"Les barock aventures d'une âme mutine sur les chemins de Saint-Jacques" de Pierre Lambert

 

Les barock aventures d'une âme mutine sur les chemins de Saint-Jacques
Auteur : Pierre Lambert
Éditions : Globophile (20 novembre 2022)
ISBN : 979-1094423165
182 pages

Quatrième de couverture

Le chemin de Saint-Jacques c’est avant tout des rencontres touchantes et insolites. Pierre Lambert en a eu son lot et nous dévoile une belle galerie d’humains. La marche est propice au vagabondage de l’esprit. L’auteur digresse volontiers pour nous présenter tata Mémaine, le grand-père Désiré, Stevie Wonder, le lieutenant Marcel… Compostelle est un chemin mystique pour autant les pèlerins ne font pas vœux de chasteté. En tout cas pas notre auteur.

Mon avis

Ce n’est pas la première fois que je lis un compte-rendu d’une personne ayant fait le chemin de Compostelle pour aller jusqu’à Saint Jacques mais c’est la première fois que cette randonnée est abordée par le biais de l’humour.

Pierre Lambert a tout laissé derrière lui et il est parti, pas vraiment préparé, pas tout à fait prêt mais plein de bonne volonté…. Sauf que ça ne suffit pas… Mais comme il sait faire preuve de dérision, il se moque de lui-même (et un peu, beaucoup, des autres …). La rupture amoureuse qui l’a mis sur la route lui a permis de se consoler, parce qu’il sait séduire, être séduit et que l’amour ça donne des ailes sans doute et ainsi la marche paraît plus supportable.

Pourtant blessé le premier jour, il a été à deux doigts de faire demi-tour mais il avait vendu son appartement et il était seul alors il a trouvé une solution et il a continué. Il nous raconte ses rencontres, ses doutes, ses plaisirs, ses faiblesses, ses bonheurs, ses amours, ses em…..

Avec une écriture tour à tour poétique ou un peu crue, l’auteur-marcheur nous entraîne dans son périple, dans sa recherche de liberté, dans son besoin de casser la routine, de sortir de sa zone de confort…. Et ça fait du bien de le lire. Il a croisé des personnes exceptionnelles (et est resté en contact parfois), d’autres échanges sont plus éphémères, certains moins agréables (ah, l’emprunt du téléphone qui dure trop….) mais on sent que chacun, à sa manière, lui a apporté quelque chose et l’a aidé à avancer (ou à faire une pause) sur cette route.

J’ai particulièrement apprécié que l’homme ne se prenne pas au sérieux, qu’il ne se la joue pas, qu’il nous offre ses déboires en toute simplicité, reconnaissant ses limites. Il est amusant de constater qu’il admire tout ce qu’il trouve beau : des vitraux, les seins ou les mains d’une marcheuse, il contemple et profite de la beauté sous toutes ses formes.

Un livre plaisant, rafraichissant et qui apporte un autre regard sur le chemin de St Jacques.

NB : Monsieur l’auteur, vous êtes un sacré coquin !


"En attendant Eden" d'Elliot Ackerman (Waiting for Eden)

 

En attendant Eden (Waiting for Eden)
Auteur : Elliot Ackerman
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
Éditions : Gallmeister (4 Avril 2019)
ISBN : 978-2351782019
164 pages

Quatrième de couverture

Tous les jours, Mary est tout près de son époux, à l'hôpital. Tous les jours depuis trois ans, après son retour d'Irak. Eden est inconscient, et ses blessures ne guériront pas. Personne ne sait plus comment l'appeler, sauf elle : c'est son mari, et il est toujours en vie. Leur fille, qu'Eden n'a pas eu le temps de connaître, grandit dans cet hôpital où Mary attend avec patience et détermination un changement.

Mon avis

Elliot Ackerman a servi pendant neuf ans dans le Corps des Marines des États-Unis (2003-2012). Ancien membre des forces spéciales, il a effectué des missions en Afghanistan et en Irak. Il est diplômé d'histoire et de littérature. Son roman « En attendant Eden » met en scène un soldat, Eden, atrocement mutilé, inconscient, cloué sur un lit d’hôpital depuis trois ans.

La vie de son épouse, Mary, est rythmée par les visites qu’elle fait à son conjoint. Son quotidien n’est empli que de ça, leur rencontre sans communication, sans échange mais il est là, il respire, elle le touche, et elle ne veut pas lâcher alors qu’elle sait qu’il n’y a aucun espoir. Elle en vient même à négliger leur fille, à la confier sans cesse, à part quelques fois où elle l’amène près de son père.  

Qu’est-ce qui motive cette attitude de Mary ? Est-ce qu’Eden ressent quelque chose ? C’est un frère d’armes, un collègue militaire décédé, qui prend la parole dans ce récit. Il raconte le passé, leurs classes, les stages, ce qui unit et désunit les hommes et les femmes. Il explique la peur qui noue le ventre de ces officiers, qui, revenus du front, ne savent plus témoigner leur amour à leur compagne, ont peur d’avoir des enfants, car ils voient la mort de trop près. Il parle de l’espoir d’une guérison malgré l’horreur de la situation, de l’angoisse de cet appel annonciateur de nouvelles, de l’anxiété qui devient une compagne familière pour ceux qui sont dans l’attente, de la culpabilité de ceux qui vont bien, du rôle des soignants. Au fil des pages, on découvre l’avant de cet accident.

Où Eden va-t-il aller ? Du côté de la vie, vers sa femme ? Ou rejoindra-t-il son compagnon décédé dans la mort ? Est-il en capacité de choisir ? A-t-on le droit de le « pousser » d’un côté ou d’un autre ? Et nous ? Face à une telle situation, quel serait notre choix ?

Trois personnages principaux, peu de pages et un texte qui vous coupe le souffle, qui vous bouleverse. L’auteur parle d’un sujet dur, pas facile à aborder et à développer et il le fait de façon magistrale. Son écriture est puissante, précise, touchant en plein cœur chacune des fibres de notre corps, de notre cœur. Amour, amitié, dévouement, non-dits, silence et discussion, de nombreux thèmes sont évoqués avec délicatesse. On ressent les émotions, l’impuissance des uns et des autres face à la situation et on ressort le cœur en vrac.

"Fermentation en vase clos" de Johan Lagrange

 

Fermentation en lieu clos
Auteur : Johan Lagrange
Éditions : Jarjille (14 Décembre 2016)
ISBN : 978-2-918658-61-0
16 pages

Quatrième de couverture

Sous bock est une collection des éditions Jarjille.
Fermentation en lieu clos est le numéro 5 de la collection.

Mon avis

Kombucha, ça vous dit quelque chose ? C’est une boisson fermentée légèrement acide. Elle est préparée grâce à une culture symbiotique de bactéries et de levures que l'on plonge dans une solution sucrée à base de thé. Ses vertus ? Peu importe, ici elle est celle qui sort le personnage de sa solitude, de sa torpeur, pour un temps ou pour toujours, à voir…

Séries en streaming, le nez devant l’écran, le personnage représenté vis en vase clos, il sait bien que personne ne s’intéresse à lui et que s’il disparaît, personne ne s’inquiétera… Alors quand un étrange individu se présente à lui, il se dit « pourquoi pas ? ». Et il se laisse embarquer dans la production à grande échelle de Kombucha. Produire plus pour gagner plus ? Produire plus pour s’occuper et ne pas s’ennuyer ? Produire plus pour partager ? Produire plus pour répondre à la demande ? Produire plus sans savoir pourquoi ? Produire plus dans quel but ? Pour laisser une trace ? Qu’on se souvienne ?

Avec ses croquis en noir et blanc, son petit format, ce livre tient facilement dans la main, dans le sac, sous le verre. Il est le cinquième de cette collection variée, amusante, intuitive, inspirée et intéressante.

En quelques pages, Johan Lagrange s’interroge sur notre rapport aux autres, au monde et il nous interpelle. Une lecture courte mais qui se suffit à elle-même puisqu’on sourit et on réfléchit !



"Débits" de Mikaël Mignet & Oz Bayol

 

Débits
Auteurs : Mikaël Mignet & Oz Bayol
Éditions : Jarjille (14 Août 2021)
ISBN : 978-2-918658-92-4
16 pages

Quatrième de couverture

Sous bock est une collection des éditions Jarjille.
Débits est le numéro 16 de la collection.

Mon avis

Débit, un même mot pour parler de l’eau ou d’internet. Deux problématiques évoquées dans ce mini livre, en format sous bock, à mettre sous un verre, histoire de faire un petit cadeau ? Non histoire de réfléchir et de lancer une discussion, c’est mieux, n’est-ce pas ?

En quelques pages, les auteurs nous interpellent, nous obligent à nous questionner… Quelles sont nos priorités ? Sait-on les exprimer, les présenter pour être compris ? Ici, le dessin feutré, crayonné en tons de gris nous rappelle que les décideurs ne sont pas sur le terrain, ils sont loin de la réalité et font ce pour quoi ils sont payés, sans forcément réfléchir.

Leur idée ? Installer le haut débit pour que chacun dans cette campagne isolée ait accès à internet. Le besoin réel ? De l’eau ! Même pour boire un verre, il n’y a rien qui coule au robinet … Quelles solutions ? Le dialogue ? Mais enfin, Monsieur, nous avons nos contraintes ….

Visages expressifs, textes des bulles qui apportent une réelle réflexion, peu de feuilles mais c’est largement suffisant pour amorcer des échanges et voir comment on peut faire évoluer les situations pour que chacun ait la possibilité d’être écouté et pris en compte.



"Les Sept Soeurs - Tome 2 : La sœur de la tempête" de Lucinda Riley (The Storm Sister)

 

Les Sept Soeurs - Tome 2 : La sœur de la tempête de Lucinda Riley (The Storm Sister)
Auteur : Lucinda Riley
Traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Axelle de la Rochefoucauld
Éditions : Charleston (8 Avril 2016)
ISBN : 978-2368121009
768 pages

Quatrième de couverture

À la mort de leur père, énigmatique milliardaire qui les a ramenées des quatre coins du monde et adoptées lorsqu’elles étaient bébés, Ally d’Aplièse et ses sœurs se retrouvent dans la maison de leur enfance, Atlantis, un magnifique château sur les bords du lac de Genève. Ally, la deuxième sœur au tempérament tempétueux, est navigatrice et musicienne. Lorsqu’une nouvelle tragédie la touche, la jeune femme décide de partir sur les traces de ses origines. Les indices que lui a laissés son père en guise d’héritage vont la mener au cœur de la Norvège et de ses fjords sublimes.

Mon avis

Le premier tome de la saga des sept sœurs m’a beaucoup plu et c’est avec plaisir que j’ai commencé la lecture du deuxième récit de la série. Le point de départ et la construction sont similaires puisque la sœur concernée va partir avec un indice laissé par son père sur les traces de ses origines. Nous allons ensuite alterner présent et passé pour mieux la connaître et comprendre ainsi son histoire.

Ce livre m’a moins emballée que le premier, je l’ai trouvé plus décousu surtout sur la fin. Je reconnais que l’écriture est fluide, l’ensemble assez « prenant » mais il m’a manqué un petit quelque chose. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est la place qui est donnée aux femmes dans ces récits. Elles se battent souvent pour être reconnues à leur juste valeur et ça me plaît bien !

J’ai également apprécié la musique et la voile qui sont les passions d’Ally, le personnage principal. Entre la Norvège contemporaine et l’Allemagne de la fin du dix-neuvième siècle, j’ai voyagé aux côtés de protagonistes variés mais très souvent animés par la volonté de réussite, au moins à une période de leur vie. L’auteur s’est beaucoup documenté et c’est important de le souligner, notamment pour les faits historiques, introduits intelligemment dans le texte et parfaitement en phase avec les péripéties vécues par les différents acteurs de cette aventure. Elle a donc effectué un excellent travail de recherches.

C’est une lecture qui me laisse un peu sur ma faim mais pas totalement insatisfaite.


"Inspecteur Lynley - Tome 21 : Une chose à cacher" d'Elizabeth George (Something to Hide)

 

Inspecteur Lynley - Tome 21 : Une chose à cacher (Something to Hide)
Auteur : Elizabeth George
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Serval
Éditions : Presses de la Cité (6 Octobre 2022)
ISBN : 978-2258195585
658 pages

Quatrième de couverture

Teo Bontempi, membre d'une brigade luttant contre les violences faites aux femmes, succombe à l'hôpital après avoir été retrouvée inconsciente dans son appartement londonien. Thomas Lynley et ses adjoints, Barbara Havers et Winston Nkata, découvrent bientôt lors de leur enquête que la policière, d'origine nigériane, avait été excisée dans son enfance. Teo s'intéressait d'ailleurs à une clinique qu'elle soupçonnait de mutilations génitales médicalisées, une pratique qui suscitait l'hostilité des exciseuses locales. Mais peut-être faut-il plutôt chercher les raisons de la mort de Teo dans sa vie privée ?

Mon avis

Dans son dernier roman, Elizabeth George relie une enquête pour meurtre à des sujets qui sont encore, malheureusement, d’actualité. Il s’agit de l’excision, et de l’infibulation, mutilations génitales féminines (MGF) pratiquées dans certains pays d’Afrique où ce sont des traditions ancestrales mais également en Europe. Certains s’emploient à combattre ces horreurs.

C’est le cas de la policière, Teo Bontempi, qui est membre d’une brigade luttant contre les violences faites aux femmes. On s’aperçoit très vite qu’elle a été assassinée mais par qui et pourquoi ? Ce sont l’inspecteur Thomas Lynley (qui assure un intérim), Barbara Havers et Winston Nkata qui vont mener l’enquête. Personnages récurrents de l’auteur, c’est un plaisir de les retrouver, d’autant plus que Deborah et son mari sont également présents. Si, comme moi, on les « suit » depuis le début de leurs aventures, on peut voir l’évolution de leurs relations, de leur quotidien et c’est très intéressant.

Mais ce qui l’est encore plus, c’est la façon dont l’auteur nous plonge dans le thème qu’elle a choisi d’évoquer. Qu’elle le fasse avec des jeunes filles ou des femmes qui vont être amputées ou celles qui ont déjà souffert, elle porte une belle réflexion sur les raisons d’agir ainsi. On sent vraiment tout le poids des traditions et la volonté pour certaines mères de rendre leur enfant plus « aimable » pour un homme. Comme si seul le plaisir masculin comptait ! Dominées, habituées à se soumettre, elles obéissent sans songer à la souffrance infligée, à d’autres possibilités car pour elles, il n’en existe pas.

En ce qui concerne les investigations pour le crime, les enquêteurs se rendent compte assez rapidement que certaines personnes ne sont pas claires et jouent un double jeu. J’ai beaucoup aimé les différentes relations familiales qui sont présentées. Elles sont quelques fois complexes comme dans la vraie vie. Ce n’est pas toujours simple de se comprendre !

Je pense que certains lecteurs reprocheront des longueurs à ce livre. Personnellement, elles ne m’ont pas gênée, j’ai apprécié de voir comment se tissaient les rapports entre les uns et les autres, comment étaient exploités les témoignages divers et variés.

Et puis, c’est avec bonheur que j’ai retrouve les protagonistes que je connais depuis longtemps.

L’écriture et le style sont fluides (merci à la traductrice). Même si les faits s’installent doucement, il y a des événements nouveaux, des indices troublants, ou pas, qui arrivent et relancent pour mettre du rythme. Ce n’est sans doute pas le meilleur recueil de l’auteur mais par les thématiques qu’il aborde, il vaut le détour.

"Microsillons" de Yann Madé

 

Microsillons
Auteur : Yann Madé
Éditions : Jarjille (11 Juin 2021)
ISBN : 978-2918658887
138 pages

Quatrième de couverture

Microsillon : (nom masculin) : Le disque microsillon a été le principal support de diffusion d'enregistrement sonore commercial pendant la seconde moitié du XXe siècle (...) La surface en vinyle de chaque face est parcourue par un sillon en spirale sur lequel le début de l'enregistrement se trouve à l'extérieur et la fin vers le centre du disque. Qu'est-ce qui nous fait tourner, nous, les mecs ? Un point d'équilibre, notre nombril, nos playlists idéales, le rock, les filles ? Mais qu'est-ce qui nous fait avancer, nous, les mecs ?

Mon avis

La vie quotidienne n’a pas d’histoire.

Qu’elle soit en forme de spirale comme sur le microsillon ou en ligne droite avec des virages, la trajectoire de notre vie est soumise à des influences, des rencontres, des questions, des partages. En parlant de partage, c’est ce que fait Yann Madé dans ce nouvel ouvrage où ses dessins, ses textes nous offrent son regard sur son parcours de jeune garçon à artiste et père plus ou moins « accompli ».

« La vie, on a beau l’enfermer dans des sillons, ça ne tourne pas vraiment rond. »

Trois parties rythment cette bande dessinée : disque /dessin/ danse, comme trois « entrées » importantes dans la vie de l’auteur, trois chemins qu’il a pris pour se découvrir, rencontrer l’autre et avancer. Suivant notre âge, ce qu’il présente nous « parlera » plus ou moins mais quel que soit notre âge, le plaisir de la découverte sera le même. Le « schéma » est le même pour tous, il y a ce qu’on choisit parce que les amis nous disent « il faut absolument que tu écoutes, que tu lises, que tu regardes etc (barrez les mentions inutiles) et puis ces « rendez-vous » pas prévus, pas calculés où on se dit « waouhh » et où on devient à notre tour, celui qui conseille aux autres de ….

Il est intéressant de lire comment Yann Madé est venu au dessin, puis à la BD. Un cheminement qui passe par la reprise d’études, tout en ne perdant pas de vue la danse qu’il affectionne particulièrement. Ce parallèle est une belle réflexion.

« Chorégraphier signifie « dessiner le mouvement », rythme, ligne, trait, case… on utilise le même vocabulaire. »

Yann Madé revisite les airs qui l’ont accompagné tout au long de ces années et il explique ses choix. Cela nous renvoie à notre propre histoire. Quels titres ont jalonné notre quotidien ?

Les planches ne sont pas toujours constituées de cases, on peut avoir un seul personnage entouré de plusieurs bulles. Il y a beaucoup de texte et de nombreuses références musicales.  Les couleurs varient dans les tons de gris, noir, marron sans autre apport comme un album de souvenirs en noir et blanc. Yann analyse son lien avec les femmes, les difficultés qu’il a eues pour entrer en relation avec elles. Il n’hésite pas à se moquer de lui-même, presque dans une auto critique bienveillante de celui qu’il a été avec ses maladresses (notamment quand il reproduit ce qu’il a vécu tout en sachant qu’il est dans le cliché).

C’est un album original, bien pensé, plaisant à lire et qui permet de chantonner !

"Quand les enfants Finaly devinrent une affaire d'État" de Yaël Hassan

Quand les enfants Finaly devinrent une affaire d'État
Auteur : Yaël Hassan
Éditions : Scrineo (10 Octobre 2015)
Collection : Il était un jour
ISBN : 9782367403434
160 pages

Quatrième de couverture

Deux orphelins juifs ont été confiés à la crèche municipale de Grenoble. À la fin de la guerre, leur tante veut les récupérer mais mademoiselle Brun décide de les faire baptiser et refuse de les rendre. Les enfants entament alors une longue cavale, de couvents en monastères, à travers la France, la Suisse et l'Espagne.

Mon avis

« Il était un jour », nouvelle collection chez Scrineo s’adresse aux enfants mais le contenu peut être lu par les adultes. Il me semble même intéressant de faire lire ces courts récits à deux ou trois générations d’une même famille afin d’échanger par la suite.

Yaël Hassan reprend avec doigté un fait réel « L’affaire Finaly » où deux frères juifs, après que leurs parents aient été déportés, ont été soustraits à l’affection du reste de la famille.
C’est la lutte des frère et sœurs de la mère et du père pour retrouver et élever les enfants qui est évoquée dans ce texte.

L’auteur utilise le présent de narration et des paragraphes courts surmontés d’un titre résumant ce qu’on y lira. Pour de jeunes lecteurs, c’est très bien. De plus, la lassitude ne s’installe pas avec cette présentation et l’intérêt est largement maintenu (pour le lecteur adulte également, bien entendu !).

J’ai été heureuse de retrouver le style et l’écriture de Madame Hassan qui m’a fait pleurer avec « Le professeur de musique ». Elle a l’art de parler de sujets graves, importants, avec des mots simples mais pas simplistes. Elle rapporte les faits avec pertinence, sans porter de jugement. De plus, comme indiqué par les nombreuses références en fin d’ouvrage, elle s’est beaucoup documentée avant de se lancer dans la reconstitution de ces faits.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Le rythme est vif, soutenu, permettant de rester dans l’action sans temps mort. On découvre sous quels prétextes les enfants ont été ballotés et combien la justice peut être lente et maladroite parfois. J’ai été étonnée de constater que certaines personnes qui aiment soi-disant les enfants, pensent à elles avant tout, d’une façon très égoïste. J’ai admiré cette famille et son « réseau » d’amis qui se bat avec beaucoup de volonté mais également d’intelligence pour que les deux frères soient enfin accueillis et aimés comme ils en ont le droit.

Je félicite les éditions Scrineo pour avoir lancé cette collection qui ravira les familles, les jeunes mais aussi leurs enseignants. Je sais qu’elle est déjà coup de cœur des libraires et cela ne m’étonne pas.
Je remercie Yaël Hassan d’avoir écrit ce beau récit avec des mots qui viennent du cœur.

 

"Il était une fois la guerre" d'Estelle Tharreau

 

Il était une fois la guerre
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (3 Novembre 2022)
ISBN : 978-2-37258-110-3
256 pages

Quatrième de couverture

Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite. C'est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ».

Mon avis

Estelle Tharreau n’en finit pas de me surprendre. A chaque roman, elle soulève une nouvelle problématique et l’analyse avec une finesse exceptionnelle. Dans ce récit, elle parle d’un soldat, mais pas uniquement lui, sa femme et sa fille sont présentes également. Elle nous plonge au cœur de leur vie, des deux côtés. L’homme rattaché à l’armée, une grande famille, et l’épouse qui attend et vit au rythme des départs, des appels quand c’est possible puis des retours.

Quand ils partent, avec leur barda, certains pensent au dépaysement, au fait de vivre une aventure, de servir son pays, d’être utiles. Une fois sur place, il faut s’habituer à la chaleur, au rythme sans pause ou presque, aux conditions de vie très difficiles. Bien sûr, ils se serrent les coudes, s’entraident, plaisantent même parfois pour oublier et faire comme si …. Mais rien n’est simple….

L’auteur a vraiment réussi son récit, elle explique les journées des soldats. Et puis, les relations de ce couple nous envahissent, tel un tsunami. On comprend très vite que lorsque le soldat Sébastien Braqui revient au foyer, Claire, sa compagne ne le reconnaît pas. La faute à la guerre, aux moments très durs qu’il a vécu, la faute à sa pudeur d’homme qui ne veut pas « déverser » et qui garde tout en lui. Alors, forcément, ça le ronge et le fossé se creuse entre eux…. On peut mettre des mots : SPT (stress post-traumatique) mais les fait sont là. Il se sent incompris, tout lui semble futile et dérisoire, il a l’impression de ne plus appartenir à ce monde.

Bien sûr, il y a les psys, les aides ponctuelles, mais seuls ceux qui ont été là-bas, comme lui, peuvent le comprendre. Il se sent seul, il plonge, remonte, replonge. Quand il revient d’OPEX (opération extérieure), il est présent physiquement mais pas sa tête. Son esprit, ses pensées sont encore là-bas. Sébastien se sent coupable, parce que ceux qui restent en France n’ont pas tous les éléments et critiquent les interventions de l’armée au Shonga, en Afrique. Certains les détestent parce qu’ils ont dû tuer. Il voudrait expliquer, partager mais il n’a pas les mots. En plus, quand il est de nouveau en France, c’est pour ne plus penser aux missions, pour se ressourcer…..

Ces hommes brisés, qu’est-ce qu’ils deviennent, qui les accompagnent ? Estelle montre bien les limites du système, ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est simplement que c’est comme ça. Les têtes pensantes n’envisagent pas tout, parent au plus pressé et font des erreurs ….

L’écriture est adaptée et affirmée. Quand l’auteur se glisse dans la peau du reporter de guerre en disant « je », on ne sent pas qu’une femme est derrière le clavier. Ce qu'elle a choisi de présenter est un sujet dur, tout à fait réaliste. Elle le fait avec intelligence et brio, en fouillant les âmes, en creusant la personnalité de ce soldat, brisé par ce qu'il a vu, incapable de passer à autre chose. C'est très bien qu'elle parle d'un lieu qui n'existe pas, ça évite des comparaisons et comme elle le rappelle, il s’agit d’une fiction.

C’est une histoire bouleversante, le lecteur est tellement dedans qu’il se sent impuissant, malheureux pour les uns ou les autres, révolté aussi et il s’accroche à la moindre lueur d’espoir ….

"Inversion" de Ludovic Deblois

 

Inversion
Auteur : Ludovic Deblois
Éditions : des Offray (5 Décembre 2022)
ISBN : 9782490638123
372 pages

Quatrième de couverture

À l’approche de l’été 2041, dans les rues de Shenzhen, deux chercheurs chinois s’enfuient d’un laboratoire sécurisé. À Bruxelles, un fonctionnaire européen investigue sur les algorithmes du réseau social Thot, soupçonné de manipuler les citoyens à leur insu. En Sicile, une journaliste française enquête sur le devenir de migrants disparus. À Amsterdam, un entrepreneur néerlandais déploie une intelligence artificielle pour libérer les Européens du joug de leur administration. Leur combat commun : défendre leur vision de la liberté. Face à eux, l’Agence européenne de sécurité et du renseignement intérieur mobilise ses forces pour les stopper.

Mon avis

Des trajectoires qui se croisent, des personnages qui doutent ou qui sont trop sûrs d’eux, une intrigue multiple mais où tout est relié à ce qui fait l’essence même de chaque humain : les choix de vie. Sont-ils influencés, est-on manipulé consciemment ou pas, jusqu’où va notre libre arbitre et a-t-on toujours la possibilité de choisir ce que l’on souhaite réellement ? N’est-on pas obligé de tenir compte de notre environnement, des personnes qui nous entourent, du contexte ? Et si on n’a rien connu d’autre, a-t-on le pouvoir de changer le cours du destin qu’on nous « impose » ?

Dans ce roman, une application a été mise en place et elle régente tout. Nous sommes en 2041, et le numérique a envahi les vies. Cela fait partie du quotidien et la plupart des gens ne se posent pas de questions et se laissent porter…sans décider, simplement parce qu’ « on » sait ce qui est le mieux pour eux.

Il y a, ça et là, quelques rebelles, des personnes qui essaient d’inverser la tendance, de ne plus être fichés, de pouvoir voyager sans être tracés. Le programme Inversion est en place pour défendre la liberté, les libertés. Mais que pourront quelques personnes face à des bulldozers ?

Espionnage, rébellion, faux amis, rien n’est aisé entre les protagonistes et chacun (des gentils) doit se montrer prudent pour s’en sortir mais à qui faire confiance ?

Avec une écriture déterminée et un style vif, Loïc Deblois nous entraîne dans une vision futuriste de notre société. On pourrait bien se retrouver avec ce qu’il décrit si on oublie d’être vigilant face aux dérives du numérique. Le propos est réfléchi et bien présenté.

J’ai regretté qu’il n’y ait pas dans les premières pages, une feuille de présentation des personnages, au début, j’ai eu peur de me perdre.


"Colette Magny Les petites chansons communistes" de Yann Madé

 

Colette Magny Les petites chansons communistes
Auteur : Yann Madé (Scénario, dessins, couleurs)
Éditions : Jarjille (10 Juin 2022)
ISBN : 9782493649003
114 pages

Quatrième de couverture

Collette Magny était une chanteuse engagée et féministe, elle a côtoyé ou influencé tant d´artistes, de Mouloudji à Orelsan en passant par Olivia Ruiz, pourtant beaucoup semblent l´avoir oublié. C’est pourquoi, sur les pas de Pierrot, un de ses plus grands fans, j´ai décidé de vous raconter qui elle était...

Mon avis

« J’ai fait des erreurs, bien sûr, mais j’ai fait exactement ce que je voulais, on ne m’a rien imposé, jamais, jamais, jamais ! »

Colette Magny (1926-1997) chanteuse et auteure-compositrice-interprète française, était une « Léo Ferré au féminin ». Ce n’est qu’à trente-six ans qu’elle a commencé à chanter et ses textes engagés n’ont pas toujours été diffusés sur les ondes. Certaines radios rayaient volontairement ses disques, c’est dire….

Yann Madé a rencontré Pierrot, un admirateur de cette femme et lui a promis une bande dessinée hommage d’où cet ouvrage complet, foisonnant, intéressant, publié aux éditions Jarjille qui n’en finissent pas de me surprendre !

Certains parlaient d’elle en la surnommant « la chanteuse noire blanche » à cause d’une voix aux tons de jazz et de blues. Elle a été connue, au départ, pour Mélocoton.


Mais la résumer à un tube serait bien trop restrictif !

Elle ne se destinait pas forcément à chanter et puis elle a découvert le jazz, en travaillant comme secrétaire à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), comme quoi une rencontre peut changer une vie. Ce que j’ai découvert en lisant ce recueil, c’est une femme qui assume sa vie, ses choix (au point de faire un disque avec une face vierge).  Elle fait tomber le masque, met sa vie en chansons et exprime avec tendresse ou colère ses émotions, ses ressentis. Elle est la voix de ceux qu’on oublie d’écouter : les immigrés en grève ou en exil, les ouvriers malmenés, ceux qui luttent et ne sont pas entendus. Elle prend le relais et elle les représente. Bien sûr, elle dérange, elle fait même fuir un de ses musiciens qui refuse de l’accompagner sur un de ses textes, mais elle ne cède pas. Elle a une force de caractère impressionnante !

Quand j’ai découvert tout cela, j’ai pensé : « Mais comment ai-je pu passer à côté ? », surtout qu’en discutant avec mes parents, je me suis aperçue qu’ils la connaissaient….

Il y a plusieurs textes de Colette Magny et à chaque fois, Yann Madé s’inspire d’une bande dessinée existante pour les mettre en exergue. C’est bien car le lecteur peut chercher le lien et qui a dessiné (et si on ne trouve pas, c’est écrit en tout petit en bas de page).

Les planches sont en noir et blanc, avec beaucoup de dégradés et de variantes. Mais la couverture est en couleur et si vous dépliez le rabat, vous voyez le visage de Colette en entier ! J’ai trouvé le contenu des bulles très complet en informations ainsi que les notes. La BD est vivante, les bulles peuvent être à cheval sur plusieurs cases, certains visages sont coupés comme si on avait « photographié » l’essentiel : un geste, une mimique, un regard …. Le dessin est vif, toujours en mouvements et les différents contextes évoqués bien représentés. Cela donne un ensemble aux multiples entrées tout en restant concentré sur une femme exceptionnelle comme on en rencontre peu.


"Les ténèbres et la nuit" de Michael Connelly (The Dark Hours)

 

Les ténèbres et la nuit (The Dark Hours)
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin
Éditions : Calmann Lévy (7 Septembre 2022)
ISBN : 9782702166345
434 pages

Quatrième de couverture

Alors que Los Angeles fête le passage à la nouvelle année, l’inspectrice Renée Ballard est appelée sur une banale scène de crime. Mais la victime, un garagiste endetté, n’a pas été tuée au hasard des festivités. Ce meurtre est en effet lié à un autre, sur lequel a jadis travaillé l’illustre Harry Bosch, trop heureux de reprendre du service pour aider Ballard. D’autant plus que celle-ci a déjà fort à faire avec une enquête en parallèle qui la voit traquer un sinistre duo de criminels surnommés les « Hommes de minuit ». Dans cette affaire, présent et passé se rejoignent et les monstres que Ballard et Bosch recherchent sont prêts à tout pour garder leurs secrets.

Mon avis

Renée Ballard est la nouvelle héroïne de Michael Connelly et pour la troisième fois, son chemin va croiser celui de Harry Bosh. Elle doit enquêter sur un crime qui a eu lieu la nuit de la Saint Sylvestre et il s’avère que l’arme utilisée l’a déjà été, il y a longtemps pour une affaire investiguée par Bosh. D’où les retrouvailles entre les deux compères. Harry qui a plus de soixante dix ans est ravi car ça l’intéresse toujours autant de mettre son nez partout, de creuser, d’essayer de comprendre. Ce n’est, bien entendu, pas officiel, mais il n’en a cure, l’essentiel, c’est l’adrénaline qui bout en lui lorsqu’il analyse des faits, des documents en faisant tout pour en tirer les bonnes conclusions. Et en vieux briscard, il sait y faire pour interroger, observer, voire manipuler un suspect l’air de rien afin d’obtenir une information.

Renée Ballard est plus jeune, plus impétueuse, elle le reconnaît elle-même, elle gagnerait parfois à réfléchir un peu plus avant de se lancer mais bon…. Le binôme s’équilibre et se complète pour le plus grand bonheur du lecteur (car il faut bien le reconnaître, le chouchou c’est Harry, un vieux copain dont on n’a pas envie de se lasser).

Renée est donc confrontée à deux affaires, le meurtre la nuit du réveillon et « les hommes de minuit », des violeurs qui attaquent des femmes seules chez elles. La première est reliée à quelque chose qu’a suivi Harry il y a longtemps d’où l’occasion de se rapprocher de lui pour faire le maximum et avancer ensemble. Sans le savoir, Renée soulève plusieurs lièvres et elle comprend vite qu’elle dérange mais elle n’entend pas se laisser dicter sa conduite, quitte à se mettre en danger et risquer de perdre sa place.

On est en pleine pandémie, masques, précautions d’usage, vaccin ou pas, manifestations diverses secouent le quotidien de nos deux enquêteurs. L’atmosphère est bien retranscrite. Bosh, lui, aime toujours autant la musique, même si les références sont un peu moins nombreuses.

Le début du récit m’a paru un peu lent, entre toutes les explications pour mettre l’histoire en place, notamment avec l’affacturage. Et sur la fin, j’ai trouvé la résolution des hommes de minuit presque trop rapide. Mais tout ceci n’est que mon point de vue.

L’écriture de Michael Connelly est toujours agréable (merci à Robert Pépin, le fidèle traducteur). Je la trouve moins puissante que pour les premiers titres ou alors c’est que je deviens difficile … Le principe des derniers livres, où la plupart du temps deux enquêtes se croisent, permettant d’introduire un autre personnage cher à Connelly (Harry ou son demi-frère Mickey Haller), risque également de devenir lassant car on s’habitue à un certain « fonctionnement » et la surprise n’est pas au rendez-vous.

Malgré ces « bémols », je n’ai pas passé un mauvais moment de lecture mais je sais que l’auteur m’a habitué à mieux !

"Certaines n'avaient jamais vu la mer" de Julie Otsuka (The Buddha in the Attic)

 

Certaines n’avaient jamais vu la mer (The Buddha in the Attic)
Auteur : Julie Otsuka
Traduit de l’anglais par Carine Chichereau
Éditions : Phébus (30 Août 2012)
ISBN: 978-2-7529-0670-0
384 pages

Quatrième de couverture

En 1919, des Japonaises quittent leur pays afin de rejoindre aux Etats-Unis des compatriotes auxquels elles ont été promises. Bercées d'illusions, elles vont endurer de cuisantes déceptions face à des maris brutaux, la xénophobie, un travail harassant, la barrière de la langue. Lors de la Seconde Guerre mondiale, suspectées par le pouvoir, elles sont enfermées dans des camps de concentration.

Mon avis

C’est une longue plainte, ressemblant à une litanie du fait de la construction et du style de l’auteur qui peuvent surprendre. Celle de ces japonaises embarquées pour les Etats-Unis et qui n’ont pas vécu ce qu’elles espéraient.

J’ai aimé la puissance de l’écriture de l’auteur qui ne m’a pas dérangée.

Il me semble que la répétition du nous était nécessaire pour démontrer qu’il s’agit d’un groupe, que chacune avait pris avec elle, la cause des autres. Elles sont un tout… Un tout qui est souffrance, soumission, espérance parfois….

Au départ murmures, leurs voix montent de plus en plus, cris déchirants quand le malheur les frappe, résignés face à ce qu’elles pensent être leur devoir, étouffés si elles ont peur….

Je suis restée avec ces femmes une demi-journée et je ne les oublierai jamais.

"Un coin de ma tête" de Johan Lagrange

 

Un coin de ma tête
Auteur : Johan Lagrange
Éditions : Jarjille (15 Avril 2022)
ISBN : 978-2918658979
114 pages

Quatrième de couverture

Un chat aux tympans fragiles, une rock star moraliste jetée à la poubelle, un camping portugais farci de dindes, une réunion de fantômes débattant de conflits familiaux... Voilà, entre autres, ce que vous pourrez trouver dans Un coin de ma tête. Écoutons Johan nous conter son enfance, remplie de jeux vidéo, de musique et de bandes dessinées. Ce petit tour dans un coin de sa mémoire fait ressurgir, pour notre plus grand plaisir, bien des instants oubliés de notre propre passé...

Mon avis

On a tous dans le cœur ou dans un coin de sa tête….

C’est avec des couleurs bleu-gris que Johan Lagrange m’a entraînée dans un coin de sa tête. Plusieurs retours en arrière ciblés sur une tranche de son passé pour partager des périodes marquantes pour lui. L’école, les jeux vidéo, les vacances et la découverte de la bande dessinée où il s’identifie à un personnage, les premiers émois, la musique etc.

Il y a une forme de nostalgie qui nous prend car, forcément, nous aussi, on se glisse dans notre enfance/ jeunesse et en écho aux faits choisis par l’auteur, on cherche les nôtres. Quels souvenirs garderait-on si on devait les mettre dans un album ? Chacun peut répondre ou pas …

J’ai trouvé ce recueil délicat, il est rempli de tendresse pour ce que ce jeune Johan a été. Il se regarde, se dessine, s’offre à nous dans ce qu’il est sans se cacher, avec beaucoup d’amour et de respect pour ce lui-même plus petit.

On sait que les premiers pas de notre vie déterminent, en partie, ce qu’on devient, vers quoi on va s’orienter (n’est-ce pas Astérix ?), de quelle façon on va évoluer et se construire. C’est ce qu’on découvre dans les planches très claires du dessinateur. Le tracé est épuré, les tons bleutés / grisés sont parfaits. En peu de traits, les visages sont expressifs et le lecteur ressent les émotions du personnage tiraillé parfois entre son désir de devenir grand et son envie de garder son âme de rêveur pour ne pas tomber dans la désillusion …. Les textes des bulles nous parlent à la tête et au cœur ….

C’est troublant de constater que les passages « initiatiques » sont parfois les mêmes pour nous aussi. Être écolier, envisager l’avenir, tomber amoureux, grandir et se laisser emporter par la poésie et la magie…

Un très bel ouvrage et un auteur à suivre ….




"Le Mausolée" de Edouard Moradpour

 

Le Mausolée
Auteur : Edouard Moradpour
Préface d’Alexandre Adler
Éditions : Michalon (2 Mai 2013)
ISBN: 978-2841866892
384 pages

Quatrième de couverture

Moscou, 2014. Dans la Russie trouble et tourmentée de Poutine, Tatiana gagne sa vie en dansant tous les soirs au Club 121, haut lieu de rencontres entre hommes d affaires. Sa beauté ne laisse personne indifférent, et surtout pas Oleg Bezroukov. La jeune femme succombe rapidement au charme magnétique de ce dernier. Mais très vite, le doute s installe. Qui est cet homme qui paraît si amoureux mais ne cesse de disparaître sans la moindre explication et surtout, semble être doté d un étrange et inquiétant pouvoir de prédiction ?

Mon avis

Vous avez besoin d’un roman facile à lire, avec des personnages pas trop retors, plutôt prenant et pas trop mièvre dans un décor qui change ? De l’action, du rythme et ce qu’il faut d’ésotérisme pour vous sentir dépaysé sans excès ?

Si vous répondez oui, vous pouvez lire cet opus. Tous les ingrédients sont réunis pour occuper un après midi pluvieux entre quatre murs ou de bronzette sur la plage, un long trajet en train ou en avion.

N’allez pas chercher une construction compliquée et des ramifications à n’en plus finir ainsi qu’une abondance de protagonistes. Pas du tout, les événements sont clairement définis, pas d’individus complexes, les gentils d’un côté, les méchants de l’autre.

On pourrait se dire que cette histoire va être trop lisse et qu’elle sera vite oubliée…

Alors quels en sont les atouts ?

- Tout se passe en 2014, donc toute ressemblance etc….

Ce futur proche permet à Edouard Moradpour de nous placer dans un contexte assez proche de la réalité et de glisser quelques références contemporaines qui maintiennent le lecteur dans une « actualité » très bien reliée aux événements décrits.

- L’auteur connaît parfaitement le pays où il place ses péripéties et cela apporte un plus car on en découvre certaines facettes par ses yeux (notamment la présence des starets).

- Quelques références historiques, même si elles ne sont qu’effleurées (permettant un roman « grand public ») dont les manuscrits de Qumran, glissés ça et là, donnent une dimension supplémentaire à l’ensemble.

- Un peu d’ésotérisme mais sans exagération pour intriguer le lecteur

- Des hommes et des femmes assez clairement définis pour qu’on s’attache à eux ou qu’on les déteste.

- Quelques bribes de politique du « futur ?» (on est en 2014 n’est-ce pas ?) jetant malgré tout un éclairage sur la vie là-bas, pas si loin de la France…

Tous ces légers plus mis bout à bout octroient une certaine teneur à l’ensemble et en font un livre très abordable.

L’écriture est fluide, les dialogues vifs, les décors campés en peu de mots. On est au cœur de ce qu’il se passe et on n’en perd pas une miette et surtout une fois commencé, on n’a qu’une hâte : avancer encore et encore dans la lecture pour découvrir les tenants et les aboutissants.

Certains esprits chagrins ne manqueront pas de dire que tout cela est assez linéaire et bien prévisible… Mais de temps autre, une lecture dite « légère » fait beaucoup de bien.

Et je me dois de reconnaître que j’ai lu très rapidement les trois cent quatre vingt-quatre pages de ce récit sans m’ennuyer une seconde !

NB : Pourquoi pas une adaptation pour le petit ou le grand écran ? Avec le « beau David » dans son propre rôle ??….

"Goliarda Sapienza telle que je l'ai connue" de Angelo Maria Pellegrino

 

Goliarda Sapienza telle que je l'ai connue
Auteur : Angelo Maria Pellegrino
Traduit de l’italien par Nathalie Castagné
Éditions : Le Tripode (26 Mars 2015)
ISBN : 9782370550538
64 pages

Quatrième de couverture

Dans ce texte émouvant, le dernier compagnon de Goliarda Sapienza nous livre un portrait inédit de l’auteur de L’art de la joie, de Moi, Jean Gabin et de L’université de Rebibbia. On y redécouvre les arcanes d’une de personnalités les plus singulières de la littérature contemporaine, depuis l’univers hors norme de son enfance en Sicile à ses errances romaines, ses contradictions et les mouvements d’une vie qui la plongèrent dans les désespoirs les plus profonds comme les joies les plus minérales.

L’Auteur

Angelo Pellegrino fut le compagnon de Goliarda Sapienza jusqu'à sa mort. On lui doit la diffusion de l'oeuvre de l'auteur.

Mon avis

Mourir pour mieux renaître

Ce sont les lecteurs français qui ont donné ses lettres de noblesse à Goliarda Sapienza. Ils ont été les premiers à reconnaître son livre « L’art de la joie » comme une œuvre majeure de la littérature italienne. Ce roman raconte l’histoire d’une jeune sicilienne qui découvre la vie et le plaisir au temps du fascisme. Il a été publié à titre posthume. Ce n’est qu’après ce succès que les autres écrits de cette femme ont été édités.

Dans ce court opus, celui qui fut son dernier compagnon, de 1976 à 1996, nous parle d’elle.

Lorsqu’on voit les photographies illustrant le texte, on la découvre « aérienne », rayonnante, lumineuse et on comprend qu’il soit tombé fou amoureux, fasciné par cette femme, malgré la différence d’âge (vingt ans les séparaient). Il nous relate, comment, après avoir vécu avec elle et avoir découvert ses textes, il a décidé de se consacrer à l’édition intégrale de ses écrits car seuls, quelques uns avaient vu le jour de son vivant.

Pour cela, il fallait bien la connaître, car lorsqu’on met à jour des manuscrits, après le décès de leur créatrice, il faut être très prudent afin de respecter la quintessence du contenu. Il explique les refus des éditeurs italiens, les relectures de « L’art de la joie », les discussions sans fin et puis d’un coup, la solitude après la mort de Goliarda. Lui, seul avec cette œuvre dont il sait qu’elle a de la valeur….

Il nous raconte qu’elle a grandi à l’école de la vie, sous l’influence de ses parents, de la rue, du quotidien…Elle a lu la littérature politique, philosophique, intégrant l’Académie d’Art Dramatique, souffrant du refus des éditeurs face à « L’Art de la Joie ». Elle « habitait » ses textes, elle « était » présence dans ses récits. Volcanique, capable d’actes paraissant insensés, mais qui avaient un sens pour elle, c’était une femme bouleversante, attachante. Ne croyant pas au fait qu’un écrire rime avec solitude, elle fit lire et relire puis relire encore son œuvre à son compagnon. Elle a tout sacrifié à l’écriture de 1967 à 1976, obligée de vendre des objets d’art pour vivre.

Angelo Maria Pellegrino nous décrit une femme combattante, combattive, provocatrice pour faire réagir (comme lorsqu’elle a « choisi » d’aller en prison … Il nous retrace leurs journées, le cheminement et les choix de cette grande dame, et se faisant, il donne l’envie au lecteur de découvrir, si ce n’est pas déjà fait, « l’art de la joie » et ses autres livres, comme le font les jeunes lecteurs italiens.

"Clandestin" de Philip Caputo (Crossers)

 

Clandestin (Crossers)
Auteur : Philip Caputo
Traduit de l’américain par Fabrice Pointeau
Éditions : Le Cherche Midi (8 Mars 2012)
ISBN : 978-2749118574
768 pages

Quatrième de couverture

Gil Castle, homme d'affaires new-yorkais, ne se remet pas de la disparition brutale de sa femme. Après une longue dépression, il décide de tout abandonner pour s'installer seul avec son chien en Arizona, dans une petite bicoque perdue au milieu des terres familiales, près du ranch de son cousin. Là, à quelques encablures de la frontière mexicaine, il commence peu à peu une nouvelle vie, s'enivrant le jour de la beauté des paysages, lisant Sénèque la nuit. Mais, en recueillant un immigré clandestin, rescapé d'un deal de drogue ayant mal tourné, il va faire connaissance avec la face obscure de la frontière, celle qui, depuis des générations, pèse sur sa famille. Et avec l'apparition d'Yvonne Menendez, figure haute en couleur d'un cartel mexicain, le passé et le présent ne vont pas tarder à converger vers un final étourdissant.

Mon avis

Sur le fil….

C’est un livre de frontières….

Celles qui existent entre les pays (entre l’Arizona et le Mexique présentement), celles qui séparent les hommes qui ne se comprennent pas et qui, pourtant, se côtoient, celles plus délicates qui s’érigent dans les familles suite à une incompréhension, celles si ténues parfois entre le bien et le mal (il suffit de peu, quelquefois très peu pour basculer de l’autre côté et il est alors difficile de revenir du « bon côté »…), celles que l’on se crée, tout seul, par manque de confiance en soi, parce qu’on ne sait plus parler, communiquer et lorsque les autres se sont éloignés, le fossé est trop grand pour le franchir ……

Toutes ces limites sont évoquées de façon subtile, dans un roman magnifique, portée par une écriture délicate, donnant à chacun une place de choix, une manière unique de s’exprimer.

L’auteur alterne un récit linéaire (avec quelques pages dans le passé en début de livre) et différentes transcriptions apportant des éclairages variés sur les situations que nous découvrirons.

Gil Castle ; homme par « qui tout arrive », va nous aider à relier le passé et le présent. Fuyant un deuil difficile, voire impossible, il va partir sur le chemin de ses ancêtres, de ceux qui ont construit la (lourde) histoire familiale. Le poids du passé, qui, même lorsqu’on ne l’imagine pas, conditionne le présent, est évoqué par plusieurs biais : par la famille, par l’histoire des pays à travers les choix politiques, par l’intermédiaire de ces hommes et de ces femmes qui fuient le Mexique pour ce qu’ils croient être un mieux…

Les rapports entre les uns et les autres sont empreints de naturel. Les dialogues sonnent vrai et on voit que dans la contrariété, la souffrance, les hommes se révèlent, les masques tombent…

La mort et la drogue ont des rôles de premier plan dans cet opus. Elles entrainent les êtres humains au-delà de leurs limites …. Elles chamboulent tout sur leur passage….

Je n’aurais pas lu ce livre si une amie, qui me connaît bien, ne m’avait pas dit « mets le dans ta valise, je sais que tu vas aimer… » (elle avait raison ;-)

Il ne faut pas être rebuté par le nombre de pages. Le texte est fluide, les protagonistes aux caractères forts, vous prennent aux tripes. Tout va vite, les non-dits, les secrets de famille peuplent le récit  et on se dit que si quelqu’un s’était décidé à parler, à tendre la main, à essayer de comprendre, les « chaînes » ainsi engendrées auraient été brisées pour les générations à venir … Mais il n’est jamais aisé de « libérer la parole »…

J’ai beaucoup apprécié ce « pavé » (qui n’en a jamais été un tellement on a envie de connaître la suite.)

Le traducteur a trouvé le « ton juste » pour le récit comme pour les éléments apportés sous forme de transpositions. Le contenu m’a plu, tout cela m’a interpelée et je n’avais qu’une hâte : retrouver au plus vite Gil et ses comparses (son approche du deuil, ses ressentis sont finement décrits et très réalistes.)

Je conclurai par une question « Est-on otage de son passé ? »…..

"L'évasion Lyon 1943" de Mathieu Rebière

 

L’évasion Lyon 1943
Auteur : Mathieu Rebière
Éditions : Jarjille (11 Juin 2021)
ISBN : 978-2918658863
124 pages

Quatrième de couverture

La silhouette de la prison de Montluc, à Lyon, est connue des Français depuis que Klaus Barbie y a symboliquement enfermé au moment de son procès. Sous l'Occupation, la Gestapo y détenait les résistants et les juifs avant leur exécution ou leur déportation. Membre du réseau Groussard, André Devigny y fut emprisonné en avril 1943. Mais il s'était juré de s'évader. Un récit inspiré de faits réels, suivi d'un cahier historique.

Mon avis

C’est une histoire de rencontre ou plutôt de rendez-vous.
Mathieu Rebière, professeur d’histoire, est allé à la prison de Montluc en Décembre 2014, pour préparer une visite avec ses élèves de classes de troisièmes. Ce jour-là, Adrien Allier, chargé de développement et communication au Mémorial National à la prison, raconte l’évasion improbable d’André Devigny. Mathieu dessine déjà un peu, beaucoup même, avec le groupe de l’épicerie séquentielle de Lyon. Et il décide que cette fuite, il va la raconter en bande dessinée. S’en suivront, six ans de recherches, de lectures de témoignages, de documents (notamment du mémorial), de discussions avec des personnes liées aux personnages. Mais ça valait la peine, j’en veux pour preuve, ce magnifique ouvrage que je viens de terminer.

Mathieu Rebière explique comment André Devigny a vécu sa captivité, ce qu’il a mis en place pour communiquer, s’évader et comment ce projet de sortir a pu aider les prisonniers qui déprimaient (même si, après, il y a eu une surveillance plus accrue) et donner de l’espoir. Les dessins sont très expressifs, le trait est clair, les couleurs douces et le texte, parfaitement en lien avec le contenu, est intéressant car il apporte de nombreuses informations.

Je trouve captivant que les dessinateurs s’emparent de faits réels pour les offrir sous forme de BD. Le côté « visuel » rend la découverte du fait historique moins lourde, plus présente. On se sent immédiatement concerné car les protagonistes ont un corps, des émotions visibles et on apprend à leurs côtés.

Les éditions Jarjille, publient depuis 2004, peu mais bien. Chaque livre est porteur de sens et c’est forcément un plus. On peut les offrir, se les offrir mais on sait qu’après lecture, on aura envie d’en savoir plus, d’aller plus loin ou de relire pour voir ce qui nous a échappé.

J’aime ces recueils qui me permettent de découvrir des tranches de vie dont je ne savais rien sous une forme moins rébarbative et moins lourde qu’un texte alors bravo à Mathieu Rebière pour toutes ces investigations qui ont donné un magnifique recueil et bravo à l’éditeur pour la publication de cette pépite.

Le cahier historique est très complet !



"Delta Charlie Delta" de Laurent Guillaume

 

Delta Charlie Delta
Auteur : Laurent Guillaume
Éditions : Denoël (12 Mars 2015)
ISBN : 978-2-207-11791-0
282 pages

Quatrième de couverture

Flic solitaire aux méthodes peu orthodoxes, Mako ne se sent bien que parmi la faune des voyous et des noctambules. Et lorsqu’il s’allie de manière officieuse à une capitaine de la PJ, l’enquête prend une tournure des plus inquiétantes.

Mon avis

« A nos péchés et à ceux qui en paient le prix. »

« La nuit, j’ai l’impression d’être quelqu’un. C’est mon univers. Le jour, j’ai l’impression de n’être qu’un exilé, d’encombrer les gens. »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas un vulgaire malfrat noctambule qui prononce ses mots, mais un policier. Mako, enfin plus précisément Malovski, major au service du quart de nuit. Ancien révolté, à fleur de peau, il préfère faire justice lui-même plutôt que prendre le risque que des malfrats ressortent de prison au bout de dix ou quinze ans et recommencent leurs horreurs. Mais ce n’est pas comme ça que la justice fonctionne et ses méthodes, loin d’enchanter ses supérieurs et coéquipiers, dérangent dans les hautes sphères où il est connu comme un vieux loup solitaire craint, respecté, mais dont il faut se méfier. Il aime le monde de la nuit, où il se fond dans la masse des junkies, dealers et autres personnes peu fréquentables. Il a même, parmi eux, quelques contacts, bien utiles, suite à des arrangements plus ou moins licites.

Cette fois-ci, il va être confronté à plusieurs événements graves sur lesquels il faut enquêter. Une jeune femme retrouvée violée et laissée pour morte, des dealers qui disparaissent assassinés…. Y-a-t-il un point commun ? Je ne surprendrai personne en disant que oui, sinon le roman n’existerait pas. Mako va s’acharner pour trouver le lien, pour sauver les personnes qui peuvent l’être encore. Il va rencontrer Marie, une jeune capitaine de police qui est chargée de résoudre l’homicide sur la jeune fille. Ils vont nouer une relation étrange comme deux solitaires, un peu paumés dans leur vie respective, peuvent le faire. Ils se comprennent dans ce qui fait leur force et leur faiblesse, dans leur part d’ombre, leur difficulté à communiquer. Il a la maturité de celui qui a vécu, elle a la fougue de celle qui croit encore au métier enfin presque…. Ils auront besoin l’un de l’autre pour que leurs recherches aboutissent.  Mako emmènera Marie sur les chemins de traverse…. J’ai trouvé que le surnom, sec, rugueux de l’un « Mako » répondait parfaitement au prénom doux « Marie » de l’autre.

L’auteur utilise le nom pour le vieux flic, le prénom pour la tendre capitaine. Comme si l’ancien avait trouvé comment se protéger alors qu’elle, elle reste vulnérable. Leur rencontre à la part belle dans ce roman et apporte beaucoup à l’ensemble de l’intrigue. Les rapports de Mako aux autres sont finement analysés pat l’auteur, que ce soit avec Marie, Angy, l’adolescente rebelle, ou « Papa » (peut-être aurais-je souhaité que ce lien soit un peu plus « creusé »).  Même sa façon d’aborder les scélérats a son importance tant on voit que Mako peut faire preuve d’humanité dans quelques cas et d’une froideur totale dans d’autres (comme s’il était un autre, détaché de tout, sans aucun scrupule).

Depuis ses premiers romans, l’écriture de Laurent Guillaume a gagné en profondeur, il devient un vrai  pro du roman noir, sans fioriture, à l’écriture froide, sèche, incisive. Il alterne les scènes dures avec des dialogues bien construits qui permettent au lecteur de reprendre son souffle. On sent dans ses descriptions, l’insécurité de ce coin de région parisienne qu’il présente avec précision. La construction du livre est assez classique, on passe d’un lieu à l’autre, d’un personnage au suivant. Les principaux protagonistes, Mako et Marie, sont étudiés et présentés avec, oserais-je le mot ?, tendresse, et cela donne de l’humanité à toute cette noirceur.

Malgré des passages durs, de terrifiante réalité, j’ai beaucoup apprécié cette lecture sans doute parce qu’elle va à l’essentiel : la vie, même sous ses aspects les plus douloureux.