L'Attaque du Calcutta-Darjeeling (A Rising Man)
Auteur : Abir Mukherjee
Traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle
Éditions : Liana Levi (17
Octobre 2019)
ISBN : 979-1034901906
400 pages
Quatrième de couverture
1919. La Grande Guerre vient de se terminer en Europe. Après
cette parenthèse éprouvante, certains Britanniques espèrent retrouver fortune
et grandeur dans les lointains pays de l’Empire, et tout particulièrement en
Inde. Ancien de Scotland Yard, le capitaine Wyndham débarque
à Calcutta et découvre que la ville possède toutes les qualités requises pour
tuer un Britannique : chaleur moite, eau frelatée, insectes pernicieux et
surtout, bien plus redoutable, la haine croissante des indigènes envers les
colons. Est-ce cette haine qui a conduit à l’assassinat d’un haut fonctionnaire
dans une ruelle mal famée, à proximité d’un bordel ? C’est ce que va tenter de
découvrir Wyndham .
Mon avis
Sam Wyndham a quitté Londres et Scotland Yard pour être
muté, à sa demande, en Inde, à Calcutta. Nous sommes après la première guerre
mondiale, sa femme est décédée, il se sent seul et plus rien ne le retient dans
son pays. Le capitaine Wyndham a besoin de se remettre des traumatismes vécus
pendant cette période où, en outre, il a vu des choses très difficiles lors des
combats. Venir dans un tel lieu, où les
britanniques règnent en maître sans être vraiment aimés, n’est pas évident mais
notre brillant policier espère y trouver un nouvel équilibre.
Le Mercredi 9 Avril 1919, un haut fonctionnaire est retrouvé
assassiné pas très loin d’une maison close. Dans sa bouche, un papier « Quittez
l’Inde » probablement à destination des anglais. Pourquoi a-t-il été tué
et par qui ? Sam, aidé par ses collègues indiens, va devoir mener l’enquête.
Rapidement, il déchante en comprenant que rien ne sera facile. D’abord,
beaucoup de personnes pouvaient avoir le souhait de se venger. Des collègues
jaloux, des révolutionnaires, des natifs du lieu souhaitant transmettre un
message fort et puis les procédures policières ne sont pas les mêmes. Lorsque le capitaine se renseigne, c’est
souvent que la réponse commence par « Vous êtes nouveau à Calcutta… »
C’est dire le poids des coutumes, du quotidien des habitants du cru… On n’interroge
pas une femme comme on le ferait ailleurs. Ici, elles se doivent d’être discrètes,
effacées, presque soumises et transparentes …. C’est l’époque où les lois
Rowlatt ont été promulguées, elles permettent d’arrêter les agitateurs, sur un
soupçon de terrorisme ou d’activité révolutionnaire. Les indiens s’insurgent.
Il faut donc se méfier des rassemblements…. Notre homme n’en a cure. Il veut
résoudre son affaire et continue de fouiller, chercher, quitte à déranger ….
Ses relations avec ses collaborateurs sont parfois difficiles car les « codes »
des deux pays, les modes de fonctionnement ne sont pas identiques. Pour ceux
qui collaborent avec lui, ce n’est pas aisé : être du côté de la police
pour un indien n’est pas forcément bien vu, collaborer avec un anglais encore
moins… J’ai trouvé très intéressant de voir comment les liens entre ces hommes,
faits de respectueuse distance mais aussi d’échanges pour avancer, évoluent.
MacAuley, celui qui a été tué, était proche de deux personnes
: le vice-gouverneur, et un prince
marchant, écossais comme lui. Les deux
lui faisaient confiance mais profitaient de lui….. A-t-il fini par les
déranger, allait-il révéler des malversations, des tromperies ? Sam
Wyndham essaie de cerner l’individu ….S’il comprend les raisons du meurtre, il
pourra remonter jusqu’à celui qui a commandité l’acte. Mais il n’est pas
toujours en état de travailler, il doit faire face à ses propres démons, à son
besoin de drogue pour vaincre ce qui l’a blessé, il reste hanté par la grande
guerre. C’est vraiment un personnage captivant que l’on aimera à retrouver dans
d’autres récits. Il se fait des alliés, des ennemis également. Mais il reste
ferme dans son besoin de compréhension non seulement de l’enquête mais
également de la vie dans cette colonie. Au fil de ses investigations, sa
perception des autochtones s'affine et son approche se modifie.
« Le problème, capitaine, c’est que pendant les deux
derniers siècles nous avons fini par avaler notre propre propagande. Nous nous
sentons supérieurs aux abrutis que nous dominons. Et tout ce qui menace cette
fiction menace l’édifice tout entier. C’est pourquoi l’assassinat de MacAuley a
fait tant de bruit. C’est une attaque sur deux niveaux. D’abord elle nous
montre que certains Indiens au moins ne se considèrent plus comme inférieurs,
au point de réussir à assassiner un membre aussi en vue de la classe dominante,
et ensuite parce qu’elle détruit la fiction de notre supériorité. »
Au-delà des investigations policières, l’atmosphère parfois
tendue, les rapports humains, le côté historique sont parfaitement développés
et m’ont captivée. Ancrer son texte dans cette période décisive de l’histoire
anglo-indienne a certainement demandé beaucoup de recherches à Abir Mukherjee
et il s’en sort à merveille. Le lecteur s’imprègne de l’ambiance, des
différents personnages sans aucune difficulté. C’est une lecture aboutie, très
bien écrite (merci à la traductrice), placée dans un contexte riche qui apporte
un intérêt supplémentaire. Premier d’une série qui comporte quatre autres
titres, j’espère bien que les éditions Liana Levi ont mis une option pour la
suite ! Moi, je suis pour !
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