"Rome insolite et secrète"de Jonglez


Rome insolite et secrète
Auteur: Jonglez
Éditions : Pointdeux (tient dans la poche et dans la main !) (12 Janvier 2012)
ISBN: 9782361953591
550 pages

Quatrième de couverture

Un guide de Rome écrit par ses habitants. Véritables amoureux de leur ville, ils lui rendent hommage en dévoilant des curiosités insoupçonnées. Le livre propose d'explorer la ville à travers dix quartiers. De très nombreux vestiges, jardins, détails historiques et architecturaux y révèlent les véritables richesses de la ville éternelle : le tableau motorisé de Rubens, le visage du Christ déposé sur la lune, le cimetière catholique, le siège de l'Ordre du Saint-Sépulcre, les restes du cadran solaire d'Auguste, etc.

Mon avis

Mai 2012. De retour de cinq jours à Rome Quel bonheur, ce guide léger qui tient dans la poche !!!!!! Et il ne perd pas ses pages …. En effet, la reliure Point 2 est à toute épreuve, solide et discrète.

Loin des sentiers battus, des classiques dont on entend parler (Colysée, Vatican, Capitole etc…), dans ce recueil qui tient dans une main (on peut avoir l’appareil photo, la glace ou la pizza dans l’autre !), Rome est déclinée en neuf « tableaux. »
Neuf « découpages » de la ville accompagnés d’un sommaire détaillé, d’un plan en couleur avec des références.
Chacune des neuf parties elle-même subdivisée en coins insolites pouvant être reliés par un circuit car ils appartiennent au même quartier.

Pour chaque lieu (parc, musée, oratoire, palais, cimetière insolite (acatholique), souterrains …), chaque objet (tableaux, escalier, horloge …), chaque représentation, évoqués pour eux-mêmes, dans leur originalité, on retrouve une photographie couleur, une anecdote ou un fait liés à ce qui est présenté, ainsi que ce qu’il y a à voir aux alentours et les contacts nécessaires à la visite : accès métro, bus, lien internet, téléphone, contacts divers …

Les anecdotes sont intéressantes, les photographies de qualité, le texte de présentation de chaque « coin » bien adapté à un large public, vivant et clair.
Les explications ne sont jamais lourdes, pas trop longues (quatre pages maximum tout compris pour une présentation), adaptées à des visiteurs pressés de connaître autrement une ville dont ils croyaient tout savoir.

Vous allez vous rendre compte que vous n’aviez pas tout vu …
Alors ?, Me direz-vous. Croyez-vous qu’on aura le temps d’aller dans des coins reculés de la capitale et ainsi passer à côté des incontournables ?
Attendez … Laissez-moi terminer …. Un des atouts de ce livre est de nous faire voir Rome d’une autre façon, mais pas forcément loin des classiques …

Surprenantes, étonnantes, amusantes, renversantes, étranges, ahurissantes, particulières, les qualificatifs ne manquent pas pour nommer les découvertes que vous ferez avec cet opus.

Avec ce guide dans la poche, Rome a une autre saveur, une autre dimension, vous rentrez au cœur de cette ville et loin de la foule, des touristes, vous allez à sa rencontre …

"En remontant vers le Nord" de Lilyane Beauquel


En remontant vers le Nord
Auteur : Lilyane Beauquel
Éditions : Gallimard (9 janvier 2014)
ISBN : 978-2070143733
240 pages

Quatrième de couverture

En remontant vers le Nord se déroule dans un pays nordique à la fin du XIXe siècle. Le narrateur, un jeune ingénieur prénommé Sven, est chargé de creuser un tunnel qui désenclavera les terres les plus reculées. Ce pays, Sven croit bien le connaître pour y être né et y avoir vécu jusqu'à ses dix-sept ans, avant de le quitter pour un long périple à travers le monde. Après dix ans d'absence, il revient avec l'assurance d'un homme de progrès. Alors qu'il se rêvait renouant avec la lignée de ses ancêtres, ses illusions volent en éclats au contact d'une nature inhospitalière et d'un peuple autarcique où règne encore la loi des clans. 
.Mon avis

C’est une écriture intimiste et très lente qu’emploie Lilyane Beauquel pour « Remonter  vers le Nord ». Il faut l’apprivoiser pour renter pleinement dans ce roman à l’ambiance feutrée, secrète où beaucoup de choses sont consignées entre les lignes. C’est poétique à souhait et le style désarçonnera plus d’un lecteur. Prenez le temps de laisser les mots venir à vous avant d’essayer de cerner l’histoire.

Sven a quitté son pays, la Scandinavie, à la fin du dix-neuvième siècle, à dix-sept ans. Une fuite pour vivre autre chose, autrement, ouvrir un horizon qui lui semblait bouché par les torrents et les montagnes..
« Je m’étais levé haletant, me sentant en danger si je n’allais pas à la rencontre de soleils nouveaux, d’ombres portées par des gens d’apparences inconnues, pour rebondir de vallée en vallée, sans me soucier de leur nom. »

Dix ans plus tard, il a fait des études et le voilà nommé responsable d’une construction, un tunnel, sur la terre de ses ancêtres, celle de son papa.
« Nous sommes la terre bourrée de formes en vrac, de hanches, crânes, abcès de chair, terre brune, liquide, décantée, rien d'une croûte, fourrée d'os, de fragments de cercueils gros comme dents de souris, terre sous et autour de l'église aux clochers pointus et gueules de dragons et démons. »
Il veut également profiter de sa venue pour comprendre les agissements de son père (et surtout ses choix) puisque, lui aussi, a fui lorsqu’il était jeune…

Ancrée dans ses croyances, comment la population va-t-elle appréhender sa venue ? Est-il un ingénieur aux dents longues, qui sait tout sur tout ou un enfant du pays, capable de comprendre les vibrations de la terre et des hommes ? Sven doit aller lentement, prendre le pouls des populations, des clans tels que les Landsen (et leur oreille bijou), les Minuscules et les Zir qui rivalisent et s’observent.
« Personne ne l’oublie, car rien n’est plus noble que ce courage qu’ils ont eu, que ce choix qu’ils ont fait ! »

Les hommes ont peur de temps à autre, ils se détestent autant qu’ils s’apprécient. Le tunnel venu à eux fait partie entière de leur vie, source de problèmes mais aussi d’améliorations et de revenus pour certains ouvriers.

Ce n‘est pas un livre qui se dévore, rempli d’une multitude d’actions, c’est comme un long poème qu’il faut déchiffrer. C’est parfois sec et âpre comme cette nature sauvage qui veut rester libre, en dehors des choix des hommes ; parfois doux comme une complicité secrète devant un échange plus intime. Au fur et à mesure de l’avancée de la construction du tunnel, Sven chemine vers une meilleure connaissance de ses racines, de son père, de lui-même….

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, bien qu’ayant eu quelques difficultés pendant les premières pages avec le phrasé particulier de l’auteur. Je crois que c’est un roman qui vaut le détour pour peu qu’on prenne le temps de le laisser venir à nous…

"Londres insolite et secrète" de Rachel Howard et Bill Nash


Londres insolite et secrète
Auteurs: Rachel Howard et Bill Nash
Éditions: Point 2 (12 Janvier 2012)
ISBN : 978-2363940643
562 pages

Quatrième de couverture

Un guide de Londres écrit par ses habitants, qui en dévoilent toute l'excentricité. Ce guide propose une exploration des lieux les plus insolites de Londres. De jour comme de nuit, le Londres des initiés ressemble à un véritable cabinet de curiosités pour qui sait s'engouffrer dans les ruelles et abandonner les flux touristiques.

Mon avis

Londres ….

Une capitale, une ville dont je ne me lasse pas …
Lorsque je vais là-bas, je trouve toujours quelque chose de nouveau à voir, un coin que je n’avais pas apprécié à sa juste valeur, une sculpture, une fontaine que je n’avais pas aperçus aux visites précédentes …
En général, je pars, armée de cinq manuels de tourisme différents de peur de rater quelque chose …

Maintenant, je sais qu’il me faudra découvrir cette Londres insolite et secrète que les éditions Point 2 viennent de me faire entrevoir ….. Quel bonheur, ce nouveau guide sera léger et tiendra dans la poche !!!!!! Et il ne perdra pas ses pages …. En effet, la reliure Point 2 est à toute épreuve, solide et discrète.

Loin des sentiers battus, des classiques dont on entend parler (musée Tussaud, Tour de Londres, Westminster etc…), dans ce recueil qui tient dans une main (on peut avoir le parapluie dans l’autre !), Londres est déclinée en sept « tableaux. »
Sept « découpages » de la ville accompagnés d’un sommaire détaillé, d’un plan en couleur avec des références.
Chacune des sept parties elle-même subdivisée en coins insolites pouvant être reliés par un circuit car ils appartiennent au même quartier.

Pour chaque lieu (parc, musée, magasins, couloirs secrets du métro, club de porteurs de moustaches, maison de 106 cm de large, peintures murales …), chaque objet (statue, fontaine, arbre à feux rouges …), chaque représentation, évoqués pour eux-mêmes, dans leur originalité, on retrouve une photographie couleur, une anecdote sur un personnage ou un fait liés à ce qui est présenté, ainsi que ce qu’il y a à voir aux alentours et les contacts nécessaires à la visite : accès métro, bus, lien internet, téléphone …

Les anecdotes sont truculentes, les photographies de qualité, le texte de présentation de chaque « coin » bien adapté à un large public, vivant et clair.
Les explications ne sont jamais lourdes, pas trop longues (quatre pages maximum tout compris pour une présentation), adaptées à des visiteurs pressés de connaître autrement une ville dont ils croyaient tout savoir.

Vous allez vous rendre compte que vous n’aviez pas tout vu …
Alors ?, Me direz-vous. Croyez-vous qu’on aura le temps d’aller dans des coins reculés de la capitale et ainsi passer à côté des incontournables ?
Attendez … Laissez-moi terminer …. Un des atouts de ce livre est de nous faire voir Londres d’une autre façon, mais pas forcément loin des classiques …

Vous verrez différemment la national gallery, vous entrerez dans les cabines téléphoniques spéciales bobbies, vous irez aux cours gratuits du Grresham College, vous connaîtrez la seule rue où l’on circule à droite dans Londres, vous écouterez, en plein centre ville, les oiseaux dans le parc naturel de Camley Street, vous patinerez au coeur de la City etc …..
Et surtout surtout vous irez au 14 St James’s Square dans la « London Library », une bibliothèque de plus d’un million d’ouvrages, que vous pouvez emprunter, gratuitement, jusqu’à ce qu’un autre lecteur les réclame …. (Expédition dans toute l’Europe….)
Surprenantes, étonnantes, amusantes, renversantes, étranges, ahurissantes, particulières, les qualificatifs ne manquent pas pour nommer les découvertes que vous ferez avec cet opus.

Avec ce guide dans la poche, Londres a une autre saveur, une autre dimension, vous rentrez au cœur de cette ville et loin de la foule, des touristes, vous allez à sa rencontre …

PS : Un conseil : coller entre elles les pages 180 et 181 …. Inutile de connaître un pub où l’on vend des cadavres et surtout, je ne tiens pas que vous sachiez où manger de l’écureuil !!!

N.B : J’ai hâte de retourner à Londres, mon album photos ne sera plus le même ….





"Désolée, je suis attendue" d'Agnès Martin-Lugand


Désolée, je suis attendue
Auteur : Agnès Martin-Lugand
Éditions : Michel Lafon (14 Avril 2016)
ISBN : 978-2749923871
384 pages

Quatrième de couverture
Yaël ne vit que pour son travail. Brillante interprète pour une agence de renom, elle enchaîne les réunions et les dîners d'affaires sans jamais se laisser le temps de respirer. Les vacances, très peu pour elle, l'adrénaline est son moteur. Sa famille et ses amis qui s'inquiètent de son attitude. Peu lui importe les reproches qu'on lui adresse, elle a simplement l'impression d'avoir fait un autre choix, animée d'une volonté farouche de réussir.


Mon avis

Au départ de ce roman, on découvre une jeune femme, Yaël, stagiaire dans une entreprise. Elle n’est pas très motivée et rêve de voyager avec son sac à dos. Elle manie à la perfection la langue de Shakespeare et le jour où elle finit son stage, le patron lui propose une embauche d’interprète.  Elle accepte et se fait rapidement (c’est d’ailleurs trop survolé à mon goût) prendre au piège de l’ambition. A partir de là, elle n’existe plus que pour son boulot, se rendant disponible quelle que soit l’heure, oubliant ceux qu’elle aime, s’oubliant…...

Si l’écriture est fluide et le propos agréable, j’ai trouvé ce livre beaucoup trop prévisible et convenu. Il a été sans surprise pour moi et le côté psychologique de la femme au bord du burn out n’a pas été assez approfondi à mon goût. Bien sûr, les difficultés rencontrées pour construire une relation amoureuse, amicale, familiale lorsque le travail passe avant tout, sont bien évoquées et sont, malheureusement, plutôt réalistes mais il manque vraiment quelque chose pour que ce soit intéressant. Dommage, en plus, Yaël n’est pas attachante. Avec toutes les mises en garde qu’elle reçoit, elle pourrait réfléchir !

Je comprends toutefois que ce genre de lecture puisse plaire mais, pour ma part, je reste sur ma faim.

"La Fille de Femme-Araignée" de Anne Hillerman (Spider Woman's daughter)


La Fille de Femme-Araignée (Spider Woman's daughter)
Auteur : Anne Hillerman
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Bondil
Éditions : Payot & Rivages (7 Mai 2014)
ISBN : 9782743628161
368 pages

Quatrième de couverture

Alors qu’elle vient de finir son petit déjeuner avec des collègues, Bernadette Manuelito, dela Policedela Nation Navajo, entend un coup de feu dans le parking voisin. Elle se précipite sur place, pour découvrir à terre le célèbre lieutenant Joe Leaphorn, enquêteur privé retraité de la police navajo. Son mari Jim Chee, ancien collègue de Leaphorn, étant chargé de l’affaire, Bernadette y prend part officieusement. Qui peut en vouloir à ce point à Leaphorn ? L’un des nombreux criminels qu’il a fait condamner au cours de sa longue carrière, ou faut-il chercher du côté des dossiers dont il s’occupe depuis qu’il est à son compte ? Difficile de le savoir, car les indices sont contradictoire et Leaphorn, un homme très secret, est dans le coma. En outre, sa compagne demeure injoignable. Mais Bernadette Manuelito se caractérise par sa patience et son opiniâtreté, deux grandes qualités de « Femme-araignée », figure tutélaire de la mythologie navajo…

Mon avis

Dans la famille Hillerman, je viens de lire et de découvrir la fille : Anne… Elle a repris après la mort de son père (Tony décédé en 2008) les héros récurrents de celui-ci: Joe Leaphorn et Jim Chee. Elle vient de les emmener dans une nouvelle aventure (mais elle a été astucieuse : le personnage principal du paternel est gravement blessé donc dans les pages mais pas trop présent, ce qui évitera des comparaisons et permettra le développement de protagonistes féminins). Telle père, telle fille ? Je ne sais pas vu que je n’ai jamais lu le papa mais je vais remédier à cela car il semblerait que leurs deux écritures soient de la même veine et comme j’ai trouvé ce roman excellent, il serait dommage que je me prive d’un plaisir de lecture supplémentaire.

« Etre un homme…marcher dans la beauté en dépit du mal et de l’harmonie sans cesse rompue…. »*

Bienvenue à Shiprok, en territoire navajo, au sein de la police du même nom. Ici, lorsqu’on est du même clan, on est cousins, oncle, tante et si on est de la même famille, on s’appelle par son grade (« Sœur aînée ») plutôt que par son prénom (chez les navajos, on ne prononce pas le nom d’un tiers). Certains habitent la réserve, d’autres non, les routes sont longues, sinueuses, poussiéreuses, les paysage sublimes et immenses, les coutumes présentes mais pas de façon ostentatoire, on observe, on s’écoute, on s’aime avec discrétion… Les regards remplacent parfois les mots, et chacun a à cœur d’être en communion avec l’environnement, avec les autres, avec la vie tout simplement…
« Quel bonheur de s’inscrire dans ce monde, elle en avait pleinement conscience. De savoir où étaient ses racines. »

Vous l’avez compris ; bien qu’on soit dans un thriller, l’atmosphère dégage une espèce de sérénité inexplicable, sans doute parce que l’écriture est aérienne, dosée avec intelligence entre les recherches de la police, les liens familiaux compliqués de Bernie avec ses proches et les descriptions des lieux. Rien n’est rébarbatif, tout accroche le lecteur et l’intrigue est solidement ficelée. A travers l’enquête, on apprend à connaître les traditions navajos, ce qui est important pour eux, leurs rapports avec la mort, les prières, la place des objets de décoration : couvertures, poteries….
J’ignore si c’est pour se démarquer du style de son père qu’Anne Hillerman a choisi de mettre en avant une policière plutôt qu’un policier. Peut-être que cela lui permettait d’introduire un regard féminin sur les sentiments, une approche différente des relations humaines, lui permettant ainsi de donner sa pleine mesure et de ne pas subir les rapprochements avec ce que faisait Tony Hillerman. Bernie, « fille qui rit », enquêtrice, est opiniâtre, attachante, intelligente, (une femme dans toute sa splendeur ;-), elle ne lâche rien, évite de se laisser envahir par la culpabilité ou la jalousie, c’est un beau portrait d’indienne navajo.

Dès les premières lignes, j’ai été prise dans l’histoire et je n’avais qu’une hâte : être seule pour continuer ma lecture. J’aime beaucoup le dessin de couverture, le papier n’est pas glissant et le livre tient bien en mains et le contenu, le contenu….
Il y a juste ce qu’il faut de rebondissements, d’indices plus ou moins clairs pour nous égarer mais au-delà de tout cela, il y a une vraie « vie » dans cet opus. Les navajos « habitent » les pages, comme autant de témoins d’un ailleurs où l’harmonie peut encore régner pour peu que chacun y mette du sien …..

Ecureuil agile**


* Extrait de la page 144
** Prénom indien que m’ont donné mes élèves lorsque nous avons étudié « Petit Arbre »

"Tout le bleu du ciel" de Mélissa Da Costa


Tout le bleu du ciel
Auteur : Mélissa Da Costa
Éditions : Carnets Nord (15 Février 2019)
ISBN : 9782355363245
658 pages

Quatrième de couverture

Petiteannonce.fr : Émile, 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple. Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, avec le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme, qui a pour seul bagage un sac à dos, un grand chapeau noir, et aucune explication sur sa présence.

Mon avis

Il faut prendre garde à ne pas s’endormir sur sa vie….

Il y a longtemps qu’un roman ne m’avait pas bouleversée par son humanité, me mettant les larmes aux yeux. Et c’est chose faite. J’étais déjà fan du titre, de la couverture avant de le lire et maintenant, je suis fan de l’histoire.

La photo sur la première page montre un camping-car, ancré dans le présent et puis le reste du décor est flou comme l’avenir d’Emile. Le logement à roulettes va lui permettre de s’évader, de choisir sa vie mais pour combien de temps ? Qui est Joanne, cette jeune femme qui a accepté de le suivre, de l’accompagner alors qu’il se sait condamné ? Grâce à elle, en voyageant, en randonnant, il découvre les choses avec de nouveaux yeux, il médite, il apprend à contempler, à profiter en pleine conscience de chaque instant. « Le moment présent a un avantage sur tous les autres : il nous appartient. » Joanne l’aide, le soutient, lui apporte la légèreté dont il a besoin. Mais, elle-même, ne porte-t-elle pas un fardeau trop lourd, un secret qui l’attriste ? On sent bien qu’un événement la hante…. Mais cette jeune femme remet des couleurs dans les journées de celui avec qui elle a choisi de prendre la route.

Le récit qui raconte le périple de Joanne et Emile est entrecoupé de retours en arrière au gré de leurs souvenirs. On peut ainsi comprendre et reconstituer ce qui les a amenés « ici et maintenant ». Il y a également, régulièrement des citations dont celle-ci de Gandhi :
« Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même ». 
Ils ont quitté Roanne pour les Pyrénées et là dans la montagne, ils ont fait de belles rencontres, prolongeant la leur, la sublimant. Emile, qui n’avait plus d’avenir, a réussi à donner de lui aux autres, de son temps, de son énergie, de sa force, de son écoute. Et en donnant, il a reçu …  de quoi tenir, de quoi avancer pas à pas vers l’inéluctable….

L’écriture de l’auteur est délicate, douce, lumineuse. Mélissa Da Costa s’exprime avec infiniment de doigté, elle fait vivre ses protagonistes avec tendresse. Le ton est juste, pas surjoué. Elle nous émeut, nous laisse le cœur en vrac…. Mais une forme de sagesse se dégage de tout cela et on accepte de lâcher la main d’Emile et Joanne afin de refermer la dernière page, tout en sachant qu’on ne pourra pas les oublier….


"Le diable vous emporte - Nouvelles Dora-Suarez n° 7" de Collectif


Le diable vous emporte
Nouvelles Dora-Suarez n° 7
Auteur : Collectif
Éditions : du Caïman (12 Octobre 2019)
ISBN : 9782919066773
230 pages

Quatrième de couverture

Elles sont huit à avoir prêté leur plume. Huit auteures de polars et de romans noirs reconnues. Et lorsque l’association Dora-Suarez* leur a proposé de participer à un recueil collectif dont le thème était de jouer avec les limites ...à dépasser ou pas, elles ont pris un malin plaisir à jouer avec les-dites limites, dans toutes les acceptations du terme. C’est donc à un road-trip littéraire et géographique que ce septième opus des « Nouvelles Dora-Suarez » nous convie.

Mon avis

Ce recueil de nouvelles a été écrit par huit femmes, la photo de couverture est celle d’une femme. Seul le responsable de la maison d’éditions est un homme mais, à sa décharge, il est agréable et charmant. Cette lecture est le résultat d’une belle rencontre au salon des éditeurs indépendants stéphanois le 12 Octobre 2019. J’ai eu le plaisir de discuter avec l’éditeur et deux auteurs (désolée, je n’aime pas le mot « autrice »). Parmi les huit personnes qui ont écrit, j’avais déjà lu et apprécié (pour des romans) trois d’entre elles. Cet aparté terminé, entrons dans le vif du sujet.

Chacun des récits est précédé d’une courte présentation de celle qui l’a rédigé. En quelques mots, on la connaît un peu, suffisamment pour avoir une idée générale de son parcours. Huit textes, huit styles, huit tons, huit lieux, huit univers. Rien ne les relie si ce n’est le fait de jouer avec les limites comme annoncé sur la quatrième de couverture et d’aller plus loin (sans tomber dans le gore). Quoique, si, il y a un point commun. Une phrase trouvée dans les dernières pages, est « parlante » pour toutes les tranches de vie (de mort ?) évoquées.
« Cependant, quelle que soit la façon de voir les choses, l’intime vérité d’un être est inatteignable. »
En effet, on ne connaît jamais à fond ceux qu’on côtoie, on ne sait jamais jusqu’où quelqu’un peut aller parce qu’il aime, hait, souffre ou souhaite se venger. Chaque être est imprévisible et c’est bien ce qu’on va constater.

Chaque auteur a su me toucher, certaines fois avec une tristesse diffuse, une forme de désespérance, d’autres fois avec une pointe d’humour, même si le contenu est noir, sombre. Je crois que la force de chaque fiction est d’avoir laissé, à un moment ou un autre, une place, même infime, même entre les lignes, même très discrète, à une part d’humanité. En outre, la variété des contextes est intéressante. On peut se retrouver sur les plages ensoleillées de Cuba, dans un hôpital (et finir le cœur en vrac), à Alep, en France…. On peut rencontrer une bande de copains, une femme seule, un couple, une psychologue à l’écoute des autres (mais pas d’elle-même), etc. … Les différents protagonistes sont bien ciblés, la multiplicité des lieux est quant à elle enrichissante. Je me suis demandée si les écrivains avaient communiqué entre elles, si elles avaient parlé de ceux qu’elles allaient présenter ou si chacune avait suivi sa propre route….

Les thèmes et les sujets que l’on découvre sont tout à fait d’actualité. La Syrie, les femmes maltraitées, la maladie, etc… Même si l’association Dora-Suarez promulgue la littérature noire, il n’en est pas moins vrai que les écritures et les styles font preuve de doigté, de finesse, tout en repoussant les limites pas forcément pour apporter le mal….

L’exercice de la nouvelle n’est pas facile, il faut être percutant, faire mouche en peu de lignes, ne pas s’encombrer de détails mais en donner suffisamment pour que le lecteur se sente concerné. Ces huit femmes ont réussi avec brio à sublimer leur talent pour nous offrir des textes qui nous prennent aux tripes et nous bouleversent. Bravo !


"Qui est là?" de Victoria Allen Jensen & Dorcas Woodbury Haller (That?)


Qui est là? (That?)
Auteurs: Victoria Allen Jensen & Dorcas Woodbury Haller
Traduit par Anne Fronsacq
Éditions : Flammarion (7 Novembre1978)
ISBN : 9782081607729
 23 pages

Quatrième de couverture

un immense point d'interrogation

Mon avis

Dans ce livre, trois couleurs de jaune (clair, citron et un peu doré) et du noir.
Ce livre existe avec le texte en version braille et c'est pour cela que j'ai eu envie de vous le faire découvrir.

Dans sa version "non braille", les "illustrations sont (comme dans la version braille) "en relief". On touche, on sent, on ferme les yeux et on découvre l'histoire de Petit-Rugueux, Petit-Lisse, Petit Hérissé et leurs amis. On a sous les doigts les trois héros et on ressent bien le lisse, le hérissé ou le rugueux mais il y a aussi les formes, ils jouent dans un triangle, un carré, suivent un chemin (en bas des pages) qui n'est pas toujours droit....
L'histoire n'a rien d'exceptionnel mais la mise en page est à voir ...à toucher....

On retrouve ainsi notre sens du toucher. On peut partager avec des mal-voyants ou aborder le thème de la différence, ou tout simplement découvrir un livre un peu différent des autres...

C'est un livre qui date de 1978 et je ne l'ai pas vu rééditer, c'est dommage. J'espère que vous le trouverez dans les bibliothèques pour le découvrir. Je l'avais acheté parce que notre professeur de littérature enfantine nous l'avait montré et il avait été pour moi un vrai coup de coeur.

En le faisant connaître à mes jeunes collègues à l'école, j'ai eu le souhait de partager ce "vieux coup de coeur" avec vous...

"Le mensonge sacré" de Luís Miguel Rocha (A mentira sagrada)


Le mensonge sacré (A mentira sagrada)
3 ème volet de la série Complots au Vatican
Auteur : Luís Miguel Rocha
Traduit du portugais par Vincent Gorse
Éditions : de l’Aube (2 Juin 2016)
ISBN : 978-2-8159-1234-1
544 pages

Quatrième de couverture

Au soir du premier jour de son élection au trône de saint Pierre, le pape Benoît XVI, comme tous ses prédécesseurs depuis des siècles, est tenu de lire un document qui cache le secret le mieux gardé de l’histoire – le mensonge sacré.
À Londres, un milliardaire israélien est entré en possession de parchemins du Ier siècle après J.-C., trouvés à Qumrân, au bord de la mer Morte.
Rafael, un agent du Vatican, est envoyé pour enquêter sur ces dangereux documents. Il va découvrir quelque chose qui va non seulement ébranler sa foi, mais aussi les piliers de l’Église catholique…

Mon avis

Et si c’était vrai….

Jacques Brel a chanté il y a de cela des années : « Dites si c’était vrai »…
Dans ce troisième livre de la récit « Complots au Vatican », on peut également s‘interroger mais pas forcément dans le même sens…. Croire ou ne pas croire et jusqu’à quel point ? Et encore la question n’est pas aussi simple que ça. Il ne s’agit pas seulement de Foi, de croyances mais de tout un contexte qui peut être remis en cause. Il est connu, d’ailleurs, que le Vatican ne commente pas les livres de l’auteur… Serait-il trop proche d’une forme de vérité ? Ce qu’il évoque questionne, interpelle, dérange peut-être les prélats ?

Luís Miguel Rocha a l’art de mettre en corrélation plusieurs lieux et personnages, tous reliés par un même mystère. Le rythme est soutenu et on va d’un endroit à un autre, lâchant le premier pour aller voir le deuxième puis le troisième C’est particulièrement fouillé et bien agencé. On se rend compte que l’on ne sait pas qui tire les ficelles et que parfois, un individu, pense maîtriser la situation alors qu’il est en train de se faire manipuler.

Dans cet opus, c’est Benoît XVI qui est en scène. Comme tous les autres Papes avant lui, il reçoit un document secret qui a été établi il y a bien longtemps et dont il doit prendre connaissance. Bien loin de lui, à Londres, un israélien garde jalousement des manuscrits découverts vers la Mer morte (ça ne vous rappelle rien ?.... et si et si ?....) Chacun pense qu’il va poursuivre sa route, tranquillement, ou au moins, essayer de faire comme si…. Mais ce serait sans compter sur JC, un homme bien mystérieux qui semble connaître beaucoup de choses sur tout et tout le monde…. Ajouter une jeune et belle journaliste, un agent du Vatican (prêtre mais magnifique à se damner) et vous aurez un aperçu global et rapide des principaux éléments que vous trouverez dans cet excellent recueil.

C’est captivant, intéressant, foisonnant de détails et de faits qui interrogent et poussent le lecteur à la réflexion. Jamais le suspense ne retombe, jamais on a l’impression de lire quelque chose de mièvre, de lourd, ou de surfait. Le ton est « juste » d’un bout à l’autre. Nous allons de découvertes en découvertes, notamment sur les jésuites (et on peut vérifier, la plupart de ce qui est cité est vrai…) L’écriture et le style sont « relevés », je veux dire par là que ce qu’on lit est abordable mais que chaque mot est pesé et posé là où il doit être. Il n’y a ni remplissage, ni quoi que ce soit d’inutile. Il est extrêmement difficile de lire cet opus en lecture rapide car on prend le risque de rater quelque chose de primordial donc il vaut mieux le savourer. Les individus présentés, dont certains connus depuis les volets un et deux, sont de plus en plus complexes et complets, parfaitement intégrés dans le contexte et dans « le rôle » qu’ils ont à tenir. JC est toujours aussi mystérieux ; Sarah, fougueuse et attachante ; Rafael, et bien, disons qu’il est celui qui a une part d’ombre qu’on voudrait bien connaître, celui qui se dévoile peu mais qui captive, celui dont on se dit que c’est du gâchis qu’il soit prêtre ;-)

C’est une lecture que je conseille pour ceux qui ont envie d’en savoir plus, qui veulent bien remettre à plat ce qu’ils croient. Il faut accepter d’être bousculés par les idées de Luís Miguel Rocha pour apprécier pleinement ce récit qui ne laissera personne indifférent.
C’est avec un immense plaisir que je lirai le livre suivant et le temps va me sembler bien long à l’attendre….

"Un poisson sur la lune" de David Vann (Halibut on the Moon)


Un poisson sur la lune (Halibut on the Moon)
Auteur : David Vann
Traduit de l’anglais par Laura Derajinski
Éditions : Gallmeister (7 Février 2019)
ISBN : 978-2351781265
290 pages

Quatrième de couverture

"Les gens seraient-ils en réalité tous au bord du suicide, toute leur vie, obligés de survivre à chaque journée en jouant aux cartes et en regardant la télé et en mangeant, tant de routines prévues pour éviter ces instants de face à face avec un soi-même qui n'existe pas ? " Tel est l'état d'esprit de James Vann lorsqu'il retrouve sa famille en Californie – ses parents, son frère cadet, son ex-femme et ses enfants. Tous s'inquiètent pour lui et veulent l'empêcher de commettre l'irréparable. Car James voyage avec son Magnum, bien décidé à passer à l'acte.

Mon avis

Ce recueil arrive après quelques autres du même auteur. Il a exploré les failles de l’âme humaine, a mis en scène des personnages torturés, troubles, mal dans leur vie, leur tête. Cette fois-ci pour ce qu’il appelle malgré tout « un roman », il revisite l’histoire de son père. Sans doute parce qu’il était prêt pour poser des mots sur les maux de toute une famille qui porte encore, probablement, la souffrance de James Vann.

L’atmosphère de ce récit est lourde, poisseuse. James, Jim, a trente-neuf ans, il a quitté l’Alaska pour venir en Californie où, accompagné de son frère Doug, il va voyager vers ses enfants, ses parents, ses ex femmes, dans le but d’être sorti de son marasme, de sa dépression. Il a son Magnum, il le promène comme pour renforcer son désir d’en finir. Mais sait-il ce qu’il veut vraiment ?  A travers les descriptions, on sent qu’il est perdu. Il s’observe comme extérieur à sa vie, il semble avoir une double personnalité. David Vann imagine les obsessions paternelles, les ressentis. Pour Jim, tout est vide de sens. Il n’a rien à quoi s’accrocher.
« Rien ne prendra le dessus, rien ne définira ce qu’il devrait faire, ni qui il devrait être. »
Il n’arrive même pas à éprouver des sentiments et de ce fait, il ne ménage pas sa famille. Il ne prend pas de gants et parle « brut ».

David Vann n’essaie pas de donner des explications à l’état de son père, parfois quelques pistes mais rien de plus. C’est plutôt une plongée en apnée au cœur de l’esprit de celui qui veut en finir avec la vie. Il évoque ses sensations, ses pulsions, ses peurs….

Je ne sais pas si ce livre a été « coûteux » ou libératoire pour David Vann. Pour le lecteur, il est éprouvant, épuisant mais il est porté par une écriture forte, puissante, sans filtre et sans pathos, vraie, terriblement et douloureusement vraie ….

"Une famille presque normale" de M. T. Edvardsson (En Helt Vanlig Familj)


Une famille presque normale (En Helt Vanlig Familj)
Auteur : M.T. Edvardsson
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne
Éditions : Sonatine (24 Octobre 2019)
ISBN : 978-2355847318
570 pages


Quatrième de couverture

Faites connaissance avec la famille Sandell. Le père, Adam, est un pasteur respecté dans la petite ville de Lund, en Suède. Sa femme, Ulrika est une brillante avocate. Leur fille, Stella, dix-neuf ans, s'apprête à quitter le foyer pour un road trip en Asie du Sud-Est. C'est une famille normale, une famille comme les autres. Christopher Olsen est retrouvé assassiné.Quelques jours plus tard la police vient arrêter Stella. Il ne peut s'agir que d'une erreur judiciaire.

Mon avis

Faille temporelle…

C’est un des espaces temps indéfinissables où on ne sait pas tout à fait ce qu’il s’est passé mais où tout a basculé, définitivement. A partir de là, le cauchemar apparaît, enfle, prend toute la place et plus rien n’est pareil….

Adam est pasteur dans l’église suédoise, Ulrika, son épouse, est avocate. Leur fille, Stella, dix-neuf ans, est une adolescente de son temps, peu docile, souvent rebelle mais, semble-t-il, respectueuse et aimante. Un jour, le téléphone sonne, Stella a été arrêtée pour le meurtre d’un homme. Que s’est-il passé ? Le connaissait-elle ? S’agit-il d’une monstrueuse erreur judiciaire ou de tout autre chose ?
« Nous étions une famille tout à fait normale, puis tout a basculé. Il faut longtemps pour construire une vie, mais un instant pour la détruire. »
Ce roman, hormis un prologue et un épilogue, se divise en trois parties distinctes : Le père, la fille, la mère. Chacun s’exprimant en disant « je » et en revisitant leur vie jusqu’à l’assassinat. Bien sûr, il faudra les trois vues des mêmes situations pour cerner tous les enjeux, les choix qui ont été faits et comprendre ….  A travers le regard des parents, on découvre que la jeune accusée a toujours eu des difficultés à gérer ses émotions, qu’elle était dominatrice à l’école, ne supportait pas l’échec et que, surtout, elle est, encore maintenant, totalement imprévisible. Lorsque c’est Stella qui prend la parole, on voit combien l’attitude de ses parents a pu être un poids, combien l’obligation d’être une « enfant parfaite » est difficile, douloureuse…. Sa meilleure amie, Amina est très différente d’elle. Son père est musulman, sa mère est athée, elle n’a pas baigné dans la religion comme sa copine. Elle a le sens du devoir et accepte de faire certaines choses sans discuter, ni protester, contrairement à sa compagne qui veut continuellement des justificatifs. Pourtant leur lien est fort, et va au-delà de tout. Les deux couples de parents se côtoient, notamment par le club de hand des filles.

Il est intéressant d’avoir des regards croisés sur le quotidien de cette famille. Les travers, les dissensions apparaissent alors qu’en apparence, c’était la famille idéale, normale (mais qu’est-ce que la normalité ?), presque parfaite…. Les différents « rédacteurs » ont une perception des choses qui leur est propre, une interprétation liée à ce qu’ils sont, mais également à leur vécu et au rôle qu’ils ont eu dans les faits relatés. C’est vraiment captivant. De plus l’auteur a réussi à adapter le phrasé et le vocabulaire à chaque protagoniste. Le Père, pater familias qui se veut sage, posé, « voit » ce qu’il vit à travers le prisme de l’Eglise. Il irait presque jusqu’à essayer de comprendre pourquoi « Dieu » a agi ainsi. Il ne perd pas de vue qu’il se doit, en tant que père, de protéger sa fille, envers et contre tout. La mère, du fait de sa profession de juriste, est beaucoup plus pragmatique, elle analyse, raisonne et procède en réfléchissant aux conséquences de chacun de ses actes. Stella, et bien comme le dit si bien Amina :
« Stella n’est pas comme toi et moi, Stella ne ressemble qu’à Stella. »
C’est un feu follet, attachante, peut-être même « attachiante » ;- )

 Ce recueil aborde de nombreux thèmes, notamment sur les sentiments, la force de l’amour et jusqu’où on peut repousser nos limites pour ceux qu’on aime. Il présente également le fonctionnement de la justice suédoise (qui n’est pas le même que nous) et bien sûr, la part de l’éducation, le poids des non-dits dans les familles. On s’aperçoit que quelques fois, tout se sait, mais chacun choisit le silence pour se protéger ou protéger les autres ?

Je n’ai pas vu le temps passer pendant cette lecture, j’ai tout de suite accroché et je n’avais qu’une hâte, avancer vite plus vite pour tout savoir, tout comprendre. Le style est prenant, c’est parfaitement traduit et on s’attend tout le temps à une révélation supplémentaire qui apportera un éclairage de plus. La fin est vraiment réussie, bien travaillée. Un auteur suédois de plus à suivre …

"Pars vite et reviens tard" de Fred Vargas


Pars vite et reviens tard
Auteur : Fred Vargas
Éditions : Viviane Hamy (15 Octobre 2001)
ISBN : 9782878581522
360 pages

Quatrième de couverture

On l’a peint soigneusement sur les treize portes d’un immeuble, dans le 18e arrondissement de Paris : un grand 4 noir, inversé, à la base élargie. En dessous, trois lettres : CLT. Le commissaire Adamsberg les photographie, et hésite : simple graffiti, ou menace ?

Mon avis

Ma première expérience avec Fred Vargas date de très longtemps et je n’étais pas allée au bout de ma lecture. Cette fois-ci, je l’ai terminée mais je sais que c’est un auteur que je ne lirai pas souvent.

J’ai apprécié l’originalité des personnages. Joss, le crieur professionnel et ses petites annonces qui pour certaines vont jouer un rôle important dans l’intrigue. Decambrais, le « lettré » du quartier qui a une pension de famille pas tout à fait déclarée. Damas, le vendeur de rollers, planches, et bien entendu le commissaire Adamsberg, atypique dans sa relation aux autres et son approche de l’intrigue… Les différents protagonistes sont étoffés, le contexte est bien présenté et le propos sur la peste détaillé (forcément quand on connaît le premier métier de l’auteur). Tout cela promettait une lecture prenante.

J’avoue qu’elle l’a été moins que ce que je pensais. Pour moi, l’intérêt est vraiment venu sur le dernier tiers et c’est à ce moment-là que j’ai vraiment eu du plaisir à lire. Le début a été long, trop pour moi. Pourtant, il y a un peu d’humour, un peu de poésie dans l’écriture mais elle ne résonne pas en moi, elle ne me « parle » pas. J’ai eu le sentiment que certains événements étaient récurrents et ne faisaient pas avancer l’enquête comme je l’aurais souhaité. L’ensemble manque de rythme, de mouvements ….mais je le redis, heureusement qu’il y a eu la fin !! Tout s’est accéléré, est devenu plus « vivant » et j’étais à fond dedans !

"Une vérité à deux visages" de Michael Connelly (Two Kinds of Truth)


Une enquête de Harry Bosch - Tome 23 : Une vérité à deux visages (Two Kinds of Truth)
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Robert Pépin
Éditions : Calmann- Levy (16 Octobre 2019)
ISBN : 978-2702156940
440 pages

Quatrième de couverture

Travaillant toujours bénévolement aux affaires non résolues pour la police de San Fernando, Harry Bosch est appelé sur une scène de crime dans une pharmacie. Les deux employés, père et fils, viennent d’être assassinés par des tueurs à gages. Bosch n’hésite pas une seconde et se lance dans l’enquête. Mais voilà qu’il est soudain accusé par la police de Los Angeles d’avoir, trente ans plus tôt, trafiqué des éléments de preuve pour expédier un tueur en série au couloir de la mort.

Mon avis

Fan de la première heure de Monsieur Harry Bosch, j’ai toujours du plaisir à le retrouver. Il est depuis quelque temps dans un bureau-cellule où en tant que bénévole, il s’intéresse aux disparitions non résolues. Pourtant c’est sur une enquête qui démarre qu’on lui demande de l’aide. Deux pharmaciens, le père et son fils, ont été assassinés. Cela ressemble fortement à un contrat sur leurs têtes donc ils dérangeaient. Pourquoi ? Harry et ses coéquipiers vont se lancer dans des investigations afin de comprendre. Parallèlement à ses recherches, d’anciens collègues à lui viennent le prévenir. Un assassin qu’il a fait arrêter il y a trente ans, va voir son dossier réétudié car il semblerait que Bosh ait trafiqué des preuves. Il est outré et fait appel à son demi-frère avocat (et son bras droit Cisco) pour l’aider à faire face à ses accusations.

Sur l’échelle des romans de Michael Connelly, si ce dernier titre n’est pas, pour moi, dans le tiercé gagnant, il est malgré tout placé dans le haut du tableau. On oscille entre les deux affaires et c’est très bien relié. On n’a pas l’impression de lire deux histoires juxtaposées mais le quotidien de notre héros, quotidien très occupé avec plusieurs dossiers en cours. Et comme à son habitude, le policier ne lâche rien, quitte à prendre de gros risques. C’est un homme humain, qui a beaucoup vécu, il est prêt à aider les autres, mais on le sent parfois triste, déçu des choix qu’ont fait certaines personnes. C’est intéressant de voir comment il réagit lorsque les événements lui échappent et ne se déroulent pas vraiment comme il avait pensé ou lorsque ceux auxquels il tient n’agissent pas dans le sens qu’il avait imaginé.
Dans ce récit, il est très à l’écoute de ceux qu’ils croisent et qui lui paraissent aller mal. Il leur accorde de l’attention, essaie de les comprendre et de les aider quand il le peut. Il a encore ses petits travers : il dort peu et boit de la bière (mais moins) et il écoute encore de beaux airs de musique. Il m’a semblé plus apaisé, moins torturé. Sans doute, plus sage, bien qu’il soit prêt à se mettre en danger pour arriver à ses fins.

J’ai beaucoup apprécié les explications sur le trafic de médicaments. J’ai pu comprendre comment les « commerçants » se servent de la détresse des hommes et des femmes pour enrichir leur portefeuille sans se préoccuper des dégâts collatéraux et de la dépendance qu’ils maintiennent. L’auteur a su trouver un sujet d’actualité et l’a traité avec intelligence. En parallèle, revoir Mike Haller est agréable. La relation entre les deux demi-frères a évolué et on sent qu’ils sont plus prêts à s’écouter, s’aider. Les petites anecdotes entre les deux frangins apportent un petit côté sympathique.

L’écriture est, comme d’habitude, accrocheuse, fluide (on imagine sans peine le plaisir qu’a Monsieur Pépin à traduire une « vieille connaissance »). L’alternance des deux intrigues maintient un bon rythme et l’ensemble est tout à fait cohérent. Le fait que certains personnages d’anciens recueils soient intégrés donne du « souffle » à l’ensemble. C’était donc un excellent moment de lecture sans longueurs. Je ne me lasse pas de l’idée que Harry Bosh est tellement réussi que si on me disait que je vais le rencontrer demain, je le croirais !


"Mortelle tentation" de Christophe Ferré


Mortelle tentation
Auteur : Christophe Ferré
Éditions : L’Archipel (9 Octobre 2019)
ISBN : 9782809827385
385 pages

Quatrième de couverture

« Hier après-midi, non loin du GR 10, un randonneur a repéré des vautours qui tournoyaient à basse altitude. Intrigué, il s’est approché et a découvert le cadavre d’une jeune femme entièrement nue. » Depuis que le crime a fait la une des journaux, Alexia est sans nouvelles de son mari, parti quelques jours plus tôt marcher en solitaire dans ce coin sauvage des Pyrénées. D’abord inquiète elle en vient peu à peu à suspecter l’homme qui partage sa vie.

Mon avis

Alexia est avocate. Son mari, Peter, ancien rugbyman de renom, est architecte d’intérieur. Ils habitent à Toulouse dans une maison agréable avec leur fils Kevin, un jeune adolsecent. Régulièrement, Peter va randonner dans les Pyrénées, en solitaire. Il en a besoin mais, lorsqu’il part, il appelle son épouse le plus souvent possible et lui répète combien il l’aime. Lors de sa dernière sortie, Alexia reste plusieurs jours sans nouvelles. De plus, elle apprend qu’une jeune femme a été assassinée dans le coin où il marchait. A partir de ce moment-là, l’inquiétude monte en elle surtout que le téléphone de son compagnon est perpétuellement sur messagerie…. Que s’est-il passé, est-il lié à ce sordide fait divers ? Peut-elle soupçonner celui dont elle partage la vie depuis longtemps et à qui elle fait totalement confiance ? Ou a-t-il fait, lui aussi, une mauvaise rencontre ?

Alexia a une personnalité attachante, elle passe par tous les sentiments, ne sait plus qui croire, à qui se confier. Cela la place sans arrêt dans une situation ambivalente, en plein malaise. Tout accable Peter et pourtant des contradictions, des éléments surprenants, et son amour pour lui l’incitent à se méfier de cette accusation. Puis une nouvelle certitude se présente et elle n’a qu’un souhait : le rejeter, ne plus entendre parler de lui….On sent son désespoir, la tension qui l’habite en permanence. On se demande si elle retrouvera un jour un peu de paix intérieure… Quelles conséquences toute cette histoire aura-t-elle sur elle, sur son fils ? Qui sont ses vrais amis ? Sur qui peut-elle compter, s’appuyer ? Même le juge qui suit l’affaire ne semble pas net … Quant à son conjoint, son « image » est égratignée et on se demande s’il pense aux conséquences de ses actes ou s’il agit sans réfléchir, en égoïste…. Peter est-il l’homme droit, honnête, fidèle que tout le monde admirait ?

Il est intéressant de voir comment le doute s’insinue en chacun, comment il déstabilise toutes les convictions. Il ronge les rapports humains comme une mauvaise rouille, les modifient, il s’attaque à tout. Chacun réagit différemment et les questions fusent encore plus….

Habilement, Christophe Ferré propose plusieurs pistes. Le lecteur en suit une, se trompe, revient, repart. Un nouvel indice apparaît et ce qu’on pensait juste ne le semble plus vraiment. Au départ, l’intrigue paraît primaire puis elle devient plus complexe tant des éléments déroutants apparaissent. Peter est-il un sale macho tueur ou est-il victime d’une machination ? Est-ce aussi simple que ça ? J’ai trouvé excellente la complexité des différents protagonistes et de l’intrigue. Personne n’est vraiment lisse.

L’écriture est fluide, plaisante. Les chapitres courts maintiennent un rythme vif et captent l’attention du lecteur. Il n’y a pas de temps mort car sans cesse, une nouvelle révélation est annoncée. Le suspense est donc bien présent. C’est un vrai page-turner.

Le seul bémol qu’on pourrait mettre, c’est que parfois, le trait est peut-être exagéré mais lorsqu’on voit l’actualité, on ne s’étonne plus de rien. De fait, ce roman ferait un excellent téléfilm avec ses rebondissements, ses personnages troubles et cette ambiance inquiétante qui s’alourdit de page en page.

J’avais beaucoup apprécié le premier roman de l’auteur et il confirme son talent avec ce deuxième titre. Il a su intelligemment se renouveler tant dans les lieux que pour le contexte du récit. Dans quel coin nous emmènera-t-il la prochaine fois ?

NB : Encore une très belle couverture !



"L'ordre du jour" de Eric Vuillard


L’ordre du jour
Auteur : Éric Vuillard
Éditions : Actes Sud (29 Avril 2017)
ISBN : 978-2330078973
160 pages

Quatrième de couverture

Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d'épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l'Assemblée ; mais bientôt, il n'y aura plus d'Assemblée, il n'y aura plus de président, et, dans quelques années, il n'y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants.


Mon avis

Les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petits pas

La couverture du livre montre une photo de l’industriel allemand Gustav Krupp von Bohlen und Halbach prise en septembre 1931. Il est l’un des protagonistes de ce court récit qui revisite l'Anschluss c’est-à-dire l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Le 20 février 1933, vingt-quatre patrons allemands se réunissent. On découvre leurs échanges, leurs discussions, leurs choix et comment ils trouvent de la main d’œuvre à bon marché. Certains finiront par le payer au prix fort… Le président du Reichstag, Hermann Goering et Hitler viennent leur parler. Il faut être fort, en finir avec ce qui ressemble à un régime faible et donner de l’argent, beaucoup pour accompagner les projets du Führer. La face cachée de l'Anschluss est traitée avec dextérité.

J’ai trouvé ce récit un peu lourd au début (sans doute l’absence de dialogues en style direct n’allège pas le phrasé). Puis le contenu, l’approche que fait l’auteur des événements, des liens entre les hommes m’a intéressée et je suis rentrée totalement dans ma lecture.

Éric Vuillard ne cite pas ses sources, et ce livre est noté « récit »… Est-ce un roman, un essai, il me semble qu’il aurait été intéressant d’en savoir plus….

"La quête" de Carl Rodrigues


La quête
Auteur : Carl Rodrigues
Éditions : AFNIL (2 août 2019)
ISBN : 978-2955803295
170 pages

Quatrième de couverture

Une femme, deux hommes. Une histoire biblique, celle d’Adam et Ève. Un livre racontant une version différente de celle que l’on connaît. Et si Dieu trouvant une vie humaine trop courte, les avait condamnés à errer éternellement sur terre…

Mon avis

Sara et Peter s’aiment. Elle est libraire, il est pompier professionnel. Sara va passer quelques jours sur l’île où elle a grandi et où demeurent encore ses parents. Arrivée là-bas, elle fait une étrange rencontre. Un homme lui confie un manuscrit racontant la vraie histoire d’Adam et Eve. S’ensuit alors une mise en abyme de cette histoire dans le roman. Et là, le lecteur est ferré.

L’écriture est accrocheuse, agréable et le contenu intrigue, on a envie de comprendre. L’auteur a eu le bon goût d’éviter les longueurs, de ne pas en rajouter pour faire du remplissage. J’ai trouvé les deux périodes (la vie actuelle de Sara et celle d’Adam et Eve) équilibrés, bien pensés. En plus, la problématique évoquée est astucieusement glissée dans les différents évènements.

Sara est une femme intéressante. Elle a les pieds sur terre mais elle garde une bonne ouverture d’esprit. Ses parents sont aimants mais ils sont rationnels, ne laissant pas de place à la fantaisie.
En parcourant le recueil qui lui a été offert, Sara va découvrir des choses sur son passé. Laissera-t-elle de la place à ses révélations au risque de bouleverser sa vie ? Comment pourraient réagir ses parents, son époux ?

Ce récit est écrit avec un style vif, il est assez court et maintient l’intérêt du lecteur de belle manière. Je me suis laissée emporter par la lecture et j’ai passé un moment plaisant en compagnie des personnages.


"N'éteins pas la lumière" de Bernard Minier


N’éteins pas la lumière
Auteur : Bernard Minier
Éditions :  XO Editions (27 Février 2014)
ISBN 978-2-84563-631-6
620 pages

Quatrième de couverture

Christine Steinmeyer croyait que la missive trouvée le soir de Noël dans sa boîte aux lettres ne lui était pas destinée. Mais l'homme qui l'interpelle en direct à la radio, dans son émission, semble persuadé du contraire... Bientôt, les incidents se multiplient, comme si quelqu'un avait pris le contrôle de son existence. Tout ce qui faisait tenir Christine debout s'effondre. Avant que l'horreur fasse irruption.


Mon avis

Et voilà, je viens de lire mon premier ( et sans aucun doute, pas le dernier) roman de Bernard Minier. C'est ce titre qui m'a été conseillé et offert, donc lecture!

L'imagination de l'auteur est débordante, sa documentation (entre autres sur l'espace) excellente, son vocabulaire précis, son écriture fluide et addictive, je suis ravie de cette découverte.

Ce n'est pas une nouveauté que d'aborder le sujet de la perversité et du harcèlement mais c 'est bien traité, bien ficelé même si l'on est en droit de penser que c'est un tantinet exagéré.

Christine, animatrice radio, se retrouve, du jour au lendemain, au cœur de faits qu'elle ne maîtrise plus et elle ne comprend absolument pas ce qui lui arrive, qui peut lui en vouloir à ce point et surtout pourquoi. Parallèlement à sa terrible descente aux enfers, on suit un policier en arrêt maladie, qui reçoit des courriers bizarres, comme un jeu de piste, qui le mènerait, peut- être, à l'obligation d'ouvrir une enquête sur un suicide avéré... Ce sera l'occasion, pour lui, de "reprendre vie" et de sortir de sa retraite.
Évidemment, ces deux entrées finiront par se rejoindre.

J'ai beaucoup apprécié cet opus. Je l'ai trouvé remarquablement bien construit. L'angoisse monte pour Christine, mais également pour nous, au fil des pages et des chapitres qui se succèdent. On s'interroge sur qui est le plus malade, le plus tordu des personnages que l'on rencontre et quelles peuvent être les raisons de la personne qui est derrière tout cela. De temps en temps, un indice, minime, pourrait nous mettre la puce à l'oreille mais pris dans l'intrigue, on ne s'attarde pas et c'est seulement plus tard qu'on se dit "tiens ..."

Christine va-t-elle se laisser abattre, couler par le fond face à tout ce qui lui tombe dessus? Au contraire, va-t-elle réagir, lutter? Et si oui, aura-t-elle la force de tenter quelque chose? Où peut-elle trouver du soutien? Le cheminement de cette femme est très intéressant, et on découvre, petit à petit, tout ce qui, dans sa vie, l'a construite ou parfois détruite. En ce qui concerne, le flic, Servaz, on sent bien que le fait de retrouver un semblant d'activité, bien qu'en marge de ses collègues, lui permet de relever la tête. Ces études de caractère complètent tout à fait les actions qui s'enchaînent sur un rythme trépident et donnent un bel équilibre à l'ensemble du recueil.

Alors, à bientôt, Monsieur Minier !

"L'attaque du Calcutta-Darjeeling" de Abir Mukherjee (A Rising Man)


L'Attaque du Calcutta-Darjeeling (A Rising Man)
Auteur : Abir Mukherjee
Traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle
Éditions : Liana Levi (17 Octobre 2019)
ISBN : 979-1034901906
400 pages

Quatrième de couverture

1919. La Grande Guerre vient de se terminer en Europe. Après cette parenthèse éprouvante, certains Britanniques espèrent retrouver fortune et grandeur dans les lointains pays de l’Empire, et tout particulièrement en Inde. Ancien de Scotland Yard, le capitaine Wyndham débarque à Calcutta et découvre que la ville possède toutes les qualités requises pour tuer un Britannique : chaleur moite, eau frelatée, insectes pernicieux et surtout, bien plus redoutable, la haine croissante des indigènes envers les colons. Est-ce cette haine qui a conduit à l’assassinat d’un haut fonctionnaire dans une ruelle mal famée, à proximité d’un bordel ? C’est ce que va tenter de découvrir Wyndham .

Mon avis

Sam Wyndham a quitté Londres et Scotland Yard pour être muté, à sa demande, en Inde, à Calcutta. Nous sommes après la première guerre mondiale, sa femme est décédée, il se sent seul et plus rien ne le retient dans son pays. Le capitaine Wyndham a besoin de se remettre des traumatismes vécus pendant cette période où, en outre, il a vu des choses très difficiles lors des combats.  Venir dans un tel lieu, où les britanniques règnent en maître sans être vraiment aimés, n’est pas évident mais notre brillant policier espère y trouver un nouvel équilibre.

Le Mercredi 9 Avril 1919, un haut fonctionnaire est retrouvé assassiné pas très loin d’une maison close. Dans sa bouche, un papier « Quittez l’Inde » probablement à destination des anglais. Pourquoi a-t-il été tué et par qui ? Sam, aidé par ses collègues indiens, va devoir mener l’enquête. Rapidement, il déchante en comprenant que rien ne sera facile. D’abord, beaucoup de personnes pouvaient avoir le souhait de se venger. Des collègues jaloux, des révolutionnaires, des natifs du lieu souhaitant transmettre un message fort et puis les procédures policières ne sont pas les mêmes.  Lorsque le capitaine se renseigne, c’est souvent que la réponse commence par « Vous êtes nouveau à Calcutta… » C’est dire le poids des coutumes, du quotidien des habitants du cru… On n’interroge pas une femme comme on le ferait ailleurs. Ici, elles se doivent d’être discrètes, effacées, presque soumises et transparentes …. C’est l’époque où les lois Rowlatt ont été promulguées, elles permettent d’arrêter les agitateurs, sur un soupçon de terrorisme ou d’activité révolutionnaire. Les indiens s’insurgent. Il faut donc se méfier des rassemblements…. Notre homme n’en a cure. Il veut résoudre son affaire et continue de fouiller, chercher, quitte à déranger …. Ses relations avec ses collaborateurs sont parfois difficiles car les « codes » des deux pays, les modes de fonctionnement ne sont pas identiques. Pour ceux qui collaborent avec lui, ce n’est pas aisé : être du côté de la police pour un indien n’est pas forcément bien vu, collaborer avec un anglais encore moins… J’ai trouvé très intéressant de voir comment les liens entre ces hommes, faits de respectueuse distance mais aussi d’échanges pour avancer, évoluent.

MacAuley, celui qui a été tué, était proche de deux personnes :  le vice-gouverneur, et un prince marchant, écossais comme lui.  Les deux lui faisaient confiance mais profitaient de lui….. A-t-il fini par les déranger, allait-il révéler des malversations, des tromperies ? Sam Wyndham essaie de cerner l’individu ….S’il comprend les raisons du meurtre, il pourra remonter jusqu’à celui qui a commandité l’acte. Mais il n’est pas toujours en état de travailler, il doit faire face à ses propres démons, à son besoin de drogue pour vaincre ce qui l’a blessé, il reste hanté par la grande guerre. C’est vraiment un personnage captivant que l’on aimera à retrouver dans d’autres récits. Il se fait des alliés, des ennemis également. Mais il reste ferme dans son besoin de compréhension non seulement de l’enquête mais également de la vie dans cette colonie. Au fil de ses investigations, sa perception des autochtones s'affine et son approche se modifie.

« Le problème, capitaine, c’est que pendant les deux derniers siècles nous avons fini par avaler notre propre propagande. Nous nous sentons supérieurs aux abrutis que nous dominons. Et tout ce qui menace cette fiction menace l’édifice tout entier. C’est pourquoi l’assassinat de MacAuley a fait tant de bruit. C’est une attaque sur deux niveaux. D’abord elle nous montre que certains Indiens au moins ne se considèrent plus comme inférieurs, au point de réussir à assassiner un membre aussi en vue de la classe dominante, et ensuite parce qu’elle détruit la fiction de notre supériorité. »

Au-delà des investigations policières, l’atmosphère parfois tendue, les rapports humains, le côté historique sont parfaitement développés et m’ont captivée. Ancrer son texte dans cette période décisive   de l’histoire anglo-indienne a certainement demandé beaucoup de recherches à Abir Mukherjee et il s’en sort à merveille. Le lecteur s’imprègne de l’ambiance, des différents personnages sans aucune difficulté. C’est une lecture aboutie, très bien écrite (merci à la traductrice), placée dans un contexte riche qui apporte un intérêt supplémentaire. Premier d’une série qui comporte quatre autres titres, j’espère bien que les éditions Liana Levi ont mis une option pour la suite ! Moi, je suis pour !

"L'héritage Davenall" par Robert Goddard (Painting the Darkness)


L’héritage Davenall (Painting the Darkness)
Auteur : Robert Goddard
Traduit de l’anglais par Elodie Leplat
Éditions : Sonatine (26 Septembre 2019)
ISBN : 978-2355847288
710 pages

Quatrième de couverture

1882. St John's Wood. Lorsqu'un homme se présente aux portes de la maison de Constance Trenchard, celle-ci ne se doute pas que sa vie va être bouleversée. L'homme prétend en effet être Sir James Davenall, son ancien fiancé, disparu une semaine avant leur mariage et que tout le monde croit mort depuis dix ans. Si Constance le reconnaît, toute la famille Davenall, en particulier sa mère et son frère, Hugo, héritier du prestigieux domaine de Cleave Court, prétend qu'il s'agit d'un imposteur. C'est le début d'un incroyable puzzle, sur fond d'aristocratie victorienne et de secrets de famille, qui, après de multiples rebondissements, connaîtra une conclusion tout à fait inattendue.

Mon avis

En 1871, Constance devait épouser son fiancé, James Davenall. Mais peu avant le mariage, il a disparu, laissant une lettre où il explique qu’il va mettre fin à ses jours (sans en donner la raison). Il a fallu beaucoup de temps à la jeune femme pour se reconstruire mais finalement elle a épousé William Trenchard et ils ont eu une petite Patience.

Nous sommes maintenant en 1882, et un homme se présente à la porte du jeune couple. Il dit porter le nom de James Norton mais être en vérité James Davenall … Il vient pour récupérer son héritage de baronnet et compte sur Constance pour témoigner de son identité. Sa famille le rejette, arguant qu’il ment et il faut qu’il trouve des soutiens pour prouver sa bonne foi. Est-ce James ou un imposteur qui ne vise que l’argent ?

On pourrait se dire que c’est oui ou non… Mais on n’est pas à l’époque où un test ADN suffit pour établir des liens familiaux… Il faudra bien les sept cents pages qui constituent ce roman pour démêler l’immense toile d’araignée construite sous nos yeux. C’est William Trenchard qui s’exprime, soit en racontant les faits, soit en évoquant des épisodes passés. Il y a également quelques situations présentées par un narrateur.

Machinations, perversions, mensonges, tricheries, plusieurs pistes sont lancées. Le lecteur essaie de comprendre, de savoir qui tire les ficelles mais sans cesse les choses lui échappent. Ce sont des conflits d’intérêt, des conflits d’amour décrits avec précision, doigté. Dans ces milieux bourgeois, aristocratiques, certains ne souhaitent pas préciser d’où vient leur fortune. D’autres, considérant qu’ils sont les maîtres, se croient tout permis, y compris de maltraiter le petit personnel pour mieux le chasser après, lui faisant porter au passage une dose de culpabilité. La

Alors ? James est-il en train de rétablir la justice ou de préparer une vengeance ? Qui a tort ? Qui a raison ? Quels vont être les dommages collatéraux de cette réapparition ? Personne ne peut en sortir indemne. Ni Constance, tiraillée entre l’amour d’hier et celui d’aujourd’hui. Ni la famille et les amis de James, ni James, ni tous ceux qui de près ou de loin seront liés à cette intrigue.

C’est avec une écriture raffinée, élégante, très vieille Angleterre mais agréable et facilement lisible, que l’auteur nous raconte par le menu toute une succession d’événements, de révélations qui relancent régulièrement le rythme. On ne s’ennuie pas une seconde et lorsqu’une piste se dessine, elle est vite effacée ou troublée et il faut refaire des déductions, réfléchir à ce qui peut être possiblement une réponse à nos questions…. Les différents protagonistes ont des personnalités intéressantes, pas franchement lisses et on sent bien que tout n’est pas dit. Quant à l’atmosphère, c’est un régal, on voit les paysages, on sent la pluie, le vent, la brume ou le rayon de soleil. Le style de Robert Goddard est toujours très suggestif, envoûtant.

J’ai particulièrement apprécié de ne pas savoir à qui faire confiance. Il y a chaque fois un petit détail, style grain de sable, qui vient semer le doute et relancer la partie comme s’il s’agissait d’un image jeu de cache-cache, chacun se glissant, soigneusement, derrière un masque de bienséance qui n’est peut-être qu’hypocrisie et illusion…



"Marie-Thérèse la "champie"" de Joëlle Crépet


Marie-Thérèse la « champie »
Auteur : Joëlle Crépet
Éditions : Passion du Livre (8 Juillet 2019)
ISBN : 979-1097531010
505 pages

Quatrième de couverture

Être une "champie" c'est être née dans les champs, Dédé le décrit très bien. Marie-Thérèse a eu la chance d'avoir été placée chez des personnes instruites et d'une parfaite éducation. Après une enfance très heureuse dans le Poitou, Dédé, son grand amour d'enfance lui tourne brusquement le dos et lui présente un si joli, si gentil garçon... Si entreprenant aussi...

Mon avis

On les appelait « les enfants de l’assistance », ils étaient confiés à des familles, aimantes ou pas…. Marie-Thérèse est une de ces enfants. Très jeune, elle a été accueillie par un couple âgé sans progéniture. Ils lui ont donné beaucoup d’amour, une belle éducation et de saines valeurs. On la découvre en 1938, et on la suit jusqu’en 2000….Toute une vie s’écoule sous nos yeux… La seconde guerre mondiale, celles d’Indochine et d’Algérie, Mai 68 etc ….

C’est avec une écriture douce, fluide, pleine de tendresse pour son personnage principal que Joëlle Crépet nous présente les journées de « la champie ». C’est elle qui s’exprime et qui dévoile ses ressentis, ses sentiments, ses joies, ses espoirs, ses déceptions, ses peurs… Dans son enfance, elle apprend que ceux qu’elle appelle Papa, Maman ne sont pas ses parents. Une fois la déception passée, elle comprend tout l’amour qu’ils lui portent. Elle se sent proche de Dédé, le fils des voisins mais finalement, à quinze ans, c’est avec Amand qu’elle fera sa vie…. Mariée jeune, elle est régulièrement enceinte et la vie n’est pas facile.  Le quotidien des femmes à cette époque n’était pas évident, et les problèmes rencontrés de « place dans le couple », ou dans la société sont évoqués avec beaucoup de justesse.  Le mari, Amand, de Marie-Thérèse étant militaire, elle a dû s’adapter, accepter ses absences quand il partait en mission, le suivre dans les garnisons, en Algérie dans une période trouble, en France dans divers lieux. Leurs enfants grandissent, changent, voient les difficultés d’entente de leurs parents…. Et ne savent pas comment agir, craignant les représailles…
Une des grandes forces de ce récit, c’est une description du contexte, entre autres historique, en quelques phrases bien ciblées. Les scènes présentées sont très visuelles, bien « croquées » (je pense notamment au cochon sacrifié, comme me l’avait raconté ma grand-mère).

J’ai vraiment apprécié cette lecture. Elle est agréable, intéressante pour l’évolution de la condition féminine. Marie-Thérèse a été habituée à obéir, à ne pas choisir mais dans ses réflexions, on sent qu’elle est consciente de cet état de faits. Elle est « disciplinée », humble, attachante, elle dégage du charisme, de la force de caractère, elle aime ceux qu’elle a mis au monde, elle les protège et fait tout pour eux.  L’auteur a choisi d’enchaîner les années, les événements, c’est une excellente idée. Cela donne du rythme et on ne ressent aucun temps mort. J’ai lu les cinq cents pages d’une traite et j’aurais volontiers accompagner Marie-Thérèse plus longtemps.

Joëlle Crépet a vraiment un style élégant et une très belle plume. Et pour un petit plaisir supplémentaire, la couverture est comme l’histoire de cette femme : lumineuse.