soient amicaux, amoureux ou familiaux. Une réussite.

"En souvenir de toi" de Tamara McKinley (Sweet Memories of You)

 

En souvenir de toi (Sweet Memories of You)
La pension du bord de mer tome 10
Auteur : Tamara McKInley
Traduit de l’anglais par Danièle Momont
Éditions : L’Archipel (13 Avril 2023)
ISBN : 978-2809846409
340 pages

Quatrième de couverture

1943. La Seconde Guerre mondiale continue à faire des ravages en Angleterre, mais Peggy Reilly s'inquiète surtout pour sa jeune sœur, Doreen. Non sans raison. Cette dernière doit en effet quitter Londres dans des conditions dramatiques pour se réfugier chez elle, à la pension du Bord de mer. Mais l'ombre d'Eddie, son ancien mari, la poursuit, et les lettres que Doreen reçoit de lui se font de plus en plus menaçantes. La jeune femme prend peur, qui sait Eddie capable de tout !

Mon avis

Dixième livre de la série « La pension du bord de mer », ce roman m’a permis de retrouver des personnages que j’affectionne.  Tamara McKinley sait parfaitement nous emporter dans des récits vivants, bien campés accompagnés d’un contexte historique intéressant. Nous sommes en 1943, toujours en Angleterre. La seconde guerre mondiale est bien là, les hommes se battent, les femmes travaillent souvent en usine. Le quotidien n’est pas aisé : tickets de rationnement, alertes pendant lesquelles il faut se mettre à l’abri, conditions de vie difficiles…

Le cœur de ce récit c’est Peggy, elle accueille dans sa pension des femmes en difficulté, elle les écoute, les soutient. Elle est humaine, empathique, elle cerne le meilleur en chaque personne. Elle aide chacun-e à trouver sa place, à accepter ce qui est plus dur à vivre pour positiver et avancer. C’est une femme formidable. Le chemin de la résilience est plus doux lorsqu’on n’est pas seul-e et elle n’abandonne personne.

Sa jeune sœur, Doreen, vit à Londres où elle est embauchée comme secrétaire scientifique. Elle est passionnée par sa tâche. Séparé d’un époux en dessous de tout, elle a rencontré Archie, un homme stable, sérieux. Il bénéficie d’une permission et ils vont passer un peu de temps ensemble. Mais confrontée à un drame, Doreen aura besoin du soutien de Peggy qui saura être présente au bon moment pour l’aider à gérer cet événement délicat.

Dans ce nouvel opus, nous suivrons Doreen, les pensionnaires de Peggy et tous ceux qui gravitent autour de tout ce petit monde. L’atmosphère est réaliste, la description des journées et des déboires de chaque individu colle à la période évoquée, tout est homogène. On a vraiment l’impression de vivre avec eux, de passer du temps dans ce coin d’Angleterre.

Je suis certaine que cette saga pourrait être adaptée pour la télévision. C’est très visuel, le décor, les paysages sont bien décrits, on s’y croirait, on est totalement immergé dans l’histoire. Tamara McKineley maîtrise les relations humaines, elle sait décrire les situations, les réactions des uns et des autres et elle le fait avec intelligence.

J’ai particulièrement apprécié que l’auteur parle d’un fait grave passé sous silence : Bethnal Green Tube. Cela montre qu’elle fait des recherches pour la cohérence de son texte. Son style et son écriture sont très addictifs, les pages s’enchaînent sans pause tant on veut connaître la suite. Certains diront que c’est de la littérature « grand public », et alors ? Ça se tient, c’est équilibré, passionnant. Les protagonistes sont bien présentés, et les liens qui les unissent (ou qui montrent qu’ils ne se supportent pas) sont clairs. Il y a suffisamment de suspense, de rythme pour qu’on reste en mode lecture. Et on passe un excellent moment !

"Tant que nous serons séparés" de Tamara McKinley (While We’re Apart)

 

Tant que nous serons séparés (While We’re Apart)
Auteur : Tamara McKinley (Ellie Dean)
Traduit de l’anglais par Danièle Momont
Éditions ‏ : ‎ L'Archipel (7 avril 2022)
ISBN : 978-2809843125
340 pages

Quatrième de couverture

Sussex, octobre 1942. Mary Jones, tout juste 18 ans, accompagne à la gare son petit ami de toujours, Jack, qui part sur le front. Sur le chemin du retour, elle apprend que le presbytère de ses parents a été bombardé. Des décombres elle parvient à extraire le coffre de son père, qui contient ses journaux intimes. Chez les parents de Jack, où elle a trouvé refuge, Mary en prend connaissance. Et ce qu'elle lit la bouleverse...

Mon avis

Ce roman est le tome 8 de la série « La pension du bord de mer) mais il peut, comme tous les autres, se lire indépendamment, même s’il peut être intéressant de suivre quelques personnages récurrents afin de voir leur évolution au fil du temps.

Angleterre, Octobre 1942. Mary Jones est amoureuse de Jack Boniface, ses parents ne soient pas trop d’accord avec ça, bien que son père soit plus compréhensif. Sa Maman est un peu dure avec elle et elle ne se l’explique pas. Mais Jack est un jeune homme altruiste et il décide de s’engager de l’armée. Un bouleversement pour ce jeune couple qui se sépare en se promettant de s’écrire tous les jours. Malgré l’interdiction des siens, elle décide d’aller à la gare pour un dernier aurevoir à son petit ami. Après des adieux déchirants, elle rentre et découvre qu’une bombe a touché le presbytère où elle vit (son Papa est pasteur). Ses géniteurs sont décédés et il ne reste presque plus rien de sa vie. Elle est recueillie par la famille Boniface qui l’aide à faire face.

Dans les vestiges de l’habitation familiale, elle retrouve une malle que son père tenait toujours fermée. Elle y découvre des journaux intimes, des documents personnels alors qu’elle pensait surtout qu’il s’agissait de paperasse concernant la paroisse. Ce qu’elle lit provoque un véritable tsunami en elle. Toutes ses certitudes sont remises en cause, les appuis solides sur lesquels elle avait fondé son quotidien ne sont plus aussi sûrs. Mais Mary est une battante, elle décide de comprendre, de faire toute la lumière sur ce qui la préoccupe. Pour cela, elle part à Cliffehaven, où elle a trouvé un travail en usine et une place dans une pension tenue par Doris. Elle pense y rester un an avant d’intégrer l’école qui lui permettra d’être institutrice, son rêve de toujours.

Mary a toujours été, malgré un lien plus délicat avec sa mère, une fille choyée, avec des habitudes tranquilles. Son installation à Cliffehaven est un chambardement total. Ses journées ne sont plus les mêmes, il faut se lever pour travailler (mais elle sent qu’elle participe à l’effort de guerre et elle est satisfaite). Heureusement un piano (elle joue merveilleusement bien) va lui offrir d’autres opportunités, des rencontres qui vont l’égayer et l’aider à avancer.

En parallèle de Mary, le lecteur suit quelques protagonistes réguliers de cette saga. Doris, femme un peu hautaine, chez qui Mary est hébergée, Peggy sa sœur, qui tient « la pension du bord de mer » avec ses habitués. Son mari va obtenir une permission et le bonheur des retrouvailles sera bien présent, Ron son beau-père, un homme surprenant et attachant.

Avec une écriture fluide et plaisante, un style vif, l’auteur nous entraîne dans les aventures de toutes ces personnes, elle laisse planer des doutes, maintenant un certain suspense pour les uns ou les autres. Certains lui reprocheront certainement de laisser une porte ouverte, sans que tout ne soit abouti, mais c’est pour nous donner envie de lire la suite. Personnellement, je vais me plonger toute suite dans le recueil suivant. J’aime lire les aventures écrites par Tamara McKInley, c’est vivant, prenant, pas prise de tête, bien ancré dans l’époque choisie sans que le contexte historique soit trop lourd. Je suis conquise !


"La nuit barbare" de Zadig Hamroune

 

La nuit barbare
Auteur : Zadig Hamroune
Éditions : Emmanuelle Colas (7 Avril 2023)
ISBN : 978-2490155682
182 pages

Quatrième de couverture

Un gamin issu de l’immigration prend la parole dans la nostalgie jubilatoire des années 1970 et 1980. Nous suivons la trajectoire d’un voyou studieux, enfant de la République et rat de bibliothèque, maltraité, abusé, qui pourtant ne cesse de danser et de chanter.

Mon avis

On dit de lui qu’il est Normand d’adoption, kabyle d’instinct, Zadig Hamroun, après avoir été enseignant et traducteur, est devenu écrivain. Il aime les mots, leur musique, leur sonorité. Il les fait résonner, se faire écho, se renvoyer des images, des actes, des chansons, des phrases avec différentes mélopées qui vont d’une page à l’autre comme dans un match de ping pong.

On commence en 1977, pour finir dans les années 80 avant une courte conclusion en 2019 et un passage en 2022. C’est un gamin issu de l’immigration qui s’exprime et que l’on voit grandir, il s’appelle Lyazid. Il chante il danse, il explose en diverses personnalités. Il peut être fort et se « blinder », avoir peur et se taire, jouer au dur et se battre mais toujours il vit, il existe, prenant à bras le corps ce que son quotidien lui offre, ou lui reprend, c’est selon.

Il veut écrire, et il lit sans arrêt, surprenant sa famille qui ne comprend rien à ce besoin. Il s’en fout, lui, ça lui est indispensable de tenir un livre, de découvrir, de rêver, de penser à « plus tard je serai écrivain » (au futur pas au conditionnel).

Dans sa tête, ça se bouscule, ça part dans tous les sens, il a tant le désir de dire, de transmettre, de partager. Sa mémoire est quelques fois en jachère, il a oublié ou il n’a pas voulu se souvenir…. C’est dur d’être issu de l’immigration, de ne pas savoir où on en est côté sexe, pas de cadeaux, il faut faire sa place, être accepté. Lyazid s’accroche même quand on lui fait du mal, même quand c’est terrible et douloureux. Il parle de sa mère « Il fallait qu’elle fût inquiète pour m’aimer. » qui montre son livret scolaire, lui fredonne des berceuses et des contes. Elle est présente, il l’aime mais elle, sait-elle lui dire la même chose ? Elle préfère se montrer présente.

Il y a des hauts, des bas, des oublis dans ce pan de vie que nous traversons aux côtés de ce gosse. Il est fougueux, attachant, il pétille, scintille, refusant de s’éteindre même quand c’est difficile.

C’est avec une écriture poétique, parfois presque déstructurée où les mots vibrent comme autant de messages que l’auteur nous transmet son récit. Il a sans doute mis beaucoup de lui dans ces pages dont on se délecte. Des thèmes graves sont évoqués mais comme c’est un jeune qui s’exprime, le pathos, le tragique sont « détournés » (sans être cachés pour autant) avec des termes plus simples.

« Je suis vieux avant l’âge. Je l’ai toujours été. Mais l’enfant sourit derrière mon épaule. »

J’ai aimé ce roman, l’espérance sans cesse renouvelée de Lyazid, il démarre doucement puis monte en puissance, porté par les voix de tous ceux qui l’ont aidé à se construire, à être lui.


"Lune de sang: Les frères Fiorelli" de Cathy James

 

Lune de sang : Les frères Fiorelli
Auteur : Cathy James
Éditions : Maïa (10 Février 2023)
ISBN : 978-2384418954
254 pages

Quatrième de couverture

Tonino, Jacquino, Sérafino : trois frères en quête d’honneur, d’équité… et d’amour. 1953. Après 18 mois d’absence, Sérafino est de retour à Sora, prêt à construire un nouvel avenir. C’est ainsi qu’il se retrouve un jour contraint d’accepter de travailler dans la société de son frère, devenu un chef d’entreprise accompli. Une réticence qui se transforme en rage froide lorsqu’il découvre que Tonino est en lien avec la mafia locale.

Mon avis

Ce roman, inspiré de la vie de la famille de l’auteur, se déroule principalement en Italie, en 1953 avec des retours en arrière en 1948.

À cette époque, il y a beaucoup de chômage dans ce pays, le quotidien n’est pas simple. Les hommes doivent faire leur place, les femmes également. Personne n’est vraiment libre d’aimer, il faut tenir compte du milieu social, de mésalliances si les parents des mariés ont un contentieux (on n’épouse que quelqu’un de même « niveau » financier, culturel, …). Il est nécessaire d’avoir un « bon » travail, de plaire à tous et pas seulement à la future épouse, ce serait trop facile….

Dans ce récit, nous allons découvrir les trois frères Fiorelli et tous ceux et celles qui gravitent auteur d’eux, parents, amis, collègues, voisins. Ils n’appréhendent pas le monde de la même façon, les rivalités, les jalousies, sont présentes. Les mauvais choix entraînent l’un ou l’autre sur des chemins de traverse bien ardus. L’ambiance est parfois lourde, délétère, notamment quand l’un d’eux s’aperçoit que son frérot n’est pas franchement honnête. Comment en est-il arrivé là ? Et quelles solutions trouver pour s’extirper de cette situation délicate ?

Les relations humaines sont complexes et l’auteur le montre. Comme ça se passe en 1953, de surcroit en Italie, les gens sont encore attachés aux traditions, au « qu’en dira-t-on ». On vit un peu à l’ancienne, il faut faire « ses preuves », se faire accepter…. Les femmes sont attachantes dans leur timidité, leur volonté de s’en sortir, de garder leur mari sur le droit chemin.

Avec une écriture fluide et agréable, une plume précise pour évoquer ses personnages et leurs traits de caractère, Cathy James nous offre un récit prenant. Elle maîtrise parfaitement le contexte historique où elle a installé son histoire. Elle note quelques références intéressantes en bas de page et cela complète vraiment ce qu’on lit. J’ai appris beaucoup de choses, entre autres, sur l’accueil des italiens à la poterie de Dommartin. Cela m’a donné le souhait d’en savoir plus sur cet épisode. Quand on sait que c’est son passé familial qu’elle évoque, son texte prend d’autant plus « sens ». On comprend qu’elle a écouté les anciens, qu’elle s’est renseignée pour faire vivre cette période de la vie de ceux qui ont tracé la route avant elle. C’est sans doute pour cela que le texte est « vivant » et qu’on a presque l’impression de voir le « film » d’une destinée sous nos yeux.

J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce livre.


Le temps des faussaires de Bettina Wohlfarth (Wagfall’s Erbe)

 

Le temps des faussaires (Wagfall’s Erbe)
Auteur : Bettina Wohlfarth
Traduit de l’allemand par Elisabeth Landes
Éditions : Liana Levi (6 Avril 2023)
ISBN : 979-1034907656
378 pages

Quatrième de couverture

Viktor ici, Isidor là. Deux rôles différents. Une double identité, forgée dans les années trente à Stuttgart, puis lors d’une parenthèse enchantée à Paris, en 1936. C’est là qu’Isidor, le jeune amateur d’art, l’amoureux, le copiste de talent s’est épanoui. Pourtant, c’est Viktor, en fils obéissant, qui a été rappelé en Allemagne pour faire son service. Exit Isidor! Mais un peu plus tard, il revient à Paris. Il reprend ses habits de peintre et sa fausse identité, pour mener une véritable et dangereuse double vie…

Mon avis

Bettina Wohlfarth est née en Allemagne en 1963, puis en 1990 elle s’est installée à Paris. Elle est journaliste freelance. Le temps des faussaires est son premier roman (paru en 2019 dans son pays d’origine). Elle y étudie le parcours d’un homme, passionné de peinture entre France et Allemagne, avant et pendant la seconde guerre mondiale.

Viktor Wagfall aime l’art, en particulier la peinture depuis tout petit. Pas forcément pour créer mais plutôt pour le plaisir de reproduire des œuvres existantes. Non pas qu’il ait zéro imagination mais l’essentiel de sa motivation réside dans la compréhension de la genèse du tableau afin de cerner son histoire, sa toile de support, ses composants, et tout ce qui en fait « un original ». Si une fois « la copie » créée, on ne distingue plus le faux du vrai, c’est une réussite. La pigmentation, le vieillissement, l’élaboration ont été parfaits et l’artiste a su exploiter ses connaissances, les compléter si besoin pour parvenir à ses fins. Quel intérêt ? L’adrénaline, ce sentiment de puissance qui s’apparente à une drogue et dont on ne peut plus se passer.  Et Viktor, dans ces cas-là devient Isidor Sweig. Ce dernier brosse quelques copies pour un marchand d’art de Stuttgart puis il part s’installer à Paris où il mène une double vie.

Le falsificateur agit le plus souvent, à la demande. Arrivé dans la capitale française il a fait des rencontres déterminantes pour lui. Amour, amitié, il veut tout vivre à fond mais c’est difficile car il est écartelé entre ses deux visages.

Travaillant dans les chemins de fer, à une place tout à fait neutre et honorable, Viktor peut renseigner Isidor. Il observe et exploite ce qu’il peut, jouant sur plusieurs tableaux. Il y a une certaine ambivalence dans sa personnalité, et c’est ce qui sera difficile pour sa fille lorsqu’elle découvrira ce qu’il avait caché.

Ce livre alterne deux entrées. Les cahiers du faussaire qui se livre, explique sa vie, ses choix, ses déboires, ses doutes, ses besoins, son mal être parfois. Et les recherches de Karolin, sa fille photographe, qui fouille, après avoir découvert les carnets paternels. À l’aide de clichés décrits en quelques lignes, elle veut cerner qui était vraiment son père et développe ses réflexions. Ces investigations sont déstabilisantes pour elle, car ce n’est pas l’image qu’elle avait de lui. Mêlant habilement son intrigue à un riche contexte historique (avec des personnages ayant existé), l’auteur revient sur des faits graves, à savoir le trafic d’œuvres d’art et la spoliation des biens juifs.

Ce récit est intéressant pour la place qu’il donne à la peinture. De nombreux commentaires sur des toiles sont proposés au lecteur. Chacun s’emparera de ce qu’il souhaite. Bettina Wohlfarth s’est documentée sur la contrefaçon et le vol de patrimoine dans les années 30-40, cela se sent et donne du poids à son propos.

L’écriture est complète, argumentée. Le style est fluide. L’aspect psychologique est approfondi, travaillé pour montrer toute la complexité de l’esprit du faussaire, son ambiguïté. Sa fille se sent de plus en plus proche en faisant connaissance avec lui par l’intermédiaire des cahiers qu’il a laissés. Mais elle aurait sans doute préféré en parler directement…

En lisant ce livre, je me suis plusieurs fois interrogée sur les questions qu’il soulève. Jusqu’où est allée la spoliation des juifs? Qu’en est-il du marché de l’art sous l’Occupation?


"Le trou" de Hiroko Oyamada (穴) (Ana)

 

Le trou () (Ana)
Auteur : Hiroko Oyamada
Traduit du japonais par Silvain Chupin
Éditions : Bourgois (6 Avril 2023)
ISBN : 978-2267051667
160 pages

Quatrième de couverture

Le bourdonnement incessant des cigales et la chaleur ne facilitent pas les choses pour Asa. La jeune femme vient de déménager à la campagne, et elle tente de s’adapter à la situation. Si son mari a changé d’emploi, elle a perdu le sien, et elle vit désormais près de ses beaux-parents, soucieuse de remplir ses journées vides de toute occupation sérieuse. Asa se décide donc à explorer son environnement.

Mon avis

L’histoire se déroule au Japon. Asa et son mari, Muneaki, vivent en ville dans un appartement. Elle travaille en CDD, il est pratiquement impossible de décrocher un CDI. Ses heures supplémentaires ne sont pas toujours rémunérées. Son mari a un bon job mais rentre parfois tard. On ne sait pas trop ce qu’il fait, et quand il est chez eux, il passe beaucoup de temps sur son smartphone. Elle ne s’intéresse d’ailleurs pas tellement à lui, ni à ce qu’il pianote. Ils n’ont pas d’enfant. Lorsqu’il a l’occasion d’une meilleure situation, ils en parlent. Elle démissionne et ils partent vivre en milieu rural dans une maison que possèdent les parents du mari. Le loyer sera inexistant et l’époux sera proche de sa nouvelle activité.

Asa se retrouve bien seule, dans un coin plutôt perdu, pour ne pas écrire « un trou paumé », où il fait très chaud. Tellement chaud que les cigales sont très bruyantes, trop et ça en devient exaspérant. À côté les beaux-parents et le grand père ne se préoccupent guère d’elle… Là aussi, elle ne sait pas trop ce qu’ils font et ne s’interroge pas. Elle s’ennuie, se « fond » dans son nouvel environnement, ne sait que faire de ses journées. Avant tout était minuté, planifié, maintenant elle est libre de son temps et ne sait pas l’organiser. C’est un monde totalement différent de celui dans lequel elle a évolué jusqu’à maintenant. Elle est l’épouse au foyer type sauf que la progéniture n’est pas encore là…. Elle ne semble pas capable (ou alors elle n’a pas envie) de chercher autre chose, de se secouer pour sortir de cette routine assez insipide.

Un jour en se baladant, elle tombe dans un trou « juste à sa mesure ». À la manière d’un catalyseur, cette chute lui fait appréhender son environnement d’une autre façon. Le lecteur pénètre alors dans un univers onirique, fait de fantaisie sans pour autant basculer dans la science-fiction. Il y a une légère frontière entre réel et imaginaire. C’est totalement délicieux, magique. On est entraîné dans un récit fantasmagorique, délicat à l’écriture dépouillée, presque minimaliste. Les descriptions de scènes ou psychologiques sont esquissées, laissant libre court à notre esprit pour se représenter ce qui est évoqué.

 Bien sûr cette aventure n’est pas sans rappeler celle d’Alice au pays des merveilles et ses rencontres. On peut faire un parallèle, même si Asa sort rapidement de la fosse et reprend sa vie quotidienne. Mais son regard a changé, elle observe, tous les sens en éveil. Était-elle une belle endormie qui n’avait besoin que d’un coup de pouce pour découvrir l’autre versant du monde qui l’entoure ?

Ce livre pourrait sembler improbable, bizarre mais il est absolument exquis. Il aborde à petites touches des problématiques japonaises importantes. Le travail pour les femmes, leur place dans le couple et la famille (on s’interroge sur Asa, a-t-elle vraiment eu le choix au moment du déménagement ?), leurs possibilités de prendre des décisions, de gérer, la relation à la maternité, avec le regard extérieur des uns et des autres.

Je me suis délectée de ce recueil. La prose fine, épurée, a un petit quelque chose de mélodieux qui retentit doucement en nous, nous emportant loin, très loin et c’est très agréable.

"Playlist" de Sebastian Fitzek (Playlist)

 

Playlist (Playlist)
Auteur : Sebastian Fitzek
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions : L’Archipel (6 Avril 2023)
ISBN : 978-2809846157
384 pages

Quatrième de couverture

Feline, 15 ans, disparaît sur le chemin de l'école. Un seul indice pour le détective Alexander Zorbach : la playlist de la jeune fille, mystérieusement mise à jour quelque temps avant sa disparition.

Mon avis

Feline Jagow, une jeune adolescente a disparu sur le chemin qui l’emmenait vers son établissement scolaire. Aucune revendication, ni demande de rançon, pas de corps… Où est-elle ? Que s’est-il passé ? Tout le monde est désemparé. La mère se shoote au valium, le père perd les pédales, le couple bat de l’aile…. Et le temps s’écoule….

Les enquêteurs ne savent pas trop où commencer leurs investigations. La maman, Emilia, se décide à faire appel à Alexander Zorbach, reporter dans un grand journal berlinois et détective privé également. Il a déjà mis fin aux agissements d’un homme dangereux (dans les livres précédents mais celui-ci peut se lire de façon indépendante) et elle se dit qu’il peut probablement l’aider. Il n’a que peu de temps mais finalement il accepte d’essayer de retrouver la jeune fille. Pour cela il va se faire aider par Alina Gregoriev, une kinésithérapeute aveugle, rencontrée elle aussi dans d’autres opus. En effet, elle avait comme patiente la jeune Feline. Elle se souvient qu’elle avait un père plutôt sévère qui lui avait interdit de posséder un téléphone portable. Alina avait eu un peu pitié d’elle et lui avait offert un ancien mp3 à l’écran cassé sur lequel elles avaient ensemble, téléchargé de nombreuses chansons. Si elle avait enregistré ce baladeur, il peut être « suivi » lorsqu’il est allumé, il y aurait alors une infime chance s’il est encore entre les mains de Feline d’avoir une idée du lieu où elle se trouve ….

S’accrochant à cette idée, Alexander et Alina se lancent dans des investigations approfondies. Ils vont chercher à mettre en lien les différents éléments qu’ils vont découvrir. Mais rien n’est facile. Quelqu’un tire les ficelles dans l’ombre et ils se font manipuler, tout leur échappe et c’est la même chose pour le lecteur…

C’est avec une écriture nerveuse (merci à la traductrice) que Sebastian Fitzek nous emporte dans ce nouveau récit. On suit les différents personnages (si besoin, il y a leur nom en tête de chapitre) d’un lieu à l’autre. Leurs relations ne sont pas aisées, on sent bien que certains ne sont pas francs, qu’ils ne disent pas tout et on est loin d’imaginer ce qui sera révélé dans les dernières pages.

Tout l’art du maître du suspense est de nous balader, de jouer avec nos nerfs et nos émotions. On ne peut être sûr de rien et c’est assez déstabilisant. On voudrait qu’au moins une personne soit fiable, mais elles nous échappent toutes.

Vu le titre, on se doute qu’une playlist aura un rôle à jouer. Elle est d’ailleurs disponible en s’associant à la lecture. Souvent quand il y a des musiques ou des chansons, c’est pour l’histoire mais là, ça va beaucoup plus loin et c’est quand même bien pensé et bien ficelé.

Les caractères et aspects psychologiques des protagonistes sont bien développés. La plupart ne sont pas des individus « classiques », ils ont une part d’ombre, certains sont vraiment retors. L’auteur nous présente toute la complexité de l’âme humaine.

J’ai eu du plaisir à lire ce récit. Les allusions aux intrigues antérieures avec certains de ceux qui interviennent dans celle-ci ne sont pas gênantes et si besoin il y a quelques explications. En outre, si on connaît déjà les intervenants, on voit leur évolution. Il y a du rythme, des rebondissements, on se demande où on va être entraîné et c’est bluffant.

"La vie ne se danse jamais seul" de Marie Joudinaud

 

La vie ne se danse jamais seul
Auteur : Marie Joudinaud
Éditions : L’Archipel (6 Avril 2023)
ISBN : 978-2809846751
338 pages

Quatrième de couverture

Suzanne et Thaïs sont deux sœurs dont les chemins se sont séparés très tôt. Suzanne est la gardienne de l'histoire familiale, tandis que Thaïs a embrassé ses rêves de gloire à l'Opéra. Mais la vie va les réunir et les mettre toutes deux devant des choix.

Mon avis

Dans ce roman, les chapitres porteront les noms de Thaïs, Suzanne ou Clara quand ils se référeront à elles. Il y aura également quelques passages en italiques où Kea s’exprimera….

Thaïs est danseuse étoile à l’Opéra de Paris. Un métier exigeant, avec des entraînements de folie, un régime draconien, de longues heures à répéter avec son partenaire et ami, Jing, et à obéir au chorégraphe, Alexis. Dans cette activité, il faut toujours être en haut, plaire, ne pas contrarier les organisateurs, se couler dans le moule qu’ils ont déterminé, s’oublier pour mieux réussir et être ce à quoi les décideurs aspirent. Thaïs danse, c’est sa passion, sa vie, elle ne peut pas s’en passer malgré les aspects difficiles. Elle est dure avec elle-même, se refusant à montrer ses faiblesses, ses doutes, ses peurs. Elle a « épousé » la danse et ne vit que pour se produire sur scène.

Suzanne, sa sœur, est restée à Saint Guirec, où elles ont grandi. Elle occupe la maison familiale avec sa fille, une jeune collégienne. Elle est professeur aux Dunes où elle anime en plus un atelier de théâtre. Son mari est parti, il est skipper et donne de loin en loin des nouvelles à leur fille : Clara.

Clara, c’est une ado, parfois en opposition avec sa mère qui, pourtant, essaie de ne pas l’étouffer. Il faut qu’elle trouve sa place, sa voie. Elle aimerait voler de ses propres ailes, mais il y a encore du chemin.

À Paris, suite à un problème avec le chef de ballet, la directrice prie Thaïs de prendre des vacances, un peu de recul, pendant quelque temps. Malgré sa colère, son incompréhension, Thaïs après avoir discuté avec Jing, suit ses conseils et part. Elle décide d’aller vers sa sœur qu’elle n’a pas vu depuis de nombreuses années et avec qui les liens sont quasiment inexistants.

Quelle drôle d’idée se dit le lecteur. Pourquoi aller en bord de Manche dans un coin paumé, avec les embruns, la pluie, voir une frangine qu’on a perdu de vue ? Ne va-t-elle pas perdre une partie de son indépendance ? Celle qu’elle a gagné en fuyant il y a bien longtemps ? Comment va-t-elle poursuivre ses exercices en vue des prochains spectacles ? Et surtout sera-t-elle capable de cohabiter avec sa sœur et sa nièce ? Cette coupure sera-t-elle bénéfique par rapport à son activité professionnelle ?

Thaïs n’est pas franchement la bienvenue. Il y a plusieurs contentieux avec Suzanne et au départ, elles n’arrivent pas à discuter. Comment renouer le dialogue, s’écouter, partager ?

C’est avec une écriture fluide et délicate que l’auteur nous présente cette histoire, le lent cheminement de Thaïs pour mieux comprendre les liens du sang, ceux du cœur et expliquer ses choix. Elle se reconnecte à sa vie, prend le temps de faire les choses sans être en permanence sur la brèche. Mais comment vivre cette pause pour qu’elle reste provisoire et ne bouleverse pas toutes ses certitudes ? D’autant plus que d’autres éléments se glissent dans son nouveau quotidien. Que faire ? En tenir compte et accepter quelques changements ? Zapper et reprendre la route du succès, des représentations ? Marie Joudinaud, avec infiniment de doigté, développe les tiraillements de Thaïs, qui se trouve écartelée entre deux mondes totalement opposés. Celui des paillettes où tout vibre et brille et celui, plus posé, des gens de bord de mer, qui savourent l’instant présent. Avec quelques retours en arrière pour nous expliquer le vécu de cette famille, elle offre un texte très vivant.

 Les personnages sont très attachants, toute la complexité des relations humaines est explorée. C’est un récit très agréable, qui se lit avec beaucoup de plaisir, même si tout n’est pas toujours rose.