"Delta Charlie Delta" de Laurent Guillaume

 

Delta Charlie Delta
Auteur : Laurent Guillaume
Éditions : Denoël (12 Mars 2015)
ISBN : 978-2-207-11791-0
282 pages

Quatrième de couverture

Flic solitaire aux méthodes peu orthodoxes, Mako ne se sent bien que parmi la faune des voyous et des noctambules. Et lorsqu’il s’allie de manière officieuse à une capitaine de la PJ, l’enquête prend une tournure des plus inquiétantes.

Mon avis

« A nos péchés et à ceux qui en paient le prix. »

« La nuit, j’ai l’impression d’être quelqu’un. C’est mon univers. Le jour, j’ai l’impression de n’être qu’un exilé, d’encombrer les gens. »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas un vulgaire malfrat noctambule qui prononce ses mots, mais un policier. Mako, enfin plus précisément Malovski, major au service du quart de nuit. Ancien révolté, à fleur de peau, il préfère faire justice lui-même plutôt que prendre le risque que des malfrats ressortent de prison au bout de dix ou quinze ans et recommencent leurs horreurs. Mais ce n’est pas comme ça que la justice fonctionne et ses méthodes, loin d’enchanter ses supérieurs et coéquipiers, dérangent dans les hautes sphères où il est connu comme un vieux loup solitaire craint, respecté, mais dont il faut se méfier. Il aime le monde de la nuit, où il se fond dans la masse des junkies, dealers et autres personnes peu fréquentables. Il a même, parmi eux, quelques contacts, bien utiles, suite à des arrangements plus ou moins licites.

Cette fois-ci, il va être confronté à plusieurs événements graves sur lesquels il faut enquêter. Une jeune femme retrouvée violée et laissée pour morte, des dealers qui disparaissent assassinés…. Y-a-t-il un point commun ? Je ne surprendrai personne en disant que oui, sinon le roman n’existerait pas. Mako va s’acharner pour trouver le lien, pour sauver les personnes qui peuvent l’être encore. Il va rencontrer Marie, une jeune capitaine de police qui est chargée de résoudre l’homicide sur la jeune fille. Ils vont nouer une relation étrange comme deux solitaires, un peu paumés dans leur vie respective, peuvent le faire. Ils se comprennent dans ce qui fait leur force et leur faiblesse, dans leur part d’ombre, leur difficulté à communiquer. Il a la maturité de celui qui a vécu, elle a la fougue de celle qui croit encore au métier enfin presque…. Ils auront besoin l’un de l’autre pour que leurs recherches aboutissent.  Mako emmènera Marie sur les chemins de traverse…. J’ai trouvé que le surnom, sec, rugueux de l’un « Mako » répondait parfaitement au prénom doux « Marie » de l’autre.

L’auteur utilise le nom pour le vieux flic, le prénom pour la tendre capitaine. Comme si l’ancien avait trouvé comment se protéger alors qu’elle, elle reste vulnérable. Leur rencontre à la part belle dans ce roman et apporte beaucoup à l’ensemble de l’intrigue. Les rapports de Mako aux autres sont finement analysés pat l’auteur, que ce soit avec Marie, Angy, l’adolescente rebelle, ou « Papa » (peut-être aurais-je souhaité que ce lien soit un peu plus « creusé »).  Même sa façon d’aborder les scélérats a son importance tant on voit que Mako peut faire preuve d’humanité dans quelques cas et d’une froideur totale dans d’autres (comme s’il était un autre, détaché de tout, sans aucun scrupule).

Depuis ses premiers romans, l’écriture de Laurent Guillaume a gagné en profondeur, il devient un vrai  pro du roman noir, sans fioriture, à l’écriture froide, sèche, incisive. Il alterne les scènes dures avec des dialogues bien construits qui permettent au lecteur de reprendre son souffle. On sent dans ses descriptions, l’insécurité de ce coin de région parisienne qu’il présente avec précision. La construction du livre est assez classique, on passe d’un lieu à l’autre, d’un personnage au suivant. Les principaux protagonistes, Mako et Marie, sont étudiés et présentés avec, oserais-je le mot ?, tendresse, et cela donne de l’humanité à toute cette noirceur.

Malgré des passages durs, de terrifiante réalité, j’ai beaucoup apprécié cette lecture sans doute parce qu’elle va à l’essentiel : la vie, même sous ses aspects les plus douloureux.


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