"La montagne de la mort" de Douglas Preston & Lincoln Child (Dead Mountain)

 

La montagne de la mort (Dead Mountain)
Auteurs : Douglas Preston & Lincoln Child
Traduit de l’américain par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (7 Novembre 2024)
ISBN : 978-2809849639
418 pages

Quatrième de couverture

En 2008, neuf alpinistes ne sont jamais revenus d'une expédition dans le Nouveau-Mexique. Les recherches menées aux abords de leur campement ont montré qu'ils ont été contraints de fuir une menace terrifiante, certains à peine vêtus alors que le blizzard faisait rage. Seuls six corps ont été retrouvés, et l'affaire de la Montagne de la mort n'a jamais été résolue. Quinze ans plus tard, la découverte de deux nouveaux cadavres permet la réouverture du dossier. Corrie Swanson, jeune agente du FBI, fait équipe avec l'archéologue Nora Kelly pour enquêter sur ce qui s'est réellement passé – et retrouver la neuvième victime.

Mon avis

Lorsque je découvre un roman écrit par Douglas Preston et Lincoln Child, je sais que la lecture va être plaisante, prenante et agréable de par le contenu addictif. De plus, la traduction de Sebastian Danchin est toujours impeccable et de qualité. Ce roman ne déroge pas à la règle, il est parfait tant par le fond que la forme. En outre, les deux auteurs présentent en dernière page, la source de leur inspiration et c’est intéressant. Cela devrait être fait plus souvent, ça permet de comprendre la démarche des écrivains.

C’est avec bonheur que j’ai retrouvé Corrie, jeune recrue du FBI. Elle n’est pas encore « formatée », elle a gardé sa fraîcheur, son désir de bien faire et surtout le souhait d’aller jusqu’au bout quand on lui donne une affaire à résoudre. Cette fois-ci, deux jeunes plutôt alcoolisés et un peu drogués, ont eu un accident avec leur voiture. Perdus au milieu de nulle part, en panne, la neige arrivant, ils cherchent un abri pour la nuit. C’est dans une grotte qu’ils finissent par s’endormir, difficilement, car ils ont trouvé des restes humains. Cela va relancer une enquête datant de quinze ans en arrière. De jeunes étudiants partis en expédition et pas tous rentrés…

Comme il y a également des cadavres d’ancêtres Pueblos, Nora Kelly, archéologue de renom, va venir sur place. Elle a déjà travaillé avec Corrie, elles s’entendent bien et vont pouvoir s’entraider face à ces morts, certains très anciens et d’autres un peu plus récents. Rapidement, Corrie, qui a un tuteur car elle débute dans ses fonctions, sent qu’on lui cache des éléments et que ses investigations dérangent. Les conditions de décès des disparus de 2008 lui semblent suspectes et elle veut comprendre. Opiniâtre, sérieuse, méticuleuse, capable de prendre des risques pour arriver à ses fins, observant, déduisant, ne lâchant rien, Corrie cherche encore et encore ! Mais plusieurs personnes lui mettent des bâtons dans les roues….

J’ai vraiment apprécié cette nouvelle aventure, la façon dont Preston et Child se sont appropriés des éléments réels, découverts un peu par hasard pour en faire une belle histoire. Ce qui est particulièrement réussi, c’est qu’on accroche tout de suite, on est au cœur de l’intrigue, ça bouge, il y a du rythme, des rebondissements, de l’action, des dialogues vifs. Les événements du passé sont bien expliqués et montrent une réelle réflexion tant pour les rédacteurs que pour le lecteur. Et si ça se produisait ?

C’est le genre de livre qu’on commence et qu’on continue sans pause. Les protagonistes m’ont semblé bien crédibles. Le fait que le frère de Nora ait des ennuis en parallèle de tout ce qu’elle doit gérer, montre bien que le quotidien n’est pas forcément facile.

Je n’ai, bien entendu, pas vu le temps passer, je tournais les pages, je voulais savoir et surtout comprendre. Parce que ce n’est pas lisse, les faits antérieurs ont une répercussion dans le présent et les interrogations qui nous interpellent ont besoin de réponse. On ne s’ennuie pas une seconde !

Une belle réussite et une série à ne pas perdre de vue !

"Criminel Show" de Jérôme Sublon

 

Criminel show
Auteur : Jérôme Sublon
Éditions : du Caïman (3 Octobre 2024)
ISBN : 978-2493739193
242 pages

Quatrième de couverture

Une série d'infanticides suscite effroi et colère. Et l’horreur atteint son comble lorsque des séries de photos relatant ces meurtres sont mises en ligne. Il est alors fait appel à la commissaire Aglaé Boulu, que l’on retrouve pour la sixième fois dans un roman de Jérôme Sublon. Parallèlement à cette histoire, une équipe de télévision a décidé de monter une nouvelle émission, « Criminel show », mettant en scène des criminels condamnés et incarcérés, afin de revenir sur leurs crimes, leur arrestation et leurs conditions de détention.

Mon avis

The Show Must Go On …

Timothée a onze ans et ce qu’il aime, c’est courir. Il s’entraîne vers les falaises, pas loin d’Étretat. Il aspire à faire un morceau du mythique marathon de la baie St Michel. Il est appliqué, calcule son souffle, sa foulée, dose son effort. Quand il revient vers ses parents, ses yeux pétillent, il est heureux !

Un jour, après un entraînement, il ne rentre pas, il ne reviendra plus jamais. Il a été trouvé mort au bas des falaises. Sa mère le dit immédiatement, il n’a pas pu se suicider ! Les policiers, eux, s’interrogent mais très rapidement ils sont mis en face de la vérité : l’adolescent a été assassiné et son meurtrier a mis en scène son acte odieux. C’est l’horreur absolue. Comment peut-on oser jouer avec la vie des gens ? Et si ce n’était pas un acte isolé … Il faut donc arrêter le tueur au plus vite, l’empêcher de récidiver.  C’est un esprit pervers qui n’est guidé que par le fait de faire parler de lui et de choquer… Un peu comme si à travers ses crimes, il se mettait en scène, même si on ne le voit pas.

Dans la seconde partie du livre, en parallèle de l’enquête qui continue, on assiste à une émission, en direct, « Criminel Show » où sont reçus, avec l’accord des autorités, des criminels. Ils viennent parler de leur parcours, de leur arrestation, de leur vie en prison. On découvre un premier homme, froid, sans empathie, capable de présenter sans aucune émotion son quotidien en cellule. L’animatrice met le paquet pour non seulement intéresser les téléspectateurs mais aussi pour leur offrir du grandiose, du démesuré. L’audience, toujours l’audience, peu importe ce qui se dit, l’essentiel ce sont les points d’audimat n’est-ce pas ? Le succès avant tout !

C’est la commissaire Aglaé Boulu qui mène les investigations. Elle veut résoudre l’affaire, arrêter cet homme qui s’en prend à des enfants innocents. Elle est concentrée, observatrice, elle met sa vie entre parenthèses alors qu’elle a pas mal de choses à gérer. Elle ne lâchera rien. C’est une femme droite, opiniâtre.

Dans ce roman, Jérôme Sublon nous rappelle plusieurs choses. La fascination de certains hommes pour des dérives qui les font vibrer, qu’ils assimilent à de l’art. Le poids et l’influence des médias, influence parfois néfaste quand elle manipule les esprits car on peut le dire, l’écrire, celui qui conduit les débats peut glisser des suggestions et ainsi modifier l’opinion de certains. On le sait, quelques-uns sont prêts à tout (et surtout à faire n’importe quoi) pour qu’on parle d’eux et quelque part, ça fait peur …Jusqu’où l’homme peut-il aller pour se retrouver sur le devant de la scène ? J’en ai des frissons … car je pense que ce qui est évoqué dans ce recueil est affolant et la folie des hommes a-t-elle une limite ?  

L’écriture est vive, fluide avec de nombreux dialogues. Il n’y a pas de temps mort. On est pris dans cette course contre la montre et on veut savoir. Les personnages sont bien décrits : attachants, ambigus, détestables, il y a de tout !

Une lecture marquante !

"Jusqu'au bout du chemin" de Ludivine Delaune

 

Jusqu’au bout du chemin
Auteur : Ludivine Delaune
Éditions : L’Archipel (31 Octobre 2024)
ISBN : 978-2809851007
418 pages

Quatrième de couverture

Manon, la trentaine, a fait le choix d'accompagner des gens en fin de vie. Mais pourquoi un tel choix ? Ne serait-ce pas un moyen pour elle d'oublier sa propre existence et de mettre de côté ses problèmes au lieu de les affronter ? Chaque vie est unique, parsemée de petits bonheurs malgré les difficultés. Telle est la philosophie de Manon Roussel, accompagnatrice de fin de vie. Ses patients lui confient leurs plus beaux souvenirs et les épreuves dont ils se sont relevés. C'est pour ces récits et pour récolter la confiance des derniers instants qu'elle a choisi ce métier.

Mon avis

Nous avons tous une vie à mener, des combats à choisir et des victoires à remporter.

Manon a trente ans, elle vit seule à proximité de sa grand-mère qui commence à perdre le fil du temps et sa mémoire. Elle est très attachée à elle car cette dernière l’a élevée, aussi elle ne souhaite pas la placer en institution. Elle essaie de mettre en place des garde fous afin de veiller sur elle le mieux possible. Ce n’est pas toujours simple, voire très douloureux lorsque sa mamie ne la reconnaît pas mais elle tient bon. En parallèle, elle est accompagnatrice de fin de vie. Un métier qui n’a rien d’évident mais qu’elle aime.

La plupart du temps, ce sont les familles qui signent un contrat avec elle. Son rôle ? Passer du temps avec les malades, les écouter, échanger, les aider. Elle est une présence extérieure, attentive, délicate et surtout « neutre » par rapports aux conflits familiaux qui peuvent être évoqués.

Pourquoi a-t-elle choisi cette activité professionnelle ? C’est lourd car les personnes à qui elle se consacre meurent et la séparation est dure à vivre. Cherche-t-elle à « réparer » quelque chose ? Elle n’a pas de compagnon, pas d’enfants, peu de famille, quel a été son cheminement ?

Je me suis vite attachée à cette jeune femme, forte et fragile à la fois, pleine d’empathie, ne prenant pas de temps pour elle afin de ne jamais lâcher les autres. Heureusement, il y a sa copine Élise qui apporte de la fantaisie dans son quotidien, qui la secoue de temps à autre en lui rappelant qu’il ne faut pas s’oublier. Mais elle agit ainsi pour se protéger comme si un trop plein d’émotions allait la noyer.

Dans ce roman nous suivons Manon et ceux qu’elle côtoie chaque jour, que ce soit dans le cadre de son travail ou de sa vie personnelle. Nous apprenons à la connaître, à lire entre les lignes, entre les phrases qu’elle prononce, ce qu’elle ressent vraiment. Elle n’ose pas s’exprimer mais elle pense à ce qu’elle pourrait dire.

« J’essaye de faire de mon mieux, de me sentir utile, d’apporter un peu de soutien à ceux qui en ont besoin. Et je tente d’oublier mon histoire en écoutant celle des autres. »

Qu’a subi et vécu cette femme pour se comporter ainsi ? Quelles sont ses souffrances secrètes ? Acceptera-t-elle les mains tendues, le partage ou restera-t-elle sur la réserve ?

Ce récit nous montre le cheminement de chacun des principaux personnages, c’est intéressant de voir ce qui peut les aider à évoluer, ce qui les touche ou leur fait peur.  Malgré des passages plus tristes, tout est empreint de tendresse et c’est une belle histoire de vie.

L’écriture fluide et agréable de Ludivine Delaune fait la part belle aux sentiments. Il y a de belles réflexions sur les êtres humains, sur la place de la famille, le poids du passé, les non-dits qui empoisonnent, les secrets qui finissent par être connus…. J’ai beaucoup apprécié cette lecture.


"Perdre la tête" de Heather O'Neill (When We Lost Our Heads)

 

Perdre la tête (When We Lost Our Heads)
Auteur : Heather O’Neill
Traduit de l’anglais (Canada) par Dominique Fortier
Éditions : Les Escales (11 Avril 2024)
ISBN : 978-2365698160
460 pages

Quatrième de couverture

Montréal, 1873. Quand Marie, enfant lumineuse et gâtée, rencontre Sadie, fillette sombre et rusée, leurs vies basculent. Elles se lient d'une amitié fusionnelle, entre attirance et compétition. De défi en provocation, leurs jeux deviennent si dangereux qu'un jour, les adultes décident de les séparer.

Mon avis

Montréal 1873, Marie est la fille d’un homme riche, veuf et coureur de jupons. Elle est très gâtée, sans doute trop et a une vision du monde où tout est dû à la petite fille qu’elle est. C’est elle qui règne au niveau des jeunes de son âge, personne ne lui résiste. Et puis Sadie apparaît. Et c’est le début d’une amitié faite d’une fascination intense, pas toujours de bon aloi.

La première aime la lumière, la seconde préfère l’ombre et a un côté morbide, parfois un peu pervers. Les deux sont attirées par une forme de pouvoir, par les jeux dangereux, les risques … Elles se sentent invincibles et n’ont pas une bonne influence l’une sur l’autre. Elles finiront par être séparées et passeront plusieurs années sans se voir, ni se donner de nouvelles.

On suivra leur évolution, bien différente car leurs quotidiens n’ont aucun point commun. Chacune grandit mais ce qui les unit sans qu’elles le sachent, c’est d’une part qu’elles ne s’oublient pas mais surtout le fait qu’elles soient capables de mépris et d’actes immoraux, sans mauvaise conscience ou presque.

 Elles n’ont pas des personnalités ordinaires, elles se démarquent par leur façon de faire ou d’être, par leur caractère et par leurs idées parfois en marge d’une certaine normalité. Elles mettent presque le lecteur mal à l’aise à cause de leur attitude …

Elles finiront, à l’âge adulte par se retrouver. Je serai tentée d’écrire pour le meilleur mais surtout le pire. Rien ne les arrête … elles n’ont pas froid aux yeux.

C’est un roman qui aborde de nombreux thèmes. L’amour, les amitiés troubles, la vie au 19 -ème siècle au Canada avec la place des femmes dans la société, la vie des ouvriers et des riches patrons, les conditions de travail pour les adultes et les enfants, le mensonge, les jeux de pouvoir, le jeu de manipulation lorsqu’une personne veut arriver à ses fins, le sexe avec ce qui semble dans la norme ou pas, ce qu’on peut taire ou dire, voire écrire …

Ce livre explore tout ça, il est foisonnant. L’auteur a une écriture (merci à la traductrice) prenante, vive. Elle décrit bien les événements, les pensées et ressentis de ses personnages.

J'ai trouvé ce récit intéressant et original au niveau des rebondissements. Ce qui m’a manqué, c’est d’avoir de l’empathie pour un ou une des protagonistes. Aucun ne m’a donné envie de le prendre par la main et de l’accompagner. Je les ai regardés de loin sans m’attacher.


"Pour nous" de Christian Pernoud

 

Pour nous
Auteur : Christian Pernoud
Éditions : Taurnada (3 Octobre 2024)
ISBN : 978-2372581370
280 pages

Quatrième de couverture

Matthew écrit des scénarios à New York. Andrea skie en Californie. Ils se rencontrent sur un trottoir de Manhattan et le coup de foudre est immédiat. De cet amour naît Fanny. Alors pourquoi, à son retour de la maternité, Matthew saute-t-il du quinzième étage de son appartement ? Quel secret emporte-t-il avec lui ?

Mon avis

Matthew habite New York, son quotidien c’est une vie à cent à l’heure. Avec son ami Larry, ils écrivent des scénarios. Ils ont rencontré le succès et on peut dire que tout roule pour eux. De l’argent, un bel appartement … Ils n’ont pas besoin de compter, les revenus sont réguliers, ils se sont faits une place au soleil de la grosse pomme.

Mais depuis quelque temps, Larry ne va pas bien. Il finit par abandonner la collaboration et disparaît après avoir laissé un message énigmatique à son copain de toujours. Matthew n’y comprend rien, leur affaire tournait à merveille et il est inquiet. Seul, pourra-t-il assumer les demandes des professionnels ? Ce qui faisait leur force, c’était leur association. Très anxieux, il se questionne beaucoup. Pourquoi son pote a disparu, que cachait-il ? Avait-il peur ? Si oui, de qui, de quoi ?

Heureusement, Andrea est entrée dans sa vie. Elle connaît à peine New-York et n’a pas forcément envie d’y vivre. Elle préfère le ski et les grands espaces. Tout le contraire de Matthew qui réside en ville. Pourtant ces deux là tombent sous le charme l’un de l’autre ! Amoureux, ils s’installent à New-York mais partent régulièrement vers les parents d’Andrea pour se ressourcer en pleine nature. Andrea en a besoin, elle est enceinte. C’est au cours d’un de leur voyage qu’ils remarquent des choses bizarres et commencent à s’interroger.

Quelques mois plus tard, une petite Fanny naît et Matthew se suicide. Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’est-ce qui lui a pris ? A-t-il caché des événements graves à sa compagne ? Y-a-t-il un lien avec ce qu’ils avaient observé ?

C’est un récit prenant, addictif, qui se lit vite. On a envie de savoir, alors on tourne les pages. On frissonne, on se dit « et si c’était vrai ? ». J’ai particulièrement apprécié le thème mis en exergue qui ne peut que nous questionner.  L’auteur nous offre un texte bien écrit. C’est fluide, les dialogues sont vivants, et les rebondissements maintiennent notre intérêt. Il y a de l’amour, du mystère et en filigrane, une réflexion sur l’avenir. J’ai trouvé ça plutôt bien amené et bien pensé.

J’ai également aimé que certains faits se déroulent dans l’ombre, on essaie de comprendre, de ne pas être manipulé, de rester attentif au moindre indice mais il y a toujours un élément qui nous échappe ou qu’on n’interprète pas comme il le faudrait. Et après, on se dit « Mais c’est bien sûr ! »

Ce roman regroupe plusieurs genres, entre amour et pages plutôt tranquilles, thriller avec la peur au ventre et même légère dystopie. Le lecteur est bousculé dans le bon sens et c’est ce que je recherche dans mes lectures !


"Impact" de Gilles Rochier & Deloupy

 

Impact
Auteurs : Gilles Rochier (texte) & Deloupy (dessin)
Éditions : Casterman (14 Avril 2021)
ISBN : 978-2203047976
104 pages

Quatrième de couverture

Âgé d'une quarantaine d'années, Dany vit en marge de la société. Aux prises avec la justice, abimé par un trauma qu'il cache, il se voit obligé d'aller consulter une psychanalyste... Jean est un ouvrier à la retraire. Il vit dans un Ephad et se sait condamné par la maladie. Lui aussi va raconter son histoire...

Mon avis

Dans cet album magnifique, deux histoires se télescopent. Celle de Dany, qui a vécu un traumatisme avec des copains lorsqu’il était jeune homme. Depuis il est toujours resté un peu en marge. Il consulte une psychanalyste pour essayer d’évacuer son mal-être en revenant sur son passé.

Dans un Ephad, c’est Jean qui partage ses souvenirs avec un ami. Ouvrier syndicalisé, il a été de toutes les luttes, et ce n’était pas toujours simple…Il s’est parfois retrouvé face au chantage de ses supérieurs. Lui aussi, a vécu des événements qui le hantent.

On passe d’un personnage à l’autre, on se demande si quelque chose les relie, ce qu’ils peuvent avoir en commun. L’histoire se tisse, les récits s’interpellent, se répondent aussi. Les dialogues et les images offrent un regard sur une partie de la société, celle des cabossés de la vie.

C’est triste, limite dramatique, mais tellement émouvant !

J’ai eu la chance d’acheter Impact et de parler avec Deloupy, le dessinateur. Je lui ai demandé comment il mettait ses dessins au service du texte. Pour ce titre, Gilles Rochier lui a confié les deux histoires et ensuite, c’est lui qui les a « mises en scène », décidant de l’agencement des pages permettant de passer d’un personnage à l’autre. Il montrait régulièrement ses planches au scénariste, tout en restant libre dans son art.

Je suis totalement admirative et fan de ces croquis expressifs qui donnent vie aux individus, qui transmettent leurs ressentis par une position, un regard… Les couleurs ne prennent jamais le dessus, elles accompagnent et c’est bien.

J’ai beaucoup apprécié « Impact ». Avec des gens ordinaires, des faits simples qui dégénèrent sous l’effet de groupe ou parce qu’on les gère mal, une vie peut être transformée, bouleversée, impactée ….

Cette bande dessinée est particulièrement réussie, tant sur le fond que la forme !



"Les merveilles" de Viola Ardone (Grande Meraviglia)

 

Les merveilles (Grande Meraviglia)
Auteur : Viola Ardone
Traduit de l’italien par Laura Brignon
Éditions : Albin Michel (21 Août 2024)
ISBN : 9782226491428
404 pages

Quatrième de couverture

Elba porte le nom d'un fleuve : c'est sa mère qui l'a choisi. Seuls les fleuves circulent librement, lui disait-elle, avant de disparaître mystérieusement. Depuis, Elba grandit seule dans cet endroit qu'elle nomme le monde-à-moitié : un asile psychiatrique, à Naples. C'est là qu'elle pose son regard d'enfant, sur le quotidien de cette « maison des fêlés, avec dedans plein de gens qui ressemblent à des félins », nourrissant de ses observations son Journal des maladies du mental. Jusqu'au jour où le jeune docteur Fausto Meraviglia décide de libérer les patients, comme le prévoit une loi votée quelques années plus tôt en 1978, et de prendre Elba sous son aile. Lui qui n'a jamais été un bon père apprend le poids et la force de la paternité.

Mon avis

Ce récit commence en 1982, on fait connaissance avec Elba, quinze ans, née à l’asile où sa mère a été internée car elle avait fauté. Internement abusif bien sûr. Elba a grandi avec elle dans ce lieu puis est allée à l’école des bonnes sœurs avant de revenir (en se faisant passer pour malade mentale) afin de retrouver sa mère. C’est elle qui s’exprime dans la première partie de ce roman. Le phrasé est brut avec des phrases courtes, qui choquent, qui percutent. C’est même un peu « cru ». Elle décrit le monde des fêlés, le monde à moitié avec les calmes et les agités. Certains ne devraient pas être là, les soins ne sont pas forcément adaptés. On « soigne » à coups de cachets, de sangles, d’électro chocs,  parfois …. Écouter les malades ? Non, pas besoin …

Cette première partie n’est pas simple à lire, parce qu’elle renvoie des images de traitements injustes et violents pour les personnes hospitalisés. C’est révoltant car souvent les médecins ne vérifient pas le diagnostic énoncé. On peut se retrouver à l’asile parce qu’on dérange en n’étant pas d’accord avec sa famille….brrrr…. Malgré tout, j’ai eu le sentiment d’une présentation assez édulcoré du lieu et de ses habitants. Comme si l’auteur tenait à les rendre tous attachants.

Deuxième partie, 2019, c’est Fausto Meraviglia, maintenant âgé qui partage ses pensées. Il était « le jeunot », le médecin qui a débarqué à l’asile et qui, tenant compte de la loi 180 (de 1978) a voulu changer les méthodes en offrant aux patients « une ouverture sur l’extérieur ». Il raconte ses combats, ses déceptions, les difficultés rencontrées … Et on découvre cinquante ans après ce qu’il pense de tout ça.

Nous continuons cette lecture avec les années 1988 et 1989 et une dernière partie sur la journée du 31 décembre 2019.

J’ai été emballée lorsque j’ai lu « Le choix » de Viola Ardone et j’attendais beaucoup de ce nouveau titre. Je suis plus mitigée. Peut-être que j’attendais trop ou que le thème général de la folie n’était pas pour moi. Mais je ne regrette en rien ma lecture. La relation que la mère d’Elba tisse avec sa fille est merveilleuse, délicate et vaut à elle seule le détour.

L’écriture de l’auteur (merci à la traductrice) est poétique, pleine d’humanité. La lire c’est un plaisir. Elle ose aborder des sujets qui n’ont rien d’évident. Elle bouscule le lecteur, elle nous oblige à aller plus loin, à nous questionner sur tout ce qu’elle évoque.