Les anonymes (A Simple Act of Violence)
Auteur : R. J. Ellory
Traduit de l’anglais par Clément Baude
Éditions : Sonatine (7 Octobre 2010)
ISBN : 978-2355840302
700 pages
Quatrième de couverture
Washington. Quatre meurtres aux modes opératoires
identiques. La marque d’un serial killer de toute évidence. Une enquête presque
classique donc pour l'inspecteur Miller. Jusqu'au moment où il découvre qu'une
des victimes vivait sous une fausse identité. Qui était-elle réellement ? Et ce
qui semblait être une affaire banale va conduire Miller jusqu'aux secrets les
mieux gardés du gouvernement américain…
Mon avis
L’objet livre, malgré sa couverture souple, est lourd, lourd
à tenir dans les mains, trop lourd pour être mis dans une poche ou dans un sac
...
C’est mieux ainsi, ce n’est pas une lecture de transport,
d’attente à la caisse d’une grande surface, de plage …
Ce n’est pas une lecture ordinaire …
D’ailleurs si je devais donner un seul mot pour définir
cette lecture, j’emploierai ce mot « lourd ».
Pas dans le sens péjoratif, non, pas dut tout, lourd de
sens, lourd de contenu, lourd de vécu, lourd de mots …
« Pendant quelques instants, il se sentit écrasé, comme si
le poids de ces événements suffisait à le clouer sur place. »
Chaque mot est pesé, soupesé, imprimé dans le paragraphe,
lui-même contenu dans la page, elle-même dans le livre. Chaque mot compte,
chaque mot est réfléchi … Ce n’est pas ce genre de livre que vous pouvez lire
vite, en survolant les lignes … Impossible !
Chaque mot s’emboîte dans ce réseau, ce puzzle qui se met en
place petit à petit …
Les phrases courtes parfois, comme un coup de poing avec des
passages à la ligne pour rythmer le tout.
D’autres plus longues, pour l’état nerveux des personnages,
l’angoisse qui s’installe, les questions, la description des faits …
Une écriture puissante, qui dérange parfois tant vous sentez
que les événements vous échappent et que vous êtes ballottés, manipulés comme
les personnages du livre.
Un roman à deux entrées.
L’enquête d’une part avec Miller, un simple flic, sans
famille, humain, terriblement humain, pugnace, le genre d’homme qui veut
comprendre, qui ne lâchera pas .
Un policier avec ses faiblesses, ses questionnements, ses
erreurs, sa solitude qui lui colle à la peau mais aussi sa volonté de sauver ce
qui peut être sauvé, même s’il passe son temps à se demander quoi …
Un homme qui nous fait partager l’angoisse qui monte, ses
peurs, ses tiraillements, son humanité, sa grande humanité …
Un homme qui ne sait plus qui croire, que croire, que
penser, un homme envahi par le doute chaque fois que l’évidence semble faire
jour …
« Faire confiance ne veut pas dire être d’accord. »
«…ce sentiment qu’il ne savait presque rien et que tant
d’autres personnes en savaient plus que lui. »
Une voix off qui nous distille des événements, des choix,
des ressentis, des informations au compte-gouttes. Ces pages m’ont pris du
temps à la lecture … J’ai revisité l’histoire des Etats- Unis, la tentative
d’assassinat contre Reagan, la drogue et la CIA au Nicaragua … j’étais comme
Miller, je voulais comprendre, aller plus loin, analyser, savoir … Alors je
mettais le livre sur mode « pause » et j’ingurgitais sur un moteur de recherche
des pages et des pages d’information pour voir si l’auteur disait vrai ou pas …
Et puis, omniprésents, ces « Anonymes » ….
« Ici, on est tout seuls. Nous sommes des invisibles, ceux
qui peuvent disparaître en une fraction de seconde. Personne ne sera là pour
poser des questions … »
« Je suis ce que je suis, ce que j’ai l’air d’être et ce que
les autres veulent que je sois. Surtout, je ne suis plus l’homme que j’étais. »
« Je ne suis plus là ….comme si je n’y avais même jamais
été. »
Ces personnes dont on ne sait rien ou presque (et quand on
croit savoir, on ne sait plus …),
des personnes qui existent sans exister,
des personnes qui vivent simplement, comme le commun des
mortels jusqu’au jour où …
…. jusqu’au jour où tout bascule, vite, si vite, sans
explication, sans que cela peine quiconque puisqu’ils sont, la plupart du
temps, sans famille …
On pourrait croire que ces gens n’ont jamais existé … les
oublier, d’ailleurs pourquoi se poser des questions puisque personne n’en
réclame et que si on creuse, on se heurte à des portes closes, à du vide ?
C’était sans compter sur Miller …
Je me suis attachée à ces pas, je l’ai suivi, accompagné,
soutenu, je lui ai murmuré « Ne lâche pas, crois en toi … Si tu ne le fais pas
pour toi, fais le pour eux ... » Bien sûr, je prenais le risque de découvrir la
vérité, une vérité pas toujours belle à voir, pas toujours aisée à comprendre …
Mais cela, je vous le laisse découvrir ….