"Avant que tout se brise" de Megan Abbott (You will know me)


 Avant que tout se brise (You will know me)
Auteur : Megan Abbott
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Éditions  du Masque (24 Août 2016)
ISBN :  9782702446447
 336 pages

Quatrième de couverture

Elle a les épaules élancées, les hanches étroites et des yeux sombres qui transpirent une détermination presque glaçante. À quinze ans, Devon est le jeune espoir du club de gymnastique. La mère de Devon, qui se dévoue corps et âme à la réussite de sa fille, même si cela demande des sacrifices. Lorsqu’un incident tragique au sein de leur communauté réveille les pires rumeurs et jalousies, Katie flaire le danger s’approcher de sa fille et sort les griffes. Rien ni personne  ne doit déconcentrer sa fille ou entraver la route toute tracée pour elle.


Mon avis


Le sport pour une unique horizon…..

C’est dans le milieu très fermé des gymnases de haut niveau que se déroule ce très bon roman. Devon est ce qu’on appelle une étoile montante, un grand espoir du club de sport où elle évolue. Rien n’est jamais assez beau, assez solide, assez « professionnel » pour elle. Elle porte les espoirs de ses parents, des dirigeants mais également tous ceux des jeunes sportives qui s’entraînent avec elle, qui s’identifient. « Si elle y arrive, pourquoi pas nous ? » Les pères et mères des autres enfants l’admirent et / ou la jalousent suivant les situations…. Les relations amicales ne sont parfois qu’une façade et derrière son dos, les commentaires vont bon train….

Elle, consciente de ce qu’elle porte sur ses épaules, fait le maximum, malgré les doutes, la peur de mal faire quelques fois,  même si elle dit : « J’ai appris à faire de la peur mon esclave. », les blessures, le temps qui file et qui ne tourne qu’autour d’entraînements, de compétitions…. Elle évolue dans un univers clos, dans une « bulle » où seule la gym la « nourrit ».  Quand elle se bat pour une médaille, rien ne l’atteint, son visage est fermé et tout son corps est tendu pour donner le maximum, être la meilleure.

Ses parents ne vivent que pour sa carrière, sa réussite, ses succès, quitte à emprunter, à « négliger » le petit frère, à s’investir trop et parfois mal, en mettant leur couple sur la corde raide… On ressent qu’à certains moments (de prise de conscience ?) leurs idées, leurs ressentis, divergent et que c’est difficile de maintenir un équilibre…. Tout cela est finalement si fragile….

Ce roman pose des questions : jusqu’où peut-on aller lorsqu’on veut tout pour son enfant ? Et le jeune, quels sacrifices lui demande-t-on ? Quelles concessions pour les autres membres de la famille ? Lorsque les soirées, les week-ends n’ont pour d’autre horizon que le praticable, est ce que ce n’est pas « éloigner » le sportif d’un environnement lié à son âge et qu’il devrait connaître ? Est-ce qu’ainsi, pour lui, la réalité n’est pas « déformée » ? Est-ce que les adultes se « réalisent » lorsqu’ils « coachent » un futur athlète et l’aident à être le meilleur ? Est-ce qu’ils pensent au bien-être du jeune ou uniquement à la « gagne » et au retentissement positif que cela aura sur eux  qui en ont fait des vainqueurs?  Forme-t-on des gagnants à la demande ou faut-il avoir un minimum de dons pour réussir ?

L’écriture de l’auteur est fluide, les événements s’enchaînent et il n’y a pas de temps mort. Une large place est laissée à la réflexion et à l’évolution des personnages. J’ai beaucoup apprécié l’attitude de la mère, notamment lorsqu’elle parle (page 204) du sentiment sous-jacent qui l’habite en permanence mais qu’elle choisit, le plus souvent, d’ignorer…. D’autre part, j’ai eu l’impression que Megan Abbott s’était bien renseignée sur ce qu’elle décrit.  Lorsqu’elle parler de l’emploi du temps des futures championnes, c’est très réaliste… Les protagonistes ne sont pas fades, ils ont de la consistance, du caractère, même le petit frère est intéressant à observer dans son approche de ce qui se passe.

Ce récit m’a semblé parfaitement équilibré dans son contenu. Les cinq parties, de longueur inégale, ont chacune une place dans l’ensemble du texte et tout s’emboîte à merveille. J’ai beaucoup pensé à Nadia Comaneci, médaillée olympique…mais à quel prix pour son corps ?

J’ai pris beaucoup de plaisir pour cette lecture que je recommande car le contexte change de ce qu’on lit habituellement pour ce style de manuscrit et c’est très réussi.

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