"Les années perdues" de Mary Higgins Clark (The Lost Years)

 

Les années perdues (The Lost Years)
Auteur : Mary Higgins Clark
Traduit de l’anglais par Anne Damour
Éditions : Albin Michel (16 Mai 2012)
ISBN : 978-2226241399
416 pages

Quatrième de couverture

Pour Mariah, le cauchemar commence quand elle retrouve sa mère une arme à la main, près du cadavre de son père. Aucun doute pour la police : atteinte d'Alzheimer, Kathleen Lyons a tué son mari dans une crise de jalousie. Mais Mariah, elle, est convaincue de son innocence.

Mon avis

Oui, je sais ... j'avais dit qu'on ne m'y reprendrait plus et puis...le hasard a fait que ce livre est arrivé dans mes mains ... Je n'avais pourtant pas de temps à perdre .... tant d'autres lectures m'attendent... Il n'empêche que je l'ai lu, et fidèle à mes idées, jusqu'au bout....

La recette est la même que dans les derniers romans de cette écrivain dont les écrits ne se bonifient pas avec le temps... Quel dommage!!!

Ingrédients:

Une belle jeune femme frappée par le décès d'un proche, confronté aussi à un autre malheur (maladie d'un autre membre de la famille par exemple)

Une chose rare convoitée qui disparaît

Une situation où tout semble désigner un coupable mais la jeune femme n'y croit pas...

A côtés de beaux hommes, certains honnêtes, d'autres pas, mais comment savoir à qui faire confiance?

Rajouter à cela un couple d'amis qui mène une enquête en parallèle de celle de la police.

Saupoudrer d'une écriture lisse, fade, appliquée.

Partager en quatre vingt-quatre courts ou très courts chapitres et vous aurez un plat, pardon un livre, sans saveur, tout juste bon à vous tenir compagnie sur la plage et encore!!


"Entre deux rives" de Emmanuel de Waresquiel

 

Entre deux rives
Auteur : Emmanuel de Waresquiel
Éditions : L'Iconoclaste (15 Septembre 2012)
ISBN: 978-2-913366-47-3
340 pages

Quatrième de couverture

L’auteur a choisi cet instant ultime où la vie bascule, où l’homme est à nu, pour éclairer d’un jour nouveau la vie et la personnalité de chacun d’eux. Chaque texte est un récit en soi, détaillé, vivant, nourri d’écrits et d’archives. Jamais funèbre, souvent émouvant. On vit d’autant mieux que l’on se sait mortel : ce livre, parcouru par une réflexion sur la mort est aussi une méditation sur la vie, telle que l’ont écrite et vécue quelques écrivains, une invitation à la célébrer.

Mon avis

En se regardant vieillir, ils apprenaient à vivre ….Et si on apprenait à mourir ?

« Entre deux rives » c’est un livre qui nous parle de la mort, « revisitée » par l’auteur, de plusieurs écrivains.

En s’appuyant sur les écrits de ces derniers; sur des recherches qu’il a fait les concernant, il va approfondir le décès de chacun, d’eux. Qu’ils soient malades, suicidés ou décédés sans raison particulière, tous ont vécu … Cela peut sembler d’une logique implacable, on vit tous avant de mourir. Mais dans ce recueil, où « L’écrivain est le fantôme de ses livres. », Emmanuel de Waresquiel nous fait découvrir comment chacun des personnages choisis est passé sur « l’autre rive ». Tous ont « abandonné » un peu d’eux-mêmes dans leurs livres, ils n’étaient pas si sûrs d’eux qu’ils en avaient l’air… De grands névrosés, de grands torturés nos écrivains ? Non, des êtres humains, terriblement humains, tout simplement…

Donc porteurs de forces et de faiblesses, se posant des questions, ne supportant pas de devenir un personnage public, refusant de vieillir de façon « ordinaire », recherchant le bonheur…

L’écriture d’ Emmanuel de Waresquiel est fluide, les phrases ne sont jamais trop longues. Il a une façon d’énoncer les faits très vivante, on n’a pas du tout l’impression qu’il les « pose » les uns à la suite des autres mais vraiment qu’on assiste à une « tranche de vie » jusqu’à …. La mort…. On ne se sent nullement voyeur et sous le propos bien agencé, bien documenté, on reconnait la qualité de la plume de l’historien.

Mention spéciale pour le chapitre sur Philippe de Nerval dont j’avais déjà lu la pendaison dans les secrets des grands crimes de l’histoire (Philippe Charlier), les informations se recoupent, se complètent et me donnent envie d’en savoir encore plus.

"Marie et Marya" de Jilian Cantor (Half Life)

 

Marie et Marya (Half Life)
Auteur : Jilian Cantor
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascale Haas
Éditions : ‎ Préludes (13 avril 2022)
ISBN : 978-2253080831
450 pages

Quatrième de couverture

Dans la Pologne de 1891, une jeune femme, Marya Sklodowska, s’apprête à épouser le mathématicien Kazimierz Zorawski. Mais les parents de son fiancé s’opposent à leur union. L’engagement est rompu. Déçue et humiliée, Marya quitte son pays natal pour la capitale française afin d’étudier la physique et la chimie à la Sorbonne. Elle change d’identité pour mieux s’intégrer et devient… Marie Curie. Si elle s’était mariée, que serait devenue la jeune Marya ?

Mon avis

Une magnifique couverture en miroir, comme le récit que l’on va lire. D’un chapitre à l’autre, nous allons suivre alternativement, Marie et Marya, une même « personne » mais ayant fait des choix différents. Parfois, on y pense « et si ? … si j’avais dit oui ou non, pris cette université ou une autre etc… », que se serait-il passé ?

Dans ce roman, Jilian Cantor, s’inspirant de la vie de Marie Curie (j’ai bien écrit « s’inspirant », il n’est pas question ici de biographie, même si certains fait sont réels), a imaginé deux vies pour elle. Une où elle arrive en France et devient Marie Curie, une ou elle reste Marya (son vrai prénom), en Pologne. L’auteur envisage deux destins, deux quotidiens, liés malgré tout par quelques personnages qui apparaissent sur les deux faces, mais pas forcément avec le même rôle. J’ai trouvé cela très bien fait. Deux hypothèses de départ pour deux avenirs bien distincts mais une même soif d’apprendre tout ce qui a trait aux sciences. C’est important car cela caractérise beaucoup Marie Curie.

Ce livre m’a paru intéressant car il montre l’importance des choix et la place des rencontres dans notre quotidien.

« …. je me demandai si c’était vrai. Si, par -delà nos choix, ce que nous avions, ce qui nous était donné et ce que nous prenions ou pas, il y avait certaines personnes dans nos vies vers qui nous trouvions notre chemin, quoi qu’il advienne. »

Il m’a donné envie de connaître la réalité de ce qu’a vécu cette femme d’exception. D’ailleurs il y a plusieurs références pour de futures lectures plus précises sur sa vie en fin d’ouvrage et c’est une excellente idée.

Jilian Cantor a évoqué des situations véritables comme l’université volante en Pologne. En effet, les filles étant interdites d’études supérieures, elles apprenaient en cachette, entre elles, en échangeant des savoirs. C’est courageux car elles prenaient des risques. On voit également les difficultés de l’époque, qu’elles soient financières, matérielles (parfois à cause de la guerre), morales quand on ne sait plus que choisir… Quelques explications scientifiques sont vérifiables et prouvent qu’avant d’écrire, l’auteur s’est soigneusement documenté. Elle en parle à la fin en donnant des explications sur la genèse de ce recueil.

Marie et Marya donnent l’impression de ne pas avancer au même rythme, de ne pas avoir les mêmes priorités mais elles sont toutes les deux des femmes de caractère, souhaitant agir plutôt que subir. J’ai apprécié celles et ceux qui les entourent, avec des personnalités bien définies mais il est parfois un peu dommage que d’un côté à l’autre, les rôles s’inversent.

L’écriture est agréable (merci à la traductrice), accrocheuse avec quelques aspects que je qualifierai de « très féminins » et qui me laissent penser que ce recueil est plus destiné aux lectrices. Les deux suppositions sont racontées avec un « je », permettant à Marie / Marya de se positionner, de donner son ressenti.

J’ai eu du plaisir à cette lecture et je vais sans tarder acheter « Une femme honorable » de Françoise Giroud pour sortir de la romance et entrer dans une vraie connaissance de Marie Curie.


"Vent de glace" de Patricia Cornwell (The Bone Bed)

 

Vent de glace (The Bone Bed)
Une enquête de Kay Scarpetta
Auteur : Patricia Cornwell
Traduit de l’anglais par Andrea-H Japp
Éditions : Des deux Terres (20 Mars 2013)
ISBN : 978-2848931357
416 pages

Quatrième de couverture

Une éminente paléontologue disparaît d’un site de fouilles renfermant des ossements de dinosaures au fin fond du Canada. Un message macabre parvient à Kay Scarpetta, lui laissant la détestable impression qu’il pourrait correspondre à cette disparition. Quand elle est appelée peu après à repêcher dans le port de Boston un cadavre de femme, les événements s’enchaînent. Kay Scarpetta se retrouve face à un tueur en série fort intelligent et n’ayant aucune crainte d’être arrêté. Comme les indices semblent établir un lien avec d’autres affaires non résolues, les sciences médico-légales les plus pointues sont sollicitées. La chasse du coupable commence dans la ville de Boston prise sous un vent de glace.

Mon avis

Retrouver Kay Scarpetta, c’est un peu retrouver une vieille copine.

J’ai l’impression et qu’elle et moi vieillissons au même rythme avec nos hauts et nos bas. Parfois, elle m’agace un peu car elle en fait trop, elle dilue un tantinet ce qu’elle me raconte et j’ai envie de lui dire d’aller à l’essentiel ; à d’autres moments, je suis scotchée à ses écrits dès les premiers mots….

Il faut bien l’avouer, je m’intéresse plus à Kay qu’à son auteur Patricia (même si je suis consciente qu’elle met beaucoup d’elle dans ses personnages).

Kay, c’est une femme comme je les apprécie : consciencieuse dans son boulot, volontaire dans ce qu’elle veut réussir à comprendre, appliquée dans les tâches précises, attentionnée avec sa nièce, fidèle auprès de ses amis, intuitive, dynamique, réactive ; amoureuse d’un homme qui a de grands bras pour la protéger…Et pour ne rien gâcher, Kay a un cerveau ;-) et de temps à autre, elle a besoin de solitude….

C’est donc Kay qui raconte, se raconte, explique, dissèque (au sens propre et figuré)…

Malheureusement, elle a un défaut, bien féminin, lorsqu’elle s’exprime …. par exemple :

« Elle verse le breuvage corsé et sucré, sur lequel s’enroule une légère couche de mousse brun clair, l’expresso cubain qu’elle a pris l’habitude de préparer il y a des années de cela…. »

Un homme écrirait : « Elle se sert un bon expresso cubain comme à son habitude… »

Et que dire des descriptions vestimentaires lorsque Kay précise qu’elle remonte la fermeture éclair gauche puis la droite de sa combinaison jaune (ou bleue mais qu’importe !) avant d’enfiler ses chaussures, ses gants…. Elle simplifierait en disant qu’elle s’habille… Bien sûr le livre serait plus court mais ses détracteurs auraient moins à lui reprocher (moi, je lui pardonne parce que c’est une vieille copine…)

Si on fait fi de ses digressions, c’est une histoire qui se tient (quoique, elle a fait mieux) et comme le rythme s’accélère sur la fin, on en viendrait presque à oublier le début poussif (c’est comme les enfants en colonie de vacances à qui on sert des frites, du chocolat, des glaces le dernier jour pour qu’ils ne se souviennent que de ça…. (Ah bon, moi aussi je rajoute des inutilités ?))

Les relations entre les personnages sont creusées ainsi que ses propres ressentis mais là aussi, comme elle vit constamment avec les mêmes personnes, ce sont toujours les rapports complexes qu’elles entretiennent avec elle et entre elles qui sont évoquées. Ce qui est dommage car cela fait passer l’analyse de la personnalité du tueur et ses motivations au second plan.

Dans le dernier tiers tout s’accélère et devient plus intéressant et on retrouve à ce moment-là, l’écriture alerte et pointue de l’auteur.

Tout au long de l’opus, les apports scientifiques et les techniques de pointe sont décrits avec précision (mais là, c’est vraiment intéressant…) et on constate que Patricia Cornwell a de très bonnes connaissances ou une excellente documentation.

Globalement ce roman n’est pas une catastrophe mais les premiers me semblaient meilleurs (ou alors je deviens difficile en vieillissant). De plus, si le lecteur ne s’est pas attaché à Benton, Marino et Lucy dans les récits précédents, je ne suis pas certaine qu’il les trouve follement captivants ni qu’il soit intéressé par certains pans de leur passé que Kay se rappelle et dont « elle parle »….

Je suis donc restée sur ma faim, un peu déçue car je sais que l’auteur a la possibilité de faire mieux. Ses premiers opus étaient beaucoup plus aboutis … Mais un peu comme dans un feuilleton, j’ai envie de savoir ce que deviennent ses personnages donc je la lirai encore….

NB: les mœurs de la tortue luth, voilà quelque chose qui change!!!

"Les naufragés de Pyrimont" de Sylvain Faurax

 

Les naufragés de Pyrimont
Auteur : Sylvain Faurax
Éditions : du Volcan (17 mars 2022)
ISBN : 979-1097339432
200 pages

Quatrième de couverture

Deux cousins, Christian et Eugène, sont séparés dans leur jeunesse. Le premier émigre en Louisiane et fait de la prison pendant que l’autre, ouvrier sur le barrage de Génissiat, est déporté en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale. À son retour des camps de concentration, sa femme, Lise, ne le reconnaît pas. Devenu mineur à l’issue du conflit, Eugène invite Christian qui vient de purger sa peine à les rejoindre, mais dans le village de l’asphalte, les anciennes rancœurs et larrivée de « lAméricain » perturbent les liens entre les habitants.

Mon avis

La guerre et ses ravages, tant physiques que moraux, destructeurs pour la personnalité des hommes… La prison, c’est la même chose. Deux entités dont vous ne sortez pas indemnes, qui vous changent un homme, ses rapports au monde, ses liens aux autres….

A la base, ils sont cousins, Eugène et Christian. L’un a connu les conflits armés, l’autre l’arrestation, la maison pénitentiaire, des lieux où on vit en vase clos, entre hommes, luttant pour survivre, le regard presque bestial, le corps affamé, la violence si proche…

C’est le temps de l’après, où il faut continuer, éventuellement se reconstruire. Christian a purgé sa peine et Eugène l’invite à venir chez lui, dans la maison où il habite avec Lise, son épouse. Rien ne sera simple. Eugène est marqué à vie, sa femme ne le reconnaît pas. Christian est plus souvent au domicile. Des liens se créent, se défont, se fissurent, se consolident entre ces trois-là et avec ceux qui les côtoient. Ce qu’ils ont vécu a laissé des stigmates. Comment peuvent-ils continuer la route ? Il faut tenir compte de ces blessures mais aussi accepter de les laisser se cicatriser sous peine de rester bloqués.

Sylvain Faurax, avec une acuité très fine, explore les âmes des hommes et des femmes placés face à des choix terribles, pour leur survie matérielle, physique, mentale. Comment garder le cap quand on a vu et vécu des horreurs, quand tout s’est écroulé autour de vous et que vous vous sentez terriblement seuls ? Avec une écriture lumineuse, l’auteur décortique les failles et les forces humaines dans un roman au ton très juste, inspiré de faits réels.


"Le lac de nulle part" de Pete Fromm (Lake Nowhere)

 

Le lac de nulle part (Lake Nowhere)
Auteur : Pete Fromm
Traduit de l’américain par Juliane Nivelt
Éditions : Gallmeister (6 Janvier 2022)
ISBN :  978-2-35178-285-9
450 pages

Quatrième de couverture

Cela fait bientôt deux ans que Trig et Al, frère et sœur jumeaux, n’ont plus de contact avec leur père. Et voilà qu’il réapparaît dans leur vie et réclame "une dernière aventure" : un mois à sillonner ensemble en canoë les lacs du Canada. À la fois excités à l’idée de retrouver la complicité de leur enfance et intrigués par ces retrouvailles soudaines, les jumeaux acceptent le défi de partir au milieu de nulle part. Mais dès leur arrivée, quelque chose ne tourne pas rond, les tensions s’installent.

Mon avis

Sublime !

Je vais être encore une fois dithyrambique en parlant de Pete Fromm, un auteur qui me bouleverse à chaque fois. Il trouve un sujet à nouveau pour chaque livre. Il décortique les âmes, il analyse les rapports humains avec énormément de finesse. Avec trois fois rien, ici, un père ses deux enfants jeunes adultes, la nature et une météo un peu limite, il vous campe un récit qui vous prend aux tripes dès le départ et qui ne vous lâche plus jusqu’à la fin.

Pourtant on pourrait dire qu’il ne se passe pas grand-chose, presque rien, mais tout est dans le ressenti, l’atmosphère, l’approche des personnalités. Il distille des indices par petites touches. Il nous fait comprendre les événements antérieurs, nous laisse envisager la suite. Il parle des relations familiales comme personne. Il donne vie aux personnages, on a l’impression d’être avec eux, de les accompagner. Chacun de ses récits est différent et pourtant porté par la même volonté : celle de parler de la famille, de ses failles, de ses peurs, de ses doutes, de ses erreurs, de sa construction, de sa destruction, de ce qu’elle est tout simplement.

Ces trois-là, le père et les jumeaux ont pour but de passer un mois ensemble, de naviguer, de camper, comme au bon vieux temps. C’est Trig, le fils, qui raconte. Les souvenirs remontent, le présent est là avec les difficultés liées au temps, ce n’est peut-être pas la période idéale pour faire cette longue randonnée. Est-ce qu’ils vont « se retrouver » facilement ? Est-ce qu’il y aura des non-dits, des tensions qui ressortiront ?

Avec son écriture fluide (merci à la traductrice pour son travail), emplie de sensibilité, de retenue, Pete Fromm me met le cœur en vrac. On dirait que c’est facile, tant ça coule tout seul mais je pense, au contraire, qu’il est ardu d’écrire ce qui fait le sel de la vie sans se poser en juge, en censeur, sans être lourd, en laissant les héros de papier prendre vie et chair comme des compagnons d’une partie de notre route, des gens qu’on n’oubliera pas.

Coup de cœur pour ce recueil et merci Monsieur Fromm !


"Qui a tué Rose?" de Claire Allan (Her Name Was Rose)

 

Qui a tué Rose ? (Her Name Was Rose)
Auteur : Claire Allan
Traduit de l’anglais par Nicolas Porret-Blanc
Éditions : L’Archipel (21 Avril 2022)
ISBN : 978-2809843729
385 pages

Quatrième de couverture

Quand Emily sort du centre commercial ce jour-là, elle assiste, impuissante, à un accident : une femme est renversée par un automobiliste qui prend la fuite. Très vite, la presse locale relaie les détails du drame : la victime s'appelait Rose. En effectuant des recherches sur les réseaux sociaux, Emily se met à envier la vie si parfaite de Rose, elle qui enchaîne les échecs, tant professionnels que sentimentaux.

Mon avis

Emily a un travail qui ne lui convient pas bien. Elle est séparée de son petit ami avec qui elle a eu une relation un peu tumultueuse. Elle se sent menacée par lui, même si elle a pris ses distances. Elle tient le coup avec des anxiolytiques et une consommation d’alcool non raisonnée. Elle est en froid avec ses parents. Son appartement n’est pas terrible. Autrement dit, sa vie est loin d’être une réussite, malgré le soutien de son ami Maud qui est très loin.

Mais comment faire pour changer le quotidien quand rien ne s’offre à vous ? Elle est résignée, un tantinet découragée.

Après quelques courses au centre commercial, elle prend l’ascenseur avec une jeune maman et son fils en poussette. Une femme épanouie, un bébé qui gazouille…. Elle la laisse passer la première et en sortant, c’est le drame… Une voiture renverse la jeune femme qui n’a eu que le temps de lancer la poussette en avant pour protéger son petit. Elle meurt sous les yeux d’une Emily totalement bouleversée. Elle se pose des questions, ne serait pas son ex, Ben, qui a voulu la tuer ? Elle aurait dû être là, sur le macadam, à la place de Rose….

Rentrée chez elle, elle se met à chercher des informations sur Rose. Elle avait une vie parfaite, un mari écrivain, une belle maison, tout pour être heureuse. Tout ce que n’a pas Emily, qui en plus, vient d’être licenciée…. En creusant, elle s’aperçoit que Rose était assistante dentaire, une activité professionnelle que maîtrise Emily. Alors, elle postule, se retrouve embauchée, se glisse dans les pas de Rose, rencontrant ses collègues puis quelque temps après son mari.

Et si le décès de Rose était l’occasion d’un tournant dans la morosité des jours ? Et si une nouvelle chance s’offrait à Emily ? Elle « suit » le mari éploré sur les réseaux sociaux, lit ses messages désespérés, s’inquiète à distance pour cet homme dont elle ne sait rien mais qui l’apitoie…. Il est tellement attendrissant….

Qui sait ? Un rapprochement sera peut-être possible, une simple sympathie pour l’aider, voire une amitié et pourquoi pas de l’amour ? Elle aussi, elle a souffert, elle se sent à même de le comprendre. Mais est-ce que Ben ne rode pas dans l’ombre ? Je n’ai pas senti d’empathie particulière pour Emily. J’aurais voulu la secouer, lui dire d’être un peu plus indépendante… Mais son caractère était ainsi défini.

Avec un art du suspense parfaitement maîtrisé, Claire Allan nous entraîne dans un thriller psychologique. Si quelques passages sont un peu lents, le rythme est quand même suffisant. On sent de nombreuses zones troubles, tout le monde a des secrets, on se questionne et la fin n’est pas celle qu’on imaginerait. L’écriture est fluide, merci au traducteur. Les événements ne sont pas toujours ce qu’on pense. L’auteur nous démontre le poids et le danger des médias, des influences, des apparences. Il y a parfois de bien vilaines choses sous un vernis de façade, des non-dits, des mensonges, de la peur ….

Des thématiques intéressantes sur les relations dans les couples sont abordées. Parfois certaines personnes préfèrent ne rien dire, faire comme si plutôt que de laisser éclater une vérité qui peut les mettre en danger.

Claire Allan a écrit là un récit addictif, bien ficelé, j’ai passé un bon moment.


"Des yeux pour entendre" d'Olivier Sacks (Seeing Voices)

Des yeux pour entendre (Seeing Voices)
Auteur: Olivier Sacks
Traduit de l’anglais pat Christian Cler
Éditions : Points (21 Novembre1996)
ISBN: 9782020239813
305 pages

Quelques mots sur l’auteur

Né à Londres, neurologue, il exerce et enseigne au Albert Einstein College of Medicine à New York. Il est l’auteur de Migraine (1986), L’Éveil (1987), Sur une jambe (1987), L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau (1988), Un anthropologue sur Mars (1996) et Musicophilia (2009).

Quatrième de couverture

Les livres précédents d’Oliver Sacks nous ont montré l’originalité de sa démarche : aborder des maladies ou des affections comme autant de « mondes » particuliers, autant de modes d’existence et de conscience spécifiques.
C’est à un voyage dans le monde de la surdité qu’il nous convie cette fois-ci, en nous racontant, tout d’abord l’histoire de ce monde. La difficulté pour les sourds d’entrer dans le langage les a longtemps fait considérer comme intellectuellement inférieurs ? Jusqu’au jour où l’abbé de l’Épée, au XVIIIe siècle, à Paris, les écouta, c’est-à-dire observa la langue des signes qu’ils pratiquaient déjà entre eux, et, à partir d’elle, mit au point un système de communication gestuel.
Mais ce livre est plus qu’une histoire. Il montre également ce que la surdité peut nous apprendre à tous, sur notre condition d’êtres parlants. Ce que les sourds donnent à voir, à qui les écoute, c’est bel et bien une autre façon, aussi riche que celle des entendants, de pratiquer le langage ? Une autre manière d’être humain.

Mon avis

La principale difficulté de ce livre est la place prise par les annotations, les notes de bas de page, parfois plus importantes sur une même feuille que le texte lui-même. Il leur arrive d’être tellement longues qu’elles envahissent plusieurs pages consécutives et lorsque vous revenez au texte, il faut quelques secondes pour reprendre pied dans la lecture et le thème abordé dans le paragraphe.

Si l’on fait abstraction de cet écueil, c’est une lecture abordable, instructive, intéressante et plutôt complète. Elle se compose de trois parties.

La première partie retrace un historique de la surdité agrémenté de nombreux renvois à d’autres ouvrages ou articles ainsi qu’un début de réflexion sur langue des signes ou oral pour les personnes souffrant de surdité, la place des sourds dans la soiciété.

La deuxième partie, la plus longue et très intéressante d’un point de vue des connaissances qu’elle apporte, se penche sur la langue des signes, son utilisation, sa place dans la vie des sourds. L’auteur aborde aussi la relation à l’autre, et comment les signes sont la parole. Le dilemme de certains parents, qui veulent que leur enfant soit bien chez les sourds mais aussi chez les entendants (et pour cela avoir la possibilité de communiquer des deux façons de peur de ne sentir appartenir à aucun des deux mondes.)

Il développe la langue des signes en la présentant, en expliquant comment elle utilise l’espace, la position des mains, les yeux et le visage du signeur. Comment un même signe peut être modifié dans l’espace pour donner différents sens (exemple avec le « signe » regarder qui peut vouloir dire surveiller, dévisager, fixer des yeux, regarder longtemps…)

Il nous rappelle que la langue des signes ( à ne pas confondre avec le français signé ou l’américain signé) est une langue à part entière avec une syntaxe grammaticale qui lui est propre.

La troisième relate une grève en Mars 1988 à l’Université de Gallaudet, destinée aux sourds et malentendants, située à Washington où l’enseignement est bilingue. Les étudiants ont manifesté pour obtenir un président d’université sourd.

Cette partie développe les relations entre sourds et entendants et démontrent combien les personnes sourdes revendiquent d’appartenir à une communauté d’où la nécessité d’un responsable qui les comprenne.

Je côtoie des élèves sourds, je pratique la LSF (langue des signes française) depuis 2004. J’ai donc apprécié cet essai qui m’a donné d’autres éléments pour mieux comprendre la communauté sourde, les respecter encore plus si cela est possible, les connaître et les aimer pour ce qu’ils sont, comme ils sont avec toutes leurs richesses (ce dont je ne doutais pas et dont je suis persuadée depuis des années.)

"Fleurs sanglantes" de Colleen McCullough (Naked Cruelty)

 

Fleurs sanglantes (Naked Cruelty)
Carmine Delmonico 3
Auteur : Colleen McCullough
Traduit de l’anglais par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (4 Juillet 2012)
ISBN: 9 782809 807219
440 pages

Quatrième de couverture

Automne 1968. Holloman, ville moyenne du Connecticut, connaît une série de troubles sans précédent. Il y a d'abord cette étudiante qui vient porter plainte après avoir été violée. Son agresseur ? Un homme nu au corps entièrement maquillé. Du coup, les langues se délient. Et les victimes du prédateur déferlent au commissariat... Puis il y a cette boutique d'art vandalisée, recouverte d'immondices par un inconnu. Et enfin cette cache d'armes trouvée dans le lycée de la ville... Triple casse-tête pour le lieutenant Carmine Delmonico, d'autant qu'il ne peut compter sur l'intégralité de son effectif et que l'on vient de lui imposer une nouvelle recrue, Helen MacIntosh, belle et ambitieuse fille de l'influent président de l'université...A une époque où les techniques de la police scientifique n'existent pas encore, il lui faut s'armer de patience et de détermination.

Mon avis

De l’eau a coulé sous les ponts depuis « Les oiseaux se cachent pour mourir » et les amours contrariées des protagonistes. Je dis de l’eau…ce serait plutôt du sang…. car Madame McCullough a changé de registre….elle « fait » dans le policier.

Son écriture coule toujours, fluide et légère, parfois un peu trop à mon goût… Un peu plus de profondeur dans l’analyse et le contenu ne m’auraient pas déplu.

Pourtant, elle part d’une bonne idée. L’intrigue se passe en 1968 et pas question d’ADN, de recherches sur google et autres facilités dans ce genre pour mener l’enquête sur cet homme, violeur violent, se faisant appeler dodo, comme l’oiseau du même nom…

Le capitaine Carmine Delmonico doit mener ses investigations avec les moyens du bord, ceux de l’époque, pour tenter d’arrêter cet homme. A sa suite, on se retrouve dans la vie d’un commissariat et on observe plusieurs recherches ainsi que les tracas quotidiens des différents membres de son équipe…

Le problème principal en lisant ce livre, c’est qu’il y a trop de faits et d’enquêtes et que tout n’est pas relié. Donc le lecteur décroche, se raccroche, s’éloigne, revient, c’est le syndrome de l’élastique….. Du coup, on ne se passionne pas, on n’a pas le temps de prendre fait et cause pour un personnage car très vite d’autres arrivent. On pose le livre, on le reprend, rien ne nous tient et si le téléphone sonne, on décroche …. Pas très bon signe pour un roman policier !!!!! Cela aurait pu être intéressant peut-être, si le fil conducteur avait été la vie de l’équipe doublée d’une analyse approfondie du malfrat recherché, mais on ne le « sent » pas, rien ne prend le dessus, tout reste entre deux eaux, euh……non entre deux groupes sanguins, parce que, pour faire « thriller », l’auteur n’a pas oublié les doses régulières d’hémoglobine….

Bref, j’ai lu parce que j’aime bien savoir et aller au bout des pages lorsque je commence un livre mais je suis restée sur ma faim…

D’abord le titre, j’ai une idée pour l’expliquer mais c’est un peu tiré par les cheveux, je veux bien des explications…..

Ensuite les personnages principaux:

Helen, belle et exaspérante quelle que soit sa tenue et finalement assez attachante sans doute parce qu’elle a du caractère, du « piquant » et qu’elle n’est pas fade.

Carmine, et son épouse Desdemona, humain, attendrissant, comme un homme qui de temps à autre montre ses faiblesses…

Le Dodo, pas assez « cerné » à mon goût, cela reste trop superficiel et de nombreuses questions de la curieuse que je suis, resteront sans réponse.

Le contenu, un peu trop diversifié, même si cela reste clair et lisible, ça part dans tous les sens. Il manque des choses et d’autres m’ont semblé peu utiles (ou alors, le but était d’entraîner le lecteur sur d’autres routes ?) De plus, situant les événements se déroulant en 1968, l’occasion était belle de nous faire un peu revisiter l’histoire de ce pays à cette époque, étoffant ainsi la lecture de belle façon….

Finalement, je suis déçue … Je crois pouvoir écrire que ce roman manque de régularités, entre la scène du début, particulièrement agressive qui laisse à penser qu’on rentre dans un polar noir … et certains remplissages de pages qui font piétiner le lecteur impatient …. L’équilibre n’est pas le bon…. Dommage ….


"Sherlock Holmes et les protocoles des Sages de Sion" de Nicholas Meyer (The Adventure of the Peculiar Protocols)

 

Sherlock Holmes et les protocoles des Sages de Sion (The Adventure of the Peculiar Protocols)
d’après les mémoires du Dr Watson
Auteur : Nicholas Meyer
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Guyon
Éditions : L’Archipel (14 Avril 2022)
ISBN : 9782809842173
274 pages

Quatrième de couverture

6 janvier 1905. Sherlock Holmes – qui fête ses cinquante ans – et le Dr John Watson sont convoqués par Mycroft, le frère du célèbre détective, au club Diogène. Sur place, ce dernier leur remet les documents retrouvés sur le corps d'une agente des Services secrets britanniques, repêché dans la Tamise : Les Protocoles des Sages de Sion. Holmes et Watson prennent alors l'Orient-Express pour la Russie des tsars, d'où provient ce texte explosif, bien que sujet à caution. Mais à leurs trousses s'élancent des adversaires déterminés à les empêcher de découvrir la vérité.

Mon avis

Le Docteur Watson est le fidèle ami du détective Sherlock Holmes, il l’aide même à résoudre certaines affaires en jouant un rôle actif à ses côtés. Il paraît qu’il écrit un journal et Nicholas Meyer, par un concours de circonstances à découvrir dans l’avant-propos, se retrouve avec une partie de ses écrits. En résulte ce nouveau roman, pastiche holmésien.

Janvier 1905, Mycroft, frère de Sherlock, l’invite avec Watson au club Diogène. Un drôle de lieu où les hommes ont une discussion assez brève. Les deux convives récupèrent des documents qu’une agente britannique assassinée avait avec elle. Il s‘agit des Protocoles des Sages de Sion (texte inventé de toutes pièces par la police secrète du tsar et publié pour la première fois en Russie en 1903. Ce faux se présente comme un plan de conquête du monde établi par les Juifs et les francs-maçons). Une histoire totalement nouvelle, un cas inédit pour les deux compères.  Ils vont mener une double-enquête à la fois sur le meurtre de la femme et sur les protocoles pour comprendre ce qui les a inspirés et ce qu’ils peuvent apporter (ou pas) comme danger.

Mêlant habilement le compte-rendu de Watson (avec des pages manquantes ; -) bien à propos), faits réels et fictifs, l’auteur nous entraîne dans l’Orient-Express et nous fait voyager. Explications, fines analyses, suppositions, hypothèses, Nicholas Meyer s’appuie sur tout cela pour nous faire pénétrer dans un univers que Conan Doyle ne renierait pas. C’est très fort et parfaitement bien pensé.

L’écriture fluide, le style vivant permettent au lecteur de s’imprégner de l’atmosphère, du décor, c’est très visuel. Je croyais voir les sourires en coin, les moustaches masculines, les regards échangés, les gestes presque cachés mais vus…. Les images défilaient sous mes yeux, et dans le train, je visualisais les lieux, les scènes. Le pouvoir descriptif de l’auteur est de qualité.

En ce qui concerne les personnages, j’ai apprécié les pointes d’humour pour parler de certains que ce soit pour le caractère ou autre chose. Ils ne sont pas neutres et tissent des liens surprenants parfois et comme dans la vraie vie, parfois on se doute que… et parfois pas du tout.

L’enquête, quant à elle, est particulière. On n’est pas face à une rapide course-poursuite ou à de dangereux malfrats hyper violents. C’est beaucoup plus dans le « non palpable », dans l’étude de chaque indice, de chaque situation que Watson et Sherlock s’investissent. Ils sont en compagnie d’une jeune femme qui traduit le russe et qui n’est en rien une quantité négligeable, bien au contraire.

Si ce récit n’a pas un rythme trépident, il est très intéressant. Les allusions historiques m’ont donné le souhait de creuser ce que j’ai appris, notamment sur les Protocoles de Sion et sur les relations entre les pays de l’époque. On est au seuil de la première guerre mondiale et on sent les prémices de quelques petites choses qui ne rassurent personne….

Cette lecture m’a dépaysée. L’originalité de l’introduction, la cadence plutôt lente qui peut malgré tout provoquer des accélérations cardiaques quand on s’interroge sur le devenir des protagonistes, le phrasé typique, tout cela m’a permis de passer un excellent moment !


"Cachotteries" de Anne Gerbedoen

 

Cachotteries
Auteur : Anne Gerbedoen
Éditions :  Fleur Sauvage (21 octobre 2015)
ISBN : 979-1094428122
128 pages

Quatrième de couverture

Un vol plané du haut d'un beffroi Une facétieuse détective, son délicat mari Le drame d'une amie. Et une multitude de secrets...

Mon avis

Point besoin de faire dans la longueur pour écrire un roman atypique, distrayant. Avec de faux airs de Miss Marple, Hermione est une femme, comme beaucoup, non pas curieuse mais qui s’intéresse à son prochain. N’est-ce pas ? Je l’entends me chuchoter : « C’est ça, ce n’est pas de la curiosité mal placée, je m’intéresse aux autres et à leur histoire, c’est tout… »

C’est tout et c’est déjà beaucoup car à travers les nombreuses « connaissances »  (voisins, commerçants, amis et j’en passe…. ) de cette détective amateur, nous allons rencontrer une galerie de personnages aux prénoms fleuris, sortant de l’ordinaire et désuets à souhaits. Un régal, vous dis-je. Le style et le ton de l’auteur au phrasé choisi et de qualité laissent à penser qu’elle « en a sous la plume » et que ses futurs écrits, en s’étoffant, donneront des romans qui gagneront à être connus.

Ce que femme veut… et Hermione sait ce qu’elle veut. Elle désire plus que tout comprendre ce qui s’est passé, histoire d’en finir avec une certaine forme de culpabilité qui va venir la hanter. C’est un personnage haut en couleurs que l’on imagine sans peine, allant de l’un à l’autre, l’air de rien, pour fureter. Elle est malicieuse et intelligente. Elle nous entraîne à sa suite dans une enquête qui n’en est pas vraiment une… Elle questionne, observe, écoute, tend l’oreille, provoque des rencontres…. soliloque, fait des déductions et discute beaucoup avec son cher et tendre époux qu’elle emmène parfois avec elle dans des situations un peu délicates… Il est intéressant de remarquer que les seconds rôles ont également leur mot à dire et tiennent une place prépondérante dans le contexte global. Ce sont des individus bien décrits, en peu de mots, on les cerne, du moins en apparence, car de temps à autre, la part d’ombre de l’un ou de l’autre apparaît entre les lignes.

Chaleureux  et amusant, de bonne facture, ce livre permet de passer un excellent moment de lecture.


Dans le silence du vent de Louise Erdrich (The Round House)

 

Dans le silence du vent (The Round House)
Auteur : Louise Erdrich
Traduit de l’anglais par Isabelle Reinharez
Éditions : Albin Michel (21 août 2013)
ISBN : 978-2226249746
480 pages

Quatrième de couverture

Un dimanche de printemps, une femme est agressée sexuellement sur une réserve indienne du Dakota du Nord. Traumatisée, Geraldine Coutts n’est pas en mesure de révéler ce qui s’est passé à la police, ni d’en parler à son mari ou à son fils de treize ans, Joe. En une seule journée, la vie de ce dernier est bouleversée. Il essaie d’aider sa mère mais elle reste alitée et s’enfonce peu à peu dans le mutisme et la solitude. Tandis que son père, qui est juge, confie la situation à la justice et à la loi, Joe perd patience face à une enquête qui piétine et il décide avec ses copains de chercher les réponses de son côté.

Mon avis

J’ai une tendresse toute particulière pour les indiens, probablement à cause des livres de Forrest Carter et de Jim Fergus…ainsi que le film « Danse avec les loups ». Je lis des articles et des documents sur leur cause et je possède également de magnifiques livres de photographies les représentant.

Le livre de Louise Erdrich m’intéressait de façon toute naturelle.

L’écriture est pudique et lumineuse, le style poétique (surtout quand elle évoque légendes, coutumes ou habitudes indiennes…)

On rentre dans l’histoire à pas feutrés et on ressort de même, sur la pointe des pieds…

J’ai trouvé remarquable de parler d’un sujet aussi grave sans inciter à la haine, à la vengeance, à la violence. Géraldine, la mère de Joe, jeune indien de treize ans, n’a pas (plus) la force, l’envie, le souhait de combattre…Elle s’enfonce et entraine sa famille dans son apathie, son mutisme…mais Joe ne veut pas de ça. Avec ses moyens de jeune adolescent, ses copains, ses amis (ceux à qui ont peut tout dire et qui sont là quand on en a besoin) il décide de mener l’enquête, de comprendre et de savoir tout ce qu’on lui tait.

C’est à travers ses yeux et sa lutte, que nous allons découvrir la justice, les restrictions pour les recherches entre blancs et indiens, la difficulté d’inculper la bonne personne…

Joe est un enfant et il se trouve face à un drame qui n’est pas de « son âge ».

Obligé de grandir plus vite que prévu parce qu’il refuse de laisser les choses en l’état, parce qu’il ne supporte pas de voir sa mère, murée dans sa souffrance, s’éloigner d’eux de plus en plus….

L’auteur sait parfaitement adapter son style à l’âge de ce jeune garçon, elle plonge très bien dans son esprit, ses tourments, ses questionnements… A travers sa quête, sont glissé ça et là et très bien amenés des traditions, des façons d’être ou de vivre de la communauté indienne… C’est beau car inséré avec une exquise délicatesse.

Ce roman est comme une musique, impétueuse, calme, fougueuse, posée ….passant par toutes les vibrations du porte-parole de ce peuple indien qu’elle aime tant et dont elle fait partie….Merci Louise Erdrich !


"Quand ils rêvent les oiseaux" de Nora Bensaad

 

Quand ils rêvent les oiseaux
Auteur : Noura Bensaad
Éditions: Elyzad (8 Octobre 2009)
ISBN : 978-9973580214
112 pages

Quatrième de couverture

«Allongée et immobile, elle se laissait bercer par le mouvement de l’onde. Les vagues comme animées d’une volonté propre la poussaient vers le rivage, un rivage désert et lointain qu’elle-même désirait atteindre sans y parvenir.»

Tout au long des huit nouvelles de ce recueil, les vies oscillent et les personnages, pris de vertige, avancent à tâtons, au plus près des failles de leur existence. En même temps qu’eux, nous glissons dans un monde à la fois familier et étrange.

Mon avis

Une fois encore, je suis charmée par les éditions Elyzad …

Ce papier tramé, à la couleur légèrement surannée, comme celui que j’aime utiliser pour écrire, donne déjà l’impression de recevoir un courrier de qualité …

Ensuite, la photo de couverture, invitant à la rêverie, offrant un accès à la rêverie (observez le cadre noir, ne dirait-on pas le contour d’une fenêtre ?), comme une fenêtre ouverte sur …..

La tendresse ….

Ce mot s’est imposé à moi, après la lecture de ces nouvelles et j’ai pensé au grand Jacques et à sa chanson.

« Pourquoi crois-tu la belle

Que monte ma chanson

Vers la claire dentelle

Qui danse sur ton front

Penché vers ma détresse

Pour un peu de tendresse…. »

Jacques Brel

Ces petits récits « transpirent » la tendresse, la sérénité, la délicatesse, même si des sujets graves sont abordés …

Tendresse du don de soi, gratuit, sans calcul …

Tendresse du partage, de la rencontre …

Tendresse des souvenirs heureux, mais aussi parfois, douloureux …

Tendresse de la découverte …

Tendresse de l’ouverture à l’autre ….

Tendresse de l’écoute …

Tous font une belle place à l’imaginaire, juste ce qu’il faut pour envelopper l’esprit d’autres possibles, à la limite de la réalité …. Le doute peut planer mais c’est si beau lorsqu’on y croit … C’est tellement vrai tout cela lorsqu’on se laisse porter par l’écriture…

« Était-ce l’incertitude d’un à venir de son existence qui donnait à sa présence tant d’intensité ? »

Qu’il est beau ce « à venir » ….

Les mots sont doux, murmurés, chuchotés, choisis, amenés là, à l’instant où il le faut pour nous parler comme autant d’images, de photographies, de paysages, de tableaux … car il y a un peu de peinture dans l’écriture de Noura Bensaad.

Chaque nouvelle est présentée comme une peinture, par petites touches, apposées ici ou là, retraçant les questionnements du personnage, ses rencontres, sa vie, montrant comme il arrive qu’un événement, semblant anodin, puisse tout faire basculer …

En apparence, dissociés les uns des autres, ces récits, par de petits détails, semblent parfois rappeler un personnage, un événement évoqué dans les pages précédentes … formant ainsi un seul et même tableau au parfum de Méditerranée ….

"Le grand effondrement" de Sébastien Le Jean

 

Le grand effondrement
Auteur : Sébastien Le Jean
Éditions : Liana Levi (14 Avril 2022)
ISBN : 979-1034905638
400 pages

Quatrième de couverture

En région parisienne, un PDG a été savamment assassiné en un lieu dont personne ne soupçonnait l’existence, un bunker pour milliardaires. Le commandant Ronan Sénéchal aurait préféré ne pas être appelé sur cette affaire le jour de la naissance de son fils. En région lyonnaise, le corps d’un jeune youtubeur, connu pour appartenir à la mouvance écologiste radicale, a été repêché dans un étang. Le capitaine Irina Kowalski peine à comprendre qui a éliminé l’activiste qui voulait sauver le monde du changement climatique.

Mon avis

Commandant de police, Ronan Sénéchal a connu des moments difficiles, il a eu des zones d’ombre, a souffert, a dérivé et semble s’en être enfin sorti. Il est heureux avec sa femme Nathalie et vient d’être papa d’un petit Gaspard. Le bonheur enfin pour cet homme ? Il vient à peine de faire connaissance avec son petit bout, il est encore sous le coup d’émotions contradictoires : la souffrance de son épouse et le plaisir d’être père et voilà que son téléphone sonne…. Son adjoint l’appelle et lui dit qu’il l’attend. Le procureur de la république a demandé qu’il soit en charge d’une enquête sur le meurtre d’un PDG. Plutôt connu, il vient d’être retrouvé dans des conditions particulières. Ronan n’a pas envie mais c’est ainsi, le devoir l’appelle.

Il va prendre à cœur cette nouvelle mission. Au risque d’être déstabilisé dans son quotidien mais surtout dans ses convictions. Va-t-il renouer avec ses vieux démons, en trouver de nouveaux ? Se perdre et mettre son couple en danger ? L’affaire sur laquelle il doit faire des investigations est particulièrement bizarre. Le PDG a été assassiné dans un lieu hautement sécurisé, en région parisienne, où il se croyait à l’abri et prêt pour « le grand effondrement », cette éventuelle fin du monde où seuls ceux qui sont préparés (moralement, matériellement, physiquement) s’en sortiront. Que s’est-il passé ? Qui l’a tué et pourquoi, que revendique cette personne ?

Pratiquement en même temps, à Lyon, un jeune youtubeur, connu pour sa chaîne consacrée au survivalisme et à la défense de l’environnement est retrouvé noyé dans un étang. Il a été torturé. C’est au capitaine Irina Kowalski que sont confiées les recherches pour comprendre ce qui est arrivé au jeune homme.

Y-a-t-il un lien entre les deux affaires ? Aucune raison, les deux villes ne sont pas proches, les deux hommes encore moins … Et pourtant, le premier avec une activité professionnelle proche des voitures, « polluait » et le second, même radicalisé, voulait sauver la planète… Un même meurtrier, un clan, rien à voir ?

Avec une écriture nerveuse et musclée, sans temps mort, l’auteur nous entraîne dans un univers pas si fictif que ça. Tout au long de ce roman, on rencontre des personnages dont on se dit souvent « tiens, ça me fait penser à … » et on se dit « et si ? … » brrrr

J’ai envie d’écrire « même si on n’en est pas encore là », méfions-nous des dérives, des peurs fabriquées, des excès, des discours tout faits, écoutons mais renseignons-nous auprès des bonnes personnes et croyons encore en l’homme. Tout n’est pas mauvais en lui.

Les thématiques abordées dans ce récit sont d’actualité et c’est sans doute pour ça que le contenu nous frappe de plein fouet. Le style rapide, fluide, le propos addictif, tout cela capte rapidement l’attention du lecteur. Et une fois accroché, on n’a plus envie de laisser le livre !

J’ai trouvé cette lecture captivante tant sur le fond que la forme. Les protagonistes ont de l’épaisseur, notamment les policiers. J’ai tout à fait compris les réactions de Ronan et d’irina face à ce qu’ils découvrent, face à ce qu’ils vivent. Leurs choix ne sont pas si étonnants que ça. Il y a un côté plutôt réaliste dans tout ce que l’on lit.

Un auteur à suivre et un recueil à découvrir !


"30 secondes ..." de Xavier Massé

 

30 secondes
Auteur : Xavier Massé
Éditions : Taurnada (17 Février 2022)
ISBN : 978-2372580984
248 pages

Quatrième de couverture

30 secondes… Les 30 dernières secondes les plus importantes de sa vie. Les 30 dernières secondes de leur vie. Les 30 dernières secondes dont il arrive à se souvenir. 30 secondes… c'est le laps de temps qu'il leur a fallu pour avoir cet accident. 30 secondes, c'est le temps dont dispose Billy pour retrouver la femme de sa vie… disparue…

Mon avis

Billy est un jeune joueur de foot américain, il est plutôt bon, mais parfois il se laisse aller à boire et dans ces cas-là, ça part en vrille et il lui arrive de prendre des cachets dont il abuse un peu. Sa copine Tina le lui reproche souvent, elle aimerait que leur couple ne soit pas pollué par les sautes d’humeur et les dérives de Billy. Ce jour-là, une fois encore, il se lève avec la gueule de bois, il a trop bu. Ils montent tous les deux dans la voiture. L’ambiance est plutôt glaciale alors pour meubler, il parle, il fait des projets, ce soir ils se feront un restau … Tina reste silencieuse et lui il cause, il cause et puis BAM, c’est l’accident….

Billy se réveille à l’hôpital, bandé de partout, ça a tapé très fort, il est dans un sale état, et ses souvenirs ne sont pas clairs… Aussitôt réveillé il demande des nouvelles de Tina. Personne ne peut lui en donner, elle n’était pas dans la voiture…  Il ne comprend rien, c’est quoi cette histoire ? Il s’est sûrement passé quelque chose mais quoi ?

Le neurologue de l’hôpital lui propose des séances d’hypnose pour rafraîchir sa mémoire, retrouver des informations. Les séances épuisent le sportif, il a du mal à séparer le vrai du faux, à comprendre le déroulé des événements. Parfois, il plonge dans des scènes tellement violentes en émotions qu’il n’arrive pas à revenir dans le réel. Il perd les pédales, il a peur de ce qui se rappelle à lui, notamment avec certains de ses potes un peu borderline. Il ne sait plus où il en est… Et puis, il y a cet homme à côté du médecin qui prend des notes et dont il ignore, dans un premier temps, ce qu’il fait là. Pourquoi prend-il des notes ? Où est Tina, comment se fait-il que personne ne puisse lui répondre ?

Les souvenirs arrivent petit à petit, parfois remis en cause dans l’entretien suivant. Le lecteur s’interroge autant que Billy. On est dans le flou, on essaie d’ordonner ce qu’on découvre, de relier les différents éléments et de trouver la chronologie des faits. Mais l’auteur se joue de nous….

Il y a peu de personnages dans ce roman. Ils se suffisent à eux-mêmes avec des rôles bien définis. L’écriture nerveuse et rythmée nous entraîne dans un tourbillon, il est difficile de reprendre son souffle. C’est un récit très déstabilisant et je pense même qu’il peut être déroutant pour certains.

Xavier Massé a bien ficelé son intrigue. Il a sans doute également fait des recherches sur le fonctionnement de l’hypnose car ce qu’il écrit est précis. J’ai eu un peu de mal avec ce que je vais appeler « les répétitions » c’est-à-dire, retourner régulièrement dans les réminiscences pour obtenir une avancée sur les événements à éclaircir. C’est le fonctionnement de l’hypnose, c’est donc normal, mais moi, j’avais envie de savoir et que ça se décante tout de suite. Je voulais connaître la vérité, car je sentais bien que l’auteur me baladait, preuve qu’il avait parfaitement réussi à maintenir le suspense.

« 30 secondes » est un roman noir psychologique travaillé et présenté de façon très originale avec une conclusion bluffante.


"Le convoi de l'eau" de Akira Yoshimura (水の葬列)

 

Le convoi de l’eau (水の葬列)
Auteur : Akira Yoshimura
Traduit du japonais par Yutaka Makino
Éditions : Actes Sud (19 Janvier 2009)
ISBN : 978-2-330-02812-1
176 pages

Quatrième de couverture

A la faveur de la construction d'un barrage aux abords d'un village condamné par le nouvel édifice, le destin d'un homme au passé trouble entre en résonance avec celui d'une petite communauté isolée en pleine montagne. Dans des paysages dont la splendeur contraste avec la violence fruste des moeurs, un combat tellurique et intimiste à la fois.

Mon avis

Un tout petit livre, dans ce format si agréable de chez Actes Sud et à la couverture superbe : une photographie qui ressemble à un tableau …

D’entrée, j’ai été surprise par le « nous ». Le narrateur s’efface derrière ce pronom et utilise peu le « je ». Il dit d’ailleurs qu’il est venu sur ce chantier du barrage pour « guérir » après une période d’incarcération. « Le hameau qui avait bien voulu soigner ma blessure était en train de disparaître de cette vallée »

Petit à petit, au long du livre, il se «détachera » du groupe, se remettra à exister par lui-même et emploiera à nouveau le « je » jusqu’à l’utiliser couramment

On retrouve bien là, l’attitude des détenus, qui ont des difficultés à garder une identité propre car le rythme est imposé au groupe, par le groupe. 

Le chantier d’un barrage n’est pas un chantier ordinaire, c’est un endroit à hauts risques où « La mort est une réalité prise en compte dès le début. »

On y vit tous ensemble, loin de sa famille, loin de la ville.

À côté du chantier un village, l’observation réciproque est finement écrite ainsi que les relations entre les deux entités.

L’eau, le vert, les os, la mort sont très présents mais jamais d’une façon lourde.

L’écriture est très asiatique, légère, poétique. Je la comparerai à une dentelle créée petit à petit, à points comptés sans se presser.

L’eau monte, inexorablement, mais pas l’angoisse … Comme souvent dans les contrées asiatiques, les hommes acceptent la vie, la mort avec « philosophie » continuant leur route …

Notre narrateur s’est réconcilié avec lui-même mais il ne nous laissera jamais entrevoir que ce qu’il a décidé de partager. Le reste, même son nom, nous ne le saurons pas et je l’imagine en train de continuer sa route, se retournant vers moi, un sourire (à peine esquissé) énigmatique aux lèvres ...

"Outre-Atlantique" de Simon Van Booy (The illusion of separateness)

 

Outre-Atlantique
Auteur : Simon Van Booy
Traduit de l’anglais par Micha Venaille
Éditions : Autrement Littérature (Août 2013)
ISBN : 9 782746 734906
220 pages

Quatrième de couverture

Los Angeles, 2010. Martin, d’origine française, est venu s’installer en Amérique avec sa famille, des boulangers, après la guerre. Ses parents ont accompli un acte héroïque en 1944, sans qu il sache bien lequel. Un beau jour, il voit arriver dans la maison de retraite où il travaille un certain M. Hugo, un très vieil homme défiguré, qui meurt dans ses bras. France, 1968 : deux enfants découvrent dans les bois les restes du bombardier B-24 d un soldat américain. Vingt-cinq ans plus tôt, ce jeune GI vivait ses derniers instants de détente à Coney Island, le parc d’attraction de New York, avec sa fiancée Harriet. John a réapparu à la Libération, sans jamais vraiment expliquer ce qu il lui était arrivé. On va le découvrir, grâce au récit d’Amelia, la petite-fille de John, et à plusieurs flashbacks : petit à petit émergent les liens entre John, Martin et M. Hugo.

Mon avis

« Nos vies se mettent en scène à l’intérieur de nous. »

C’est l’histoire des hommes.

Des tranches de vie dans le désordre, immense puzzle qu’il faudra assembler pour comprendre la substance de ce roman.

Des êtres humains qui en sauvent d’autres avec rien ou trois fois rien…. Il suffit d’un crayon, d’un caramel et on ne regarde plus les gens qui sont près de nous de la même façon… De ce fait, on se sent différent, la bonté peut finir par rattraper celui qui voulait faire le mal, simplement peut-être parce qu’il ne connaissait rien d’autre…

C’est l’histoire d’une écriture, épurée, discrète, s’exprimant entre les lignes, porteuse de sens et de messages à travers le monde comme autant de regards sur ceux qui peuplent notre univers, le construisent, le détruisent, l’habitent …

Les destinées de ce récit se croisent, se perdent de vue, se cherchent, ne se reconnaissent pas toujours… On perd parfois le fil pour le retrouver, le reperdre à nouveau….La construction peut désarçonner, laissant une impression de confusion mais il faudra sans doute lire cet opus deux fois pour en apprécier la saveur ...

"Même le silence a une fin" d'Ingrid Betancourt

 

Même le silence à une fin
Auteur : Ingrid Betancourt
Éditions : Gallimard (21 septembre 2010)
ISBN : 978-2070126644
704 pages

Quatrième de couverture

"Enchaînée par le cou à un arbre, privée de toute liberté, celle de bouger, de s'asseoir, de se lever ; celle de parler ou de se taire ; celle de boire ou de manger ; et même la plus élémentaire, celle d'assouvir les besoins de son corps... J'ai pris conscience - après de longues années - que l'on garde tout de même la plus précieuse de toutes, la liberté que personne ne peut jamais vous ôter : celle de décider qui l'on veut être."

Mon avis

Ingrid Betancourt c’était pour moi une fille, sa fille, remuant ciel et terre pendant des années pour qu’on n’oublie pas sa mère. C’était cette femme aux cheveux longs, si longs, tête baissée, soumise telle qu’on nous l’a montrée dans les medias…

Ce sera maintenant un livre ….

« Même le silence a une fin », ce titre phare extrait d’un beau poème de Pablo Neruda
« Si mes paroles restent ignorées
Ne doute pas que je suis toujours le même
Même le silence a une fin
Quand viendra le moment, attends moi »
a été choisi par Ingrid Betancourt pour nous présenter son récit.

Témoignage sur ses années de captivité, mais aussi sa relation à l’autre : père, mère, Clara, guérilleros, otages, medias etc …. sans oublier sa relation à elle-même.

Il est évident qu’on ne peut pas sortir indemne d’une telle expérience. Elle explique les nuits encore laborieuses, l’incapacité à ne vivre qu’une émotion à la fois : « …. je suis partagée entre des contraires qui m’habitent et me secouent. », la difficulté à communiquer parfois …

Ce livre qui passe du récit de la captivité au « présent » (lorsque le livre a été écrit), pour les premières pages, nous retrace ensuite, comme autant de « flashs », tout au long des quatre-vingt deux chapitres, les déplacements dans la jungle, sans cesse, pour ne pas être localisés, les tensions lorsqu’on est les uns sur les autres, les moments plus doux où l’on utilise « les provisions que la vie nous a données pour les traversées du désert », la découverte de la mort de son père sur une feuille de journal négligemment (mais volontairement) laissée là, les marches interminables, les souffrances morales et physiques, les évasions ratées, les révoltes, les brimades, les conflits, les trahisons, les frustrations, les fourmis qui mangent tout, les orages terribles, le fait de vivre enchaîné etc …. Tout cela est évoqué sobrement, clairement sans sombrer dans le pathos. Sa mémoire est nette, très précise, contrairement au flou du temps qui passe lorsqu’on est dans un lieu où les repères sont différents et changent sans cesse. Peut-être est-ce pour cela que tout ce qu’elle retranscrit est si distinct, parce qu’elle n’avait que sa vie sur place à garder en mémoire, pas ou peu d’événements extérieurs …

Que reste-t-il, à quoi s’accrocher quand même le temps ne vous appartient plus ?

Il reste la broderie, la lecture (Harry Potter, la Bible, un dictionnaire encyclopédique…), la voix de sa mère parfois à la radio, et par-dessus tout la liberté de penser, de s’évader par l’esprit ailleurs …. Et la volonté de s’enfuir … Il est impressionnant de constater qu’elle n’a jamais renoncé, imaginant ses fuites, nourrissant ses journées et ses pensées des différents moyens à mettre en œuvre pour arriver à ses fins …

On peut penser qu’elle a en fait « trop » à son retour, qu’elle s’est trompée dans ses interventions, dans ses choix, dans ses exigences …. On peut ne pas « aimer » le personnage …

Mais il faut reconnaître que ce récit, écrit par choix en français, dans un style épuré, vif, remue, trouble et nous renvoie sans cesse cette question lancinante « Qu’aurais-je fait à sa place ? » ….

Je suis sortie de ce livre émue, touchée, bouleversée, frissonnante, j’avais froid comme si les mots d’Ingrid résonnant en moi, m’avaient transmis ce froid à l’âme qu’elle a si souvent dû ressentir dans la jungle amazonienne ….


"De notre monde emporté" de Christian Astolfi

 

De notre monde emporté
Auteur : Christian Astolfi
Éditions : Le bruit du monde (7 avril 2022)
ISBN : 978-2493206077
192 pages

Quatrième de couverture

Du début des années 1970 à la fin des années 1980, Narval travaille aux Chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. Ce temps restera celui de sa jeunesse et de la construction de son identité ouvrière. Quand se répand le bruit de la fermeture des Chantiers pour des raisons économiques, ses camarades et lui entrent en lutte, sans cesser de pratiquer leur métier avec la même application, tandis que l'amiante empoisonne lentement leur corps.

Mon avis

Me tenir aux mots comme à un fil dans l’obscurité.

Un jour d’Octobre 1972, comme son père des années avant lui, Narval arrive aux Chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. Bienvenue dans le monde des ouvriers, des bruits, des odeurs, des matériaux spécifiques à ce type d’emploi. C’est auprès de ses collègues que Narval va devenir un homme, affiner sa personnalité, faire des choix, affirmer ses idées.

Ce roman est une observation fine et très juste du monde des ouvriers. Au bout de quelque temps, des liens très forts sont déjà tissés. « En quelques mois à peine, la Machine nous lie, les Chantiers nous tiennent ferme, main dans la main, chacun est important aux yeux des autres. »
Machine et Chantiers ont une majuscule, comme s’il s’agissait de noms propres, sans doute pour les « personnifier » et dire combien les deux sont présents et prennent de la place dans le quotidien des travailleurs. Tous ont des surnoms, des habitudes qui les démarquent des copains et qui accompagnent leur personnalité.  Quand l’un arrête, ceux qui restent sont tristes. Ils se soutiennent, se connaissent, s’entraident, discutent. Narval est de ceux-là, il vit avec sa compagne dans un petit appartement, travaille sérieusement et envisage l’avenir assez tranquillement.

En 1980, les premières rumeurs de fermeture courent, et chacun y va de son idée, comment agir, et d’abord, est-ce que c’est vrai ? Peu après, c’est l’élection de Mitterrand, on suit les hommes, l’actualité, leurs discussions. Beaucoup ont voté à gauche, pensant qu’ainsi tout ira mieux pour eux qui sont en bas de l’échelle. Et pourtant : « Je crois qu’ils m’ont volé ce qu’il me restait d’espoir. »

Les premiers signes de maladie apparaissent chez l’un ou l’autre, c’est l’amiante qui les empoisonne mais le rapprochement n’est pas fait tout de suite. On cache les faits, on les tait afin de ne pas faire peur à ceux qui sont encore sur les chantiers.

« La navale vivra. » La crise économique, la concurrence internationale, la révolution industrielle, les difficultés sont là et augmentent. C’est très pénible à vivre pour ceux qui sont sur le terrain. Les employés luttent, avec leurs moyens, mais c’est compliqué. Cela crée des tensions quand il y a désaccord. Narval s’accroche, pense à son père pour qui les chantiers étaient toute sa vie. Que faire ? Comment laisser une trace de tout ça ? Comment rester « présent » dans son couple lorsque les problèmes rencontrés au travail envahissent votre esprit ? Narval est tiraillé, partagé, il souffre. Il veut comprendre les réactions des autres, les raisons de leurs décisions.

Le récit est très vivant, les phrases courtes donnent un bon rythme. Narval est un personnage attachant qui partage plusieurs années de sa vie avec le lecteur, le texte est écrit à la première personne. L’écriture de Christian Astolfi est délicate, poétique, c’est à la fois sobre et précis. Tout est dit en peu de mots car ils sont magnifiquement choisis et font mouche. Cela m’a beaucoup plu. Ce recueil est édifiant, on réalise ce qu’ont vécu ces hommes, ce qui les a portés ou abattus. Avec eux le mot fraternité prend tout son sens.


"Café panique" de Roland Topor

 

Café Panique
Auteur: Roland Topor
Couverture et onze illustrations de Roland Topor
Préface de Jean-Marie Gourio
Éditions: Wombat (20 septembre 2012)
« Les Insensés » nº10
ISBN : 978-2919186181
196 pages

Quatrième de couverture

Café Panique, ce sont trente-huit histoires, loufoques et véridiques, récoltées par Topor dans les bistrots, où anecdotes, légendes urbaines et mythologies de comptoir s’entrelacent, et où la réalité toujours dépasse la fiction. Café Panique, ce sont trente-huit contes grotesques, burlesques et tragi-comiques distillés par l’imagination panique de Topor, fables cruelles sur lesquelles plane l’ombre de Gogol, Kubin, Ambrose Bierce et Damon Runyon.

Quelques mots sur l’auteur

Roland Topor (1938-1997). Dessinateur, peintre, écrivain, dramaturge, poète, humoriste, chansonnier, cinéaste, acteur, photographe, etc. Remarqué pour ses étranges dessins au graphisme original (dans Arts, Bizarre, Hara-Kiri...), il reçoit le prix de l’Humour noir dès 1961. Son premier roman, Le Locataire chimérique, sera adapté au cinéma par Roman Polanski ; il écrira aussi des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre et des livres concepts. Du film d’animation La Planète sauvage (avec René Laloux, prix spécial du Jury à Cannes en 1973) à l’étonnant Marquis (avec Henri Xhonneux) en passant par les émissions télévisées Palace et Téléchat, il marquera de son empreinte le cinéma et l’audiovisuel. Certaines de ses images ont fait le tour du monde. Tout son univers reste marqué du sceau d’un humour noir féroce. Il n’est jamais devenu un vieux con.

Mon avis

Ouf, je ne mourrai pas en étant une vieille c….

J’aurai lu Topor …. parce que vous l’avez compris, on dit « Topor » pars Roland Topor ou Monsieur Topor. Non, juste le nom comme lorsqu’on parle de quelqu’un d’important.

Important et méconnu cet homme, ou alors connu de quelques initiés dont je ne faisais pas encore partie.

Ouf, c’est réparé ! Je le connais maintenant.

Il semblerait qu’il se soit inspiré d’un café qu’il fréquentait avec des amis pour écrire ces histoires courtes et jubilatoires. Peu importe d’où viennent les personnages que l’on va croiser: de Cœur-Croisé à Chaussettes-Humides en passant par Tarif-de-Nuit et Pas-de-Bol, l’essentiel reste que chacun active nos zygomatiques…. Les patronymes nous font rire avant de commencer leurs aventures. C’est drôle, décapant, « enlevé »….

Gros-Bide fait un régime qui n’allège que sa matière grise, le chauffeur de taxi  a un énorme chien qui fait peur aux clients …

Le style est incisif, rapide, et il décoiffe, les dessins sont faits au crayon en traits fins et sont très parlants.

Ouf, j’ai tout compris ….

Les histoires évoquées sont simples à cerner, quelques protagonistes, un lieu commun, (le café ou le taxi) et des gens qui racontent ou se racontent. Mais c’est amusant car on visualise les faits et c’est à pleurer de rire.

Le côté « loufoque » reste savamment dosé, sans excès et sans mauvais goût, toujours à la limite comme si l’auteur avait plaisir à flirter avec les frontières de la bienséance, montrant par son esprit frondeur que l’écriture et le dessin étant des arts… la liberté d’expression y est présente…

Ouf, une bande dessinée reprenant les scènes décrites dans café panique a été éditée….

J’imagine déjà Pommes-Vapeur ou Bout-Filtre !!!

Elle a été faite par un admirateur de Topor.

Ouf, je vais encore rire !

"Venture" de Philippe Paternolli

 

Venture
Auteur : Philippe Paternolli
Éditions du Caïman (24 mars 2022)
ISBN : 978-2919066988
254 pages

Quatrième de couverture

Vincent Erno, personnage atypique, ancien du « Cube », officine des services spéciaux, est envoyé en freelance par un ministre pour enquêter sur un attentat ayant eu lieu au Stade Vélodrome de Marseille. L’attentat le visait, ainsi que l’un de ses collègues. Très rapidement, après plusieurs assassinats de témoins de l’affaire, Erno comprend que l’affaire implique d’autres services de l’État. Peut-être même « le Cube » lui-même. Qui était réellement visé ? Les ministres ? Pas si sûr.

Mon avis

Voilà un roman comme je les aime ! Une écriture vive, avec de petites pointes d’humour délicat, du rythme, des personnages très attachants et une intrigue qui se tient.

Stade Vélodrome, OM-PSG, une affiche électrique, avec des supporters à surveiller mais pas que…il y a les « clans » de chaque club, présidents, « huiles » de la cité et j’en passe. En plus pour ce match de haut niveau, on retrouve le ministre de l’intérieur et le premier ministre, tout deux candidats à la succession du président. Deux caractères et deux vies totalement opposés, obligés de collaborer et de donner le change alors qu’ils ne s’aiment pas…. D’ailleurs en tribune, les regards n’ont rien d’aimable….

Coup d’envoi, le ballon part et hop la tribune officielle explose. C’est la panique, un attentat ? Pas de blessés ouf, mais il faut bien comprendre ce qu’il s’est passé, si seuls les hommes politiques étaient visés ou s’il y avait un autre but (c’est le cas de le dire dans un stade de foot ; -)….D’autant plus que le « pré coup d’envoi » a été tiré par quelqu’un de passage, s’agissait-il d’une diversion pour que d’autres agissent en douce?

Vincent Erno qui a travaillé pour le « Cube », un groupe des services spéciaux (en marge des services secrets et ni « affiché », ni connu sur la place publique), est dépêché sur place. Il a pris ses distances avec son ancienne activité professionnelle (il a démissionné) et entend bien rester comme ça. Pourtant, c’est lui qu’on appelle à la rescousse. C’est sans se presser (après tout il n’y a pas mort d’homme) qu’il rejoint Marseille après un tour au ministère où on lui explique sa mission. Des indices ? Un seul : l’explosif est une signature de l’ultra gauche.

A Marseille, il retrouve une ancienne collègue : Magali. Elle est maintenant dans la police et peut lui glisser quelques informations. Vincent, installé à l’hôtel, se rend vite compte que cette histoire n’est pas claire mais forcément il ne comprend pas pourquoi dans l’immédiat. Il va être nécessaire pour lui de la jouer fine d’autant plus qu’il a le sentiment que ces ex et finalement nouveaux patrons ne sont pas vraiment clairs. Grâce aux personnes que Magali connaît, il peut se cacher, louvoyer, enquêter….
Il fait face à des individus retors, dangereux mais il ne baisse jamais les bras.

J’aime beaucoup le style de Philippe Paternolli, c’est très visuel, j’ai chaque fois l’impression d’avoir les images sous les yeux. Pourtant, il ne s’embarrasse pas de détails inutiles, il va à l’essentiel et c’est peut-être cette façon de faire qui permet au lecteur de s’imprégner de l’atmosphère, du déroulé des événements et d’y prendre part ou presque….

J’ai lu ce roman en apnée, fascinée par le charisme de Vincent Erno qui remplit les pages de sa présence. Pourtant, il ne doit pas être facile à vivre tous les jours. Mais il a un côté « sauvage » qui me plaît énormément. Les autres personnages sont intéressants également et on s’aperçoit que, comme dans la « vraie vie », les hommes politiques jouent un double-jeu…tiens, qui l’eut cru ?

Un roman plaisant, prenant et sans temps mort, une belle réussite !