"L'assassin du canal" de Sandrine Berthier

 

L’assassin du canal
Auteur : Sandrine Berthier
Éditions : Ravet-Anceau (1er Octobre 2011)
ISBN : 978-2359732146
256 pages

Quatrième de couverture

La population de Coudekerque-Branche, dans la banlieue de Dunkerque, s'inquiète. La police est sur les dents. Les rives du canal ne sont plus sûres. Par trois fois, un déséquilibré a agressé des promeneurs et les a jetés à l'eau. Un employé sans histoire, un SDF et un vieil homme sont morts noyés victimes de ses agissements. L'homme semble choisir ses victimes au hasard et nargue la police en écrivant des lettres dans lesquelles il annonce qu'il va frapper à nouveau pour débarrasser la ville des "inutiles".

Mon avis

Nous voici à Coudekerque-Branche dans la ville natale de l’auteur pour démêler une histoire liant plusieurs meurtres sans point commun apparent si ce n’est le canal et le mode opératoire.

Le lieutenant Decanter et ses adjoints vont devoir faire face à une situation qui leur échappe et qu’ils ne comprennent pas. Il y a un serial killer, c’est sûr mais pourquoi agit-il ainsi, comment « choisit »-il ses victimes, que veut-il, que cherche-t-il, quel est son but ?

Sandrine Berthier, lauréate d’un concours de nouvelles, signe là son premier roman policier.

Elle a de l’idée, des idées, le « fond » de l’intrigue est bien conçu. Quelques passages en italiques laissent à penser qu’elle avait matière à approfondir le personnage de l’assassin en allant plus loin dans le côté complexe de son caractère, de sa vue globale des « gens à éliminer », de son esprit tortueux. Un tueur qui nargue par courrier, c’était un processus original qui méritait d’être beaucoup plus exploité à mon sens.

L’ambiance de cette petite ville, des relations entre les uns et les autres (voisinage, travail, etc…) est bien décortiquée, analysée, on sent que l’auteur a observé, « photographié » ses scènes pour les rendre plus visuelles.

Mais, pour moi, ce roman, a les défauts de « la jeunesse » et sans vouloir peiner l’auteur, je me dois de retranscrire ce que j’ai observé, ne serait-ce que par honnêteté.

Le travail d’écriture n’est pas aisé, j’en suis consciente, mais je suis persuadée que cette jeune écrivain a « une marge de manœuvre » et que son prochain livre sera plus « étoffé ».

C’est donc une interprétation personnelle qui va suivre et qui n’engage que moi.

Il m’a semblé que les dialogues n’étaient pas assez incisifs, percutants, parfois même trop longs et au lieu d’apporter de la légèreté au récit, ils l’alourdissaient inutilement.

Les pronoms personnels trop nombreux, « ils, il », donnent l’impression d’une écriture « lisse », sans relief.

Peut-être aurait-il été intéressant d’aller plus loin dans la recherche des patronymes des différents protagonistes : Duval, Dupuis, Després, Demol, Deleu, … ça ne fait pas un peu trop de D …. Pour accrocher un lecteur lambda, ce sera plus difficile car certains penseront «Tous les noms se ressemblent, je vais me mélanger.» et ils n’iront pas plus avant dans leur lecture.

Alors que chaque individu est assez bien cerné dans sa personnalité même si cela reste superficiel.

La fin est très rapide, tout se dénoue d’un seul coup. Le rôle du chien est révélateur («Je ne sais pas pourquoi il aboie, il est nerveux ? » dit en substance, son maître par intérim). J’avais envie de secouer les enquêteurs et de leur asséner : « Dites, je ne suis pas policier mais moi j’ai compris, réfléchissez un peu … »

Globalement, ce roman me laisse un goût d’inachevé, car je suis intimement convaincue que Sandrine Berthier a de plus belles pages à écrire ….

"Mattéo ne veut pas ....aller à l'école" de Jean-Marie Palach et Patrice Morange

 

Mattéo ne veut pas... aller à l'école
Auteurs : Jean-Marie Palach (texte) et Patrice Morange (Illustrations)
Éditions : du Volcan (4 novembre 2021)
ISBN : 979-1097339333
16 pages

Quatrième de couverture

Ce matin, Mattéo se sent bien dans son lit. Quand MamanPanda le réveille pour aller à l’école, il n’est pas d’accord. Un évènement le fera changer d’avis.

Mon avis

« Pas envie »….même les adultes parfois n’ont pas envie, n’est-ce pas ? Pas envie d’aller au travail ou pas envie de se lever. Et bien ce matin-là, c’est Mattéo qui n’a pas le goût de sortir du lit pour se rendre à l’école. Sa sœur, Mali, est déjà debout, souriante, prête à partir et lui, il reste sous les couvertures…. Alors que faire ? Les parents hésitent, faut-il le secouer, le gronder ? Qu’est-ce qu’ils font eux quand le réveil est difficile ? Et si un événement extérieur venait motiver Mattéo ?

C’est avec des dessins simples et aux couleurs vives mais pas criardes, un texte adapté que Jean-Marie Palach et Patrice Morange présentent cette famille Panda. Le livre cartonné, qui n’a pas trop de pages, est parfaitement pris en mains par les plus jeunes (ou les plus grands s’ils racontent). Le texte peut déboucher sur une discussion pour les matins où l’enfant resterait bien sous la couette, au chaud.

Ce qui est intéressant avec cette série d’albums mettant en scène la famille Panda, c’est que les thèmes abordés sont ceux de la vie de tous les jours qui concernent les enfants. En parler en se servant de personnages fictifs attachants peut certainement aider les parents à échanger avec leur progéniture et y revenir si besoin. Ou bien laisser le livre traîner pour que le message « caché » fasse son chemin…

À offrir ou à posséder dans sa bibliothèque de classe ou chez soi pour voir la joie d’un tout petit assis sur nos genoux écoutant cette histoire….


"L'un des nôtres" de Larry Watson (Let Him Go)

 

L’un des nôtres (Let Him Go, paru en 2013)
Auteur : Larry Watson
Traduit de l’américain par Elie Robert-Nicoud
Éditions : Gallmeister (3 Février 2022)
ISBN : 978-2351782828
350 pages

Quatrième de couverture

Dalton, Dakota du Nord, 1951. Après la mort tragique de leur fils, George et Margaret Blackledge doivent maintenant accepter d’être séparés de leur petit-fils adoré, Jimmy. Car leur belle-fille, Lorna, vient de se remarier à un certain Donnie Weboy et l’a suivi dans le Montana. Hostile à l’égard de Donnie qu’elle soupçonne de maltraiter la jeune femme et l’enfant, Margaret décide de se lancer à leur recherche pour ramener Jimmy coûte que coûte. George ne peut que plier devant la détermination de son épouse.

Mon avis

1951, Dalton dans le Dakota Nord, George et Margaret Blackledge ont la soixantaine. Il a été shérif, il est maintenant ouvrier. Leur fils est décédé, leur belle fille, Lorna, est partie pour suivre un amoureux avec Jimmy leur unique petit fils. Elle s’est installée dans sa nouvelle famille, des gens qui n’ont pas bonne réputation, des faiseurs d’histoires, les rois de l’embrouille et de la violence. Margaret s’aperçoit, un jour, que son le petit Jimmy ne semble pas être la priorité du couple et elle se pose des questions. Elle se décide, elle va aller dans le Montana, voir sur place ce qu’il en est et ramener Jimmy si possible. Son époux comprend tout de suite que rien ne la freinera alors il part avec elle.

Ce couple vieillissant qui a eu son lot de souffrances ne renoncera jamais, on le sent dès le début. C’est leur histoire d’amour, celui qui vibre entre eux malgré les hauts et les bas de leur union, celui qu’il porte à leur descendance, ce petit d’homme qu’ils veulent revoir, et celui que vont leur porter, plus ou moins maladroitement, ceux qu’ils rencontrent sur leur chemin difficile. Ce sentiment domine malgré la violence, le dénigrement, les obstacles, il les habite et leur donne la force de continuer à avancer.  Ils sont attachants dans leur force, leurs faiblesses, leurs imperfections. Peut-être qu’ils devraient faire autrement, parler différemment mais ils ne dérogent pas à leur mission et ne baissent jamais les bras. Jusqu’où est-on prêt à aller pour que le mot « famille » prenne tout son sens ? Il faut bien le dire, ceux qui ont accueilli Lorna, forment un clan, une tribu et une fois dedans, difficile d’en sortir…

L’écriture de l’auteur est très agréable, certains passages sont de belles descriptions lyriques des relations ou des lieux, d’autres sont plus bruts quand l’action s’invite sans discussion. Il y a du rythme, du mouvement, les dialogues sont parfaitement dosés. Au départ, l’histoire s’installe, puis tout accélère, la cadence ne faiblit pas, et on sent l’angoisse qui monte de plus en plus. Y aura-t-il une limite ou chacun est-il enclin à aller encore plus loin pour la garde du petit garçon ? Comment devient-on « L’un des nôtres » ?

Les personnages sont parfois un peu caricaturaux mais ce n’est pas important, George et Margaret rayonnent au-dessus de tout ça. Ceux qui les aident, sans rien demander en retour, sont comme des petites lumières semées sur une route bien sombre.

C’est un récit magnifique, tragique, dur et tendre à la fois, empreint d’émotions fortes qui secouent le lecteur et le laissent le cœur en vrac. J’ai vraiment beaucoup aimé et je ne suis pas prête de les oublier !


NB : ce roman a été adapté en film avec Kevin Costner et je vais essayer de le voir !



"Le jeune acteur - Tome 1 : Aventures de Vincent Lacoste au cinéma" de Riad Sattouf

 

Le jeune acteur - Tome 1 : Aventures de Vincent Lacoste au cinéma
Auteur : Riad Sattouf (textes et dessins)
Éditions : ‎ Les livres du futur (4 novembre 2021)
ISBN : 978-2957813100
150 pages

Quatrième de couverture

En 2008, Riad Sattouf réalise son premier film, Les Beaux Gosses. Il choisit comme premier rôle le jeune Vincent Lacoste, timide et complexé, qui n'avait jamais imaginé être acteur. Le collégien de 14 ans se retrouve alors propulsé dans le monde secret, fascinant et parfois flippant du cinéma ! L'histoire vraie d'un adolescent anonyme devenu l'un des acteurs les plus talentueux de sa génération.

Mon avis

Riad Sattouf est auteur de bandes dessinées et réalisateur. Il a étudié les arts appliqués à Nantes et le cinéma d'animation à Paris, à l'école des Gobelins.

Dans ce tome 1 du jeune acteur, Riad Sattouf dessine sa recherche d’un ado « moche » pour son film « Les beaux gosses » sorti en 2008. On découvre ce qu’il a pensé des castings, ce qu’il souhaitait vraiment. Puis c’est Vincent Lacoste, l’acteur qui a été choisi qui donne ses impressions, toujours dessinées par Riad. C’est vraiment amusant de comparer leurs ressentis d’une même situation, de voir que Vincent Lacoste est « tombé dans le cinéma » par hasard. Il se livre vraiment en toute simplicité, en toute sincérité. Il avait des idées préconçues et tout ne s’est pas déroulé comme il l’imaginait. C’est drôle, désopilant parfois. Il n’arrive pas à visualiser le film car tout est tourné dans le désordre entre autres….

Cette collaboration a donné naissance à une belle amitié. Au départ, Riad est très protecteur avec le jeune acteur et il lui donne des ordres / conseils : pas de drogue, passe ton bac, demande-toi après le film si les gens qui veulent être tes amis l’auraient été avant… Il veut que le jeune homme devienne son « Jean-Pierre Léaud ». Celui qu’il suivra, de film en film, sur plusieurs années.

Cent cinquante pages cela peut paraître important pour une bande dessinée et pourtant pas du tout. On suit le parcours du réalisateur, de l’acteur, de ce qu’ils construisent ensemble. C’est vraiment intéressant. Les dessins sont sympathiques à regarder et il y a toujours une pointe d’humour.

J’ai hâte de lire la suite !



"Entre chiens et loups" de Malorie Blackman (Noughts & Crosse)

 

Entre chiens et loups (Noughts & Crosse)
Auteur : Malorie Blackman
Traduit de l’anglais par Amélie Sarn
Éditions : Milan (28 Novembre 2011)
ISBN : 9782745957252
420 pages

Quatrième de couverture

Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s'affrontent à coups de lois racistes et de bombes.C'est un monde où Callum et Sephy n'ont pas le droit de s'aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d'un rebelle clandestin... Et s'ils changeaient ce monde ?

Mon avis

« Le cœur a ses raisons que la raison ignore …. » Pascal

Dès que j’ai commencé ce livre, une chose m’a frappée ; il n’y a pas de repère spacio temporel, on ne sait pas précisément où se déroule l’histoire et à quelle époque (il y a des voitures, le téléphone donc c’est assez contemporain …)

Tour à tour, les deux principaux protagonistes, deux adolescents, un garçon, une fille, de race différente, prennent la parole et disent « je », souvent pour parler d’un même fait avec leurs deux éclairages.

C’est ce qui fait la force de ce livre, l’expression de ces jeunes face à l’amour, l’amitié, l’injustice, le quotidien qui ressemble à l’apartheid, … Face au monde des adultes, parents, professeurs ou autres … Il sera facile de s’identifier, d’être pris aux tripes et d’avoir envie de se rebeller avec eux pour qu’ils s’en sortent.

La question principale est même posée dans le roman :

« Pourquoi la différence effrayait-elle autant ? »

On accompagne Callum et Sephy, on les écoute, on les regarde vivre, grandir, commettre des erreurs, hésiter, foncer, parler trop alors que parfois il faut se taire

« Que ce n’était qu’un mot. [….] Un mot qui avait blessé mon meilleur ami, un mot qui me faisait souffrir. Je n’avais pas encore compris que les mots avaient un tel pouvoir. »

On observe aussi les réactions de leur famille respective : parents, frère, sœur … est-ce qu’ils agissent ainsi pour leur bien, pensant les protéger ?

Qu’il est difficile de ne pas penser comme sa famille, de devoir se justifier ….Est-ce que les parents projettent leurs désirs profonds sur eux ?

« Est-ce que tu ne désires pas qu’il réussisse là où nous avons échoué ? »

L’écriture est fluide (j’ai remarqué quelques imperfections grammaticales dans les dernières pages), adaptée à un public de jeunes et d’adultes. Les situations s’enchaînent, sont très visuelles et on suit sans peine les événements.

Les personnages secondaires mériteraient d’être plus approfondis dans leur personnalité, leurs raisonnements.

Le dernier quart m’a beaucoup plus intéressée que le reste du livre, peut-être parce qu’à ce moment là, les « seconds rôles » ont pris de la consistance, obligeant les deux « héros » à aller au fond d’eux-mêmes, à choisir, douloureusement, difficilement, mais à choisir sans retour possible … Et lorsqu’une décision est prise, on n’a plus le choix, c’est fini ….

Et on peut passer le reste de sa vie à se demander si on a bien fait ….


"Triple meurtre" à Hazebrouck de Philippe Declerck

 

Triple meurtre à Hazebrouck
Auteur : Philippe Declerck
Éditions : Ravet-Anceau (28 septembre 2011)
ISBN : 978-2359732122
288 pages

Quatrième de couverture

Mis à l'écart de la PJ pour avoir démantelé un réseau pédophile dans lequel était impliqué un de ses collègues, le policier lillois Olivier Béjot se retrouve à Hazebrouck à enquêter sur une série de tags racistes. A priori rien de bien passionnant jusqu'au jour où les trois skinheads soupçonnés par Béjot sont retrouvés égorgés au pied de la statue de l'abbé Lemire. La tension monte d'un cran, d'autant qu'un des morts est le fils d'un policier d'Hazebrouck. Climat tendu, coups bas, pressions politiques, suspicions... le chemin d'Olivier Béjot pour découvrir la vérité est parsemé d'obstacles...

Mon avis

C’est à la suite d’Olivier Béjot, dans la cité flamande de Hazebrouck (qu’il connaît bien) que nous emmène l’auteur.

D’une banale affaire de tags racistes au meurtre de trois jeunes d’une façon horrible, le pas sera franchi dans ce roman.

Comment seront reliées les deux affaires, qui, à la base, ne sont pas du même acabit ? Qui protège qui, qui cache quelque chose ? Les milieux policiers, politiques, commerciaux et autres ne seront pas épargnés par les secrets, les délations, les trahisons, les non-dits, les situations pas claires, les rencontres douteuses …. Il faudra toute l’opiniâtreté d’Olivier Béjot pour dénouer les fils de cette intrigue lourde de sens.

Olivier Béjot est un homme comme on en connaît, qui aime son métier au-delà de tout, ayant des difficultés à cloisonner sa vie privée et laissant trop souvent le premier déborder sur la seconde ….

« Il aimait sa femme mais il aimait aussi ce métier. Il ne savait rien faire d’autre que traquer le mal et il avait le sentiment d’être utile. »

Il ne compte pas son temps, son énergie pour son boulot …. C’est (presque !) toute sa vie …

Son activité principale c’est :

Un de ces « boulots » où l’urgence ne s’annonce pas et où il faut se rendre disponible au bon moment pour espérer solutionner les gros problèmes ….

Un de ces « boulots » que vous ne posez pas à la porte de la maison … Il vous suit, vous hante, vous obsède, vous vide, vous « tient » le jour, la nuit …

Un de ces « boulots » qui agit sur vous comme une drogue, qui vous est indispensable …..

« ……………la vue de la façade en verre de la PJ. lui arracha un sourire. L’angoisse s’évanouit. Il était chez lui. »

Il est comme ça, Olivier Béjot, tout à son labeur, ne lâchant rien, refusant les événements qui semblent trop évidents, rejetant la facilité, cherchant à comprendre ce qu’on lui tait sous prétexte qu’il n’en a pas besoin pour avancer ; observant, à l’affut, la moindre petite chose pouvant apporter un éclairage différent à sa recherche.

J’ai beaucoup apprécié ce personnage et je l’ai trouvé bien décrit dans ses tourments de mari, de père, de commandant de police, d’homme tout simplement, confronté au racisme, à l’extrême droite, à une enquête difficile ….

En revanche, en ce qui concerne les descriptions des journées, des événements … j’ai ressenti quelques longueurs. L’écriture, dans ces cas-là, m’a paru « trop appliquée », presque « scolaire », pas assez « visuelle », pas assez « puissante », comme si l’auteur avait parfois rencontré des difficultés pour trouver ses mots …

Heureusement les dialogues apportent un peu de vivacité !

Le rythme s’accélère sur la fin et c’est une bonne idée, je commençais à trouver long les différentes remarques et réflexions, trouvant qu’elles n’apportaient pas assez d’éléments essentiels … Il m’a semblé que les personnages secondaires manquaient un peu de consistance pour que je ressente de la colère ou de l’empathie envers eux …. Malgré tout, Ahmed a sauvé les seconds rôles, il est bien « cerné » dans ses angoisses, ses peurs, sa façon d’être ….

Globalement, ce livre est bien pensé, bien ficelé, mais je ne me suis pas sentie attirée, aspirée par l’histoire. Je lisais tout cela relativement détachée … Enfin, pas vraiment, Béjot m’a incontestablement intéressée …. Peut-être parce qu’il me paraissait très humain … Il est donc possible que je lise un autre roman du même auteur pour retrouver ce personnage et me faire une idée plus précise de son écriture ….

"Une héroïne stupéfiante" de Didier Esposito

 

Une héroïne stupéfiante
Auteur : Didier Esposito
Éditions : du Caïman (10 Décembre 2021)
ISBN : 9782919066940
330 pages

Quatrième de couverture

"Il y a des jours comme cela, où dès les premiers instants, les éléments vous font comprendre que la journée sera différente. Des petits riens dès le matin." C'est ce que se dit David Cartier en prenant son poste, aux "stups" de Saint-Etienne. Et en effet, une sale affaire attend son équipe ce jour-là : de l'héroïne en ville, ce n'est pas nouveau. Mais une héroïne qui sème la mort, plus que d'habitude pour ainsi dire, c'est nouveau. Il va falloir aller vite, très vite pour stopper l'hémorragie.

Mon avis

L’auteur est policier, il a travaillé à la brigade des stupéfiants de Saint-Etienne (ville où il a choisi d’exercer parce que son équipe de foot est bien connue ;-) pendant quinze ans. Son roman aura donc tout d’un reportage sur le terrain puisqu’il le situe chez les stéphanois. Comme j’habite cette ville, j’ai visualisé tous les lieux cités, et ressenti très fort l’atmosphère des quartiers que je connais. Un atout supplémentaire pour apprécier cette lecture qui sent la réalité et le vécu. Bien entendu, ma chère cité ne se résume pas aux trafics de drogue et aux joueurs de foot, elle a d’autres richesses, notamment les éditions du Caïman qui publient cet ouvrage ;-)

David Cartier, enquêteur aux stups, et son équipe ont beaucoup de travail, et ce n’est pas la stagiaire Sarah, qui se retrouve à faire des horaires à rallonge qui me contredira. En effet, un jeune homme a été découvert mort, victime d’une overdose. Il faut donc mener l’enquête dans les milieux où l’héroïne circule en essayant de rester discret pour avoir un maximum d’informations. Ce n’est pas simple car « radio trottoir » est là et les dealers, clients ou autres sont rapidement prévenus. On découvre alors l’envers du décor, comment ceux-ci agissent pour ne pas être identifiables et ne pas se retrouver en première ligne. De plus, ils ne comprennent pas que la « came » ait provoqué tant de dégâts et cherchent à savoir qui est à l’origine de ce produit déficient qui a apporté la mort.

Le lecteur va donc se retrouver à suivre deux enquêtes : celles des flics, assez classique, qui nous présente les différents rouages, les astuces, du métier, son côté chronophage, le poids de la hiérarchie, le souhait d’avancer vite et bien, quitte à bousculer un petit peu les témoins, tout cela en espérant stopper l’hécatombe ; et celle des dealers qui essaient de cerner les problèmes et de prendre les choses en mains.

L’écriture alerte de l’auteur, parfois teintée d’un peu d’humour non négligeable pour sortir de ce côté sombre et noir, nous entraîne dans le quotidien des enquêteurs et celui des paumés. Les premiers ne touchent pas terre, très occupés à faire face aux événements nouveaux, à analyser ce qu’ils ont récolté (et parfois c’est très peu), à questionner, observer, supposer et déduire…. Les seconds, eux, sont en dehors du circuit, le plus souvent accros à leur dose, ne pouvant pas se passer d’un rail ou plus. On découvre les ravages pour leur santé, le temps qui passe et qui les abîme à tel point qu’il n’y a guère d’espoir d’un retour à la normale. On a rarement l’occasion de les « rencontrer » de si près dans un récit ou pas tout à fait comme ça. Et puis, on se sent impuissant quand on voit ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, qui manipulent en faisant croire qu’ils les aident….

C’est une histoire prenante, visuelle, avec son lot de rebondissements. Le style est fluide et ça se lit avec entrain. Les personnages sont bien campés, on les sent actifs, et cette petite Sarah, un peu trouble, apporte un petit plus indéniable, un grain de sable dans la roue des jours au commissariat….

J’ai lu ce recueil d’une traite et je ne me suis pas ennuyée une seconde, j’en redemande !


"Le 100 è singe" de Stéphane Lanos

 

Le 100 è singe
Auteur : Stéphane Lanos
Éditions : de la Lanterne (3 février 2022)
ISBN : 978-2-9566386-6-7
552 pages

Quatrième de couverture

1er octobre 2019. Une tempête sans précédent frappe le sud-est de la France. Des villes majeures comme Toulon, Carcassonne ou Montpellier sont noyées sous les eaux. En réponse à l’incurie de l’État pour faire face à la catastrophe, des comités de vigilance se créent un peu partout sur le territoire.
30 juin 2023, 5h du matin. Le réacteur n° 1 de la centrale nucléaire de Cruas n’est plus refroidi. Entre ces deux événements, les tensions se nouent.

Mon avis

« L’impossible, nous ne l’atteignons pas mais il nous sert de lanterne. »

Ce roman qui se définit comme un thriller politique dans sa présentation est également un cri d’alerte.

Dans les premières pages, on suit diverses personnes à des dates précises : 1979, 1986, 1995 etc… Il faut bien les repérer car après on va tous les retrouver et découvrir ce qu’ils sont devenus. C’est intéressant de voir ce qui a pu influencer leur personnalité. Même si c’est assez bref, on voit ce qui les a construits, ce qui les motive.

Ce pourrait être demain…. C’est même parfois, déjà, aujourd’hui…. Et ce qu’on lit, interpelle, questionne, angoisse également… Ne nous laissons pas endormir, ouvrons les yeux….

Dans ce récit, le réchauffement climatique a fait des dégâts énormes et devant le comportement un tantinet attentiste de l’état, certains se décident à agir. Des comités de vigilance se mettent en place, l’idée serait bonne mais ça dérape, et ce sont plutôt des milices avec toutes les dérives possibles qui agissent. Certains les soutiennent, d’autres en ont peur et aimeraient se révolter. Les individus que l’on a appris à connaître se positionnent, hésitent, parlent, se taisent, se mettent en avant, se font oublier, comprennent ce qui se trame ou font comme s’il ne se passait rien …. C’est leur cheminement que nous suivons sur plusieurs mois, voire années.  

L’auteur montre que la frontière entre le bien et le mal est parfois floue et que l’interprétation des faits peut prêter à confusion suivant celui ou celle qui observe, qui analyse.

« Le prof a dit comme toi, que le mal et le bien étaient en nous, côte à côte, et qu’ils n’arrêtaient pas de se faire la guerre au fond de notre tête, que c’était même ça notre liberté, choisir entre les deux et que c’était un combat de tous les jours. »

Il présente des situations et des événements où le (la) protagoniste doit se décider rapidement et quelques fois, pour la vie ou la mort. Qu’est-ce qui pousse un homme ou une femme à de telles extrémités ? Au nom de quoi, pour qui, dans quel but ? Stéphane Lanos nous parle de la place des médias, de leur rôle, de la manipulation d’un fait pour en donner une image qui correspond à ce que décident les gouvernants par exemple…. De nombreux chapitres sont consacrés à « Madame », qui n’est pas sans rappeler…chut, je ne dis rien….

Ce livre est rédigé sur un bon rythme, surtout une fois le « décor » planté. Le style est vif et l’écriture nerveuse. L’atmosphère est retranscrite avec doigté, on sent le malaise grandissant, l’emprise qu’ont certains sur les autres, soit parce qu’ils sont de beaux parleurs (menteurs ?), soit parce qu’ils savent apposer leur autorité pour rallier de plus en plus de monde à leur cause.

Il y a des passages qui m’ont noué le ventre. J’aurais voulu que ce soit différent mais, comme dans la vraie vie, on ne maîtrise pas tout, ni la maladie, ni la bêtise des hommes…. C’est sans doute ça qui fait la force de cet opus, il est ancré dans la réalité, celle dont on doit se méfier si on ne veut pas qu’elle devienne notre quotidien….

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Elle m’a secouée, elle m’a fait serrer les poings mais elle m’a laissé une lueur d’espoir. Il y aura toujours des hommes et des femmes pour dire stop et garder en tête ce que doivent être les vraies valeurs humaines de partage, tolérance et respect.  


"CONGO Nuages sombres sur les Virunga" de Jean-Pierre Jacot

 

CONGO Nuages sombres sur les Virunga
Auteur : Jean-Pierre Jacot
Éditions : Slatkine (28/09/2015)
ISBN : 9782832107119
112 pages

Quatrième de couverture

Cette bande dessinée a pour but de sensibiliser les lecteurs aux menaces qui touchent le parc national des Virunga au Congo. De manière simple, didactique et avec des dessins expressifs, le livre raconte l'histoire du jeune Louis, qui va devoir faire face au braconnage et à ses réseaux criminels. Tout l'enjeu est d'expliquer pourquoi il est essentiel de préserver le patrimoine exceptionnel de la région et montrer de quelle façon la population locale peut y contribuer. Le pari est certes difficile et risqué, mais pas impossible, c'est ce que nous apprendra Louis, grâce à son engagement et sa ténacité.

Mon avis

« L’avenir est écrit dans les étoiles »

Le livre en lui –même, la bande dessinée devrais-je dire, est de toute beauté. Une couverture solide et un papier glacé d’une qualité exceptionnelle. C’est avec beaucoup de respect qu’on tourne les pages d’un bel ouvrage comme celui-ci.

D’autant plus que le message qu’il véhicule est fort, bien amené, expliqué avec des mots simples permettant de mettre le texte à la portée de tous.

A travers les yeux de Louis, un petit garçon congolais, nous découvrons combien l’équilibre naturel est menacé dans son pays. La chaîne alimentaire peut être désorganisée lorsqu’une espèce animale est gravement touchée suite aux abus des hommes qui les chassent. L’Est du Congo est convoité pour toutes ses richesses : viande, pétrole, minéraux (dont le coltan : 60 à 80 % des réserves mondiales, très utilisé pour le tantale qu’on retrouve dans les téléphones mobiles). L’état a des difficultés pour surveiller et agir contre tout ça. Il est donc nécessaire de sensibiliser un maximum de personnes sur place et plus loin également.

C’est donc un cri du cœur que cette bande dessinée, un témoignage, une façon de faire connaître la fondation, le parc national des Virunga ( le plus ancien du continent africain, figurant au Patrimoine Mondial de l'humanité en péril de l'UNESCO depuis 1994) mais surtout de rappeler que des hommes ordinaires se battent pour la sauvegarde d’espèces en voie de disparition et la préservation de la biodiversité.

Comme vous pouvez le découvrir, le trait est simple, les couleurs uniformes sans dégradé, le décor très concis. Contrairement à ce qu’on pourrait croire aux premiers regards, les images ont d’autant plus de force dans leur sobriété, elles sont porteuses de sens. Les scènes de nuit sont particulièrement émouvantes avec le ciel étoilé. Les dialogues, les questions de Louis et les réponses qui lui sont faites permettent de comprendre pourquoi la fondation existe, son but et la volonté de ceux qui l’animent d’avancer, d’espérer, d’agir. Certains se diront que face à la violence, face aux vols, à la tricherie, la corruption, il est peut-être vain de combattre…

Mais comme écrit page 72 : «Dans la vie il y a des beaux jours et des jours où tout nous semble obscur. Mais …..même la nuit la plus profonde ne peut rien contre la lumière d’une simple petite bougie. »

La lumière est derrière chacune des planches croquées par Jean-Pierre Jacot et la dernière est vibrante d’espérance.

"Les vaches de Staline" de Sofi Oksanen (Stalinin lehmät)

 

Les vaches de Staline (Stalinin lehmät)
Auteur : Sofi Oksanen
Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
Éditions : Stock (7 Septembre 2011)
ISBN : 978-2234069473
530 pages

Quatrième de couverture

Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s'affrontent à coups de lois racistes et de bombes. C'est un monde où Callum et Sephy n'ont pas le droit de s'aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d'un rebelle clandestin... Et s'ils changeaient ce monde ?

Mon avis

Un roman à plusieurs voix, sur différentes époques, un va et vient entre les unes et les autres, une écriture qui vous « prend aux tripes », qui vous interpelle, vous secoue ….

Une histoire qui donne à réfléchir sur la place de l’être humain loin de ses racines, qui ressent le besoin de se forger une identité, de se faire une place, d’exister ….

Katariina, la mère.

Anna, la fille.

Liées, reliées par leur corps dès le départ, ne serait-ce que par ce fameux « cordon ombilical » … entre mère et enfant ….

Liées, reliées par leur histoire commune de déracinées (la mère interdisant à sa fille de dire d’où elle vient et faisant en ce qui la concerne « comme si »…)

Liées, reliées par les hommes qu’elles ne savent pas forcément aimer….

Anna qui se regarde, qui parle d’elle-même à la troisième personne … Pourquoi ?

Peut-être parce qu’elle n’a pas le droit de « vivre », elle, la fille de « nulle part » …

Peut-être parce qu’elle est à l’extérieur, dominatrice de son propre corps ….

Son corps, qui a souffert, qui n’a pas toujours désiré ce qui lui est arrivé …

Par la boulimarexie, Anna est toute puissante, forte, elle a le pouvoir sur son corps, il lui appartient …

Les passages sur les troubles alimentaires sont remarquablement bien écrits, on voit vraiment la « satisfaction » d’arriver à se faire vomir, de trier les aliments qu’on rejettera, la volonté de s’imposer une ou plusieurs séances par jour, comme d’autres font une pause cigarette …. L’addiction est là, volontaire …. Est-ce qu’agir sur son corps permet à Anna de réaliser qu’elle en a un donc qu’elle a une identité

« Anna est devenue une fille qui n’a honte de rien, elle qui n’était que honte et silence, silence de la honte et honte du silence. »

Katariina, qui, une fois installée en Finlande, fera tout pour « gommer » sa part estonienne.

Par son intermédiaire, nous aurons une très légère approche historique de la vie en Finlande et en Estonie dans les années 70 et avant (les années 40 lorsque son enfance sera évoquée).

J’ai beaucoup aimé la construction de ce livre, fait de chapitres courts, la trame déstructurée, l’écriture parfois hachée mais puissante et révélatrice de nombreux ressentis …

Un livre coup de poing, un livre coup de cœur …..

"Le piège" de Jean Hanff Korelitz (The Plot)

Le piège (The Plot)
Auteur : Jean Hanff Korelitz
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie Kempf
Éditions : Cherche Midi (10 février 2022)
ISBN : 978-2749171685
416 pages

Quatrième de couverture

Jacob Finch Bonner a connu son heure de gloire comme romancier avant de sombrer dans l'anonymat. Il enseigne désormais l'écriture dans une université du Vermont. Un jour, un de ses étudiants, Evan, lui dévoile l'intrigue du livre qu'il ambitionne d'écrire. Une intrigue géniale. Le best-seller assuré.

Mon avis

Avant tout, si vous voulez être surpris par ce roman, ne lisez pas la quatrième de couverture qui en dit un peu trop (je l’ai raccourcie volontairement).

Jacob Finch Bonner, dit Jake, a écrit un bon roman, qui lui a apporté le succès. Mais ce n’est pas le tout de réussir un premier opus, il faut confirmer. Il essaie, il fait tout ce qu’il peut sous la pression de son agente et de son éditeur mais rien ne vient. Le vide complet. Il est à court d’idées. Il donne le change en disant qu’il est en pleine rédaction mais jusqu’à quand ? Les années passent. Il finit par devenir enseignant dans une faculté du Vermont. Il donne des conseils en écriture pour ceux qui veulent se lancer en s’appuyant sur son expérience personnelle. Il reste embourbé dans des ébauches pour un nouveau titre mais le blocage est toujours bien présent. Le néant…

L’auteur analyse finement le désespoir de cet homme devant la page blanche, son désarroi face à son imagination qui ne lui fournit plus rien, son obligation de lire les tentatives, peu intéressantes, de ses étudiants, jusqu’au jour où lors d’une discussion, l’un d’eux dit détenir une intrigue géniale, originale, révolutionnaire qu’aucun éditeur ne pourra repousser. Jake est septique devant tant de confiance, d’orgueil mal placé…. Il finit par connaître les grands lignes de la future histoire et il reconnaît (pas devant son élève) « qu’il y a du lourd »…

Le temps passe, Jake a retrouvé le devant de la scène avec un nouveau titre, mais il est « sur le fil », pas très bien dans sa vie car il est anxieux, pas en phase avec ce qu’il voudrait être…. Pourtant vu de l’extérieur, tout semble bien aller. Jusqu’au jour où un mystérieux message le déstabilise complètement. Comment va-t-il réagir ? Sur qui et sur quoi va-t-il s’appuyer pour faire face ?

Dans ce récit, on suit Jacob et ses déboires dans son quotidien. On découvre également un autre texte, mis en abyme. Il éclaire sur le présent et le passé de certains protagonistes. Au fil des pages, on sent l’étau qui se resserre. Peu importe qu’on ait une petite idée des tenants et aboutissants, on ne peut pas tout imaginer tant Jean Hanff Korelitz a bien construit son histoire et ses différents protagonistes. Mais au-delà de tout ça, il y a une réelle réflexion sur le métier d’écrivain, sur le rapport (de celui ou celle qui écrit) au livre et à l’écriture, mais également aux médias et aux lecteurs. Est-ce que l’intrigue, le nœud gordien appartiennent à celui qui rédige ? Et si un autre utilise la même « veine » mais d’une autre façon, est-ce du plagiat ? La pensée ne peut pas être unique, n’est-ce pas ? On ne possède ni les mots, ni le vocabulaire, ils ont leur propre vie…. Et que répondre aux nombreuses personnes qui, ayant lu votre texte, vous posent des questions sur sa genèse ? On dit la vérité ou on l’enjolive pour captiver l’auditoire et le mettre dans sa poche ?

« Chaque personne a une voix unique et une histoire qu'elle seule peut raconter. Et n'importe qui peut être auteur. »

Et si c’était ça la réponse ? il n’y a pas des auteurs mais des tas de gens qui peuvent écrire …

C’est vraiment le second aspect de ce recueil qui m’a beaucoup séduite et apporté du plaisir. Non pas que je me fichais de ce qui allait arriver à Jake mais ce n’était pas mon premier centre d’intérêt.

L’écriture de l’auteur (merci à la traductrice) est fluide et addictive. Le rythme est peut-être un peu lent au début mais les événements perturbants arrivent et tout s’accélère, ce qui fait que l’intérêt ne faiblit pas.

Je ne connaissais pas Jean Hanff Korelitz et c’est une belle découverte !


"Bobby Mars Forever" d'Alan Parks (Bobby March will live forever)

 

Bobby Mars Forever (Bobby March will live forever)
Auteur : Alan Parks
Traduit de l’anglais (Ecosse) par Olivier Deparis
Éditions : Payot & Rivages (9 février 2022)
ISBN : 978-2743655020
418 pages

Quatrième de couverture

Glasgow, en ce mois de juillet 1973, Bobby March, héros local qui a réussi dans la musique, est retrouvé mort d'une overdose dans une chambre d'hôtel. Parallèlement, la jeune Alice Kelly, adolescente solitaire, a disparu. Autre disparition inquiétante, celle de la nièce du chef de McCoy qui avait de mauvaises fréquentations. McCoy est chargé d'enquêter.

Mon avis

Après « Janvier noir » et « L’enfant de Février », l’auteur continue avec « Bobby Mars Forever ». Cette fois-ci, ce n’est pas le mois de l’année qui est évoqué mais le nom d’un chanteur musicien.
Nous sommes en Juillet 1973, et il fait chaud, très chaud, ce qui surprend à Glasgow, alors forcément la bière coule à flots dans les pages de ce roman, le sang aussi et également la pluie quand il y a des orages.

Il aura fallu attendre deux ans pour retrouver l’écriture d’Alan Parks, son style profond et noir, où les évocations musicales apportent un peu de légèreté. Il nous fait pénétrer dans une ville sombre, présentant son côté caché. Les gangs qui régissent tout, les policiers qui sont prêts au pire pour obtenir des aveux et se vanter après, la drogue, la prostitution, l’alcool et pourtant on en redemande !

Harry McCoy est toujours là, mais Raeburn l’a évincé des affaires principales et est odieux avec lui. Comme Harry est un sanguin, il doit sans cesse se contrôler ce qui lui coûte beaucoup d’énergie. Alors il noie sa rage dans l’alcool et il traîne. Heureusement Wattie son collègue le tient un peu au courant de ce qui se passe. Une jeune fille, Alice Kelly a disparu. Ce n’est, bien sûr, pas à Harry qu’on confie l’enquête. Il doit s’occuper de braquages et feuillette les dossiers sans conviction. Comme il est seul au commissariat, lorsqu’un hôtelier appelle pour signaler un homme mort dans une chambre, c’est lui qui s’y colle. Cela ne l’intéresse pas plus que ça mais bon, ça lui permet de sortir. Le macchabé de l’hôtel est un chanteur déchu, il a eu son heure de gloire mais c’est fini. À vingt-sept ans, il semblerait qu’une overdose fatale ait eu raison de lui. De plus le chef d’Harry lui demande de rechercher discrètement sa nièce mineure qui n’est pas rentrée chez elle. Il a donc deux enquêtes officielles et une officieuse à mener et grâce à Wattie, il suit un peu celle concernant Alice. Il n’est pas hyper motivé mais il s’y met, inutile de se faire critiquer alors qu’il n’a déjà pas la cote.

Évidemment, tout va se télescoper et des liens vont exister entre les différents aspects du récit. Mais le fil rouge reste Harry McCoy, l’homme qui dérange car il est sans filtre et dit ce qu’il pense, l’homme dont les poings vont parfois trop vite, mais l’homme qui peut être attentionné et sensible, capable de se transcender. Oui, il gère mal ses émotions, ses addictions, mais qu’il est attachant ! En outre, sa façon d’aborder les investigations est intéressante et il arrive à de très bons résultats, notamment car il observe avec acuité. Il n’a pas que des amis car il joue souvent avec le feu mais ça me plaît bien.

J’aime l’écriture de l’auteur (merci au traducteur), sa façon de parler de cette ville qu’il connaît parfaitement et qu’il dépeint avec intelligence et finesse.

« Il avait toujours aimé Glasgow la nuit, même au temps où il était patrouilleur. Seul dans la ville déserte, il voyait des choses que peu de gens voyaient. Sauchiehall Street envahi d’étourneaux, des hommes couverts de farine derrière les vitres des boulangeries, de jeunes ouvrières assises sur un muret et partageant des cigarettes et une petite bouteille de whisky. »

Je trouve aussi que l’approche humaine des différents personnages est pleine de bon sens, de finesse, de doigté. Alan Parks les étoffe, ils ont un caractère mais aussi une histoire bien à eux.

Bobby Mars Forever est un recueil tout à fait abouti, rédigé d’une plume acérée, avec du rythme pour maintenir notre intérêt et un bel aperçu du côté obscur de Glasgow.

PS : C’est une bonne idée de mettre les Rolling Stones et Brian Jones en toile de fond en créant un lien avec Bobby Mars (dont on suit l’histoire de 1964 à 1973 avec quelques pages en italiques semées entre les chapitres). Cela donne envie d’écouter leurs albums !


"Dimitri Galunov" de Blanca Miosi (Dimitri Galunov)

 

Dimitri Galunov (Dimitri Galunov)
Auteur : Blanca Miosi
Traduit de l’espagnol par Maud Hillard
Éditions : Independently published (25 octobre 2021)
ISBN : 979-8753691835
284 pages

Quatrième de couverture

Dimitri a toujours été un enfant différent des autres. Il a été enfermé dans un hôpital psychiatrique à l’âge de onze ans parce que l’on pensait qu’il avait assassiné sa famille, mais il n’était pas fou. Le directeur de l’hôpital s’est aperçu qu’il possédait une intelligence hors du commun.

Mon avis

Dimitri est un enfant particulier, un peu atypique. Il habite une maison avec sa famille dans un village. Il aime la forêt et a créé des liens avec un loup qu’il nourrit régulièrement. Un jour où il est en sa compagnie dans les bois, il « sent » qu’il se passe quelque chose pour les siens et qu’il devrait revenir vers leur demeure. Mais ce n’est qu’un gosse et il s’amuse si bien avec son animal fétiche …. Quand il se décide, c’est trop tard, les murs sont en feu et il ne réagit pas, il observe. Son attitude, et ce qu’il a dans les mains sont de sérieux indices pour ceux qui sont arrivés sur place. C’est lui le pyromane et la seule solution, c’est de l’isoler pour qu’il ne recommence jamais. Dimitri est alors interné en hôpital psychiatrique….

En milieu médical, Dimitri voudrait se faire oublier mais on le remarque, car il détonne et assez rapidement c’est son intelligence, son approche des événements qui interrogent. Qui est-il vraiment ? Est-il conscient de ce qu’il est ou joue-t-il un rôle en apprenant par cœur les connaissances qu’il ressort ? Il semble avoir une perception affinée des faits, ne les influencerait-il pas ? Tous ceux qui vont le fréquenter tout au long de ce roman se questionnent sur la personnalité, la manière d’être, le « fonctionnement » de Dimitri.

Ce roman débute par un récit avec une part de mystère sur les compétences et le caractère de Dimitri. Plus on avance, plus on découvre le côté singulier de cet enfant et on se demande dans quelle direction l’auteur va nous entraîner. Une fois encore, Blanca Miosi a su se renouveler complètement, nous emmenant sur des voies non explorées précédemment. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle a proposé. A travers cette histoire, elle aborde des thèmes intéressants et variés notamment celui de la transmission. Quels messages voulons-nous faire passer ? Qu’est-ce qu’il est important de souligner, de porter pour que la terre, qui nous est confiée, reste un lieu d’accueil convivial où chacun trouvera ce dont il a besoin ?

J’ai particulièrement apprécié que l’auteur décortique les rapports entre Dimitri et les adultes qu’il croise pour une raison ou une autre. Tous ont le sentiment qu’il est « étrange », mais aucun ne peut définir en quoi. Ils ont parfois du mal à dialoguer avec lui, ils sont maladroits, presque mal à l’aise car Dimitri les désarçonne. Ah dès que les « codes » de discussion ne sont plus les mêmes, certains ne savent plus faire…. Cela repose la problématique de l’accueil de l’autre dans sa différence…. J’ai vraiment accroché avec les différents contextes évoqués et avec la présence de Dimitri. Au début, il a une dizaine d’années, on le voit grandir en taille, en assurance, il essaie de comprendre les autres mais aussi de se comprendre lui-même car il a une part d’ombre.

L’écriture de Blanca Miosi (merci à sa fidèle traductrice) est fluide, prenante. L’univers qu’elle dépeint ne ressemble en rien à ce qu’elle avait fait auparavant. Il y a du rythme, du suspense jusqu’à une révélation finale surprenante.


"Pure" de Julianna Baggott (Pure)

 

Pure (Pure)
Auteur: Julianna Baggott
Traduit par Laurent Strim
Éditions : J'ai lu (3 octobre 2012)
ISBN: 978-2290034255
544 pages

Quatrième de couverture

Depuis les Détonations qui ont ravagé le monde, Pressia vit avec son grand-père dans les décombres, la cendre et le danger. Demain, elle aura 16 ans, âge où la milice vous enlève pour entraîner les plus forts... ou achever les plus faibles. Pressia n'a plus le choix, elle doit se préparer à fuir. Au loin brille le Dôme : un lieu sécurisé et aseptisé où une petite partie de la population, les Purs, s'est réfugiée avant la catastrophe. Partridge n'a qu'une idée en tête : sortir. Mais comment survivre dans ce monde post-apocalyptique où tout est presque mort ?

Biographie de l'auteur

Romancière, essayiste et poète, Julianna Baggott est également professeur de création littéraire à l'Université de Floride. Auteur de plusieurs best-sellers, elle figure très souvent sur les listes du New York Times.

Mon avis

« Pure » est un roman le plus souvent qualifié de dystopie jeunesse.

Petite note de la rédactrice :

Dystopie, n’est pas un « gros mot », c’est le terme employé pour désigner une contre-utopie.

Récit de fiction qui décrit une société imaginaire où tout ne va pas pour le mieux. A travers le récit, l’auteur a l’intention de mettre en garde ses lecteurs contre les prises de pouvoir abusives.

Bien entendu, le genre n’est pas nouveau. J’en veux pour preuve le très bon « 1984 » de George Orwell ou « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, que j’ai dévorés en leur temps et que je n’ai pas oubliés tant ils étaient « marquants ».

Il faut croire que j’ai gardé une âme d’adolescente ou que Julianna Baggott écrit aussi bien pour les jeunes que pour les adultes… Je ne me prononcerai pas… Toujours est-il que ce livre se lit d’une traite pour peu qu’on ait du temps. Comme cela n’a pas été mon cas, j’étais frustrée chaque fois que je le posais (heureusement j’avais « butiné » et je connaissais la trame de toute façon pas très difficile à deviner…)

On se trouve donc dans un monde où la terre a été détruite. Les « Purs », protégés de l’horreur, sont dans un Dôme (tiens Stephen n’est pas loin…) aseptisé, où on les « code » pour qu’ils deviennent ce qui sera bon pour eux mais que, évidemment, ils ne choisissent pas… Ils ne savent pas tous ce qui se passe à l’extérieur et on ne leur dit pas la vérité. Cette dernière étant réservée aux chefs. A l’extérieur, il y a eu les détonations. Les habitations n’en sont plus, tout est recouvert de poussière et les gens sont morts ou blessés. Des blessures, très bien imaginées par l’auteur, puisque les personnes ont « fusionné » avec l’objet ou le lieu où ils se trouvaient: imaginez, vous teniez un livre à la main, il ne vous quittera plus… si vous n’aviez pas apprécié cette lecture, le reste de votre vie va être terrible…

Je ne surprendrai personne en disant que, dans chaque entité, il y aura des sujets qui seront bons ou méchants, que certains voudront sortir et d’autres rentrer; qu’ils se rencontreront, s’aimeront …stop on n’est pas dans un conte de fées mais bien dans un monde dur, terrible, terrifiant ….

Le récit est très réaliste et les personnages, malgré leurs différences, évoquent des images dans notre esprit car tout cela n’est pas si loin de nous, à une époque qui pourrait être la nôtre. On voit tout à fait ce que la folie des hommes déclencherait s’ils se laissaient emporter par l’envie de pouvoir, de domination.

Je pense que c’est pour cette raison que j’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman. On ne se sent pas vraiment déconnectés car ce sont des humains, avec une vie comme la nôtre, des sentiments qui « nous parlent ».

De plus, l’écriture est fluide, les descriptions très visuelles (d’ailleurs une adaptation est prévue au cinéma…..je m’interroge, l’auteur aurait-elle écrit avec l’idée de mettre son texte en film ?)

Le contenu est assez fascinant. Bien qu’on ait parfois ‘l’intuition de ce que vont devenir les protagonistes, on lit un peu pour vérifier nos hypothèses et on se laisse vite entraîner.

C’est donc une lecture tout à fait agréable, qui nous rappelle, si besoin est, que:

« Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants »

Antoine de St-Exupéry

"L'élixir du diable" de Raymond Khoury (The Devil’s Elixir)

 

L’élixir du diable (The Devil’s Elixir)
Auteur: Raymond Khoury
Traduit de l’anglais par Jean-Jacques Marvost
Éditions : Pocket (14 Octobre 2012)
ISBN:9 782266 229210
475 pages

Quatrième de couverture

Mexique, 1750. Un missionnaire jésuite rebelle découvre l’existence d’une herbe, que, d’après la légende, une tribu amérindienne disparue utilisait pour ses vertus magiques. Cette plante détiendrait en effet le secret de la réincarnation, et celui qui la boirait aurait accès à ses vies antérieures.

Mon avis

Le thriller historico-ésotérique est un genre qui fonctionne bien pour peu que tous les ingrédients nécessaires soient réunis et dosés avec intelligence. C’est le cas avec ce roman qui va ravir les amateurs du genre ou ceux qui ont besoin d’une lecture entraînante, sans temps mort et pas pour autant vide de sens et de contenu, ni trop mièvre.

Bien sûr les clichés habituels seront réunis, des personnages manichéens dont certains joueront double jeu, des hommes et des femmes hésitant à agir pour le bien puis se décidant, un mystère qui plane (ici l’élixir évidemment), prenant sa source dans une très ancienne période dont on ne connaît pas tous les éléments, ce qu’il faut de violence (un peu sanguinolente parfois) et de romantisme (notre héros a le cœur qui bat pour ceux qu’il aime ouf !!) et la sauce prendra correctement, très bien même puisqu’une fois commencé on ne lâche plus ce livre.

Les esprits chagrins ne manqueront pas de dénoncer un manque de réalisme, avec la part belle à la cryptomnésie ou aux moyens techniques mis en œuvre par les différents protagonistes mais cela n’empêche pas le lecteur d’être pris dans les rets de l’intrigue et d’enchaîner les pages très vite dans le désir de savoir ce qu’il va se passer.

Le profil psychologique des individus aurait pu être approfondi mais ce n’était pas le but de cet ouvrage. L’auteur est plus dans l’action et le visuel, comme s’il prévoyait une adaptation cinématographique.

Sean Reilly, suite à un appel de son ex-collègue et ex-petite amie va se retrouver embarquer à gérer la folie des hommes.

Lui, qui était plutôt « rangé des voitures », avec une nouvelle compagne, n’imaginait sans doute pas, lorsqu’il a décroché son téléphone où tout cela allait l’emmener. Mais comme c’est un homme de cœur, doublé d’un homme d’action, il ne va pas laisser les choses en place sans bouger et tel le preux chevalier, il va se lancer dans la défense de la veuve et de l’orphelin. Pour notre plus grand bonheur sinon il n’y aurait pas eu de roman !!!

J’ai lu ce livre dans les transports, tout à fait ce qu’il faut pour ne pas voir le temps passer. Comme de plus, les personnages et les situations sont clairement définies, pas de risque de s’embrouiller, on peut somnoler, reprendre, on est toujours dans l’enquête, prêt à vibrer au diapason des être de papier qui nous tiennent en haleine. 

Ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable car globalement il reste dans le déjà vu et le superficiel, sans grande profondeur mais il aura le mérite de m’avoir occupé l’esprit sans aucune difficulté sur un long trajet et c’était, je l’avoue, pour cela que je l’avais choisi…

Alors pour quoi bouder son plaisir ?


"L'équipière" de Joëlle Chamalet

L’équipière
Auteur: Joëlle Chamalet
Éditions: Les deux encres (1 er Décembre 2009)
ISBN: 978 2 35168 137 4
230 pages

Quatrième de couverture

La cinquantaine perplexe, Joëlle Chamalet est une voyageuse solitaire au parcours déjà bien étoffé. Pourtant, dans son grenier intérieur, un rêve encore en gestation : « embarquer sur un voilier comme équipière au long cours, et si possible avant d’avoir un déambulateur ! ».Parce qu’il n’est jamais trop tard pour vivre ses désirs les plus fous, elle est partie en bateau, sur la mer et les océans. Voici le récit décalé et atypique d’une aventure maritime, raconté par un drôle de petit mousse qui adore, en vrac, les bateaux, Led Zeppelin et les îles désertes. L’auteur nous livre sans complexe tout ce qu’il faut savoir pour ne jamais mettre le pied sur le pont d’un voilier, mais tout ce que vous devez connaître pour en avoir terriblement envie !De sa conception à sa réalisation, un périple savoureux qui l’a menée de Sète aux îles Fidji, en passant par le Cap Vert et la Polynésie française, du Capitaine Crochet à Surcouf, le tout raconté par une « quinqua » au cœur d’artichaut, avec une verve insolente, drolatique et délicieusement intime.

Mon avis

Qui n’a pas, dans un coin de sa tête, de son cœur, un rêve?

Un rêve caressé, secret ou dévoilé, un rêve qui nous habite, qui nous nourrit aussi…

Un rêve, ça peut vous maintenir en vie, vous garder dans l’envie, vous permettre de tenir lorsque le quotidien devient gris en permettant de penser: « un jour… »

Joëlle Chamalet a franchi le pas, elle a décidé de larguer les amarres des journées ordinaires et de partir comme équipière sur un bateau….

C’était un vieux rêve écrit sur un bout de papier qui tout à coup est venu la démanger …

Elle nous raconte, elle se raconte, sans complaisance, dans un langage frais à l’humour de bon aloi.

Lorsqu’on imagine un périple en bateau, on a tendance à avoir les images «papier glacé» des magazines sous les yeux: pause bronzage sur le pont, verre givré contenant une boisson fraîche avec une paille colorée, soleil et alizés… Arrêts près des plages au sable fin, décoré de palmiers…. Trajets accompagnés par les dauphins… Petites villes portières, rencontres agréables ….

Et là, la plupart d’entre nous pensent «C’est le rêve…» (sauf si on déteste la mer bien entendu…)

Lire le récit de Joëlle Chamalet nous éclaire, nous intéresse, nous fait sourire et désacralise le rêve…

Exit les petits maillots, la peau bronzée et le soleil…

Il faut déjà trouver le bon capitaine… et pour une femme, ce n’est pas simple…

Les objectifs ne sont pas forcément les mêmes…. Pas de promotion canapé mais bien un choix ou pas de partager la cabine….

Une fois le partenaire trouvé (et si la rencontre peut perdurer), il va falloir partager le quotidien et déjà mettre son mouchoir sur ses envies de grosse valise, pile de livres, légumes, fruits frais et yaourts à volonté….

C’est bien agencé un bateau mais…

L’eau est rationnée (l’auteur nous explique « un verre pour se laver les dents et les fesses… toujours dans cet ordre… »)

Les toilettes…..hum, pas de détails, heureusement qu’ils font ça loin des plages…

Pas moyen de s’isoler, d’aller faire un tour si on se supporte mal…

Et puis, et puis, les tempêtes, le roulis; les ports où l’on ne peut pas aborder….

Mais comme le souligne l’auteur, une fois à terre, on oublie tout (euh… elle oublie tout…) et elle ne garde que les bons souvenirs, les paysages et les rencontres qui l’ont émerveillée…

Jusqu’au prochain départ….

Un livre pour se détendre pendant les vacances, pour rêver pendant l’année en attendant les prochains congés…

 

"Je voudrais tant que tu te souviennes" de Dominique Mainard

 

Je voudrais tant que tu te souviennes
Auteur : Dominique Mainard
Éditions : Joëlle Losfeld (11 janvier 2007)
ISBN : 978-2070787265
260 pages

Quatrième de couverture

Ce roman se déroule dans une petite ville française, divisée entre une cité et un quartier pavillonnaire cossu et somnolent. Mado y habite seule un pavillon. Elle n'a jamais eu d'autre amie qu'Albanala, une étrangère, cartomancienne à ses heures. Un jour, celle-ci lui présente sa nièce, Julide, une fillette alors âgée d'une dizaine d'années, et au fil du temps une profonde tendresse naît entre Mado et l'enfant.

Mon avis

« …cela ébrécherait ce silence auquel elles tiennent tant l’une et l’autre… »

« Ce » silence, la qualité du silence ….

On a envie de parler de ce livre en murmurant, en chuchotant, à l’ombre d’un arbre … comme autant de secrets échangés …

Ce roman ressemble à une broderie, chaque mot est inscrit sur le papier, à points comptés, tout doucement …

Chaque mot est choisi, plein de poésie … pour nous parler au cœur …

On ne veut rien bousculer, on est là, à observer, écouter, vibrer au rythme des phrases, (dont certaines parfois longues et construites en commençant par la proposition subordonnée, ce qui donne un style particulier), on est là, silencieuse, sur la pointe des pieds …

Heureuse d’être invitée à lire une histoire, remplie de poésie, presque difficile à résumer par peur de l’abimer, d’oublier sa douceur, sa fraîcheur, sa chaleur …

L’auteur raconte à la troisième personne, comme un peintre qui décrirait un paysage, toute une vie … Il y a peu de dialogue au style direct … (surtout dans la première partie).

Trois femmes … un homme …. qui « s’est laissé prendre au piège des rencontres silencieuses et lointaines …. »

Comment sont-ils liés ?

Mado, Julide sont liées, par quoi, par qui ? On peut penser que seule Nala, la troisième le sait (ou croit le savoir ?) … Nala qui a confié Mado à Julide … Mado et son monde minuscule, ses photos minuscules …

Julide qui cherche sa vie, sa place dans la vie …

Aucune de ces femmes ne vit l’Amour comme elle le souhaiterait …

Et l’homme ? Il est là, presque muet et en même temps si présent …

La première partie est très calme, très lente. La seconde, plus vive, donnant le souhait de tourner les pages pour découvrir la suite encore plus vite, puis de revenir en arrière s’imprégner de chaque mot …

C’est un livre dont on ne peut que se souvenir, parce qu’il est différent, il porte en lui l’émotion, la poésie … tout cela si bien écrit qu’on se dit qu’il aurait été dommage, vraiment dommage de passer à côté …

Ce roman est une vraie rencontre, à faire lorsqu’on est prêt pour ne rien gâcher, pour que les mots glissent en nous comme l’eau fraîche sur les poignets un soir d’été.


"Le village" de Dan Smith (The Child Thief)

 

Le village (The Child Thief)
Auteur : Dan Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hubert Tézénas
Éditions : Cherche Midi (21 Août 2014)
ISBN : 978-2-7491-3336-2
475 pages

Quatrième de couverture

Hiver 1930. Vyriv, un petit village isolé de l'ouest de l'Ukraine. Dans la steppe enneigée, Luka, vétéran de la guerre de Crimée, recueille un homme inconscient. Dans son traîneau, deux corps d'enfants atrocement mutilés. Lorsque Luka revient au village, les habitants s'affolent. Avec l'arrivée au pouvoir de Staline, la paranoïa règne. Dans cette petite communauté jusqu'ici préservée, tout le monde craint l'arrivée de l'Armée rouge et des activistes. La venue de cet étranger n'annonce-t-elle pas un péril plus grave encore ? Luka n'aurait-il pas fait entrer un monstre dans le village, un assassin d'enfants, l'incarnation du mal ? Quand une fillette du village disparaît, Luka promet solennellement de la retrouver. À travers les étendues gelées de cette région hostile déchirée par la guerre et la brutalité, où la survie est un souci de chaque instant, il se lance alors à la poursuite d'un prédateur particulièrement retors.

Mon avis

L’ennemi n’est pas toujours où on le croit….

C’est sur une vision d’apocalypse que s’ouvre ce récit.

Il fait froid, les hommes ont peur, ils ont des difficultés à se chauffer, la nourriture manque. Un groupe se cache dans un petit village, espérant que l’Armée Rouge et les activistes les « oublieront »…et qu’ils resteront isolés, avec peu de moyens mais libres….même si rien n’est facile quand on vit si proches les uns des autres, la proximité exacerbant et déformant les émotions.

Dès les premières pages, l’écriture sèche, âpre, rude de l’auteur retranscrit avec précision des faits et une ambiance funeste. On rentre de plein fouet dans la violence des hommes, des peuples opprimés. Chez ses gens, parfois obligés de tuer pour s’en sortir car ils n’ont pas d’autres choix. Le narrateur est l’un d’eux et la mise en abyme pour le lecteur en est d’autant plus douloureuse. On se prend à ressentir sa frayeur, sa terreur, à épouser sa cause, son combat, sa lutte, ses recherches. On a froid jusqu’aux os avec lui et les lueurs d’espoir sont rares. Mais Luka est un homme qui a vécu et qui sait que pour s’en sortir, il ne faut jamais rien lâcher. Alors on s’accroche avec lui, on se prend à penser que ce sera moins noir dans le chapitre suivant, plus facilement supportable mais l’auteur ne nous laisse pas de répit. En filigrane, omniprésent le stalinisme et ces miliciens qui cherchent à tout rafler, à tout récupérer, à annihiler les hommes ou à en faire des bêtes de somme.

Homo homini lupus.

L’homme est-il un loup pour l’homme ? Peut-on dire que certains sont nés du mauvais côté ? Devient-on tourmenteur ou tortionnaire parce qu’on a subi de mauvaises influences ?

Où se trouve la limite entre ce qu’on peut appeler la légitime défense et le plaisir de la chasse à l’homme, de la traque ?…

La rencontre de Luka avec un des bourreaux est intéressante. Papa tous les deux d’une petite fille, pères aimés de leurs enfants, que peuvent-ils faire, eux qui sont ennemis ? Un seul doit survivre…

« Elle était là en permanence, sous-jacente, mais jamais elle n’avait été aussi proche de la surface. »

De quoi parle Luka ? De la peur… Pas celle qui se présente à vous de temps à autre et vous permet de prononcer un « ouf » bien senti lorsqu’elle s’éloigne. Non, cette peur, qui, insidieuse, est en vous en continu, comme une seconde peau, ne faisant qu’une avec ceux qu’elle habite. Et cette peur, elle régente tellement tout que les relations entre les personnes sont faussées et elle les fait agir come des bêtes. Le « sens commun » disparaît, emporté par dans tourbillon d’actes non réfléchis mais réalisés à cause de « l’effet de groupe ».

Avec des phrases courtes, des mots qui percutent, des descriptions froides et précises, Dan Smith nous emmène dans un monde sans illusion où le rapport à la violence et à la peur entraîne les hommes sur des chemins qu’ils n’auraient jamais pensé emprunter. Il décortique aussi remarquablement bien les rapports entre Luka et sa famille, sa femme, sa fille, ses jumeaux…

Malgré sa noirceur, j’ai trouvé ce livre magnifique. Pourquoi ? Parce qu’il m’a bousculée, bouleversée, interpelée et c’est ce que j’attends de mes lectures. Et puis pour le style adapté à l’œuvre (la neige en rajoute une couche en plus), pour l’empathie qu’on ressent pour Luka (j’ai pensé à « La route »  de Cormac McCarthy) ; pour la précision quasi chirurgicale des événements présentés, pour l’atmosphère générale, pour les raisonnements de Luka qui analyse, observe pour atteindre son objectif sans faire d’erreurs…. 

Ce livre m’a marquée au fer rouge et je ne suis pas prête de l’oublier….

NB : C’est le premier roman de cet auteur traduit en français.


"Miséricorde" de Jussi Adler-Olsen (Kvinden i buret)

 

Miséricorde (Kvinden i buret)
Auteur :
Jussi Adler-Olsen
Traduit du danois par M
onique Christiansen
Éditions :
Albin Michel (5 octobre 2011)
ISBN :
978-2226229939
500 pages

Quatrième de couverture

Pourquoi Merete Lyyngaard croupit-elle dans une cage depuis des années ? Pour quelle raison ses bourreaux s'acharnent-ils sur la jeune femme ? Cinq ans auparavant, la soudaine disparition de celle qui incarnait l'avenir politique du Danemark avait fait couler beaucoup d'encres.

Mais, faute d'indices, la police avait classé l'affaire. Jusqu'à l'intervention des improbables Carl Morck et Hafez el Assad du Département V, un flic sur la touche et son assistant d'origine syrienne. Pour eux, pas de cold case ...

Mon avis

Une personnalité politique a disparu il y a cinq ans. Une enquête a été menée sans succès.

Un policier vient de vivre une situation comme on n’en souhaite à personne et il est mis au placard de l’institution. On lui donne de vieux dossiers pour l’occuper et un adjoint, réfugié syrien, dont il n’a que faire, bien déterminé à attendre que le temps passe et que les journées s’enchainent sans trop travailler…

Bien entendu, un des premiers dossiers qu’il va regarder et essayer de creuser et celui de la disparition brutale de cette femme, membre du gouvernement.

On suivra, parallèlement, l’emprisonnement de cette dernière, sa lutte pour survivre, comprendre ce qui lui arrive et l’enquête, menée par ce drôle de couple: un syrien pas très toujours très net (dit-il toute la vérité à son chef ?) et ce flic bougon relégué dans un bureau au sous-sol.

Je me suis beaucoup plus intéressée à la partie « recherches » des deux hommes qu’à l’emprisonnement de Merete, qui n’a que d’intérêt, dans la façon dont elle lutte (mais les descriptions des maux n’ont pas retenu mon attention). La relation des deux hommes et son évolution est par contre, intéressante, de par son côté atypique, due à la personnalité singulière des deux protagonistes.

L’écriture est fluide, le rythme soutenu, on ne s’ennuie pas et tout va très vite.

Un bon polar qui se lit bien et donc l’envie de retrouver cet auteur.

"Rien ne nous séparera" de Thierry Cohen

 

Rien ne nous séparera
Auteur : Thierry Cohen
Éditions : Plon (3 février 2022)
ISBN : 978-2259310314
434 pages

Quatrième de couverture

Maroc, 1964. Sarah et Jacob sont de pauvres paysans. Si pauvres que Jacob, contre l'avis de son épouse, accepte de confier provisoirement leur fille et leur fils à une institution de bienfaisance. Une décision qu'il regrettera toute sa vie. Douze ans après le drame, une rencontre réveille le père. Commence une longue quête, faite d'espoir et d'épreuves, qui le mènera peut-être à ceux que la vie lui a arrachés.

Mon avis

J’aime que les romans me bousculent, me bouleversent, me fassent découvrir des horizons inconnus, des faits méconnus, c’est le cas avec le dernier titre de Thierry Cohen.

C’est un récit, tiré de faits réels et solidement documenté, qui débute en 1964 et se termine en 2020. Une fresque humaine inspirée et inspirante, magnifique, émouvante et qui m’a laissée pantelante. Nous voyageons au Maroc, aux Etats-Unis et en Israël sur plusieurs années. Les chapitres sont assez courts, bien définis, si nécessaire l’époque et le pays sont cités. Comme il n’y a pas pléthore de personnages, on ne se perd pas, on sait vraiment où on en est sans aucun problème.

Salomon et Dina ont trois et un ans lorsque leur père (contre l’avis de sa femme) se résout à les confier « provisoirement » à une organisation de bienfaisance pour quelques mois. En effet, Jacob et Sarah, des juifs marocains, ne peuvent pas subvenir aux besoins de la famille. La terre est aride, rien ne pousse et l’argent ne rentre pas. Alors lorsque des hommes d’apparence bienveillante propose de l’aide, le paternel se dit que leurs petits mangeront à leur faim, qu’ils seront pris en charge et quand tout ira mieux, ils reviendront chez eux. C’est un déchirement pour la mère, une douleur infinie, elle a tout essayé pour empêcher ce départ mais elle n'a rien pu faire. Elle va devoir vivre et avancer avec cette béance en espérant des jours meilleurs….

Le couple va continuer sa route cahin-caha, avec des hauts et des bas, partageant une espèce d’omerta sur les faits que ni l’un ni l’autre n’oublient. Mais chacun reste muré, soit dans ses regrets, soit dans ses ressentiments. Parce que les petits, ils ne les ont jamais récupérés. Sont-ils morts ? Ont-ils été « vendus » à l’adoption ? Ensemble ou séparément ? Que sont-ils devenus ?

« Que comprend-on d’un roman dont les premières pages ont été arrachées ? » écrit l’auteur, ou comment se construire quand on ne sait rien de ses racines, de sa vie « d’avant » ? Avec une délicatesse infinie, une écriture fluide et prenante, Thierry Cohen explore les destins de plusieurs protagonistes. Chacun d’eux a dû exister avec des manques, plus ou moins comblés, trouvant un équilibre fragile mais correct. Et puis, un jour, quelque chose va tout remettre en question.

Est-ce bon de remuer le passé, de tenter de comprendre quitte à détruire tout ce qui a été érigé avec amour et patience ? Le silence n’est-il pas, parfois, préférable à des révélations peut être traumatisantes ? Des bébés volés sous l’ère Pinochet, en passant pas les petits réunionnais venus repeupler la Creuse, combien d’enfants ont été arrachés à leurs parents, à leur destin premier ? Combien ont su, compris, ce qui leur arrivait ?

Le recueil de Thierry Cohen, admirablement construit, parle de la difficulté de tous ces êtres (ceux qui sont partis de force, ceux qui sont restés, ceux qui ont accueilli, …) à être eux-mêmes… Quand une part de vérité vous échappe, que faire ? Chercher ou ne rien faire, de peur de souffrir encore plus ? Les quêtes que certains ont entamé se sont révélées douloureuses, étaient-ils capables d’entendre ce qu’on avait à leur dire ?  

Ce récit est un coup de cœur, j’ai aimé l’écriture, le style, le contenu, la découverte, la sensibilité de l’auteur qui transpire car on ressent l’affection (tout à fait partagée par le lecteur) qu’il a eu pour certains de ces protagonistes.