"Tout ce qui n’a pas été dit" de Katie Gutierrez (More Than You'll Ever Know)

 

Tout ce qui n’a pas été dit (More Than You'll Ever Know)
Auteur : Katie Gutierrez
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Ménard
Éditions : Flammarion (4 janvier 2023)
ISBN : 978-2080249944
512 pages

Quatrième de couverture

Mariée et mère de deux enfants, Lore Rivera n'a pas seulement entretenu une relation avec un autre homme, à Mexico, elle a accepté de l'épouser, et ce sans qu'il ne sache rien de sa vie de famille au Texas. Jusqu'à cette chaude journée d'été où l'un des maris découvre l'existence de l'autre et l'abat. Comment une femme honnête et raisonnable en vient-elle à mener une double vie au risque de provoquer un drame ? C'est la question qui obsède la jeune écrivaine Cassie Bowman quand elle apprend cette histoire des années plus tard.

Mon avis

2017, Cassie tient un blog sur des faits divers mettant en scène des femmes blessées, confrontées à la violence et à des situations ardues. Elle-même a eu une enfance difficile. Elle vit avec son fiancé Duke, et cherche une « affaire » retentissante qui pourrait lui permettre d’avoir du succès.

Et un soir, en surfant sur le net, elle trouve. Dolores Rivera, Lore, a mené une double vie, mariée au Mexique avec un homme, au Texas avec un autre. Son travail lui permettait de faire des allers retours sans éveiller les soupçons. Et un jour le drame, l’un tue l’autre et finit en prison. Cassie veut comprendre, creuser les sentiments, les intentions, les ressentis de tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à cette tragédie. Lore accepte de la rencontrer.

1985, Lore mariée, deux enfants au Texas. Elle travaille dans une banque, son mari a une petite entreprise en souffrance. Elle se rend à Mexico pour le boulot et rencontre Andres.

Le lecteur découvre en alternance passé, présent, ce qui s’est joué dans cette relation singulière d’une femme amoureuse de deux hommes.

Le récit est raconté du point de vue de Lore et de Cassie, chacune s’exprimant en disant « je », que ce soit en 2017, ou à partir de 1985. L’une et l’autre croient tenir les rênes et ne dire que ce qu’elles souhaitent partager … On découvre au fil des pages tout ce qui s’est joué, pourquoi, comment, Lore a pu mentir sans que ce soit trop « voyant »…. On sait qu’il y a eu un drame, mais on ignore certains éléments qui se dévoilent peu à peu.

Il est intéressant de constater que la situation des deux lieux et leur fonctionnement politique et sociétal ont pu influencer les événements. Lore et Cassie sont captivantes dans leur façon d’aborder leur couple, de vivre leur vie. En se penchant sur Lore, Cassie est obligée de se remettre en question. Lore a géré ses deux mariages, ayant besoin de chaque époux pour être épanouie. C’est très bien expliqué, même si parfois on sent que c’est terriblement difficile pour elle.

J’ai eu peur que ce roman me paraisse long mais finalement je l’ai lu d’une traite car il y a une certaine forme de suspense. L’écriture est fluide, accrocheuse et la traduction de qualité, merci à Pierre Ménard. Les personnages ont des caractères bien définis. De plus, il y a une réelle réflexion sur la place de la femme, son rapport à la grossesse, sa féminité, son charme mais sans ostentation.

Un livre très apprécié !

"Un américain sur la côte d'Opale" de Jean-Christophe Macquet

 

Un Américain sur la Côte d’Opale
Auteur : Jean-Christophe Macquet
Éditions : Pôle Nord Éditions (9 Novembre 2015)
ISBN : 979-10-92285-37-6
280 pages

Quatrième de couverture

Janvier 1909, au Touquet, la société qui exploite et commercialise l’eau de source Valroy est victime d’une tentative d’extorsion de fonds. L’affaire étant plus complexe qu’il n’y parait, les hautes autorités de l’Etat dépêchent sur place le capitaine Louis Delamer, officier d’une unité spéciale de la gendarmerie. Delamer est sur les traces d’une ressortissante colombienne qui serait impliquée dans l’escroquerie. Que vient faire sur la Côte d’Opale, Sidney Calvé, peintre américain dont personne n’a jamais vu le moindre tableau ?

Précision
Un Américain sur la côte d’Opale est le premier titre d’une série de polars historiques se déroulant à la Belle Époque sur le littoral nordiste et la côte picarde.

Mon avis

Après les romans policiers historiques de la série 14/ 18, le responsable de Pôle Nord Éditions renouvelle les polars du passé avec une nouvelle collection et des livres se situant à la Belle Epoque. L’idée est excellente, surtout lorsque les auteurs jouent le jeu correctement et expliquent leur démarche comme l’a fait Jean-Christophe Macquet dans un avant-propos très complet.

Pour ce premier opus de la série, c’est la Côte d’Opale qui est à l’honneur. Mais le contenu nous promènera beaucoup plus loin : en mer, jusqu’aux Etats-Unis et dans les années 1636…. L’intrigue est menée de main de maître, bien construite et surtout remarquablement alimentée. Il ne s’agit pas de petits événements dont celui qui écrit se serait emparé pour monter une histoire. Non, le fond est réfléchi, les protagonistes amenés intelligemment en lieu, temps et heure et surtout l’ensemble se tient et passionne le lecteur. On peut ajouter une pointe de fantaisie, de surnaturel habilement dosé et il sera aisé de comprendre pourquoi le contenu intéresse dès les premières lignes. Si de plus, on précise que Jean-Christophe Macquet s’est inspiré de personnages ayant existé (même s’ils n’apparaissent pas en tant que tels dans le texte), on se dit que tous les ingrédients sont réunis pour un bon livre. Et c’est le cas !

L’écriture est fluide, légère, agréable et lorsque cela est nécessaire, elle prend plus « de poids ». Le vocabulaire est choisi avec brio car il permet de retranscrire une atmosphère ciblée sur l’intervalle de temps choisi. J’ai trouvé cela très « lisible ». Je veux dire par là que le phrasé, les mots sont adaptés à ce qui est présenté et cet exercice ne doit pas être aussi facile qu’il en l’air. De plus, comme on se balade dans le temps et sur différents sites, il faut malgré tout garder une continuité dans l’écriture. Pour tout cela « mention très bien » à l’auteur.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Dans un premier temps, j’ai trouvé la couverture très belle dans sa simplicité et ses couleurs lumineuses. Ensuite, le style m’a plu et je me suis complètement imprégnée des rencontres que j’ai faites que ce soit avec des aventuriers ou avec des gens plus honnêtes.

La relation entre le passé (les années 1600) et le présent (les années 1900) apportent un autre regard sur les situations évoquées. Les faits antérieurs ont-ils tous conditionnés ce qui se déroule « ici et maintenant », quelles influences peuvent avoir des objets maléfiques ? Et comment combattre les mauvaises intentions ? Toutes ces questions seront posées et nous découvrirons des éléments de réponse….

Une lecture agréable et complète que je conseille dans une « Belle époque » qu’il est bon de retrouver l’espace de quelques chapitres…

PS : Et puis Louis Delamer me plaît bien (bien que cette fois-ci, il ne soit pas le plus en vue), je l’avais côtoyé dans « Dans l’œil du Cyclope » …


"L'odyssée des fourmis" d'Audrey Dussutour & Antoine Wystrach

 

L’odyssée des fourmis
Auteurs : Audrey Dussutour & Antoine Wystrach
Éditions : Grasset (6 avril 2022)
ISBN : 978-2246817192
448 pages

Quatrième de couverture

Treize mille espèces de fourmis identifiées sur la terre ! Dans ce passionnant récit à partir de leurs voyages à travers le monde, Audrey Dussutour et Antoine Wystrach, deux des plus éminents chercheurs en myrmécologie, se concentrent sur une activité essentielle chez les fourmis : la recherche de nourriture. Elles sont capables de réaliser des trajets de plusieurs centaines de mètres dans les lieux les plus hostiles. La route est semée d’embûches et de prédateurs qu’il faut pouvoir combattre à chaque instant.

Mon avis

Fascinant !

Voici un livre totalement addictif car il met à la portée de tous une somme d’informations sur les fourmis et les épreuves qu’elles doivent traverser.

Les deux auteurs nous racontent les expériences et les voyages qu’ils ont fait pour mieux les connaître, comprendre leur fonctionnement et les liens qu’elles établissent entre elles et avec les autres. C’est bluffant !

Que ce soit pour s’orienter, trouver, exploiter, transporter la nourriture, s’occuper des blessées, revenir au logis, agir face aux obstacles, elles mettent en place des stratégies et ce n’est pas n’importe quoi ! Les chercheurs se demandent parfois s’il s’agit de coïncidences, alors ils lancent de nouvelles expérimentations pour vérifier une fois, deux fois etc….jusqu’à réaliser l’incroyable pouvoir de ces « petites bêtes ».

Elles font preuve de solidarité, de finesse, d’adaptation. Suivant les espèces, elles peuvent être « spécialisées » dans une « activité » plus qu’une autre. Quand les observateurs leur mettent des petits points de peinture sur le dos pour les repérer, on se demande bien si ça va être utile. Et bien oui. Voici un exemple : en laboratoire, des fourmis sont installées et ne peuvent pas s’enfuir. Pourtant l’une d’elles est retrouvée sur le mur. Et hop, un peu de peinture sur le dos et retour au logis ! Et bien le lendemain et les jours suivants la fuyarde a continué. Et qui n’a pas dormi pour observer ce qu’elle faisait ? Les myrmécologues ! Et je ne vous dirai pas comment elle s’échappait….

J’ai été très intéressée par cette lecture, je sais que je ne retiendrai pas tout mais ça ne me gênera pas de me replonger dans ce livre. Les deux auteurs ont su se mettre à notre niveau. Ils n’en font pas trop dans le vocabulaire ou le descriptif des investigations. Ils ajoutent régulièrement des anecdotes, font preuve d’humour et sont passionnants !


"Histoire vraie d’un vol sans effraction" d'Élizabeth Lapierre

 

Histoire vraie d’un vol sans effraction
Auteur : Élizabeth Lapierre
Éditions : Les 2 encres (30 Septembre 2014)
ISBN : 978-2351686782
140 pages

Quatrième de couverture

Éléonore est une femme de cœur… et de passions ! Amoureuse de la vie, elle se partage sans compter entre son mari, sa famille et ses amis, entre ses obligations de femme du monde qui la font voyager, et son attachement à son domaine d’Ysembert. Un jour, Éléonore est victime d’un vol, sans effraction, qui devient le détonateur d’une histoire incroyable. Elle va se trouver confrontée au pire : la perte de toutes ses illusions, de toutes ses certitudes quant à la justice de son pays.

Mon avis

Ce roman, inspiré d’une histoire vraie, nous rappelle, si besoin est, qu’il faut toujours être prudent lorsqu’on donne sans retenue.

Éléonore a été trahie par des gens à qui elle avait tout offert : ses clefs, sa confiance mais surtout son amour de façon inconditionnel.

Elle est, avec son époux, propriétaire d’un château de famille. Ils sont obligés pour l’emploi de ce dernier, de voyager beaucoup, de ce fait la surveillance de la propriété est confiée à la sœur de Madame dans un premier temps. Mais, alors que tout pourrait aller sans aucun problème, cette « surveillante» des lieux décède. Notre châtelaine désemparée va faire appel à un maçon polyvalent qui a déjà commencé des travaux dans le castel pour assurer « une présence ».

Là aussi, tout devrait bien se dérouler mais ….

Il est bien connu que la vie n’est pas un roman, loin de là…..

Clément, le bâtisseur, s’installe avec sa compagne Victoire. « Madame » se sent entourée, en sécurité, heureuse, donnant de son temps, de son argent, de sa vie à ces gens, si gentils, qui lui tiennent compagnie, l’aident et lui offrent de l’affection.

Car elle est là, la clef. Être aimée, accompagnée, écoutée apportent du réconfort. Est-ce cela qui va « endormir » les réserves naturelles que devrait avoir Éléonore ? Même pas, je crois qu’elle ne se pose pas de questions tout simplement comme tout un chacun lorsqu’on est « bien ». Elle considère même Victoire comme la fille qu’elle n’a pas eue et son enfant comme sa petite-fille. Le couple « Clément-Victoire » fait illusion.

La lente descente vers l’impensable va se mettre en place. De fil en aiguille, Clément et Victoire vont montrer un autre visage, qu’Éléonore réfute dans un premier temps. Elle va découvrir des faits surprenants mais n’y croira pas vraiment tant le « jeu  des gardiens » est habile. Et puis elle a à cœur de « préserver l’harmonie », celle de son couple, son mari ne rentre pas souvent, et elle ne veut pas l’ennuyer avec ses soupçons et celle de sa vie quotidienne.

Elle finira par alerter la police et ira de déceptions en déceptions. Comme quoi le système n’est pas toujours à la hauteur, même s’il ne faut pas en faire une généralité.

C’est un livre qui « sent le vrai », l’expérience vécue. Peut-être Éléonore aurait-elle pu se questionner lorsqu’elle a appris que Clément avait des problèmes avec tous ses employés.

Mais je crois, qu’Élizabeth Lapierre démontre avec brio, que lorsqu’on est le « nez dans le guidon », on ne voit pas tout. De plus, son mari étant en déplacement, notre « héroïne » est dans l’obligation de tout gérer, seule et toute aide est la bienvenue.

Alors, la faute à qui ? A pas de chance ? A un manque de vigilance ? A l’amour (celui dont on a besoin mais aussi celui qu’on veut donner) ? Sans doute un peu de tout cela auquel il faut ajouter le hasard des rencontres qui ne sont pas toujours les bonnes…

Pour autant, la narratrice n’est pas aigrie, ni en colère, elle est plutôt désabusée face à la situation, déçue de l’enquête mais certainement plus « blessée » d’avoir donné sans attendre rien en retour mais en s’étant trompée.

Une écriture fluide au phrasé de qualité, une lecture agréable qui m’a beaucoup intéressée.


"Livide" de Patricia Cornwell (Livid)

 

 Une enquête de Kay Scarpetta 26 : Livide (Livid)
Auteur : Patricia Cornwell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Defert
Éditions : Jean-Claude Lattès (10 Mai 2023)
ISBN : ‎ 978-2709672061
370 pages

Quatrième de couverture

Il y a deux ans, le corps d’une ancienne reine de beauté s’est échoué sur le rivage de l’île de Wallops, en Virginie. Elle a été vue pour la dernière fois sur un bateau avec son fiancé, qui est depuis détenu en prison dans l’attente de son procès. L’enquête ayant été bâclée par un autre pathologiste, Kay Scarpetta comparaît comme témoin expert. Après un pénible contre-interrogatoire du procureur, Scarpetta quitte le tribunal et apprend que la soeur de la juge chargée de l’affaire a été retrouvée morte. À première vue, cela ressemble à un cambriolage, mais rien n’a été volé et, bizarrement, les plantes du jardin sont calcinées et la végétation est couverte d’insectes morts.

Mon avis

Après quelques opus nettement moins intéressants, Patricia Cornwell a repris un peu de pep. On est loin de ses premiers écrits qu’on ne lâchait pas une fois commencés mais ça redevient intéressant. Il manque un petit quelque chose, du souffle, du rythme, de l’action, de l’angoisse….

Ce dernier récit reste très axé sur l’enquête et le quotidien de notre médecin légiste préférée. Elle a été appelée au tribunal en tant que témoin expert et en quittant le tribunal, elle apprend que la sœur de la juge chargée de l’affaire a été retrouvée morte. Elle se rend sur les lieux et ce qu’elle voit lui fait peur, l’inquiète. Aidée de Marino, de sa nièce Lucy, elle va essayer de démêler tout ça.

Les recherches, les raisonnements sont captivants. Par contre, j’ai parfois l’impression qu’il manque du « liant » comme dans une bonne sauce. Les éléments me semblent « plaqués » les uns à la suite des autres, apportant des informations importantes mais pour lesquelles le lien arrive parfois en « décalé ».

L’écriture (merci pour la traduction) est plaisante mais pas assez addictive à mon sens. Il y a parfois des détails pas franchement indispensable (du style « dis-je en enlevant mes collants…) mais comme ce n’est pas trop exagéré, c’est supportable.

Pour un nouveau lecteur, je ne conseillerai pas ce roman, car les personnages récurrents (Kay et sa famille) sont trop « lisses » et il y a quelques références à des aventures antérieures.

Je suis satisfaite d’avoir retrouvé Kay mais pas complètement emballée par ce nouveau tome.


"Les premiers matins du monde" de Emy & Virginie Ollagnier

 

Les premiers matins du monde
Auteurs : Emy (Illustrations), Virginie Ollagnier (Rédacteur)
Éditions : Jarjille (21 Juillet 2023)
ISBN : 978-2493649133
54 pages

Quatrième de couverture

C'était le premier matin du monde. Le premier ciel d'aurore sur la Terre. C'était le premier matin du monde, la première rosée sur l'herbe tendre, le premier soleil dans ce premier jour. Un premier matin discret comme il y en aurait tant d'autres. Cependant c'est celui-ci qui nous intéresse, le tout premier.

Mon avis

Cet album, avec un récit « en randonnée » (une structure répétitive) est magnifique. Chaque page est un tableau, une vraie œuvre d’art à la fois globale et méticuleuse où chaque détail a été mis en valeur par l’ensemble. Ce sont principalement des animaux qui sont représentés. On peut avoir une scène sur une double page ou seulement des gros plans sur différentes parties du corps ou autres. Les couleurs sans être trop vives sont lumineuses, sublimant chaque trait, chaque dessin.

Les personnages sont expressifs, notamment par l’intermédiaire de leurs yeux. En quelques coups de pinceaux, on a déjà le ressenti de chaque individu. Je suis toujours admirative des personnes qui arrivent à peindre de cette façon.

Le texte est doux comme un poème, il glisse sous les yeux, ou dans les oreilles si on raconte, c’est une mélopée, appelant à la rêverie, offrant un vocabulaire soigné, mais à la portée des jeunes lecteurs.

C’est harmonieux, délicieux. Ce livre « parle d’or », il raconte l’histoire d’animaux qui font une découverte en ces premiers matins du monde. Et la question se pose de l’attitude à adopter, regarder, s’éloigner, accompagner ? 

Un bel ouvrage à offrir, à s’offrir, à lire, à raconter…

Emy : c’est une artiste polyvalente qui aime la diversité des techniques et des supports. Elle a toutefois une préférence pour les techniques traditionnelles, comme l’aquarelle, l’acrylique ou l’encre de chine et adore les sujets en rapport avec les animaux, la nature et les mythologies de différentes civilisations. Il s’agit de son premier album. Elle a dessiné des couvertures de romans chez 10/18. Elle a produit trois numéros de Rues de Lyon (mensuel de bande dessinée).

Virginie Ollagnier est une écrivaine et scénariste de bande dessinée. Formatrice en communication écrite et en ergonomie, son premier roman « Toutes ces vies qu'on abandonne » a reçu plusieurs prix littéraires. Elle a fondé, avec d’autres, La Revue Dessinée.

"Un voyage en transsibérien" de Bettina Egger

 

Un voyage en transsibérien
Auteur : Bettina Egger
Mise en couleur : William Augel
Éditions : Jarjille (21 Juillet 2023)
ISBN : 978-2493649126
132 pages

Quatrième de couverture

L'idée de traverser ensemble la Russie par le Transsibérien nous est venue il y a déjà plusieurs années. Combiner notre passion commune pour ce pays et sa langue avec nos spécialités respectives - BD et écriture- nous apparaissait comme une évidence, qui pourtant resta longtemps à l'état de projet. Jusqu'à ce jour d'août 2012 où, au détour d'une conversation, l'idée est lancée : pourquoi attendre ?

Mon avis

Le transsibérien… Un train qui fait rêver… surtout pour les étrangers car les habitants du coin sourient de cet engouement.

Bettina et Adèle sont des amies de longue date, elles ont toujours rêvé de traverser ensemble la Russie avec ce mode de transport. Et un jour, leur projet voit le jour et c’est parti ! De Moscou à Vladivostok, 9288 kilomètres, quatre-vingt-sept villes, seize fleuves, dix fuseaux horaires, cinq semaines de voyage (le retour ? A peine dix heures d’avion….

Elles partagent leurs souvenirs, leurs découvertes, leurs étonnements, leurs ressentis. Une grande partie en bande dessinée, une plus petite en carnet de voyage (aquarelles de Bettina, textes d’Adèle), un passage historique avec une présentation différente, une légende en noir et blanc….

On apprend ainsi que, dans les wagons, chacun doit prendre ses pantoufles, que le thé est offert… Un rituel est mis en place et respecté par les voyageurs. Chaque étape est riche en rencontre, en échanges, en discussions, parfois c’est spontané, d’autres fois un peu moins. Il peut y avoir des désillusions, des personnes dont nos voyageuses espéraient beaucoup et qui s’avèrent décevantes… C’est la vie, bien sûr…. On apprend à connaître un peu plus le pays, ses choix, son fonctionnement, on ne sait pas tout mais ça nous ouvre d’autres horizons, d’autres approches de cette immensité. Adèle et Bettina ont su s’adapter aux personnes côtoyées pour que ce soit riche et porteur de sens, sans jugement, sans inquiétude. Elles ont su leur donner une place dans leur histoire qui est devenue aussi la leur.

Les dessins sont précis, expressifs, la mise en couleur de bon goût, le texte n’est pas envahissant, il soutient les images. J’ai énormément appris (sur les bains russes (banya) et plein d’autres choses !).
Bettina Egger (et Adèle) nous convie (nt) à un voyage instructif, un reportage qui ouvre notre esprit à d’autres cultures. De plus, la forme est très agréable, pas du tout rébarbative et permet d’associer le plaisir des yeux à celui de l’apprentissage.


"Les secrets de l'indigo" de Jean-François Mattei

 

Les secrets de l’indigo
Auteur : Jean-François Mattei
Éditions : Les sentiers du livre (Août 2016)
ISBN : 9782754305259
224 pages

Quatrième de couverture

Eva Lauzier, psychiatre à Toulouse, est l'auteur de «l'universalité de Janus», un ouvrage consacré aux incohérences de comportement provoquées chez chacun par les multiples facettes de sa personnalité. Jeune, Eva Lauzier était une militante extrémiste. Don Carmichael a quitté le Kent pour venir s'établir en France, dans le Sud-Ouest. Depuis son départ d'Angleterre, il a laissé sans nouvelles un de ses amis qui, un jour, inquiet du silence prolongé de Donald, décide d'un voyage en France pour le retrouver. Il découvrira un Sud-Ouest secoué par une vague de violence qui semble avoir submergé son ami.

Mon avis

Ce roman est très surprenant par sa construction, son contenu et son approche des événements qui n’est pas toujours linéaire. Deux voix qui ne font qu’une nous présentent des situations sans lien apparent. Le lecteur est désarçonné, troublé par ce qu’il entrevoit puis dans les pages suivantes, tout semble différent, comme si on se trouvait dans un autre livre….

Au départ, je me suis bien sûr demandée où tout cela allait m’entraîner et si j’allais accrocher à la forme et au fond d’aspect décousu. Et puis la trame se construit au fil des pages, l’intérêt allant alors crescendo…

Abordant des sujets d’actualités bien présents dans notre société, montrant la dérive des extrémistes, des fanatiques, rappelant le mal-être de certains jeunes qui s’accrochent alors à des projets totalement fous, ce récit distille une ambiance un tantinet surréaliste, parfois étouffante, tant on voudrait trouver des solutions pour aider les protagonistes, ce recueil est écrit avec un style « détaché » qui contraste avec la violence de certains faits. Cela met d’autant plus en exergue, la difficulté qu’on quelques hommes à se trouver une place dans la société, à adhérer au bons projets sans être leurrés sur leurs messages. J’ai apprécié les passages où le flegme britannique se teinte d’un humour en demi-teinte offre un peu de légèreté à l’ensemble.

Une lecture et un ton inhabituels, à découvrir …..


"Ce que disent les silences" de Laure Manel

 

Ce que disent les silences
Auteur : Laure Manel
Éditions : ‎ Michel Lafon (30 mars 2023)
ISBN : 978-2749949512
386 pages

Quatrième de couverture

À la mort de son père, Adèle découvre chez lui des lettres, dont l'une lui révèle l'existence d'un secret autour de la mort de sa mère, alors qu'elle n'avait que quatre ans. Mue par un irrépressible besoin de découvrir la vérité, Adèle quitte Paris pour se rendre là où se trouve certainement la réponse, l'île sur laquelle elle est née, qu'elle a quittée enfant et où elle ne devait jamais revenir : Ouessant. D'entrevues en rencontres, Adèle va découvrir autant cette île sauvage que son histoire, l'histoire de sa famille...

Mon avis

La Maman d’Adèle est décédée lorsqu’elle était enfant et son père l’a ensuite confiée à d’autres membres de la famille, quittant l’île d’Ouessant où ils vivaient. Elle n’avait plus beaucoup de nouvelles et elle a bâti sa vie avec ses manques. Une peur immense de l’attachement et un métier un peu en électron libre : photographe indépendante qui gère ses engagements et sa vie seule comme une grande.

Son Papa meurt et elle va, avec sa tante, vider l’appartement. Elle découvre des lettres qui l’interrogent. Comme elle n’a pas de réponse, elle décide de partir quelques jours à Ouessant sur les traces de son passé, vers la famille qui est encore là-bas. Peut-être qu’elle comprendra ce qu’on lui a tu et qu’elle se sentira mieux après avoir éclairci les circonstances de la mort de sa Maman.

Au-delà des investigations d’Adèle, de sa recherche de la vérité, l’île d’Ouessant occupe une place à part entière dans ce roman. Laure Manel s’est renseignée, documentée, elle est allée sur place, elle a rencontré des habitants. Tout cela permet d’avoir de vraies informations sur ce lieu, au niveau de l’histoire, des coutumes, des légendes, des paysages, du mode de vie. En lisant, j’ai énormément appris et je n’ai qu’un souhait : aller là-bas ! Ce qui est très bien fait, c’est que l’auteur a tissé son récit en lien avec ce lieu magnifique, atypique et tout ce qu’il est. Cela donne un texte très intéressant, on a le sentiment de se cultiver tout en suivant des personnages attachants.

Parce qu’Adèle est attachante. Émouvante et fragile, elle essaie de se protéger et de connaître ce que sa famille lui a caché. Elle revoit des gens qu’elle a connu il y a longtemps et rien n’est évident mais elle avance pas à pas.

L’écriture délicate, les chapitres courts alternant passé et présent, nous plongent immédiatement au cœur de l’action. Tout est magnifiquement construit et j’ai énormément apprécié cette lecture !


"Psylence" de Jean-Marc Dhainaut

 

Psylence
Auteur : Jean-Marc Dhainaut
Éditions : Taurnada (6 Juillet 2023)
ISBN : 9782372581196
250 pages

Quatrième de couverture

Clara en est certaine : elle a vu quelqu'un dans leur chambre… Elle a essayé de prévenir son mari. Mais il ne l'a pas écoutée. Il aurait pourtant dû… Lui, comme toute la famille. Lorsque Meghan Grayford, journaliste passionnée en phénomènes étranges, s'empare de cette histoire, elle ne réalise pas encore l'horreur qui la guette. Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi s'en prendre à ces braves gens ? Et, surtout, comment arrêter le mal en personne lorsqu'il vous montre du doigt ?

Mon avis

Comment se renouveler lorsqu’on parle d’histoire de fantômes, d’êtres du passé qui viennent « titiller » ceux qui sont dans le présent ? Et bien, il suffit de s’appeler Jean-Marc Dhainaut ;- )

Je ne sais pas comment il s’y prend pour construire ses histoires mais une fois encore, il m’a scotchée. Tout se tient et pourtant je pense que ce n’est pas évident de faire en sorte que ça s’équilibre et que chaque personnage soit à la fois indépendant et partie prenante de l’aventure. Est-ce qu’il présente d’abord tous ses individus sur une feuille en traçant des traits pour dire qui est en lien avec qui ? Il serait intéressant qu’il partage avec ses lecteurs la genèse de ses récits.

Notre cher Alan Lambin est maintenant en couple avec Mina, ils ont pris du recul par rapport au travail et ne s’occupent plus de phénomènes surnaturels. Alan sait que cela pourrait les mettre en danger donc il s’abstient et puis quand on prend sa retraite, on arrête les activités professionnelles, n’est-ce pas ?  Dans un roman précédent, ils ont rencontré Meghan Grayford, une jeune journaliste qui s’intéresse à l’univers du paranormal.

Tout commence avec une scène très angoissante. Clara, réveillée, voit quelqu’un dans la chambre conjugale. Elle a peur, elle en parle mais elle n’est pas prise au sérieux…. Comme elle est âgée, sa famille pense qu’elle se perd un peu, qu’elle mélange ses cauchemars avec la réalité ….Pourtant la suite lui donnera raison…. Les gendarmes sont prévenus, mais l’étrangeté des faits les mettent mal à l’aise. Janis et Meghan, informés par des connaissances, se disent qu’il y a matière à faire un bel article. La jeune femme va sur place pour questionner Clara, essayer d’en savoir plus… Mais elle est confrontée à des scènes qui la déstabilisent…. Alors, elle ne sait plus quoi faire. D’autant plus que de nouveaux événements traumatisants arrivent, touchant encore la même famille.

Demander de l’aide ou à défaut, des conseils, à Alan et Mina, semble une excellente idée, dont acte. Ils seront donc plusieurs à essayer de démêler les visions, les bruits, les mouvements, tout ce qui apparaît à certains et pas à d’autres. La terreur règne car ils sentent bien qu’une entité tire les ficelles, manipule, tue, mutile… Sans doute pour se venger mais de quoi, de qui, pourquoi ? J’aime beaucoup le fait de lier tout ça au passé qui éclaire le présent petit à petit.

L’écriture de l’auteur nous met immédiatement dans une atmosphère d’angoisse, de peur, de suspicion, de doute… On lirait presque en regardant sans arrêt par-dessus son épaule. Il nous prend aux tripes, d’autant plus que certains de ses protagonistes sont attachants alors on n’a pas envie qu’il leur arrive quelque chose de désagréable. Jean-Marc Dhainaut plante son décor en Bretagne, terre de légendes et de mystères. Il étoffe les scènes, il présente les traits de caractères de ceux qu’il met en place. Il y a juste ce qu’il faut de détails sans nous noyer sous des informations inutiles. Du rythme, de l’action, un contexte fascinant et le lecteur est comblé, c’est mon cas !

"L'éveil du Philalèthe" de Jérémie Morançon

 

L'éveil du Philalèthe
Auteur : Jérémie Morançon
Éditions : The Melmat Cat (23 Février 2023)
ISBN : 978-2492759062
862 pages

Quatrième de couverture

Le "philalèthe" est celui qui cherche la vérité.
Sur une terre lointaine où des humains sont arrivés, ayant réussi à fuir leur planète surpeuplée et polluée à bord de vaisseaux qui ont traversé la galaxie, les survivants ont créé des sociétés que tout oppose. Sous l'Abri, c'est une société dictatoriale qui s'est imposée, dirigée par un mystérieux "Comte" et son gouvernement. Dès le premier jour, des dissidents ont quitté l'abri et ont fondé Horizon, où la liberté est le maître mot. Entre les deux, ceux de la Territorialité Autonome cherchent une voie médiane. Quand une mission part d'Horizon pour aller voir de plus près ce qui se passe sous l'Abri, elle va devoir affronter l'âpreté de la nature, mais aussi un grand dilemme philosophique...

Mon avis

in hoc signo vinces *

Ce livre peut être catégorisé dans le genre de science-fiction « Planet opera » parce qu’il raconte des aventures se déroulant sur une planète étrangère où le mode de vie est déroutant, soumis à des règles parfois surprenantes. Ce sont des hommes et des femmes qui la peuplent et leurs relations permettent d’aborder différents aspects : sociologique, économique, philosophique etc.

L’auteur s’est lancé dans une fabuleuse aventure avec ce récit. Il a été exigeant avec lui-même pour que son histoire se tienne, pour maintenir notre intérêt, pour apporter une réelle réflexion sur la société en général, pour ne pas lasser, pour renouveler le genre et offrir ainsi une lecture qui sort des sentiers battus.

La forme m’a conquise : Actes 1, 2 et 3 / Entre actes / Actes 5, 6/ Finale. Mais bon, ça on pourrait penser que c’était facile. Après il y a l’écriture et les procédés de présentation, tout à fait bluffants. Polices de caractères et phrasés différents pour chaque intervenant qui s’exprime soit par le biais d’un journal intime (mais écrire n’est pas anodin, il y a des « règles »), de comptes-rendus obligatoires (en lien avec la fonction du personnage), de rapports périodiques, de tests opérationnels, de procès-verbaux de réunions, d’archives, d’annales, de communications écrites, de mémoires etc…. Impressionnant ! On sait le plus souvent qui s’exprime, sa place « dedans ou dehors ». Chacun peut avoir raison et le lecteur est balloté entre divers courants de pensées.  C’est judicieux.

Ils ont fui un lieu surpeuplé, pollué, et se sont installés. Pour maintenir l’ordre, on va dire les choses comme ça, une stricte uniformisation est de mise. Cérémonie quotidienne, labeurs définis et précis, horaires bloqués, trajets définis à l’avance, autorisation ou pas de reproduction. Tout est lisse, planifié, rythmé et décidé pour chacun. L’épanouissement personnel ?
Pour certains, il est là, dans ce quotidien régulier, sans risque, avec les encouragements qu’on leur prodigue. Ils sont persuadés qu’ils ne seraient pas capables d’agir seuls, heureusement on choisit pour eux, ils servent la collectivité (avec la sensation grisante de participer au fonctionnement d’un grand tout) et c’est leur unique but…
Pour d’autres, il est inexistant… alors ? Se révolter, entrer en dissidence ? Accomplir quelque chose de choisi, qu’on ne leur a pas demandé pour être « décisionnaire » ? Mais est-ce possible ? À quel prix ? Est-ce que d’autres ont essayé avant eux ?

Le lecteur découvre, petit à petit, ces univers à la fois distincts et liés. Il s’imprègne du monde de chacun, se questionne, émet des hypothèses… Des Cycles régentent tout, des êtres sont « éveillés », sont-ils création ou évolution ?

Des références musicales, philosophiques, et autres sont présentes. Ce recueil est une œuvre complète, complexe, intéressante, captivante. Et en toile de fond, cette question lancinante, existentielle, « C’est quoi la liberté ? »

« De même que notre corps a besoin de la proprioception pour se situer dans l’espace qui l’entoure, l’esprit lui aussi a besoin de situer ses limites pour s’équilibrer et disposer pleinement de ses capacités. »

*(par ce signe tu vaincras)

L’eau du lac n’est jamais douce de Giulia Caminito (L’acqua del lago non è mai dolce)

 

L’eau du lac n’est jamais douce (L’acqua del lago non è mai dolce)
Auteur : Giulia Caminito
Traduit de l’italien par Laura Brignon
Éditions : Gallmeister (7 Avril 2022)
ISBN : 978-2351782811
352 pages

Quatrième de couverture

C’est au bord de ce faussement paisible lac de Bracciano, ancien cratère aujourd’hui rempli d’eau dans la banlieue de Rome, que la jeune Gaïa vient s’installer avec sa famille. Sa mère Antonia, femme fière jusqu’à l’entêtement s’occupe seule d’un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre et honnête, Antonia a l’esprit combatif et elle inculque à sa fille Gaïa le seul principe qui vaille : ne compter que sur elle-même. Et Gaïa apprend : à ne pas se plaindre, à lire des livres, à se défendre, toujours hors de propos, hors de la mode, hors du temps.

Mon avis

Coup de cœur !

Une fois n’est pas coutume, je vais d’abord parler des dernières pages, qui contiennent la « note de l’autrice ». Elle explique la genèse de ce roman et de quelles femmes elle s’est inspirée pour écrire. C’est non seulement intéressant mais édifiant pour cerner tout ce qu’elle a voulu exprimer.

Maintenant, parlons des premiers mots « Toutes les vies commencent avec une femme » …. Le ton est donné, il sera question de femmes, mère, épouse, fille, collégienne, lycéenne, étudiante, volontaire, rebelle, têtue, fougueuse, belle et ensorcelante. La première scène racontée par la narratrice est presque violente, bienvenue dans « son monde ». Sa Maman, Antonia, s’est introduit par ruse auprès des responsables de logements car elle en attend un pour sa famille (un mari, un fils d’une première union, deux jumeaux plus jeunes et Gaïa) et elle a fait un scandale. Gaïa « sait » ce qui s’est passé, elle connaît sa génitrice, aussi entêtée qu’imprévisible. Elle a sans doute le sentiment qu’elle s’est « donnée en spectacle », que ça va se savoir et elle a honte….

Et puis, elle nous entraîne à sa suite et on reste scotchée. Actions, émotions, tout est décrit avec une force et une finesse inégalées, on est au cœur du quotidien de cette famille où la mamma porte tout à bouts de bras. Elle veut le meilleur pour tous, mais ce n’est pas forcément possible. Alors Gaïa, seule fille de la fratrie, est en colère, ça la ronge et parfois, c’est le tsunami, ça explose. Elle se sent exclus car elle n’a pas les mêmes moyens que ses camarades, elle lutte, elle ne veut pas être jalouse. Elle s’isole, refuse de se confier, décide de ce qu’elle veut faire, même si elle sait qu’elle a tort.

Parfois, il y a un « répit », on se dit que tout va être plus calme, plus « normal », plus rangé, plus « normé » mais Gaïa a souffert, souffre encore et son insurrection ressort, comme une marque de fabrique, une obligation. Elle ne sait pas, ne peut pas, subir et se taire. Pour elle c’est impossible. Sa carapace la protège comme une armure mais elle se fendille aussi et une vague l’emporte vers d’autres souhaits…. Elle se protège en permanence car elle ne veut pas faire confiance, la trahison, elle a connu, elle n’en veut plus.

Ce récit parle de pauvreté, une pauvreté de notre époque, quand l’absence de télévision ou/ et  de téléphones portables vous fait passer pour un zombi. Les autres thèmes évoqués et magnifiquement présentés sont l’amitié, l’amour, les relations familiales…. Et puis, il y a ce lac, intimement lié à la vie de cet enfant que l’on voit grandir au fil des pages…. Il tient de la place lui aussi, enivrant, dangereux Gaïa est avide de liberté, elle veut être maîtresse de son destin, mais toujours quelque chose se met en travers de son chemin….

Les personnages sont bien étudiés, ils ne sont pas « lisses » et les relations ne sont pas évidentes. Le regard  et l’opinion des autres sont lourds et difficiles à accepter….

L’écriture est fluide, presque « parlée », pas de tirets ni de guillemets pour les dialogues, seulement le flux des mots ininterrompu, qui se bousculent parfois lorsqu’il y a trop à exprimer. Une atmosphère se détache des pages, on est présent dans le récit, on assiste impuissant à certains dérapages, on voudrait tant qu’une esquisse de calme et de bonheur arrive dans cette « maison »….

Je ne connaissais pas Giulia Caminito et je suis ravie de ma découverte ! Je vais me pencher sur son œuvre.

"Complètement cramé" de Gilles Legardinier

Complètement cramé
Auteur : Gilles Legardinier
Éditions : Fleuve (18 Octobre 2012)
ISBN : 978-2265097025
400 pages

Quatrième de couverture

Arrivé à un âge où presque tous ceux qu'il aimait sont loin ou disparus, Andrew Blake n'a même plus le cœur à orchestrer ses blagues légendaires avec son vieux complice, Richard. Sur un coup de tête, il décide de quitter la direction de sa petite entreprise anglaise pour se faire engager comme majordome en France, pays où il avait rencontré sa femme. Là-bas, personne ne sait qui il est vraiment, et cela lui va très bien.

Mon avis

Voilà un roman sans prétention si ce n’est de nous faire passer un bon moment et c’est réussi.

Bien sûr, il faut également lire des récits plus « consistants » de temps à autre. Tout est question d’équilibre, c’est comme dans l’alimentation.
Mais je le dis souvent : « Pourquoi bouder son plaisir ? ».
Je mettrai de côté les invraisemblances, pas vraiment dérangeantes d’ailleurs, pour ne retenir qu’une chose : j’ai souri et ce livre m’a distrait quand j’en avais besoin.

L’écriture est remplie d’humour :
« L’unique ampoule à économie d’énergie de sa chambre déversait une lumière froide à vous faire passer la maison de Barbie pour un frigo de poissonnerie industrielle. »

Et la présence de ce majordome anglais apporte un petit aspect suranné à l’ensemble des relations qui se tissent entre les protagonistes. De plus, les comparaisons franco-anglaises sont amusantes.

Je ne relirai pas tout de suite cet auteur, de peur de frôler l’overdose mais en cas de blues, j’y reviendrai, c’est sûr.

 

"Les certitudes intermédiaires" de Jean-Claude Dousseau

 

 Les certitudes intermédiaires
Auteur : Jean-Claude Dousseau
Éditions : Edilivre-Aparis (4 juin 2015)
ISBN : 78-2332928108
90 pages

Quatrième de couverture

« À chaque fois, ces tremblements expulsent de ma mémoire quelques souvenirs confus, quelques doutes imprécis. Bientôt, il ne me restera plus que des certitudes, des certitudes intermédiaires, entrecoupées de vides, dont je ne saurai plus à quels événements les attribuer. »

Mon avis

C’est un roman original à l’écriture singulière. Beaucoup de verbes conjugués au passé-simple et de dialogues en style indirect donnent à l’ensemble une atmosphère empreinte de nostalgie, de secrets, de non-dits, comme si tout ne pouvait pas être prononcé à haute voix.

Tout se dévoile au fil des pages, lentement, doucement mais sans longueur comme une conversation murmurée, partagée…. On entre dans l’intimité d’une famille mais sans voyeurisme.

C’est un récit que j’ai apprécié parce que le style m’a plu et, je crois que, au-delà du contenu qui sort un peu de l’ordinaire (par le métier du personnage principal et comment nous sommes amenés à le discerner), j’ai le sentiment que l’auteur a trouvé une façon de s’exprimer qui vaut le détour. À suivre sur d’autres recueils ….


"Fous de couleur opposée" de Jacques Teissier

 

Fous de couleur opposée
Auteur : Jacques Teissier
Éditions : BOD (29 Mars 2023)
ISBN : 9782322146543
240 pages

Quatrième de couverture

Julia, artiste plasticienne renommée, vit en recluse depuis douze ans en recluse à Clairbrume, au cœur des Cévennes, et partage sa vie entre ses deux passions, la sculpture et les araignées. Miguel est meilleur joueur d'échecs de sa génération. Ancien Champion du monde, il est recherché par toutes les polices, que vient-il faire chez Julia ? Ana, journaliste échiquéenne et ex-compagne de Miguel, rejoint elle aussi Clairbrume. Pourquoi trouve-t-elle la maison déserte ? Alors qu'elle commence à percer les secrets du passé, le danger rôde autour d'elle.

Mon avis

Les artistes sont des « personnages » à part entière avec leur bizarreries et Julia ne déroge pas à la règle. Elle s’est isolée dans les Cévennes où elle vit seule à Clairbrume, dans un coin loin de toi, sans contact. Elle se consacre à ses œuvres de sculpture et aux araignées qui ont un rôle important dans son art. Miguel, un joueur d’échecs en fuite, recherché par la police, est allé chez elle. Pourquoi ? La connaissait-il ? Comme il ne donne plus de nouvelles, son ex-compagne, Ana, se rend chez Julia. Elle trouve la maison ouverte et déserte. Elle décide de s’installer en attendant le retour de la propriétaire qui ne doit pas être bien loin….

Dès les premiers instants, Ana a une étrange impression. Comme si l’atmosphère était lourde de non-dits, de troubles divers. Il y a les créations de Julia, étranges, particulières, mettant presque mal à l’aise et encore Ana n’a pas accès à tout. Elle ne sait comment interpréter ce qu’elle découvre. Et puis, des bruits laissant supposer que quelqu’un est là alors qu’elle ne rencontre personne…

La jeune femme est troublée mais elle ne repart pas pour autant. Elle a besoin de comprendre. Et voici que des éléments apparaissent au fil des jours…. Elle décide de rester afin d’avoir toutes les pièces du puzzle mais en agissant ainsi, ne va-t-elle pas de se mettre en danger ? Elle prend des risques énormes, qu’elle ne mesure pas.

Ce roman est presque un huis clos car l’essentiel est mis en place avec peu d’individus dont certains qu’on ne verra pas mais dont on parlera. Le lecteur est pris dans cette ambiance troublante, quelques doutes apparaissent, on n’ose croire au pire…. Au fur et à mesure, la situation se tend, Ana ne sait pas comment agir mais elle est opiniâtre, volontaire et décide d’aller au fond des choses.

Jacques Teissier tisse une intrigue de qualité avec plusieurs entrées. On a d’autres approches des événements que celle d’Ana, par l’intermédiaire de documents qu’elle trouve dans la maison et auxquels nous avons accès. Pour le lecteur, différentes pistes de réflexion sur le devenir des protagonistes, les liens qui les unissent ou pas, ce qu’ils recherchent, se dessinent. On s’interroge. On se penche également sur les limites de l’art, sur la passion qui peut devenir destructrice, sur les joueurs de haut niveau qui consacrent leur vie à gagner, ne vivant que pour ça.

Son écriture est posée, précise dans le vocabulaire bien choisi et la formulation. On comprend aisément qu’il s’est documenté sur « les filles » de Julia avant d’écrire. Il n’y a pas pléthore d’actions, ni de rebondissements, mais on ressent la suspicion, la défiance des uns et des autres. Des indications sur le passé permettent de comprendre ce qu’il s’est passé et d’avoir une vision d’ensemble.

Ce roman original m’a beaucoup plu. J’ai apprécié les différents thèmes abordés et la façon dont ils sont traités. Pour moi la grande force de ce récit réside dans l’atmosphère presque étouffante, collante comme une toile d’araignée qui nous recouvrirait et dont il serait nécessaire de s’extirper ….

"Les enquêtes de Médiapart en bande dessinée"

 

Les enquêtes de Médiapart en bande dessinée
Auteur : Collectif
Éditions : La Revue dessinée (23 Novembre 2022)
ISBN : 9782382640135
150 pages

Quatrième de couverture

Pourquoi les hommes politiques, les dirigeants de grandes entreprises et plus généralement les cols blancs condamnés ne finissent-ils presque jamais derrière les barreaux ? Pourquoi un anonyme peut-il voir sa vie basculer en quelques heures au cours d'un procès vite instruit ? Peut-on vraiment parler d´égalité des citoyens devant la loi ? De la fraude fiscale massive de Kering (famille Pinault) à l'utilisation opaque des frais de mandats des parlementaires en passant par la clémence répétée de la Cour de justice de la République envers les (ex-)ministres et l'affaire PPDA, nos enquêtes montrent le deux poids, deux mesures d´une justice en mal de moyens.

Mon avis

Huit enquêtes de Médiapart présentées en bande dessinée. Pour chacune, des dessinateurs, graphistes, scénaristes différents donc pas le même style de planches, de couleurs, voire même d’approche de la problématique. Les bulles sont assez importantes car il est nécessaire de donner suffisamment d’informations pour que le lecteur ait tous les éléments de compréhension en mains.

Comme dans la « Revue dessinée », l’actualité est offerte sous une forme plus abordable. Le dessin soutient le texte, et lui apporte un peu plus de « souffle » (je ne trouve pas de mot plus approprié). On découvre des scandales (l’affaire PPDA), le fonctionnement de la justice, souvent à deux vitesses (selon que vous soyez puissant ou misérable comme disait Jean de la Fontaine), l’utilisation de frais de mandat des parlementaires, les entrées « triées » dans un restaurant parisien en fonction de votre nom, etc etc….

Ce tome a pour thème principal la justice. J’aime beaucoup cette façon de partager l’actualité. Il me semble que, pour des adolescents par exemple, cela permet d’aborder des sujets importants sans que ce soit rébarbatif.

C’est très bien documenté, complet, intéressant et …édifiant….


"Sur tes pas" de Claire Allan (The Nurse)

 

Sur tes pas (The Nurse)
Auteur : Claire Allan
Traduit de l’anglais par Nicolas Porret-Blanc
Éditions : L’Archipel (6 Juillet 2023)
ISBN : 978-2809846423
410 pages

Quatrième de couverture

Comme tous les soirs, Nell Sweeney, 22 ans, quitte l’hôpital où elle est infirmière pour rentrer chez elle. Mais ce soir-là, un homme l’épie. Il la suit. Et il a décidé d’agir. Nell pourrait être la première d’une longue série de victimes….

Mon avis

Claire Allan a été journaliste avant de se consacrer à l’écriture. Dans son dernier roman, elle parle des violences faites aux femmes, des prédateurs qui se trouvent des excuses en justifiant leurs actes. Elle évoque également le Dark net et ses dérives ainsi que les « incels ». Les incels sont, le plus souvent, des hommes célibataires involontaires, donc pas très heureux d’être dans cette situation. Ils ont une rage intérieure qui couve …

Nell est une jeune infirmière installée en collocation. Après une courte période de repos, elle ne rentre pas au logement et ne reprend pas le travail. Récemment, elle avait fait de nouvelles connaissances. S’est-elle embarquée dans quelque chose qu’elle ne maîtrise plus ?

Sa mère, Marian, et son père, Stephen, ne croient pas à une disparition volontaire. Ils ont peur et préviennent la police. Rapidement, une découverte est faite, Nell a été suivie par un homme qui « joue » à faire peur aux femmes. Serait-il aller plus loin qu’une simple frayeur ?

Les chapitres passent alternativement d’un personnage à l’autre, essentiellement Nell, sa mère et « lui ». Les deux femmes s’expriment à la première personne et le lecteur peut facilement s’identifier, souffrir avec elles, ressentir leurs angoisses.  Que l’on soit mère ou fille, on ressent dans les fibres de notre corps, chaque souffrance présentée. Les parents de Nell ont des difficultés à communiquer, face à la situation exceptionnelle, qui sert de révélateur…. C’est très réaliste parce que lorsqu’on n’est plus dans le quotidien habituel, les repères volent en éclats et les caractères ressortent. Leur couple va-t-il résister à ce traumatisme ?

Claire Allan s’est énormément documentée avant d’écrire son récit. Elle explique, sur plusieurs pages, sa démarche, en fin d’ouvrage. Ce qu’elle partage est affolant, nous rappelant les dangers des réseaux sociaux, des « montées d’enchères » sur le net où chacun peut se cacher derrière un pseudo et se sentir intouchable.

Elle souligne la « misogynie » dangereuse de certains individus qui se montrent méprisants, irrespectueux allant jusqu’à harceler et menacer les femmes qu’ils déstabilisent et terrorisent. Elle parle de ceux qui les admirent, qui veulent les imiter…

L’intrigue est très recherchée et si le lecteur ne lit pas la fin avant le début, il ira de surprise en surprise. Le suspense est omniprésent, la tension augmente et le stress monte. L’écriture (merci au traducteur) est accrocheuse, plaisante, précise. Le vocabulaire est adapté aux protagonistes. On tourne les pages sans s’en rendre compte et on serait à deux doigts de regarder par-dessus son épaule.

Ce qui est frappant dans ce recueil, c’est que de telles dérives pourraient très bien exister. Cela renvoie à une question importante. Comment faire pour que les femmes se sentent en sécurité, n’aient pas peur lorsqu’elles rentrent tard ?

Claire Allan a parfaitement construit son texte. On pourrait imaginer que c’est « simple », des gentils, un méchant, une victime. Mais pas du tout, il y a des personnalités ambivalentes, troublées et troublantes. J’ai trouvé ça fort et astucieux.

Bien qu’elle soit noire et glaçante, j’ai beaucoup apprécié cette lecture. Si, par ses propos, l’auteur peut alerter et entraîner plus de vigilance, c’est déjà ça. Écrire sur cette thématique est courageux, c’est une façon de dénoncer ce qui ne va pas.


"Robe de marié" de Pierre Lemaitre

 

Robe de marié
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditions : Calmann-Lévy (7 janvier 2009)
ISBN : 978-2702139752
280 pages

Quatrième de couverture

Son mari n’est plus que l’ombre de lui-même. Les vertèbres ont dû être salement touchées. Il doit maintenant peser dans les quarante-cinq kilos. Il est tassé dans son fauteuil, sa tête est maintenue à peu près droite par une minerve. Son regard est vitreux, son teint jaune comme un coing. Et il est tout à fait conscient. Pour un intellectuel, ça doit être terrible. Quand on pense que ce type n’a pas trente ans, on est effaré… Quant à elle, elle pousse le fauteuil avec une abnégation admirable. Elle est calme, son regard est droit. Je trouve bien sa démarche un peu mécanique mais il faut comprendre : cette fille a de gros soucis…

Mon avis

J'ai lu ce livre d'une traite dans la matinée, je viens de le terminer.

Difficile à définir...Bien pensé, bien ficelé, même si parfois on voit un peu venir les choses (surtout quand, comme moi, on lit la fin en premier...), une impression de malaise de temps à autre en se disant que, peut-être, un cas similaire, pourrait exister réellement....

Une écriture incisive et une ambiance qui monte petit à petit…

Un bon livre.