"La route" de Manu Larcenet

 

La route
Auteur : Manu Larcenet (Scénario, Dessin)
Éditions : Dargaud (29 mars 2024)
ISBN : 978-2205208153
160 pages

Quatrième de couverture

L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites, censés les aider dans leur voyage. Sous la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l’humanité. Survivront-ils à leur périple ? Manu Larcenet a adapté le roman « La route » de Cormac McCarthy.

Mon avis

Magistral !

Manu Larcenet a adapté le roman « La route » de Cormac McCarthy et c’est tout simplement bluffant.

On retrouve la noirceur du livre (d’ailleurs, il n’y a pas de couleurs dans les croquis, c’est très sombre). Certaines cases n’ont pas de mots, pas de dialogues mais il n’y en a pas besoin tant le dessin est expressif. C’est bouleversant car les images frappent les esprits, le cœur. C’est même mieux qu’il n’y ait pas trop à lire car les dessins se suffisent à eux-mêmes.

Ce gamin et son père, sur les routes avec leur caddie, dans des conditions dantesques qui essaient de survivre, vous les voyez, là, sous vos yeux, comme s’ils existaient réellement. C’est terrible de ne pas pouvoir les aider, de savoir ce qu’ils vont affronter (je n’ai jamais oublié le livre lu pourtant il y a longtemps).

Je suis sortie lessivée de cette lecture. Et aussi admirative devant le travail accompli par l’auteur. J’ai pensé que lui aussi avait dû être vidé par cette réalisation. Je crois que dessiner, avec autant de précisions dans les expressions du visage, les postures, la présentation de l’environnement, tout cela a dû être éprouvant pour lui.

Un seul mot : bravo !


"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola Lafon

 

Quand tu écouteras cette chanson
Auteur : Lola Lafon
Éditions : Stock (17 Août 2022)
ISBN : 978-2234092471
260 pages

Quatrième de couverture

« Le 18 août 2021, j’ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu’il n’en sait pas grand-chose. Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment.
Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ?

Mon avis

Écrire est un geste d’espoir obstiné, la preuve d’une espérance insensée.

Dans le cadre des textes écrits dans la série « une nuit au musée ». Lola Lafon a choisi de rester une nuit dans l’Annexe au musée Anne Frank, le 18 Août 2021. Elle y a passé dix heures. Moi, je l’ai visitée, je suis restée moins longtemps. Totalement bouleversée, j’ai pleuré longuement… Cet endroit était encore « habité », on y chuchote, on y écoute le silence qui nous dit tant de choses …

Elle a rencontré Laureen, une amie de la jeune fille qui lui a expliqué l’écriture du journal intime. Je ne suis pas d’accord avec ce qui est écrit en quatrième de couverture : « dont aucun adulte ne se souvient vraiment ». Je n’ai pas oublié ce livre, lu à l’adolescence.

Laureen dit : « Anne n’œuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie. »

Lola Lafon a essayé de comprendre les motivations d’Anne, son rapport à l’écriture (et elle évoque le sien, allant même plus loin « pourquoi, pour qui écrit-on ?). Elle a ainsi interrogé sa propre histoire. Elle se dévoile par petites touches, raconte sa famille. Cette pause, dans ce lieu unique, lui a permis de revenir sur son vécu en nous racontant celui d’Anne et des siens.

En lisant ce témoignage, j’ai réalisé que je ne savais pas tout. J’ai découvert, entre autres, les risques pris par Otto (le père) qui, chaque jour, emportait quelque chose pour le mettre dans leur future cachette. C’était dangereux pour lui mais il le faisait quand même. J’ai appris que le journal avait été « re écrit », même si ce mot est un raccourci que je ne devrais pas utiliser. J’ai découvert qu’Otto a été accusé d’avoir « inventé » sa fille, mis en scène certains éléments ! Cela m’a révoltée.

Cette lecture est très intéressante. L’écriture est fluide, le propos émouvant. Les émotions montent en nous au fil des pages.

C’est vraiment magnifique !


"Les fugitifs" d'Abir Mukherjee (Hunted)

 

Les fugitifs (Hunted)
Auteur : Abir Mukherjee
Traduit de l’anglais par Pierre Reignier
Éditions : Liana Levi (8 Mai 2025)
ISBN : 979-1034911035
414 pages

Quatrième de couverture

Alors que les deux candidats à l’élection présidentielle américaine – un Républicain populiste et une Démocrate trop sûre d’elle – entament leur dernière semaine de campagne, une bombe explose dans un centre commercial de Los Angeles, faisant des centaines de victimes. Personne n’a entendu parler de l’obscur groupuscule islamiste qui le revendique. Pourtant la bombe n’était pas un engin artisanal. Le FBI est sur les dents, et surtout l’agent Shreya Mistry qui met tout en œuvre pour retrouver une jeune femme entrée sur le territoire américain en même temps que la kamikaze.

Mon avis

Abir Mukherjee, issu d’une famille d’immigrés indiens, a grandi dans le Sud de l’Écosse. Il a déjà écrit quatre romans qui se situent en Inde, entre les deux guerres, avec des personnages récurrents. Son dernier titre n’a rien à voir avec cet univers mais il est tout autant passionnant.

Le récit se déroule aux États-Unis, de nos jours, au moment de l’élection présidentielle, pendant la dernière semaine où les candidats (un homme républicain et une femme démocrate) font campagne.
Pour les déstabiliser (surtout l’un des deux), une bombe explose dans un centre commercial faisant de nombreux morts et blessés. L’attentat est revendiqué par un groupe que personne ne connaît et la surprise est totale. Qui et pourquoi ?

Plusieurs entrées sont proposées pour cette lecture captivante.

Une avec les terroristes. Comment et pourquoi ils en sont arrivés , ce qui les anime. On découvre comment fonctionnent ces groupuscules. Le lavage de cerveau des recrues, l’interprétation des faits pour les motiver, les événements marquants qui les poussent à s’engager alors que rien ne laissait supposer qu’ils prendraient cette direction.

« Dans les périodes d’incertitude et d’angoisse, ce sont les marchands de peur qui l’emportent – les démagogues qui s’appuient sur la colère et l’effroi des gens, et proposent des solutions séduisantes de simplicité aux problèmes complexes du monde . »

Une autre avec les policiers, dont une agente du FBI, Shreya Mistry, qui poursuit les comploteurs. Elle agit parfois à l’instinct et ça ne plaît pas toujours à ses chefs. Mais sa capacité de réflexion est grande. Elle peut travailler des heures en se coupant de sa vie privée et même si c’est quelques fois trop, elle se révèle efficace avec un tantinet trop d’impulsivité.

Il y a également deux parents à la recherche de leurs enfants . Ces derniers semblent impliqués dans les attaques mais pour leurs père et mère, c’est inconcevable. Ils sont prêts à tout pour suivre leur trace et prouver qu’ils n’ont rien à voir avec cette théorie. Ils se mettent en danger mais sont décidés à ne rien lâcher et à retrouver leur progéniture.

« Alors aussi longtemps qu’ils seront là, quelque part dans la nature, je refoulerai ma peur tout au fond de mes tripes, autant que je le pourrai, et je continuerai d’avancer. »

Jusqu’où est-on capable d’aller pour une cause qui est juste pour nous, pour nos enfants ? C’est toute la question posée sous différents angles dans cet excellent récit.

« Vous m’avez dit autrefois que vous aviez une fille, vous aussi. Feriez-vous moins que cela pour elle ? »

Il est aussi question de culpabilité, du besoin de reconnaissance, de manipulation, de mensonges, de non-dits, de toute la complexité des relations humaines, dans la famille et en dehors.

Les personnages ont chacun une histoire personnelle qui les a menés là où ils en sont aujourd’hui. On ne peut pas accepter les dérives de comportement de quelques uns mais on peut se questionner sur ce qu’auraient été nos réactions dans les mêmes circonstances...

L’écriture de l’auteur (merci au traducteur) est fine, précise. Il explore les côtés sombres de la nature humaine sans oublier que de temps à autre, des questions surgissent et que le doute s’installe, même chez certains qui veulent le mal.Il analyse avec doigté les choix de chacun, rappelant combien le poids du passé peut être lourd et décisif dans certains cas.

J’ai trouvé cette histoire prenante, émouvante, bouleversante. Actions et psychologie se mêlent habilement dans le texte. C’est intéressant, sans temps mort, avec beaucoup de rythme. Jamais on ne tombe dans les clichés. Bravo à Abir Mukherjee qui a su changer de style en restant toujours un excellent écrivain !


La dernière liste de Mabel de Laura Pearson (The Last List of Mabel Beaumont)

 

La dernière liste de Mabel (The Last List of Mabel Beaumont)
Auteur : Laura Pearson
Traduit de l’anglais par Penny Lewis
Éditions : L’Archipel (15 Mai 2025)
ISBN : 978-2809850925
360 pages

Quatrième de couverture

Après la mort de son mari Arthur, Mabel découvre l'ultime liste qu'il a dressée pour elle. Ou plutôt ce mot énigmatique : " Trouver D. " Convaincue qu'il s'agit de Dot, sa meilleure amie perdue de vue depuis soixante ans, Mabel part à sa recherche... Une quête qui va l'amener à remonter le temps, et caresser l'idée qu'il n'est jamais trop tard pour refaire sa vie...

Mon avis

Arthur et Mabel sont ensemble depuis très longtemps. Ils ont 89 et 86 ans, pas d’enfants, un chien et une vie bien réglée. Leur quotidien est sans surprise, les journées se succèdent et se ressemblent. Ils ne cherchent rien de plus. Lui, c’est un inconditionnel des listes. Il en écrit beaucoup pour tout un tas de raisons. Un matin, il ne se réveille pas. Mabel n’avait jamais envisagé que cela puisse se produire et qu’elle se retrouve seule… Apparemment, lui, si. Tout a été anticipé. Elle se retrouve avec une aide-ménagère, qu’elle rejette dans un premier temps et finalement elle en prend l’habitude. Au début, ça l’a bousculée, énervée même un peu, mais celle qui a été choisie pour la soutenir a su l’amadouer et elle a fini par s’y faire. Elle accepte de sortir un peu et de faire des rencontres, ce qui ne lui ressemble pas du tout. Elle sort de sa zone de confort…

Mais un petit papier l’interpelle. Sans doute la dernière liste, inachevée, d’Arthur. Il n’y a que quelques mots « Trouver D. ». D comme Dot, sa « meilleure amie » perdue de vue depuis bien longtemps ? Ou autre chose ? Mabel ne sait pas… A-t-elle envie de relever ce qui ressemble à un défi ? De se lancer seule dans des investigations ? Peut-être que parmi les quelques personnes qu’elle côtoie, certaines peuvent l’aider ? Et puis ça passera le temps…

Voici cette vieille dame de 86 ans, qui ne sortait jamais de chez elle, qui se lance avec quelques autres personnes, dans des recherches pour savoir ce qu’est devenu Dot. Peut-on combler en peu de temps, une soixantaine d’années de silence ? En cherchant son amie, Mabel revisite leur lien, mais ce qu’elle a décidé, pourquoi.... L’auteur glisse des retours en arrière, qui éclaire le passé. On connaît mieux cette femme, son histoire d’amour, ses secrets, ses non-dits.

C’est un très beau récit, construit avec doigté pour éviter toute lassitude au lecteur. Les révélations arrivent petit à petit, on cerne mieux les différents personnages, leur personnalité. J’ai trouvé intéressantes les analyses qui définissent les choix de chacun. Pourquoi une option plutôt qu’une autre ? A quoi « obéit-on » ? Est-ce que le regard des autres nous pèse et nous conditionne ? Comment être soi ?

Ce roman explore plusieurs thèmes : la famille, l’amour, l’amitié, le couple, le deuil, la perte, les souvenirs. Le cheminement de chacun, entre ce que les gens souhaitent pour vous et ce que vous voulez vraiment, au fond de vous.

L’auteur décortique finement et avec subtilité, les relations humaines, dans toute leur complexité. Elle rappelle que rien n’est jamais autant fluide qu’on l’imagine. Il est nécessaire de faire des concessions, de s’écouter, de se respecter. Elle nous présente également de très beaux portraits de femmes. Elles n’ont pas grand-chose en commun mais elles arrivent à communiquer et à avancer ensemble. Sans doute parce que chacune d’elle a su, à un moment ou un autre, faire preuve d’empathie, se mettre à la place de l’autre pour la comprendre, l’accompagner, être présente sans juger.

Un très beau roman à lire et à partager.

"Les Sortilèges de la cité perdue" de Douglas Preston & Lincoln Child (Thunderhead)

 

Les Sortilèges de la cité perdue (Thunderhead)
Auteur : Douglas Preston & Lincoln Child
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michèle Garène
Éditions : L’Archipel (9 mai 2012)
ISBN : 978-2809807103
510 pages

Quatrième de couverture

Depuis que les parents de Nora Kelly sont morts, le ranch familial a été laissé à l'abandon. Un soir, elle s'y rend et découvre la maison saccagée quand, soudain, une étrange créature velue, tenant autant de l'homme que de l'animal, lui saute dessus en lui réclamant la lettre. Heureusement, une voisine réussit à mettre en fuite l'agresseur...Avant de partir, Nora découvre une lettre écrite il y a quinze ans par son père, alors en quête de Quivira, la légendaire cité de l'or, dont il confirme l'existence et la localisation. Nora, stagiaire à l'Institut archéologique de Santa Fe, parvient à convaincre le patron de l'Institut de financer une expédition archéologique pour mettre au jour Quivira, la cité perdue des Indiens anasazis. Nora prend la tête de l'expédition. Mais au fur et à mesure que son équipe approche du but, elle est confrontée à l'horreur et à la mort.

Mon avis

Nora Kelly, jeune stagiaire à l'Institut archéologique de Santa Fe, ne sait pas ce qui est arrivé à son père, disparu depuis des années.
Maintenant, sa mère est, elle aussi, décédée et il ne lui reste que son jeune frère pas très courageux, plutôt porté sur la bouteille et les jolies femmes que sur le travail.
Il n’a qu’un souhait, que sa sœur vende le vieux ranch hérité de leurs parents, non habité, laissé à l’abandon, qui s’abime et perd de sa valeur.
Nora n’a pas envie de céder…
Elle se rend dans la maison familiale pour faire un tour et se fait agresser par deux créatures recouvertes de peaux de bêtes. Une gentille voisine vient à son secours et Nora en sera quitte pour une belle frayeur. En repartant, elle découvrira une lettre écrite par son père des années auparavant mais postée récemment. Il évoque dans ce courrier une découverte archéologique inestimable.
Tous les sens en éveil, Nora veut partir mais …. elle est en stage et ne maîtrise pas la logique des projets de l’Université….
Comment arriver à ses fins ? Comment trouver les renseignements manquants, l’équipe et surtout le financement ? Sans vouloir vexer les messieurs qui me lisent, Nora est une femme…qui plus est une femme de tête…. Donc alliant courage, ténacité, ruse avec un sourire et des arguments convaincants, elle va pouvoir partir et nous à sa suite….

Nous allons donc nous retrouver embarqués dans une expédition scientifique à but archéologique.
Ici, c’est de la cité de Quivira qu’il s’agit, mythe ou réalité, ce lieu a été évoqué par Vásquez de Coronado (voir Wikipédia, je ne vais pas faire un cours). Toujours est-il que c’est dans une nature hostile (le Grand Canyon américain difficile d’accès et où l’on trouve peu d’eau) à la météo changeante, que nos protagonistes vont évoluer. Il y aura, bien entendu, une tribu indigène pas très contente de les voir progresser et bien décidée à les détourner de leur but final.

Mêlant habilement le contenu du roman avec des informations captivantes (qui peuvent donner envie aux lecteurs d’aller plus loin dans la découverte et la connaissance), Douglas Preston et Lincoln Child ont le don de nous mettre dans l’ambiance et de nous donner envie de tourner les pages au plus vite.

Ce roman pourrait donner une apparence de « déjà vu »: une expédition avec des personnages au caractère marqué (la chef, celle qui voudrait être khalife à la place du khalife, le courageux, le peureux, le taiseux, sans oublier ceux dont on pense qu’ils sont « comme ça » alors qu’ils sont tout à fait différents ….); ceci entraînant des tensions, des échanges de sentiments, des situations conflictuelles comme toujours lorsqu’on vit en vase clos…. Mais l’apport de connaissances archéologiques: les porteurs de peau, les kivas …. agrémentées avec discernement et intelligence d’un peu d’ésotérisme (léger et supportable) donne un livre qui a tout pour plaire et qui est une vraie détente.

L’écriture est de qualité, travaillée sans être ostentatoire, les dialogues bien vivants. Les relations entre les uns et les autres, parfois un peu caricaturales…. Mais en petit comité, dans des conditions particulièrement éprouvantes, les personnalités se dévoilent plus et se laissent aller, les masques tombent très vite et ceci peut expliquer cela.

Nora, le centre de tout cela, m’a vivement intéressée. Elle est intègre, elle sait ce qu’elle veut, elle est constructive dans ses actes, attentive à l’autre; de plus elle a un regard sur le passé qui est celui d’une femme qui sait prendre du recul, honorer ceux qui nous ont précédés, respecter ce qu’ils ont laissé pour éviter les pillages dangereux….

Sur la fin, le rythme s’accélère, nous forçant à retenir notre souffle devant tout ce qui se passe…
Bien sûr, ça fait beaucoup d’aléas mais tout cela reste un roman, n’est ce pas ?

"La Guilde des Merlins - Tome 1: Le Magicien" de Cendrine Nougué

 

La Guilde des Merlins - Tome 1: Le Magicien
Auteur : Cendrine Nougué
Éditions : Aconitum (25 Août 2016)
ISBN : 979-1096017058
185 pages

Quatrième de couverture

Arthur Sullivan, collégien vivant à Nantes, partage sa vie entre sa passion pour la magie et ses amis. Jusqu'au jour où sa mère est hospitalisée à Londres, le laissant aux mains de sa grand-mère anglaise, richissime éditrice qu'il n'avait jamais vue. Arthur découvre alors un univers où se manifestent des créatures étranges, et où les contes pour enfants semblent avoir ... une extraordinaire importance.

Mon avis

Quel adulte n’a pas gardé une part d’enfance en lui ? Aucun, j’espère, sinon, ce serait trop triste. Je reste persuadée que, pour être heureux, il faut maintenir sa capacité à s’émerveiller, à ouvrir son esprit au rêve.

C’est ce que nous offre, de fort belle manière, Cendrine Nougué dans le premier tome de sa série « La Guilde des Merlins ». Arthur vit à Nantes et sa maman vient de partir à Londres. Malheureusement, elle va être hospitalisée là-bas et le jeune garçon est dans l’obligation de la rejoindre. Pas facile, pour un adolescent, de laisser ses copains (surtout ses deux amis préférés…), son collège (même si ses camarades de classe ne sont pas toujours tendres avec lui) et ses habitudes…Mais il n’a pas le choix…

Arrivé de l’autre côté de la Manche, il va aller de surprise en surprise, découvrant auprès de sa grand-mère, un univers qu’il ne soupçonnait pas. Des situations surprenantes se succèdent, et loin de toute rationalité, Arthur ne sait plus que penser, ni comment réagir …. Au fil des pages, on part avec lui dans un monde extraordinaire, on bascule du présent au passé, aux passés devrais-je écrire car ce n’est pas un événement qui est évoqué mais bien plusieurs se déroulant à différentes périodes…. Avec doigté, l’auteur nous fait voyager dans l’histoire et revisiter des légendes comme celle de Merlin etc….

Le style est vif, léger mais pas mièvre, agréable, on sent l’enthousiasme et la vivacité de celle qui a pris la plume (ou le clavier). Elle a dû avoir beaucoup de plaisir à écrire et ça se sent. Du coup, elle le transmet et nous la lisons avec bonheur…. Son écriture est fluide, le récit bien construit.

Je mettrai une mention très bien à la première de couverture : elle est magnifique et bien pensée !

"Les algues mortes" de Claude Soloy

 

Les algues mortes
Auteur : Claude Soloy
Éditions : Krakoën (14 Septembre 2011)
ISBN : 9791090324107
245 pages

Quelques mots sur l’auteur :

Claude Soloy est né en 1941 sous une pluie de bombes... Fils d’une corsetière et d’un aiguilleur-S.N.C.F. (Baleines et petites aiguilles ! Joli titre pour un roman…)
Professeur de lettres de L.E.P. dans la banlieue rouennaise, il mène de front une activité picturale (24 expos), une activité littéraire (Rencontre avec Louis Aragon, René Char… ) à laquelle il s’adonne désormais.
Comédien et auteur (Adaptation du « Taureau blanc » de Voltaire, des « Oiseaux » d’Aristophane…), il crée le Théâtre de l’Ecart en 1981 et participe à de nombreux récitals poétiques.
Intervenant « expression corporelle » et « atelier d’écriture(s) » dans les écoles de la petite enfance et les collèges, il monte des spectacles variés (Sur la préhistoire, les chiffres, les euclidiennes…)

Quatrième de couverture :

Névé, belle à damner le diable, tourne en rond sur son île. Elle compte les fourmis et se branlote entre deux vagues… toujours en quête d’un père. Illustre inconnu à l’état civil de la planète, elle décide néanmoins de le tuer. Quoi de plus normal pour la fille d’Ella la Rouge, adepte de Sigmund Freud. Mais peut-elle passer à l’acte, y compris symbolique, sans qu’elle sache qui est son véritable géniteur ? Aussi une incursion sur le continent s’impose-t-elle pour y mener enquête et y célébrer officiellement les noces de sa mère et de son amant sur un modeste banc de béton fouetté par les embruns, quelque part sur le plancher des algues. Tant pis pour l’excès de sel et ses conséquences néfastes …

Mon avis :

Surréaliste ?

Lorsqu’on découvre le parcours de Claude Soloy, on ne peut que comprendre son écriture …..

Surréaliste, déjanté, déstructuré, surprenant, virevoltant, curieux, étrange, fascinant, son roman est tout cela à la fois …

Il faut accepter de rentrer dans « l’esprit des lieux », de se laisser happer par l’instabilité des mots, par la folie des images, par l’originalité des situations pour appréhender l’écriture, la savourer, s’en délecter et parfois murmurer un « Oh…. » légèrement offusqué ….

L’écriture est présentée de trois façons, avec trois polices de caractères différentes.
Il y a les caractères gras, pour les mots un peu « gras », parfois choquants, qui représentent essentiellement les pensées du personnage principal, Névé. Le plus souvent, elle « parle » ainsi à son père qu’elle recherche. Peut-être est-ce pour elle le seul moyen de se défouler, de vider son sac, d’exprimer tout ce qui la ronge, l’étouffe …
« Et la pauvre logeuse cul esseulé comptant ses écus. »
Qui, dans son esprit, ne se laisse pas parfois aller à abreuver une autre personne d’insultes dissonantes, que jamais il ne prononcerait à voix haute. Qui n’a pas lâché un « mais quel c… ! », seul dans sa voiture, alors qu’en public, jamais ce mot ne franchira ses lèvres ?
Nous découvrons donc l’esprit de Névé, ses raisonnements troublés, ses idées dissolues ….
C’est dérangeant, parfois choquant … Il n’y a pas toujours une ponctuation régulière, adaptée … C’est halluciné, comme un poème "Baudelairien", sans queue ni tête pour certains, empli de poésie pour d’autres ….

Il y a les phrases en italiques pour les dialogues, assez classiques, structurés, posés qui éclairent sur le contenu de l’histoire, les relations entre les personnages, les différents événements ….

Enfin, il y a le texte du roman, des phrases quelquefois longues, très longues, faites de descriptions lyriques où les mots s’emballent mais restent dans un cadre ….
« Quand on arrivait à la gare, après avoir coupé à travers les pelouses du jardin public, c’était d’autres saveurs, celle du béton craquelé et des guichets à l’ancienne aux fers corrodés, celle des traverses du chemin métallique …… »
Parfois au milieu d’une phrase emphatique, un détail ou un mot un peu cru, histoire de nous remettre les pieds sur terre si on croit être partis en « poésie » ….

Car il est là, le cœur du roman, pas tellement dans l’intrigue, plus ou moins débridée, pas forcément fascinante, mais dans la construction originale, déroutante, intrigante … et aussi dans la capacité de l’auteur à faire vivre les mots de toutes les façons possibles …
En effet, Claude Soloy manie le « verbe » avec dextérité, avec jubilation et enthousiasme. Il joue avec les mots, les fait résonner, les fait chanter, murmurer ou hurler … Avec lui, les mots sont comme autant d’outils pour toucher le lecteur, que ce soit pour l’émerveiller, le charmer, le mettre en colère, le déstabiliser ….

Névé, au centre de ce récit, mène l’enquête pour retrouver son père. Ses recherches l’emmèneront ça et là, au gré de ses pas, au fil de ses visites …. Elle cheminera en actes, mais aussi en pensées …. Nous nous attacherons à ses pas car sous ses airs arrogants, hautains, c’est une fille sensible, torturée, qui souffre ….

Je crois que l’auteur a eu beaucoup de plaisir à nous faire découvrir la langue française sous différentes formes dans le contexte d’un seul et même roman, en traitant une intrigue sous différents regards …
Je pense qu’il faut avoir l’âme un peu poète et un certain goût pour le surréalisme (mon poète préféré est Paul Eluard ….) pour ressentir toute la puissance d’écriture de ce livre ….

A noter : la photo de couverture, négatif d’une photo de visage, signée C.S. …. Initiales de l’auteur …. Est-il le photographe?
Photo d’un visage surpris, les cheveux ressemblant à des algues ….