Même le silence à une fin
Auteur : Ingrid Betancourt
Éditions : Gallimard (21 septembre 2010)
ISBN : 978-2070126644
704 pages
Quatrième de couverture
"Enchaînée par le cou à un arbre, privée de toute
liberté, celle de bouger, de s'asseoir, de se lever ; celle de parler ou de se
taire ; celle de boire ou de manger ; et même la plus élémentaire, celle
d'assouvir les besoins de son corps... J'ai pris conscience - après de longues
années - que l'on garde tout de même la plus précieuse de toutes, la liberté
que personne ne peut jamais vous ôter : celle de décider qui l'on veut
être."
Mon avis
Ingrid Betancourt c’était pour moi une fille, sa fille,
remuant ciel et terre pendant des années pour qu’on n’oublie pas sa mère.
C’était cette femme aux cheveux longs, si longs, tête baissée, soumise telle qu’on
nous l’a montrée dans les medias…
Ce sera maintenant un livre ….
« Même le silence a une fin », ce titre phare extrait d’un
beau poème de Pablo Neruda
« Si mes paroles restent ignorées
Ne doute pas que je suis toujours le même
Même le silence a une fin
Quand viendra le moment, attends moi »
a été choisi par Ingrid Betancourt pour nous présenter son récit.
Témoignage sur ses années de captivité, mais aussi sa
relation à l’autre : père, mère, Clara, guérilleros, otages, medias etc …. sans
oublier sa relation à elle-même.
Il est évident qu’on ne peut pas sortir indemne d’une telle
expérience. Elle explique les nuits encore laborieuses, l’incapacité à ne vivre
qu’une émotion à la fois : « …. je suis partagée entre des contraires qui
m’habitent et me secouent. », la difficulté à communiquer parfois …
Ce livre qui passe du récit de la captivité au « présent »
(lorsque le livre a été écrit), pour les premières pages, nous retrace ensuite,
comme autant de « flashs », tout au long des quatre-vingt deux chapitres, les
déplacements dans la jungle, sans cesse, pour ne pas être localisés, les
tensions lorsqu’on est les uns sur les autres, les moments plus doux où l’on
utilise « les provisions que la vie nous a données pour les traversées du
désert », la découverte de la mort de son père sur une feuille de journal
négligemment (mais volontairement) laissée là, les marches interminables, les
souffrances morales et physiques, les évasions ratées, les révoltes, les
brimades, les conflits, les trahisons, les frustrations, les fourmis qui
mangent tout, les orages terribles, le fait de vivre enchaîné etc …. Tout cela
est évoqué sobrement, clairement sans sombrer dans le pathos. Sa mémoire est
nette, très précise, contrairement au flou du temps qui passe lorsqu’on est dans
un lieu où les repères sont différents et changent sans cesse. Peut-être est-ce
pour cela que tout ce qu’elle retranscrit est si distinct, parce qu’elle
n’avait que sa vie sur place à garder en mémoire, pas ou peu d’événements
extérieurs …
Que reste-t-il, à quoi s’accrocher quand même le temps ne
vous appartient plus ?
Il reste la broderie, la lecture (Harry Potter, la Bible, un
dictionnaire encyclopédique…), la voix de sa mère parfois à la radio, et
par-dessus tout la liberté de penser, de s’évader par l’esprit ailleurs …. Et
la volonté de s’enfuir … Il est impressionnant de constater qu’elle n’a jamais
renoncé, imaginant ses fuites, nourrissant ses journées et ses pensées des
différents moyens à mettre en œuvre pour arriver à ses fins …
On peut penser qu’elle a en fait « trop » à son retour,
qu’elle s’est trompée dans ses interventions, dans ses choix, dans ses
exigences …. On peut ne pas « aimer » le personnage …
Mais il faut reconnaître que ce récit, écrit par choix en
français, dans un style épuré, vif, remue, trouble et nous renvoie sans cesse
cette question lancinante « Qu’aurais-je fait à sa place ? » ….
Je suis sortie de ce livre émue, touchée, bouleversée,
frissonnante, j’avais froid comme si les mots d’Ingrid résonnant en moi, m’avaient
transmis ce froid à l’âme qu’elle a si souvent dû ressentir dans la jungle
amazonienne ….
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