"Internés" de Christophe Coquin


Internés
Auteur : Christophe Coquin
Éditions : Book Envol (er Juin 2018)
ISBN : 9782379440007
270 pages

Quatrième de couverture

Bruxelles, nuit de la Saint-Sylvestre. Un corps mutilé d'adolescent est retrouvé adossé à une pierre tombale juive dans le cimetière abandonné du Dieweg. Viktor Kurt, consultant pour la police fédérale de Bruxelles est appelé par son amie, la commissaire Abigaël Gurtvard, pour l'aider à élucider ce meurtre. Viktor entame alors une course contre la montre, car ses pertes de mémoire risquent de lui faire oublier des indices qui l'emmèneront peut-être jusqu'à l'assassin qui, étrangement, a voulu laisser la carte d'identité de la victime sur la scène de crime.

Mon avis

Viktor Kurt est un enquêteur atypique. Revenu de l’enfer de la drogue (où il s’était égaré suite un drame personnel), il en garde des traces et traîne derrière lui cette « casserole », ce lourd passé accompagné de nombreuses séquelles dont des pertes de mémoire importantes. Imprévisibles, elles l’obligent à résoudre rapidement ses enquêtes de peur d’oublier les indices récoltés (ou leur origine), les lieux visités, les raisonnements qu’il a ébauchés  ….. Il a également une relation très particulière, presque trop intimiste avec les victimes sur lesquelles il fait des recherches. C’est cet  homme, hors norme, que la commissaire Abigaël Gurtvard dérange la nuit du trente et un décembre pour se rendre sur les lieux d’un assassinat à la macabre mise en scène. En effet, un jeune homme a été exécuté et son corps se trouve adossé à une tombe dans un cimetière juif. Fait bizarre, sa carte d’identité n’a pas disparu comme si le tueur voulait être certain qu’il soit rapidement identifié. Qui a pu perpétrer ce crime ? Pourquoi le corps était-il présenté ainsi ? Délaissé par sa famille, ce jeune homme était en stage dans une clinique de chirurgie esthétique. Avait-il remarqué des malversations et a-t-on voulu  le faire taire ? Ou a-t-il été victime de ses fréquentations ?

Pour découvrir la vérité, Viktor est prêt à tout, même à flirter avec la ligne jaune, prenant des risques, se jouant des « lois ». Il est toujours dans le contrôle, ne laissant paraître aucune émotion, montrant un détachement qui déstabilise ses interlocuteurs.  Il a une volonté de fer pour que rien ne lui échappe,  comme il le ne fait pas dans l’empathie, il désarçonne ceux qu’il interroge et il peut les bloquer comme les obliger à se dévoiler….

J’ai aimé plonger dans les pensées de Viktor, sentir son esprit s’échapper, revenir, suivre ses tourments, sa vision des événements… Il est captivant dans sa façon d’être, il surprend et on a le souhait de mieux le comprendre, mieux le connaître… Je pense que c’est dû au fait que l’auteur lui a donné de la « consistance », il a du « corps », un charisme trouble et troublant et il est à lui seul, toute une histoire….  L’intrigue quant à elle, est reliée au passé et cela m’a paru très intéressant. Les policiers sont obligés d’aller fouiner un peu partout pour essayer de cerner les tenants et les aboutissants. Quant à la fin, elle est tout simplement bluffante.

Le style et l’écriture de Christophe Coquin sont incisifs, précis, porteurs de sens.  On sent la tension monter lorsque la situation s’aggrave et que la commissaire Abigaël devient de plus en plus nerveuse.  Les protagonistes existent à part entière,  ce ne sont pas simplement des figurants. Tous, dans ce roman apportent quelque chose à l’atmosphère, aux faits, que nous découvrons page après page.  Quant à la ville de Bruxelles, elle colle bien au contexte ainsi que la météo froide, neigeuse….

Ce récit a été pour moi la découverte d’un nouvel auteur au phrasé de qualité.  
« Internés »est un roman policier bien construit, où Viktor fascine avec sa part d’ombre, sans oublier l’approche psychologique des différentes personnes croisées au fil des chapitres. Un excellent moment de lecture !




"La maison bleu horizon" de Jean-Marc Dhainaut


La maison bleu horizon
Jean-Marc Dhainaut
Éditions : Taurnada (29 juin 2017)
ISBN: 978-2372580281
260 pages

Quatrième de couverture

Janvier 1985. Tout commence par un message laissé sur le répondeur d'Alan Lambin, enquêteur spécialiste en phénomènes de hantises. Une maison, dans un village de la Somme, semble hantée par un esprit qui effraie la famille qui y vit. En quittant sa chère Bretagne, Alan ignore encore l'enquête bouleversante qui l'attend et les cauchemars qui vont le projeter au cœur des tranchées de 1915. Bloqué par une tempête de neige, sous le regard perçant d'un étrange corbeau, Alan réussira-t-il à libérer cette maison de ce qui la tourmente ?

Mon avis

Tout d’abord, bravo pour le titre et la couverture. Les deux s’expliquent par la lecture du livre, sont porteurs de messages et en parallèle ne dévoilent rien de ce qu’on va lire, chapeau !

Ensuite, félicitations pour le contenu mêlant avec parcimonie, doigté et intelligence, le réel et le fantastique. Cela permet de toucher un public de lecteurs variés car la touche ésotérique n’est pas trop poussée et reste bien dosée. J’ai beaucoup apprécié ce mélange de passé et de présent, les allers et retours entre les deux époques et certains parallèles ainsi établis. Des deux côtés, les personnes ne comprennent pas, essaient d’analyser avec lucidité mais les faits leur échappent et rien ne se passe comme cela devrait. Pourtant Alan Lambin, même s’il est spécialiste en fantômes et en paranormal, fait tout pour agir et penser avec réalisme, en prenant du recul et en ne se laissant pas embarquer par des impressions…. Les personnages sont attachants et on se sent vite partie prenante de ce presque huis clos.

L’écriture de l’auteur est précise, soignée. Ses descriptions sont visuelles, vivantes et pas du tout rébarbatives. L’atmosphère est angoissante juste ce qu’il faut, le froid et la tempête de neige en rajoutant une couche, si je peux me permettre ce trait d’humour. Mais là, aussi, le dosage est subtil, et rien n’est trop lourd. Je peux dire que pour moi ce livre est réussi car justement tout est bien proportionné et c’est, à mon sens, le plus difficile dans le travail de rédaction. Je verrai bien une adaptation en téléfilm.

"23-5c. civ." de Antoine Berthe


23-5c. civ.
Auteur : Antoine Berthe
Éditions : Kyklos (30 Avril 2012)
ISBN : 978-2-918406-25-9
368 pages

Quatrième de couverture

En principe, le mariage est un engagement.
Un jeune français sans histoire croyait à tort qu’il existait une exception : le mariage blanc. Se marier avec une sans-papiers pour lui permettre d'obtenir une carte de séjour, pensait-il, ne l’engageait en rien. Grave erreur !

Mon avis

« De la vie ordinaire à la clandestinité…. »

Ou comment un citoyen français lambda est devenu, du jour au lendemain, Jésus, un réfugié politique, sans existence légale, venu d’un pays d’Amérique latine …

Les nombreux chapitres qui constituent les deux parties de ce livre ont tous des titres assez longs explicitant le contenu que l’on va découvrir dans les quelques pages les composant et concernant chacun des faits marquants de notre pauvre héros ….
De galère en galère, de coup dur en coup dur, Jésus (nom d’emprunt;-), a un mal fou à s’extirper de la situation d’irréalité dans laquelle il s’est embourbé. Il suffit de peu pour basculer de l’autre côté, pour se retrouver à la rue, sans emploi …

Comme on est dans un roman, le brave homme enchaîne sans arrêt maladresses et mauvais concours de circonstances, ça fait un peu beaucoup parfois…. Il n’a pas de répit et il va de catastrophe en erreurs…. On se demande, à chaque détour de page, quel « os » il va encore rencontrer, l’empêchant de prouver sa bonne foi ou de trouver une solution. Il faut reconnaître que l’auteur a une imagination débordante !

Sur un ton humoristique à souhait, faisant preuve d’une dérision de bon aloi, Jésus nous raconte lui-même ses déboires et ses désillusions. Les rouages judiciaires et autre vices de procédure sont bien décrits car l’auteur est aussi avocat spécialisé dans le droit des étrangers, et membre de l'association «Avocats pour la défense des droits des étrangers». Ceci explique cela… Et surtout pourquoi le personnage principal expose si bien toutes les situations présentées, quels que soient les lieux évoqués. En définitive, sous des apparences amusantes, n’est-ce pas un appel au secours face à la détresse des gens qu’il défend, qu’Antoine Berthe veut nous faire entendre ?

"La flémingyte aiguë" de Léa Arthemise


La flémingyte aiguë
Auteur : Léa Arthemise
Éditions Kyklos (19 Septembre 2011)
ISBN:978 29184 06204
124 pages

Quatrième de couverture

La flémingyte aiguë se caractérise par une inflammation des synapses sur un sujet végétatif, et/ou un régime totalitaire copiant et accroissant les failles d’un système de société proche de l’implosion.


Mon avis 

Léa Arthemise ? Cet auteur écrirait-elle sous un pseudonyme pour nous rappeler Artemise 2, la
« grecque », qui avait organisé un concours littéraire ?

Flémingyte (avec ou sans y), procrastination, ….. est ce pour cela que cet ouvrage ne fait que 124 pages ? (Je plaisante ;-)

En tout cas, mon cerveau est resté sur le qui vive pendant toute la lecture.
Pas tellement pour l’histoire elle-même mais plutôt pour la façon dont elle est amenée.
De nombreuses références « cachées » ou déguisées, qui vous font penser « ce nom me dit quelque chose, c’est quoi, c’est qui ? »….
A ce moment là deux options : celle de la flémyngite aiguë: je passe et je continue …
Ou celle du « triturage » de cerveau : je veux comprendre, je cherche, je prends le temps ….

J’aime bien jouer … J'ai choisi la seconde solution et j’ai ainsi retrouvé : David Carradine, les vire langues (ah le grand gras gros grain d’orge …), les jeux de mots (tôt ou tard …. Pardon, ça m’a échappé !!), les références littéraires (Virginia Woolf : même pas cachée ….) ou cinématographiques …

C’est une lecture aisée, dotée d’un humour qui « n’en fait jamais trop » et qui vous apporte le sourire aux lèvres par l’écrit mais aussi par les situations évoquées …..

« Pardon ! répliqua-t-elle sur la défensive, d’une voix aussi grasse que les racines de ses cheveux teintés et coupés en un carré accidentel par une voisine hypermétrope. »

Il est indéniable que l’auteur a des connaissances dans différents domaines culturels et je trouve habile d’avoir su intégrer dans un roman, teinté d’intrigue policière, de nombreuses indications nous donnant le souhait d’aller plus loin qu’une simple lecture linéaire ….

"Passé double" de Patrick S. Vast


Passé double
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Le Chat Moiré Editions (1 er Juin 2018)
ISBN : 9782956188315
240 pages

Quatrième de couverture
Cindy végète dans un squat et rêve de changer de vie. Travailler comme dame de compagnie chez Rosemonde Busine, pourrait lui permettre de réaliser ses projets. Seulement, l’intéressée la destine à un rôle particulier qui va tout remettre en question.

Mon avis

Elle galère de squats en petits boulots tout en fréquentant, malheureusement, les mauvaises personnes. Elle est comme ça, Cindy, Sans domicile fixe, si ce n’est un vieux truc près d’une gare parisienne. Elle n’a pas une vie heureuse, peut-être parce qu’elle ne s’en donne pas les moyens, mais peut-être aussi, parce qu’elle n’a pas fait les bonnes rencontres…. Justement, en parlant de rencontres, voilà Cindy assise sur un banc au parc, elle n’est pas bien épaisse, pas bien propre et pourtant, une dame âgée tout ce qu’il y a de « bien comme il faut » vient lui parler…. Elle lui explique que là-haut sur la Côte d’Opale, une amie à elle, Rosemonde Busine,  a besoin d’une dame de compagnie et qu’elle est persuadée qu’elle a le bon profil….. Comme cela a l’air plutôt bien payé et que Cindy rêve de partir vivre en Australie, elle se laisse tenter, abandonnant sur place son ami Paulo….

Une fois sur place, c’est Rosemonde qui la reçoit, dans une maison qui sent le luxe, et où se trouvent déjà deux employés qui semblent dévoués corps et âme à leur maîtresse.  Elle va demander à Cindy de lui faire confiance et de faire tout ce qu’elle lui demande …. Lorsque la jeune femme pose trop de questions, a des envies de rébellion, la « patronne » la rappelle à l’ordre, reprécisant que le pays des kangourous se rapproche…. 

Sauf que la situation bien pensée, ficelée, tissée , organisée en tous les points avec une progression machiavélique par Madame Busine, va lui échapper. Un grain de sable et hop, tout part de travers… C’est normal le grain de sable, on n’est pas loin du bord de mer ;-)
Plusieurs personnes vont enrayer les projets de la vieille femme :  son fils, le copain Paulo, des gens trop curieux….Rosemonde aura des difficultés à continuer son plan, mais elle ne lâchera rien ….

Ce livre monte en puissance au fil des pages. Au début, on s’attend à quelque chose de déjà vu, revisité par Patrick S. Vast puis on s’aperçoit rapidement qu’il n’en est rien.  Son histoire est vraiment recherchée, avec de nombreuses ramifications qui abordent plusieurs thèmes : la vie après un deuil, la vengeance, la pauvreté, l’influence des parents sur la vie de leurs enfants, le mensonge dans le couple, les non dits et bien d’autres encore…..

L’écriture de l’auteur est agréable, fluide, accrocheuse. Lorsqu’on commence son roman, on est tout de suite dans l’ambiance. Il retranscrit à merveille l’atmosphère d’une conversation, d’une nuit pluvieuse, des pensées des uns et des autres…. Il nous emmène sur les traces de Cindy, une cabossée de la vie qui rêve d’une vie meilleure et qui profite d’une opportunité pour essayer de s’en sortir…. Elle est attachante cette jeune femme dans sa détresse et sa volonté de partir loin….

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, un bon policier comme on les aime !

"La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker


La vérité sur l'affaire Harry Quebert
Auteur : Joel Dicker
Éditions de Fallois (19 septembre 2012)
ISBN : 978-2298070378
672 pages

Quatrième de couverture

A New York, au printemps 2008, Harry Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, se retrouve accusé d'avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l'innocence de son ami Harry, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête.

Mon avis

Au fond les écrivains n'écrivent qu'un seul livre par vie...

Mes habitudes de lecture sont plutôt du style boulimique, je me plonge dans les livres et je lis en apnée. Cette fois-ci, j'ai abordé ce livre d'une autre façon : une lecture régulière, plusieurs chapitres par jour, mais limitée. Cela m'a sans doute permis de prendre du recul par rapport à un style parfois emphatique, notamment lorsque Harry parle du « métier » d'écrivain... avec des formulations qui m'ont semblé parfois « ampoulées »....

« Écrivez parce que c'est le seul moyen pour vous de faire de cette minuscule chose insignifiante qu'on appelle vie une expérience valable et gratifiante.
Écrivez pour donner du sens à votre vie. »

En dehors de ces détails, j'ai apprécié cette lecture malgré une pléthore de rebondissements qui gâchent un peu l'ensemble.
Les personnages et leurs travers (sans mauvais jeux de mots) sont abordés avec doigté pour que nous les découvrions petit à petit, avec leur face sombre mais aussi l'amour qui envahit la vie de chacun...

Le fait qu'un homme ou une femme admiré, adulé, ovationné, puisse être détruit en temps record, est bien décortiqué. Il suffit de peu, une rumeur, une photo, un voisin qui fait courir un bruit... L'ambiance d'un petit village où tout se sait mais « moi je ne dis rien, ce n'est pas mon problème » est habilement retranscrite. Le livre dans le livre avec une chronologie à l'envers est également un bon point car c'est une construction qui évite toute lassitude avec les avancées, les retours en arrière et le point de vue des uns et des autres.

J'avais, bien entendu, beaucoup entendu parler de cet ouvrage à sa sortie et j'attendais la bonne occasion pour le lire. Je ne regrette rien, je n'ai pas vu le temps passer et la construction assez originale et le suspense (même un peu exagéré) m'ont satisfaite.

"Et mon cœur dévasté ne te veut que du bien" de Jean-Luc Luciani


Et mon cœur dévasté ne te veut que du bien
Auteur : Jean-Luc Luciani
Éditeur : LBS Sélection (5 Juin 2018)
ISBN : 978-2378370268
152 pages

Quatrième de couverture

Depuis son enfance, Luka vit replié sur lui-même. Son frère Markus le recueille à la mort de leurs parents et parvient à lui insuffler le contact avec le monde extérieur. Alors qu'elle s'apprête à retourner en Nouvelle Zélande, Jade rencontre Markus. L'alchimie est immédiate. Mais elle s'en va. A l'annonce d'un drame, il décide de partir à son tour et s'envole pour le bout du monde.

Mon avis

Une couverture et un titre magnifiques ….  je n’avais qu’un souhait : que le reste du livre correspondent à cette première impression …..  Alors c’est avec un peu d’appréhension que j’ai ouvert ce roman. J’ai lu les premières lignes et  …. j’ai été conquise par l’écriture, le style et surtout  la langue poétique qui sourd entre chaque phrases, comme une musique qui accompagnerait le texte…. C’est inexplicable, on apprécie ou pas un phrasé, un rythme, et poser des mots sur ce qu’on ressent, c’est déjà le cataloguer…. De ce fait, que dire ?

J’aime énormément la façon de s’exprimer le Jean-Luc Luciani. L’histoire qu’il porte est magnifiée par les mots qu’il choisit et leur agencement. « Markus ne trouva presque plus rien à quoi se raccrocher. Seulement quelques grains de poussière en suspension. ». L’amour qui unit la tante, les deux frères, puise sa solidité chez les trois personnages. Même Luka qui vit reclus, est fort malgré tout. Markus, dans sa quête pour comprendre l’indicible, montre un caractère tenace. Quant à l’intrigue, dont je ne dirai rien pour ne pas la déflorer, elle est complète et pas si évidente qu’on le pense au départ.

J'ai trouvé très intéressante l'évolution de Luka et ses raisonnements face aux situations difficiles. On ne réalise pas toujours qu’une grande frayeur peut nous obliger à puiser au plus profond des ressources insoupçonnables.  D’ailleurs plusieurs protagonistes de cet opus vont donner le meilleur d’eux-mêmes pour les autres, s’oubliant pour apporter la délivrance, le bonheur, et continuer le chemin même s’il n’est pas toujours doux sous les pieds…..


Un auteur à découvrir....

"Volte-Face" de Michael Connelly (The Reversal)


Volte-Face (The Reversal)
Auteur: Michael Connelly
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin
Éditions: Calmann-Lévy (Mai 2012)
ISBN: 9 782702 141533
440 pages

Quatrième de couverture

Grand avocat de la défense, Mickey Haller est bien surpris lorsque le procureur du comté de Los Angeles le prie un jour de plaider pour l’accusation. Et l’affaire n’est pas des moindres. Incarcéré depuis vingt-quatre ans pour le meurtre d’une fillette, Jason Jessup vient d’être libéré sous caution, le tribunal ayant conclu à la nécessité d’une révision de son procès suite à un test ADN qui semble l’innocenter. Haller est sûr que Jessup est coupable et prend Harry Bosch comme enquêteur et son ex-épouse, Maggie McPherson, comme assistante.

Mon avis

Chez Connelly, beaucoup de ses (derniers) romans tournent autour de deux personnages récurrents: Mickey Haller et Harry Bosch. Le premier est un grand avocat de la défense, plutôt « bien propre » sur lui, le second un policier, inspecteur, détective à ses heures et surtout « électron libre » tant il aime mener ses enquêtes à sa guise. Assez peu conventionnel, torturé par ses démons intérieurs, il n’en est pas moins attachant et j’ai un faible pour lui.
Peut-être est-ce dû au fait qu’il fait partie de mes lectures de chevet depuis bien plus longtemps que Mickey Haller ? Toujours est-il que dans un des livres précédents, ces deux hommes se sont découvert demi-frères….
L’occasion était belle pour l’auteur de les mettre en scène dans un même livre, à peu près à parts égales d’intervention. C’est chose faite avec ce dernier opus.
Nous alternerons les chapitres où Mickey parle en disant « je » car c’est lui qui se raconte, et ceux où Harry sera évoqué à la troisième personne du singulier. Ceci aurait pu créer une gêne de lecture mais il n’en est rien. Les personnages secondaires sont les « habituels » de l’ex femme de l’un à la fille de l’autre en passant par les collègues  et plus si affinités même si l’histoire est terminée….La plupart ont déjà « participé » à l’une ou l’autre des aventures des deux hommes.

Le livre est partagé en quatre parties et j’ai nettement préféré (et ressenti un réel plaisir de lecture pour) les deux dernières. A ce moment là, on rentre dans le vif du sujet, à savoir la justice et les procès aux Etats-Unis. Le système est très particulier là-bas et même s’il a été expliqué dans un ouvrage paru antérieurement, le rappel est nécessaire. D’autant plus qu’il fait partie de l’intrigue. Le choix des jurés, leur façon d’intervenir, les objections des uns et des autres, les réactions provoquées par les témoignages…. Dans les prétoires américains, lorsqu’en quelqu’un s’exprime, il peut être questionné par les deux parties et le juge qui prend les décisions après chaque réclamation ou objection, a un rôle très important. Attendre ses décisions, ses choix et se poser des questions sur sa méthode d’analyse pour essayer de savoir comment il va réagir, crée un réel suspense. Tout cela est très intéressant jusqu’au dénouement final que l’on pouvait un peu imaginer…

Le contenu est plutôt crédible et donne du poids à cet écrit (le dernier avait été vraiment « tiré » par les cheveux). On est malgré tout, à mon avis, loin des premiers romans du maître.
En effet, les personnages, bien qu’ayant retrouvé un peu de consistance, ne sont pas fouillés jusqu’au plus profond de leur âme, comme l’auteur avait coutume de le faire, au début de sa carrière, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs
L’intrigue, elle-même, bien que l’idée de départ paraisse originale, reste relativement convenue.
Il n’en reste pas moins que:
Mickey Haller dans un rôle à contre courant,
Harry Bosch, toujours aussi captivant, cherchant avec des méthodes bien à lui, à obtenir un maximum d’éléments pour aider l’accusation,
la lecture reste un bon moment.
Donc ne fuyez pas ce roman!

Malgré tout, un conseil : si vous ne connaissez pas Michael Connelly, prenez ses premières parutions pour le découvrir !

"Poubelles la vie" de Guy Lefebvre


Poubelles la vie
Auteur : Guy Lefebvre
Éditions : Fleur Sauvage (Mai 2015)
ISBN : 979-1094428030
152 pages

Quatrième de couverture

Les trois quarts du temps, on l'appelle «Monsieur Jean». Il est régisseur, et ses clients sont essentiellement des vieux cons. Peu de personnes savent ce qu'il traîne. Ce qu'il a vu, ce qu'il a fait quand il était para. Peu de personnes savent ce qu'il trouve dans les poubelles des résidents. Des bouts de vie, des révélations. Des trucs qui font monter la tension. Le truculent Guy Lefebvre revient avec ce roman piquant, où l'eau de rose cède la place à une liqueur âpre. Une vie que l'on jetterait aux ordures, sans se soucier de faire le tri.

Mon avis

Je suis rentrée dans cette histoire comme on le fait avec une lecture légère, rafraichissante par son humour lorsqu’il fait très chaud l’été. L’écriture est fluide, les pointes d’esprit régulières.
On est face à Jean, un ancien para. Il a vu et vécu des horreurs mais à part quelques tatouages, il essaie d’oublier cette période de sa vie. Il a été vigile, un gros bras qui surveille. Maintenant, il s’occupe d’une résidence : les poubelles, les extérieurs, les petites vieilles et même les jeunes locataires qui ont besoin d’un coup de main ou plus si affinités….

Sa vie est bien réglée : une copine qui attend et espère le mariage, un boulot qu’il gère à sa manière : ….Que trouve-t-on dans les poubelles ?Une partie de la vie de gens et ça c’est bigrement intéressant…. On se demande où tout cela va nous mener (et ne comptez pas sur moi pour vous le dire…)
Et puis, le ton devient plus grave, Jean est peut-être aigri d’un certain manque de reconnaissance….

C’est un roman surprenant, on s’imagine que l’on en aura vite fait le tour mais il s’avère qu’une fois que l’on commence à lire entre les lignes, la fin s’impose d’elle-même….parce c’est aussi ça, la vie.....

"Voici le temps des assassins" de Gilles Verdet


Voici le temps des assassins
Auteur : Gilles Verdet
Éditions : Jigal (Février 2015)
Collection : Polar
232 pages
ISBN: 979-10-92016-32-1

Quatrième de couverture

Un casse à Saint-Germain-des-Prés qui tourne mal. Un braqueur au tapis, Simon, flingué à bout portant par deux princesses saoudiennes qui se tirent avec le butin… Paul en réchappe et s’enfuit sans comprendre… Ailleurs, une femme s’immole en chuchotant un poème… Puis c’est au tour des autres, les amis de Paul, de mourir au son des rimes : écrasé, flingué sur les vers de Verlaine, suriné, étouffé en écoutant Rimbaud… Tous d’anciens anars rescapés des temps d’avant… Avant la semaine sanglante… Avant que l’eau noire de la Seine ne réveille des souvenirs oubliés… Avant le temps des assassins…


Mon avis

Comme des funambules dans la brume, les mots de Gilles Verdet émergent de tout ce noir. Sous sa plume, ils scintillent, poétisent, oscillent, avancent, touchant le lecteur dans toutes les fibres de son être, provoquant les vibratos de son âme.
C’est beau. On se délecte, on reprend son souffle, chaque paragraphe sonne comme un poème…

Parfois, les phrases sont courtes, sans verbe, ou sans article. Ça vous cingle, paf, soudainement , comme un coup de poing :
« Un récital d’insultes et d’anathèmes. Une poésie déclamatoire, un lyrisme sauvage mélangé à la mitraille et au son du canon. »
D’autres sont plus longues :
« Voilà que peu à peu, devant moi, sur le ruban infini de bitume qui s’étirait dans le soleil battant, entre les taches d’huile brillantes et les ombres chinoises que dessinaient les arbres, je distinguais un visage de femme, un visage jeune et doux, aux yeux rieurs, aux cheveux noirs et longs qui glissaient sur ses épaules comme une cascade de souvenirs heureux. »
Mais toujours, en filigrane, des phrases qui chantent et enchantent.

Le fil conducteur de l’intrigue qui se laisse deviner dans les derniers chapitres n’est pas le point fort du roman car il est assez classique. Les deux principaux atouts de ce livre sont ailleurs. En premier dans une écriture lyrique, sensible, parlant au cœur et à tous les sens de celui qui lit.  En second, dans la construction de cet opus avec les textes de Rimbaud et Verlaine qui lient et relient les personnages et les faits, les amarrant dans un monde parallèle où les événements du passé peuvent jouer un rôle sur le présent (et dire que nous sommes presque en mai à l’heure où j’écris ces lignes ;-). J’ai trouvé cette façon de faire absolument enthousiasmante, enrichissante, captivante. Cela scotche le lecteur, le maintient en état d’alerte par rapport aux différentes situations et le poussent à la réflexion en le tirant vers le haut.

Reliant ce qu’il présente au club des « Vilains bonshommes », (un groupe d'artistes qui s'est formé à Paris, de 1869 à 1872, et dans lequel le passage, très remarqué, de Rimbaud sur les deux dernières années, a donné une grande renommée), l’auteur nous promène dans le passé et le présent.
Par l’intermédiaire de la rencontre de son principal protagoniste, Paul, avec un professeur passionné de la Commune, il nous fournit des renseignements sur cette période. Les parallèles entre les morts du présent et les décès du passé sont remarquablement explorés, mis en scène. On prend à cœur la quête de Paul, pour lui et pour l’épouse de Simon, qui découvre un pan caché de son mari. 

Je ne sais pas comment l’auteur a eu l’idée de placer cette histoire dans  ce contexte, s’il est féru de poèmes ou pas, s’il s’applique à faire vivre les mots ou si ceux-ci s’imposent d’eux-mêmes à lui, comme ça, lorsqu’il écrit. Ce qui est certain, c’est que le style est purement jubilatoire.  On pourrait penser que le déroulement est lent mais ce n’est pas cela. Il faut, comme pour une poésie, que les mots fassent leur chemin en vous, que vous vous en imprégniez, qu’ils s’installent, portant votre regard vers le ciel si bleu si calme (Paul Verlaine) ou vers  le Soleil, le foyer de tendresse et de vie (Arthur Rimbaud)….

Il n’est pas dans mes habitudes de relire un roman, qui plus est un polar, mais celui-ci est différent. J’ai peur de ne pas avoir suffisamment profité de chacun des tempo, de la musicalité des expressions, du « rendu » de la narration…. Je sais que je le relirai, peut-être « en butinant » comme on le fait d’un recueil de poèmes, en ayant pas loin, mon cahier à spirales pour noter tout ce qui, pour moi, s’inscrira dans la dimension du cœur….

"Pars avec lui" d'Agnès Ledig


Pars avec lui
Auteur : Agnès Ledig
Éditions : Albin Michel (1 er Octobre 2014)
ISBN : 2226259929
368 pages

Quatrième de couverture

On retrouve dans Pars avec lui l'univers tendre et attachant d'Agnès Ledig, avec ses personnages un peu fragiles, qui souvent nous ressemblent. L'auteur de Juste avant le bonheur sait tendre la main aux accidentés de la vie, à ceux qui sont meurtris, à bout de souffle. Mais aussi nous enseigner qu'envers et contre tout, l'amour doit triompher, et qu'être heureux, c'est regarder où l'on va, non d'où l'on vient.

Mon avis

Chacun ses « doudous », on a besoin, parfois de les ressortir lors d'un coup de blues ou d'un passage à vide.

Les livres d'Agnès Ledig sont comme ça.

Ils mettent en scène des cabossés de la vie, qui sont malheureux et parfois maladroits mais il y a toujours une rencontre qui va les aider à s'en sortir et cela fait du bien de lire des récits comme ceux-ci.

Ce dernier roman ne déroge pas aux habitudes de l'auteur. C'est écrit dans un style assez simple, fluide, avec de temps à autre, des phrases « choc » histoire de vous faire, si besoin est, une piqûre de rappel, des fois que vous ne sachiez plus que, malgré tout ce qui peut sembler triste ou moche, la vie est belle et vaut la peine d'être vécue.

Sous des dehors légers, des sujets graves sont abordés mais l'auteur choisit volontairement de les effleurer, d'en parler sans développer, le but n'étant pas de faire une étude sociologique. Mais elle les évoque parce que, malheureusement, cela aussi fait partie de la vie.

J'ai lu ce roman à un moment où j'en avais besoin et il m'a fait trouver les heures moins longues et fait du bien, je n'en demandais pas plus.

"Le chuchoteur" de Donato Carrisi (Il suggeritore)


Le chuchoteur (Il suggeritore)
Auteur : Donato Carrisi
Traduit de l’italien par Anaïs Bokobza.
Éditions : Calmann-Levy (5 Mai 2010)
ISBN : 978-2702141045
433 pages

Quatrième de couverture
Cinq petites filles ont disparu.
Cinq petites fosses ont été creusées dans la clairière.
Au fond de chacune, un petit bras, le gauche.

Depuis qu'ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe d'agents spéciaux ont l'impression d?être manipulés. Chaque découverte macabre, chaque indice les mènent à des assassins différents.

Mon avis

« Il y a toujours quelque chose qui nous suit, de ce trou noir, qui reste accroché à nos basques.
…..
Parce que je viens de l’obscurité. Et de temps en temps, je dois retourner à l’obscurité. »

Il était une fois une histoire sombre …

Histoire de ces ténèbres qui envahissent certains esprits jusqu’à leur ôter tout sens commun, leur donnant une autre idée du blanc et de la pureté. Ces ténèbres qui peu à peu s’installent et prennent le pas sur la raison pour devenir folie …

Histoire de ces ténèbres, part d’ombre que nous portons tous en nous, que nous dissimulons soigneusement aux autres …
Part d’ombre qui existe, avec laquelle il faut vivre sans qu’elle prenne le dessus au risque de nous entraîner avec elle dans l’obscurité, dans le néant …

« Elle ressentit à nouveau sa souffrance chaque fois qu’elle avait infligé cette punition à son âme à travers son corps. »

Histoire de ces ténèbres qui nous hantent lorsqu’on ne sait pas comment être plus fort que le mal, que l’on veut protéger ceux qu’on aime, ceux qui nous sont confiés et qu’on est là, impuissant.

« Il comprit qu’il ne pourrait jamais protéger son fils du mal du monde. »

Histoire de ces ténèbres qui vous étreignent, vous enveloppent comme un linceul, où l’on peut avoir peur, sentir l’angoisse monter, ne voir qu’une petite, si petite lumière rouge, à laquelle se raccrocher ….

Histoire de ces ténèbres qui vous font frissonner à travers une écriture glacée, parfois détachée, mais terriblement douloureuse, pesante comme une blessure à vif, entêtante comme une odeur nauséabonde, une humidité, une noirceur qui s’incrustent en nous, jusqu’à notre âme sur laquelle on ne veut pas qu’elle déteigne ….

Histoire de ces ténèbres dans lesquelles l’auteur nous entraîne, nous guide, nous manipule (d’ailleurs Carissi et Clarisso sont des noms très proches au niveau consonance ….. l’auteur aurait-il été, avant nous, victime d’une « machination » ? Ses personnages auraient-ils envahi son esprit, s’installant à loisir en lui jusqu’à l’obliger à écrire ?) : pas de lieux précis, pas de dates fixes, des pistes, des parallèles mis en place et aussitôt démontés, nous emmenant dans une direction pour très vite nous en suggérer une autre et nous abandonner dans l’incertitude … et dans les ténèbres ….

"Gazon Paillasson" de Hervé Mestron


Gazon Paillasson
Auteur : Hervé Mestron
Éditions : LBS Sélection  (15 Juin  2018)
ISBN : 978-2378370305
172 pages

Quatrième de couverture

Un jeune prodige du ballon rond, va connaître l’ascension de sa vie. Repéré par un club de Ligue 1, il obtient tout ce dont il a pu rêver. Mais la consécration a un prix….

Mon avis

En pleine coupe du monde de football en Russie, ce livre est le bienvenu pour nous rappeler que le succès se gagne, se mérite, mais se gère également … et ce n’est sans doute pas le plus facile …  Tout le monde ne s’appelle pas Zidane pour garder, autant que faire se peut, sa femme, sa famille, ses amis, sa simplicité et surtout les pieds sur terre….

Youcef Hamidi a commencé à jouer au foot dans la cité où il habitait, avec une cannette de coca en guise de ballon. Puis il est allé en club, avec des copains à lui. Il a intéressé un club et est devenu interne au centre de formation. Il lui arrivait de faire le mur avec quelques comparses pour aller en boîte, draguer les filles … vivre une vie de jeunes …. qui lui échappait car pour être un bon footballeur, il se devait de garder une vie saine et équilibrée….

Lorsqu’un agent de joueur le repère, il comprend très vite que c’est la chance de sa vie d’évoluer en Ligue 1 au haut niveau. Il passe très vite (trop vite ?) d’une chambre à un appartement immense….des fins de mois difficiles à l’argent facile ….d’ailleurs il n’y a pas que l’argent qui est facile … les filles aussi …  son statut de « star » le rend attirant et  …. elles sont attirées  …… et si elles ne le sont pas, on les lui offre sur un plateau…..

Tout pourrait rouler (comme le ballon dont on parle), tranquillement avec des hauts et des bas comme dans un championnat ….. Mais ce n’est pas si simple. Youcef va-t-il tenir le cap ou se laisser entraîner là où il ne devrait pas ?  Comment agir face à sa famille qui est restée la même , humble et discrète ? L’argent ne va-t-il pas modifier leurs rapports ? Campagnes de pub, interview, séances photos, etc …. Youcef est très entouré mais n’est-il pas également terriblement seul ? Fréquente-t-il les bonnes personnes?   Garder la tête sur les épaules n'est pas évident, tout peut basculer d'un moment à un autre....

Avec une écriture très vivante, Hervé Mestron nous fait pénétrer dans le monde des footeux, de leurs aficionados, de tous ceux qui gravitent autour d’eux. C’est d’un réalisme saisissant, les événements évoqués sont retranscrits avec un ton juste.  J’ai été frappée par le style qui peut être amusant ou sérieux, voire grave,  suivant les sujets abordés.  Jamais l’auteur ne se pose en juge ou en moralisateur, il énonce des faits, montre combien il est difficile de résister aux sirènes, aux tentations…. Est-ce que la gloire grise les jeunes sportifs ? Si l’on creuse cette question, on s’aperçoit que beaucoup rêvent, certains sont élus, mais ne tiennent pas sur la distance car mal conseillés, mal accompagnés, envoûtés par l’argent aisément  gagné….Que mettre en place pour éviter les dérives ? Le salary-cap ? 

Ce roman est un excellent récit : il  nous distrait tout en nous rappelant que la vie, même chez les riches, n’est pas toujours un long fleuve tranquille…..



"CULOTTÉES" (Volume 2) de Pénélope Bagieu


CULOTTÉES
Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent : Volume 2
Auteur :  Pénélope Bagieu
Éditions : Gallimard (26 Janvier 2017)
ISBN : 978-2075079846
170 pages


Quatrième de couverture

Sonita, rappeuse afghane et exilée militante ; Thérèse, bienfaitrice des mamies parisiennes ; Nellie, journaliste d'investigation au XIXe siècle ; Cheryl, athlète marathonienne ; Phulan, reine des bandits et figure des opprimés en Inde... Les Culottées ont fait voler en éclat les préjugés. Quinze nouveaux portraits drôles et sensibles de femmes contemporaines qui ont inventé leur destin.

Mon avis

Quelques esprits chagrins ne manqueront pas de faire remarquer que les femmes que Pénélope Bagieu nous présente ont toutes, ou presque, des comptes à régler avec la gent masculine. Que ce soit parce qu’elle sont femmes donc destinées à des métiers féminins, ou originaires d’une ethnie ou elles se doivent de prendre rapidement un époux, elles se sont toutes « battues » contre les préjugés masculins. Alors oui, assez souvent, les hommes sont présentés comme des êtres qui leur manquent de respect, qui ne croient pas en leur possibilité, qui les somment de faire leurs preuves mais…pas toujours…. Si cette bande dessinée possède un côté féminisme, il n’y a pas que ça, heureusement !

C’est un réel plaisir de découvrir des personnes connues dont Temple Grandin qui a fait beaucoup pour les autistes ou Katia Krafft que j’ai toujours admirée pour sa pugnacité, son enthousiasme et sa volonté de mettre ses connaissances à la portée de tous. Et pour celles dont j’ignorais tout, l’envie est là d’en savoir plus. 

Avec un trait simple, des croquis vivants, de l’humour et des phrases chocs, l’auteur nous entraîne à sa suite pour visualiser « ses culottées ». Elles sont de différentes milieux, de différents pays, de différentes époques mais toutes avaient, ont, la volonté chevillée au corps d’agir, de vivre leur vie et de ne rien subir quel que soit le prix à payer ! Merci pour ces leçons de vie !

"La manufacture des histoires" de Luc Fivet


La manufacture des histoires
Auteur : Luc Fivet
Éditions : BakerStreet (24 Mai 2018)
ISBN : 979-10-97491-04-8
320 pages

Quatrième de couverture

Dans ce récit qui oscille entre thriller, roman initiatique et satire sociale, un écrivain multi-refusé cherche à pénétrer les arcanes de la Manufacture des histoires, ce lieu mythique où il rencontrera enfin reconnaissance, gloire et fortune.

Mon avis

Une histoire, c’est avant tout un désir de trouver un fil qui relie les pages.

Une humoriste française bien connue expliquait dans un entretien paru il y a quelques années, qu’elle avait commencé en faisant « la claque » dans les spectacles de Raymond Devos. Des fois  que les personnes présentes dans la salle ne sachent pas à quel moment rire ou applaudir…. Elle les lançait…. J’ai très vite fait le parallèle avec Marc, le personnage que nous présente Luc Fivet. C’est un (futur ?) écrivain qui voudrait être publié, vivre de sa plume. Mais ce n’est pas vraiment ça, ses manuscrits sont refusés, il vivote, refait le monde de l’écriture avec ses potes, rêve de belles rencontres et ne sait plus trop en quoi espérer et que croire… Au détour des ses pérégrinations, il croise un homme et là tout change, il réussit à se faire une place au soleil en « claquant » les bons mots au bon moment et en séduisant le public ciblé. Il sait vendre les bons slogans, les bonnes phrases à ceux qui en ont besoin… il surfe sur la vague mais n’est-il pas en train de renier l’acte d’écrire ?

L’auteur est un magicien des mots, il leur donne vie les fait vibrer, chanter, « poétiser » pour le plus grand bonheur du lecteur. Et que dire de la galerie des personnages qui apparaissent ici et là ? J’ai beaucoup apprécié « le consultant en destins » qui promet d’ouvrir les bonnes portes au bon moment…. Par l’intermédiaire de ses protagonistes, Luc Fivet nous fait pénétrer dans le monde de l’édition, celui des écrivains, celui de ceux qui veulent garder la liberté d’écrire, de choisir, quel que soit le côté éphémères du succès….

C’est un récit surprenant, parfois conte, parfois quête initiatique, qui sous des dehors d’humour grinçant nous montre la difficulté de rester libre pour un écrivain…. Face à la pression, pour un peu de succès, n’est-on pas prêt à vendre un peu de son âme au diable ? Ou de sa plume à l’ennemi ?

Et notre vie ? On la subit ou on l’écrit nous-mêmes ?


"Je suis un guépard" de Philippe Hauret


Je suis un guépard
Auteur : Philippe Hauret
Éditions : Jigal (15 Mai 2018)
ISBN: 978-2-37722-037-3
216 pages

Quatrième de couverture

Le jour, Lino, employé anonyme d’une grosse boîte, trime sans passion au 37e étage d’une tour parisienne. La nuit, dans son studio miteux, il cogite, désespère, noircit des pages blanches et se rêve écrivain… Un peu plus loin, Jessica arpente les rues, fait la manche et lutte chaque jour pour survivre. Deux âmes perdues qui ne vont pas tarder à se télescoper et tenter de s’apprivoiser, entre désir, scrupule, débrouille et désillusion…

Mon avis

Voici un excellent roman noir sociétal avec des personnages comme on peut en croiser au détour d’une rue. On rencontre, en tout premier lieu, Lino, un homme simple. Il vit de peu et rêve en secret de devenir écrivain. Il est assez solitaire et ceux qui le côtoient le connaissent peu mais ne  le trouvent pas désagréable pour autant. Dison qu’il s’accommodent les uns des autres. Sa vie suit un long fleuve tranquille, morne  et sans fantaisie jusqu’au jour où une jeune femme sans domicile fixe se réfugie dans son immeuble, qui plus est, sur son palier ! « Chacun chez soi » et « Chacun ses choix » se dit Lino qui ne veut pas être dérangé dans sa routine, fut-elle maussade. Mais cette fille sur le paillasson d’â côté, ça le titille et il finit par lui parler et alors, n’écoutant que son cœur, il lui ouvre sa porte. S’en suit alors une relation tour à tour porteuse d’espérance, perturbatrice, déstabilisante,  heureuse mais pas vraiment stable et le cours du fleuve devient tumultueux .…. Ces deux-là sont-ils faits pour s’entendre, se comprendre, s’écouter, s’accompagner, s’aimer ? Sont-ils prêts à abandonner une part de leurs rêves  pour se lancer dans une aventure commune ? Quel poids, quelle influence le passé de chacun peut-il en avoir sur leur avenir commun ?

Jessica, elle, vit de rien ou de presque rien. Elle s’est parfois trompée en ne donnant pas sa confiance aux bonnes personnes … Mais elle avance cahin caha, de ci, de là (comme dans la chanson), surtout sans contrainte, parce que ça, elle n’en veut pas… Est-elle en mesure de se poser, de s’investir dans un travail fixe et de vivre « rangée des voitures » ?  C’est toute cette ambivalence que nous présente l’auteur. L’envie de vivre dans la normalité et en parallèle, ce besoin de liberté qui vous colle à la peau malgré les risques encourus. L’argent facile à gagner pour ceux qui réussissent et si dur à accumuler (pour un mini plaisir) pour les autres…. Comment ne pas souffrir devant ce qui peut ressembler à de l’injustice ? Comment ne pas être révoltés ?

Avec une écriture affinée, parfois poétique lors des descriptions physiques ou morales  de certains protagonistes, l’auteur nous fait pénétrer l’air de rien, dans le monde des petites gens, de ceux que l’on aurait tendance à oublier, tant ils peuvent paraître transparents … jusqu’au jour où ….par le biais d’une coïncidence, d’une rencontre, leur quotidien change, prend un virage, bascule ….. Parfois, ils le maîtrisent mais bien souvent, ils leur échappent et ces hommes et femmes s’inscrivent alors dans le schéma d’une vie cabossée par les événements où tout peut arriver… le meilleur comme le pire….

Ce livre se lit comme on regarde un reportage sur notre société, il est vivant, profond, abordable et parle autant à la tête qu’au cœur…..


NB : Régulièrement, au fils des pages, des titres musicaux sont évoqués…. N’hésitez pas, ils donnent corps au livre….(Ah Arthur H…) Et il y a des films également …..


"Casco Bay" de William G. Tapply (The Gray Ghost )


Casco Bay (The Gray Ghost)
Auteur : William G. Tapply
Traduit de l’américain par François Happe
Éditions : Gallmesteir (6 Juin 2008)
ISBN : 978-2-35178-018-3
304 pages

Quatrième de couverture

Sept ans après le mystérieux accident qui a effacé sa mémoire, Stoney Calhoun a repris sa paisible existence de guide de pêche, partagée entre la boutique de la belle Kate Balaban et sa cabane isolée dans les bois du Maine. Jusqu'au jour où, sur une île inhabitée de Casco Bay, il découvre un cadavre entièrement carbonisé. Peu de temps après, le client qui l'accompagnait est assassiné. Malgré ses réticences, Calhoun est entraîné dans l'enquête du shérif Dickman et ses vieux réflexes reviennent.

Mon avis

« Le matin, qui est le moment le plus mémorable de la journée, est l’heure de l’éveil. C’est alors que la somnolence est la plus faible en nous, et, l’espace d’une heure, au moins, s’éveille une partie de nous-mêmes qui, tout le reste du temps, sommeille. » Thoreau, cité page 11 de Casco Bay

Sans mon filleul Bernard, je n’aurais pas lu cet auteur et cela aurait été dommage.
En effet, j’ai fermé ce livre à regret …

Monsieur Tapply est un grand écrivain.
Ecrire un roman policier en étant poétique, d’une écriture fine, ciselée, où chaque mot est choisi, à sa place, relève d’un réel talent.

Evoquer, au milieu d’un roman policier, une partie de pêche avec poésie est un vrai challenge.

"Pendant qu’ils suivaient l’attaque des poissons, le soleil avait percé l’horizon. Maintenant sa lumière filtrait à travers le mélange de brume et de brouillard humide. Aussi loin que l’œil portait, la mer était plate. Les îlots rocheux qui parsemaient la baie n’étaient que des masses grises bosselées. "

Le rythme de ce policier s’apparente à la nature, omniprésente, dans laquelle il se déroule: flux, reflux, au rythme des vagues, du temps … On suit les personnages : c’est salé, venté, ensoleillé, mais jamais violent, ni tourmenté, ni torturé …

L’écriture est fluide, d’une qualité exceptionnelle. Le ressenti de Stoney Calhoun est évoqué avec pudeur et profondeur. Ses sens ont été modifiés lorsqu’il a été foudroyé. Il appréhende la vie avec philosophie, il accepte les événements comme ils viennent, « Carpe Diem », pourrait être sa devise …

Cet homme m’a reposée, il est calme, posé, profond, peu démonstratif. J’aurais aimé marcher à ses côtés, pêcher avec lui, regarder la nature en sentant sa présence rassurante … Je l’ai imaginé un peu ours, solitaire, préférant la nature et son chien à la compagnie bruyante et parfois compliquée des hommes.
Sa relation avec son chien est évoquée avec délicatesse, ils ont besoin l’un de l’autre.
Sous des dehors bourrus, Calhoun est un homme profond, un homme vrai, droit dans ses rangers ou ses bottes, un homme avare de mots, chassant l’inutilité, le superflu pour revenir aux vraies valeurs, celles de l’amour qu’il porte à Kate entre autres … Kate qui lui dit « Tu es un homme bon. »

Vous le comprendrez aisément, ce n’est pas un polar qui vous essouffle, vous prend à la gorge, un de ces livres où les actions s’enchaînent sans temps mort. Non, ce n’est pas un roman policier ordinaire …
Il est tout en émotions, en sensations, en images, en sentiments et c’est ce qui en fait sa vraie richesse …

Chapeau bas Monsieur Tapply, je vous relirai avec bonheur, quel dommage de savoir que vous n’êtes plus là pour continuer votre œuvre …

"Shutter Island" de Dennis Lehane (Shutter Island)


Shutter Island
Scénario : Lehane, Dennis
Dessins : De Metter, Christian
Couleurs : De Metter, Christian
Éditions : Casterman (1 er Mai 2008)
ISBN : 978-3941239432
130 pages

Quatrième de couverture

Nous sommes dans les années cinquante, au large de Boston, l'ilot de Shutter Island abrite un hôpital psychiatrique où sont internés des criminels. Lorsque le ferry assurant la liaison avec le continent aborde ce jour-là, deux hommes en descendent: le marshal Teddy Daniels et son coéquipirer Chuck Aule. Ils sont venus à la demande des autorités de la "prison-hôpital" car l'une des patientes, Rachel Solando, manque à l'appel. Comment a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée à clé de l'extérieur.

Mon avis


Adapter un roman sous forme de bande dessinée n'est pas chose facile et je trouve que Christian de Metter s'en est bien sorti.
Il faut dire que 130 pages, ce n'est pas une BD habituelle...Le format est surprenant aussi et la couverture, non cartonnée, peut étonner dans la catégorie BD.

Les vignettes sont toutes carrées ou rectangulaires, bien délimitées et ne mordent pas les unes sur les autres. Le dessin reste aussi dans la case. Il y en a six à neuf par page.
Les bulles sont rectangulaires et écrites avec une écriture assez "anguleuse", parfois sur fond jaune clair pour, par exemple, situer le domaine du rêve, ou de la pensée.
Les onomatopées sont dans le dessin, à l'intérieur de la vignette en couleur beige clair ou marron, jamais dans les bulles.
Les indications sur le jour ou l'heure sont faites en haut, à gauche de la vignette. Il y en a peu.
La couleur dominante est sépia. Quelques planches sont un peu "colorées" pour situer un flash-back, un souvenir, un rêve. On comprend alors qu'on "quitte" le "présent" de l'histoire.
Dans les vignettes, on voit très très peu de "vue d'ensemble". Il y a surtout des visages, des silhouettes.
Le trait de crayon est, à mon avis, excellent.
Avec peu de couleur et en "ombrant", les expressions sont très "vivantes". On dirait presque de vieilles photos plutôt qu'une bande dessinée.

En ce qui concerne l'écrit: l'essentiel du roman, la substantifique moëlle, est retranscrit et l'ambiance est aussi forte que dans le roman. Chapeau à l'artiste!
Je pense que la couleur sépia, la façon de dessiner, le choix du contenu des vignettes sont pour beaucoup dans la réussite de cette adaptation.


A lire pour découvrir "Shutter Island" avec un autre regard...


"Au feu les pompiers" de M. J. Arlidge (Liar Liar)


Au feu, les pompiers
Traduit de l’anglais par Séverine Quetet (Liar Liar)
Auteur : M. J.  Arlidge
Éditions : Les Escales (Mars 2018)
Collection : Les escales noires
ISBN : 978-2365693509
450 pages

Quatrième de couverture

Six incendies en vingt-quatre heures, deux morts, plusieurs blessés. Helen Grace n'a jamais vu ça. Comme si quelqu'un tentait de réduire la ville en cendres...  Accompagnée de son équipe et bien décidée à arrêter le pyromane acharné, Helen sait qu'elle ne peut se permettre le moindre faux pas : non seulement cela aurait de lourdes conséquences sur la survie des habitants, mais sa carrière serait également finie.

Mon avis

Autant ne pas attendre pour le dire : ce roman m’a marquée. J’en veux pour preuve : quelques mauvais rêves ayant pour thème le feu et une nuit (très) raccourcie car je voulais terminer ma lecture…. Mais c’était un immense plaisir de rester avec les protagonistes, de suivre Helen Grace (qui me fascine) et de voir si, accompagnée de son équipe, elle allait coincer la personne qui mettait Southampton à feu et à sang…..  Parce qu’il est là, le problème ou plutôt le drame : des incendies criminels sont allumés dans la ville, dans différents endroits et les pompiers ne savent plus où donner de la tête et de la lance à eau…. C’est dans ce contexte chaud et délicat qu’Helen Grace (commandant de la brigade criminelle, personnage récurrent de l’auteur) doit mener l’enquête et rassurer au plus vite la population qui prend peur. Elle est aidée par ses fidèles équipiers dont Charlie, qui vient de reprendre du service après son congé maternité ( et avec qui elle est amie). Elle a, depuis peu, un nouveau supérieur : le commissaire principal Jonathan Gardam. Les relations avec lui ne sont pas encore bien définies. Il semble parfois trop s’intéresser à elle en tant que personne. De plus, comme il veut suivre de près les recherches de la jeune femme, elle se demande s’il lui fait vraiment confiance….Cela la déstabilise quelque peu et elle fait tout pour rester centrée sur ses objectifs malgré les difficultés inhérentes à la situation.

Cet opus peut se lire indépendamment des précédents et je suis presque certaine que si vous commencez par celui-ci, vous aurez envie de lire les premiers. Pourquoi ? Le style de l’auteur est fluide, les descriptions très pertinentes nous donnent l’impression d’avoir sans cesse les images sous les yeux. On sent presque la chaleur étouffante et la fumée suffocante de chaque feu évoqué … La détresse de ceux qui souffrent,  quelle que soit la raison, nous prend aux tripes. On est partie prenante des recherches d’Helen, vivant avec elle les avancées de l’enquête, et aussi  les erreurs qui font repartir de zéro ou presque …. Parfois, on se dit que ça y est, elle a trouvé, on va pouvoir souffler et puis …ça continue de plus belle… et l’angoisse monte.  Je crois qu’une des grandes forces de l’auteur est de trouver les mots qui font mouche (et de ce fait la traductrice également)  et qui donnent un lecteur totalement concerné par ce qu’il découvre de pages en pages.

Helen est une femme atypique, forte et fragile à la fois avec une grande part d’ombre. C’est un bourreau de travail, elle ne lâche rien, quitte à dormir au bureau. Elle ne se laisse que peu surprendre tant par les hommes que par les événements. Elle offre aux autres, le visage de quelqu’un qui veut tout maîtriser et qui maîtrise tout sauf que … de temps à autre, ses vieux démons reviennent et …. c’est alors beaucoup plus dur pour elle de garder les rênes en main.  Charlie, son amie, vient de donner la vie et elle réalise en menant ses investigations que son métier est dangereux et qu’elle est chargée de famille… Elle est douée, possède un sixième sens et une forme d’empathie qui lui permettent de réussir à entrer en contact avec des individus plutôt fermés, elle réussit là ou d’autres échouent à les faire parler….Mais sans cesse, elle s’interroge sur son rôle de mère.

J’ai lu ce recueil d’une traite, je l’ai trouvé parfaitement rythmé, bien construit entre les faits décrits et les états d’âme des uns et des autres. Je sens que je deviens une inconditionnelle de M. J.  Arlidge. J’aime sa façon de décortiquer les situations, de faire germer le doute en nous, de nous distiller des indices pour mieux comprendre les personnages, même ceux qui sèment le malheur ….et par-dessus tout, je suis persuadée que je ne sais pas encore tout d’Helen et je veux la retrouver au plus vite …..


Les meilleurs amis du monde de Gilly Macmillan (Odd Child Out)


Les meilleurs amis du monde (Odd Child Out)
Auteur : Gilly Macmillan
Traduit  de l’anglais (Angleterre) par Françoise Smith
Éditions : Les Escales (Noires) (7 Juin 2018)
ISBN : 978-2365693547
384 pages

Quatrième de couverture

Comment démêler le vrai du faux lorsque personne ne peut – ou ne veut – parler ? Dans un Bristol électrisé par les tensions sociales, deux adolescents, meilleurs amis depuis l'enfance, se retrouvent au cœur d'une affaire brûlante. Noah Sadler et Abdi Mahad sont deux adolescents inséparables, meilleurs amis depuis l'enfance.  Par un matin glacial, une équipe de secours repêche le corps de Noah dans le canal de Bristol : son état est critique. Abdi, présent sur la scène du drame, ne peut – ou ne veut – rien dire.

Mon avis

C’est sur quatre journées intenses (accompagnés de quelques pages sur la veille et le lendemain) que se passe ce roman sombre, poignant, qui inscrit durablement l’histoire de deux jeunes adolescents dans notre mémoire.

Le récit se déroule à Bristol dans le Sud du Royaume Uni, une ville portuaire où se côtoient des  gens du cru et une communauté somalienne avec des réfugiés intégrés et d’autres nouvellement arrivés. Abdi et Noah se fréquentent au collège (lorsque Noah n’est pas en chimiothérapie, car il souffre d’un cancer), ils vont tous les deux au club d’échecs, travaillent ensemble etc.  Ce sont « les meilleurs amis » reconnus par leurs pairs … Noah est le fils unique d’une riche famille, son  père fait des reportages photos aux quatre coins du monde, et  sa mère se consacre à lui. Abdi, est le second d’une famille somalienne établie depuis quelque temps dans la ville. Il a obtenu une bourse et c’est pour cela qu’il est dans le même établissement scolaire que Noah. La maman de Noah aurait préféré un autre copain mais elle l’accepte …. Un soir, après une exposition particulièrement réussie des clichés chocs  du Papa photographe, les deux jeunes dorment chez Noah et là, l’impensable se produit, ils fuguent et  vont vers le canal, où dans les eaux froides et troubles, Noah tombe…. Que s’est-il passé ? Pourquoi des collégiens sages, sérieux et appliqués ont-il quitté la maison alors que l’un d’eux n’est pas en forme ?  Que voulaient-ils faire ? Y-a-t-il eu des témoins, qu’ont-ils vu ?

C’est un détective qui sort de congé maladie qui est chargé de l’enquête, il lui faut reprendre ses marques avec ses collègues mais également avec les méthodes de travail. Très solitaire, avec un passé lourd, il n’est pas toujours sûr de lui et a souvent peur de ne pas avoir la bonne attitude. Mais il a pour binôme un collègue super et cela l’aide.  Il doit agir avec diplomatie, ne pas vexer les uns ou les autres, ne pas donner lieu à des interprétations des habitants (ce serait si facile de parler de crime racial….) En faisant des recherches pour comprendre comment les deux amis en sont arrivés là, il va remuer beaucoup plus de choses qu’il ne l’avait imaginé et  ses propres démons vont ressurgir. Malgré tout il veut rester intègre et faire éclater la vérité si douloureuse soit-elle…..

Lorsque j’ai commencé ce livre, j’ai pensé que j’allais découvrir une histoire d’amitié entre deux personnes qui, à la base, n’ont rien en commun, un peu comme dans une caricature : le blanc riche autochtone, le noir pauvre étranger … J’ai vite compris que je me trompais . Avec intelligence, l’auteur aborde des thèmes délicats, voire difficiles : la maladie grave,  la mort éventuelle d’un enfant et la souffrance des parents qui ne vivent pas cet état de fait de la même façon, les tensions raciales dans une ville et la place de chacun, la portée des médias : capables de manipuler l’opinion publique, de faire très mal en allant trop loin dans leurs propos (plus ou moins vérifiés et / ou transformés avant d’être diffusés), le rôle des enseignants, des témoins … et le poids du passé…  

Les deux familles veulent, chacune, protéger, leur enfant mais à quel prix ? Peuvent-elles dialoguer et essayer de (se) comprendre ? Tous les adultes paraissent avoir une part d’ombre, quels buts poursuivent-ils dans la vie ? Quels sacrifices sont prêts à faire les uns pour s’intégrer et les autres pour les accepter ? Quel est le secret dont la mère d’Abdi semble dépositaire ? Qu’a-t-elle vécu, avec sa famille dans le camp de Hartisheikh où ils étaient en transit ? L’amitié entre les deux camarades est-elle saine ? Ne profitent-ils pas l’un et l’autre de leur situation pour obtenir ce qu’ils veulent ? Peut-on faire abstraction de ce qu’on a vécu et avancer en toute quiétude ?

Cet opus est une réussite. Il est très complet, bien écrit dans un style de qualité (merci à la traductrice).  L’ensemble est bouleversant et Gilly Macmillan évoque le drame vécu par ses deux familles avec  un ton très juste et beaucoup de doigté.

"Requiescant" de Patrick S. Vast


Requiescant
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Fleur Sauvage (Février 2015)
ISBN : 979-1094428016
240 pages

Quatrième de couverture

Une chaleur étouffante, presque inédite Une petite ville, protégée à l'extrême Son lotissement, ses craintes et ses secrets Et cette première mort Intrigante... Dérangeante...

Mon avis

Un CD de John Coltrane (My Favorite Things ou un autre), une boisson fraîche si vous voulez être dans l’ambiance du livre, ou chaude si vous souhaitez celle de saison (il fait moins deux lorsque j’écris cette chronique), ah, j’oubliais, fermez les portes et les fenêtres, prévoyez un bon canapé…

C’est bon ? Alors, mettez-vous à la lecture et ce sera un vrai plaisir, tous les ingrédients extérieurs sont réunis et pour ceux qui viennent de l’intérieur, pas de soucis, ils sont bel et bien présents dans ce nouveau roman de Patrick S. Vast.

Vous découvrirez : des personnages attachants ou détestables, mais peu vous paraitront indifférents ; une écriture vive et acérée, vous laissant sans souffle et sans voix ; une intrigue bien ficelée avec ce qu’il faut de rebondissements et d’actions et une dose de fantastique (style anticipation) qui ajoute à l’ensemble une touche d’originalité.

Pour les prochaines élections, imaginez qu’un parti intitulé POE (parti de l’ordre et de l’efficacité) se présente, vous voteriez pour lui ? A Villeneuve-sur-Deûle, près de Lille, le maire, Martial Delorme, est de ce bord et a été élu. C’est la canicule et dans le lotissement qu’il a fait construire en un temps record alors qu’il avait été détruit par une tornade, la vie est calme. Tout est propre et bien rangé. Bien sûr, le règlement intérieur est presque trop sévère et il y a des vigiles qui circulent, mais chacun s’en accommode en pensant que c’est mieux pour sa sécurité. On pourrait presque mettre un panneau : « Ici, c’est mieux qu’en face ! » En face, c’est de l’autre côté du terrain vague qui borde le lotissement, il y a de vieux immeubles et on ne sait pas trop qui les squatte… Et forcément, ces « gens là » doivent avoir des choses à se reprocher….

Tout tranquille qu’il est ce lotissement vient d’être le théâtre d’une mort bizarre, un brave homme qui promenait son chien est retrouvé décédé et pourtant personne n’a passé l’enceinte du lieu… donc le tueur est un des habitants !!! Le climat tourne à l’insécurité, à la surveillance des voisins, à l’ anxiété…. Et tout le monde sait que lorsque les hommes ont peur, ils n’ont plus de sens commun, ils perdent toute rationalité et la suspicion s’installe….

Dans ce livre à l’histoire habilement menée, l’auteur aborde des sujets graves. Les politiques aux dents longues qui sont prêts à tout pour avancer, écrasant ce qui dérange ou gêne sur leur passage sans se soucier des dégâts collatéraux comme si la réussite des projets pouvait tout justifier, sans oublier les magouilles et les pots de vin. La peur et l’effet de groupe , la première étant mauvaise conseillère et entraînant les hommes à des attitudes violentes et extrêmes, non réfléchies. Les liens familiaux: doit-on tout dire à l’être aimé ? Doit-on tout accepter ? Et puis, qu’en est-il des pactes que l’on fait « avec le diable » ? De ces arrangements à la limite de la légalité, pas très nets, mais pour certains acceptables ? Que se passe-t-il lorsque la culpabilité nous rattrape ? Est-elle lourde à porter ou peut-on l’oublier , la laisser de côté? C’est tout cela que Patrick S. Vast évoque avec finesse, avec pudeur, mais également avec beaucoup de doigté.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, que je n’ai pas lâchée une fois commencée. L’auteur a réussi à me surprendre alors que, ayant lu d’autres romans de lui, je m’imaginais assez bien le connaître. J’ai trouvé que tout était mis en place d’une façon intelligente, que la note fantastique était un plus, que les dialogues sonnaient vrais et surtout que l’atmosphère était très bien retranscrite, prenante et donnant envie d’en savoir plus.

Une belle réussite que cet opus !!

Une question Monsieur Vast : rassurez-moi, la directrice de l’école ne vous a pas été inspirée par une femme existante dans la réalité ? Si c’était le cas, tenez la à distance de ma ville, je n’en veux pas comme collègue….