"La mort est parfois préférable" de Sacha Erbel

 

La mort est parfois préférable
Auteur : Sacha Erbel
Éditions : Taurnada (8 Septembre 2022)
ISBN : 978-2372581066
248 pages

Quatrième de couverture

Yan est flic à la police judiciaire de Lille. Depuis quelque temps, un « passager clandestin » s'est invité dans sa vie : « l'Araignée », c'est le surnom qu'elle lui a donné. Alors que Yan traque l'auteur du meurtre d'un journaliste connu pour ses reportages à sensation, elle n'a pas d'autre choix que de composer avec son « invisible ennemie » … En parallèle, Brath, son collègue, enquête sur la mort étrange d'un homme retrouvé décapité, assis au volant de sa voiture, la tête reposant sur la banquette arrière.

Mon avis

Sacha Erbel est diplômée en Criminologie appliquée à l’expertise mentale, et fonctionnaire de police depuis plus de vingt ans. Cela explique, sans aucun doute, que son récit est très réaliste, notamment dans l’approche psychologique et les ressentis des personnages.

Le roman commence avec des scènes particulièrement difficiles. Un journaliste tué après avoir été sauvagement attaqué chez lui et des suicides à la mise en scène sordide. Yan et son équipe doivent enquêter. Mais Yan n’est pas en forme, elle souffre physiquement, abuse des anti douleurs pour tenir le coup et n’est pas toujours à prendre avec des pincettes. La description de sa souffrance, des crises qu’elle subit, est très fine, bien présentée et on comprend que cela joue sur son moral, ses compétences au travail. Pourtant, être sur le terrain est un moyen pour elle de ne pas s’écouter, de tenir le coup, de se changer les idées. Elle galère mais continue de se rendre sur les lieux, d’observer, de « sentir » ce qui a pu se passer. Elle est intuitive et douée pour ce qu’elle examine.

Les différents protagonistes ont des personnalités étoffées et on peut suivre les liens qu’ils ont tissé, comment ils évoluent. Ce qui est dit sur le journalisme et éventuellement ses dérives pose question. Quelles sont les limites pour avoir un bon article, être le plus performant dans le domaine de l’information ? L’intrigue principale, qui met en exergue des faits très graves, est intéressante. La vengeance n’est jamais une bonne solution mais on peut comprendre que certaines personnes aient besoin d’agir pour évacuer ce qu’ils ont vécu de dramatique.

Yan et ses collègues mènent des investigations qui leur font découvrir la face cachée de certaines personnes. Manipulation, soif de pouvoir, quelques-uns n’ont pas de scrupules et sont sans foi ni loi. C’est vite fait de déraper, de se laisser entraîner, de ne plus rien maîtriser … même Yan est concernée avec son traitement médical….

J’ai trouvé ce récit bien construit, prenant. Les thèmes abordés sont graves et bouleversants. L’auteur en parle de façon intelligente, sans trop en faire mais en nous mettant face à certaines réalités pas forcément belles à voir. Il y a plusieurs angles de vue, de nombreuses façons d’aborder les situations.

L’écriture est percutante, fluide, il n’y a pas de temps mort. Tout s’enchaîne, avec de nouvelles pistes ou des rebondissements, on essaie de cerner les événements, de comprendre. L’auteur analyse avec finesse le caractère des individus donnant ainsi les raisons de leurs agissements.  

Cette lecture, parfois difficile, est parfaitement réussie.


"Mauvais daron" de Philippe Hauret

 

Mauvais daron
Auteur : Philippe Hauret
Éditions : Jigal (15 Septembre 2022)
ISBN : 978-2377221738
226 pages

Quatrième de couverture

Daniel et René, deux retraités au caractère bien trempé, qui, depuis la mort de leur femme, vivent ensemble dans une petite maison au bord de l’Yvette, ne rêvent que d’une chose : s’offrir un camping-car et tailler la route ensemble. Pour financer leur projet ils décident de se lancer, à bord de leur antique Peugeot 404, dans le cambriolage d’une riche propriété. Mais à leur âge, ça relève évidemment de la haute voltige… Léni, lui, vivote avec son pote Eusèbe, cumulant embrouilles et petits boulots. Mais quand Daniel leur propose de l’aider à refourguer les bijoux volés, le temps va se gâter pour tout le monde.

Mon avis

Mauvais daron ? Vous ouvrez, vous commencez, vous n’arrêtez plus, vous lisez, vous souriez et vous en redemandez ! C’est quand le prochain ?

Ce qui est tout à fait jubilatoire dans ce livre, c’est que la morale est écorchée, les hommes qu’on croise ne sont pas des saints, et pourtant, on s’attache à eux et on n’a pas envie qu’il leur arrive quelque chose. Bizarre, non ? L’auteur réussit à nous faire aimer des malfrats ! Bon, d’accord, ce sont des gangsters à la petite semaine, pas trop d’expérience, pas vraiment dangereux mais quand même…ils volent, ils trafiquent, et ce n’est pas normal. Et le juge, parlons du juge, il a une idée bien à lui des peines à donner, comme si, à chaque affaire, il était la victime … mais peut-être que tout ça peut s’expliquer …

D’abord, il y a les deux retraités, Daniel et René. Veufs, ils vivent ensemble et rêvent de partir en camping-car. Mais tout le monde le sait, les retraites ça n’augmente pas et la vie est chère et un van ce n’est pas donné. Alors, ils se décident pour un cambriolage suivi d’autres si ça fonctionne. À leur âge, ils ont les articulations un peu raides et ne sont pas très chevronnés dans ce domaine. Forcément, ils risquent de rencontrer quelques soucis pour écouler la marchandise. C’est là qu’ils demandent de l’aide à deux petits jeunes qu’ils connaissent. Ils sont un peu zonards, pas très courageux, pour ne pas dire carrément paresseux. Mais bon, un prêté pour un rendu et hop, c’est emballé enfin pas vraiment….

On pourrait imaginer une histoire ordinaire de traques, de courses poursuites, bref un grand jeu de gendarmes et de voleurs. Mais il n’en est rien et vraiment, ce récit vaut le détour !

L’écriture de Philippe Hauret est emplie d’humour, de dérision, de ces petites réflexions qui vous mettent de bonne humeur même face à un sujet grave.

« Entre nous, ces histoires de paradis, je n’y crois pas trop. Et puis, imagine que la mort soit aussi décevante que la vie ? Sauf que là t’en prends pour l’éternité ! »

Il a l’art de choisir les bons mots pour vous camper une situation, par exemple quand certains sont mal à l’aise au bord d’un toit …. Vous avez l’impression de les voir, tremblotant, hésitant à sauter.

Le phrasé, le style apportent du bonheur mais l’auteur aborde malgré tout des sujets graves : la précarité pour certains malgré leurs efforts pour s’en sortir, le mépris de ceux qui s’imaginent être les plus forts, le poids du passé douloureux, marquant à vie les êtres humains, l’amitié, l’amour, les liens familiaux. Il a l’intelligence d’intégrer ces thématiques, l’air de rien, à son récit. Comme des piqures de rappel pour qu’on n’oublie pas le bonheur d’avoir un toit, de quoi manger, du chauffage et d’être aimé.

Les personnages sont hauts en couleurs. La plupart, malgré leurs défauts et leurs méfaits, ont une part d’humanité, ne sont pas complétement « pourris » et ça m’a bien plu. Finalement, ils portent en eux une forme de fragilité qui les rend humains. On oscille entre le bien et le mal, la limite n’est pas très nette. Après tout, quand on galère, on a le droit de tout essayer pour s’en sortir, non ?

Je me suis régalée avec ce roman !

"Flic" de Valentin Gendrot

 

Flic
Un journaliste a infiltré la police
Auteur : Valentin Gendrot
Éditions : Goutte d'or (3 Septembre 2020)
ISBN : 979-1096906208
303 pages

Quatrième de couverture

Que se passe-t-il derrière les murs d'un commissariat ? Pour répondre à cette question, le journaliste Valentin Gendrot a mis sa vie entre parenthèses. Il a suivi la formation de l'école de police de Saint-Malo et a fini par atteindre son objectif : devenir policier dans un quartier populaire parisien. Durant six mois, Valentin a intégré le commissariat du 19e arrondissement de Paris.

Mon avis

Après avoir infiltré des entreprises pour dénoncer la précarité de l’emploi, Valentin Gendrot s’est « attaqué » à la police. Il a suivi une formation, pas évidente pour lui (il a failli être découvert) et puis a intégré une équipe avant d’atterrir dans un quartier populaire à Paris. Dans ce livre témoignage, il raconte une partie de son quotidien. On découvre des extraits d’échanges, des scènes vécues, des remarques entendues… Deux années résumées en trois cents pages….

Bien sûr tout n’est pas toujours comme ça, tous les policiers ne sont pas racistes, prompts au délit de faciès, méprisants, passant du vous au tu pour mieux asseoir leur puissance. Certains respectent le code de déontologie (créé en 1986, modifié en 2014). Oui comme dans tous les métiers, il y a des personnes faites pour cette fonction, d’autres non. Mais dès que ça touche à l’humain, c’est essentiel d’être juste, droit et respectueux. Et là où c’est grave, c’est que lorsque des policiers manquent à leurs devoirs, il arrive que les faits soient cachés, voire transformés. Valentin explique que des collègues ont cherché à humilier sans raison, histoire de se « montrer » et quand ça dérape, ils se serrent les coudes….

« Les flics sont des délinquants qui ont bien tourné…. »

Je comprends les conditions difficiles de leur travail, de leur mission, je conçois que parfois les nerfs prennent le dessus et qu’une erreur puisse être commise. Je n’accepte pas qu’on abaisse les autres, qu’on se moque, qu’on profite de la situation. L’injustice me révolte encore plus quand elle est due à des erreurs d’hommes censés protéger les autres.

Dans ce livre, l’auteur explique pourquoi il a voulu aller voir à l’intérieur, ce qu’il a observé, ce qui l’a révolté. Il a changé les noms, les lieux, pour qu’on ne reconnaisse rien. Son récit est édifiant sur certains faits qui, je le sais, ne sont pas une généralité. Il n’en reste pas moins qu’ils ne devraient pas exister. Il a été courageux de montrer cet aspect de la police, ça lui posé problème puisqu’on lui a reproché de ne pas avoir dénoncé les « bavures » auxquelles il a assisté….

Lorsque ce livre est sorti, il a été très controversé, mais je suis très contente de l’avoir lu.


"L'homme qui danse" de Victor Jestin

 

L’homme qui danse
Auteur : Victor Jestin
Éditions : Flammarion (24 Août 2022)
ISBN : 9782080239204
194 pages

Quatrième de couverture

La Plage est le nom de la boîte de nuit d'une petite ville en bord de Loire. C'est là qu'Arthur, dès l'adolescence et pendant plus de vingt ans, se rend avec frénésie. Dans ce lieu hors du temps, loin des relations sociales ordinaires, il parvient curieusement à se sentir proche des autres, quand partout ailleurs sa vie n'est que malaise et balbutiements.

Mon avis

On n’est jamais seul, quand on danse avec quelqu’un.

De 1990, lorsqu’il était enfant à 2019, proche de la quarantaine, Arthur a toujours eu un lien particulier avec La Plage, une boîte de nuit. Mal à l’aise au début, suivant ses camarades et allant là-bas pour ne pas se marginaliser, il a fini par en devenir un pilier. L’homme qui danse… et qui danse bien, se mouvant en rythme quelle que soit la musique, la cadence. Il a apprivoisé ce lieu, s’est laissé approcher et c’est le seul endroit où il est bien. Mais peut-on être heureux en ne vivant que la nuit, pour danser ? Tout cela reste dans le superficiel. Il n’arrive pas à se construire, à mener une relation sur du long terme et chaque fois, la solitude le rattrape, plus violente, plus forte.

Par flashs successifs, on suit Arthur au fil des ans. Son désir d’être quelqu’un, de créer du lien et ses difficultés permanentes d’exister en dehors de La Plage. Comme si le fait de danser éclipsait tout le reste, l’empêchait de vivre en dehors de la piste où il s’exprime, devenant un autre, épanoui, heureux, moteur…

« Ma vie ne tenait qu’à la boîte. Le reste était brumeux, hostile. J’avais peur de tout, de la rue, du travail, de la paperasse, des questions, des visages inconnus en plein jour. J’étais bloqué. »

C’est avec une écriture précise, quasi chirurgicale que l’auteur analyse les ressentis d’Arthur. Le récit est écrit à la première personne et on pénètre encore plus intimement dans ses pensées. Le jeune homme est obligé de s’affranchir de sa famille, des convenances, du regard des autres, du qu’en dira-t-on… Sa passion, son quotidien remplis de la danse en boîte de nuit sont peu ordinaires, il dérange, il est bizarre, presque suspect….

Ce roman présente un homme atypique, qui essaie tant bien que mal, de se réaliser, d’exister par lui-même en assumant ses choix de vie. Mais sont-ils bons ? Où se situe la norme ? Arthur n’est pas toujours heureux mais essaie-t-il de changer quelque chose à son fonctionnement ? C’est ardu car l’inconnu lui fait peur, seule la piste de danse le rassure… Même à La Plage, il évite les coins qu’il connaît moins bien….

J’ai apprécié cette lecture, la rencontre avec cet homme qui danse, de cet univers peu habituel du monde de la nuit où les codes semblent changés. J’ai également aimé le style de Victor Jestin, un peu aérien et accompagné de quelques titres qu’il nomme au fil des pages.

Une belle découverte !


"Americanah" de Chimamanda Ngozi Adichie (Americanah)

 

Americanah (Americanah)
Auteur : Chimamanda Ngozi Adichie
Traduit de l’anglais (Nigéria) par Anne Damour
Éditions : Gallimard (1 Janvier 2015)
ISBN : 978-2070142354
528 pages

Quatrième de couverture

"En descendant de l'avion à Lagos, j'ai eu l'impression d'avoir cessé d'être noire." Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l'Amérique qui compte bien la rejoindre. Mais comment rester soi lorsqu'on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés ? Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux États-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria.

Mon avis

Chimamanda Ngozi Adichie est une écrivaine nigérienne qui a vécu aux Etats-Unis. Dans ce roman, elle explique la difficulté pour Ifemelu (venue du Nigéria) de se faire une place à Philadelphie où elle veut étudier. Elle laisse Obinze, son amoureux derrière elle. On découvre ses choix : prendre l’accent américain ou pas, se faire lisser les cheveux pour obtenir un travail, fréquenter des blancs etc… Elle finira par ouvrir un blog pour parler de tout ça. Le lecteur va la suivre ainsi qu’Obinze parti ailleurs. Au gré des rencontres, des soutiens ou pas, ils grandissent, s’inquiètent, ont peur, prennent confiance et essaient au maximum de rester fidèles à ce qu’ils sont au plus profond d’eux-mêmes.

Parfois, il faut se faire oublier, se fondre dans la masse, accepter des compromis qui dérangent, qui rebutent mais c’est le prix à payer pour avancer. Le racisme n’a pas disparu et c’est toujours aussi violent d’y être confronté.

Ifemelu s’applique et lorsqu’elle entend : « Vous parlez comme une américaine », elle finit par s’interroger. « En quoi était-ce un haut fait, une réussite, de parler comme une Américaine ? »
Elle n’est plus elle-même, elle s’est coulée dans un moule… Pourquoi ? Pour plaire, pour se sentir acceptée ?

La jeune femme est tiraillée, comme si sa place n’était pas plus ici que là-bas. Il y a de nombreuses allusions aux cheveux, aux coiffures, comme un fil conducteur. La chevelure c’est une partie du corps. Juge-t-on les gens sur leur physique ? Non, en principe. Alors pourquoi une personne africaine aux cheveux lissés a-t-elle plus de chance d’obtenir un boulot ?

Ce roman est constitué de sept parties. La première m’a semblé un peu longue, j’avais du mal à rentrer dans l’histoire et après, j’ai été captivée. L’écriture est précise, avec parfois des pointes d’humour. Les différents thèmes abordés le sont de façon intéressante et il y a de quoi discuter après cette lecture !

"Les Sept Soeurs - Tome 1: Maia" de Lucinda Riley (The Seven Sisters)

 

Les Sept Sœurs - Tome 1 : Maia (The Seven Sisters)
Auteur : Lucinda Riley
Traduit de l’anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau
Éditions : Charleston (16 Juillet 2019)
ISBN : 978-2368124758
527 pages

Quatrième de couverture

À la mort de leur père, énigmatique milliardaire qui les a adoptées aux quatre coins du monde lorsqu'elles étaient bébés, Maia d'Aplièse et ses soeurs se retrouve dans la maison de leur enfance, Atlantis, un magnifique château sur les bords du lac de Genève. Pour héritage, elles reçoivent chacune un mystérieux indice qui leur permettra peut-être de percer le secret de leur origine.

Mon avis

Sept sœurs, toutes adoptées par un homme riche. Elles ont grandi dans une immense et belle propriété sur les bords du lac de Genève où une femme dévouée et à l’écoute a toujours été présente pour elles et leur père. Maintenant elles sont adultes, chacune a sa vie. Seule Maia habite encore la maison familiale mais dans un pavillon à part. Au retour d’un voyage, elle apprend que son père est décédé, que les funérailles ont eu lieu et qu’elle est convoquée chez un notaire avec ses frangines.

Chacune va découvrir une lettre et un indice laissés par leur cher Papa. Un moyen, si elles le souhaitent de retrouver leurs origines dont elles ne savent rien. La première Maia décide de se lancer dans un périple au Brésil pour connaître son histoire et ce sont ses recherches que nous découvrons dans ce premier livre.

C’est un récit prenant, parfois un peu « convenu » parce qu’il se laisse deviner mais ce n’est pas bien grave tant le lecteur est captivé. Je n’ai pas vu le temps passer en passant du passé au présent, en voyageant aux côtés des personnages. J’ai trouvé intéressant que l’auteur se soit renseigné sur un fond historique et que ce qu’elle écrit soit en partie vrai (pour la création Christ du Corcovado). Les lieux sont décrits comme ils étaient à l’époque ainsi que les difficultés pour la construction de cette gigantesque œuvre. Si certains protagonistes peuvent sembler caricaturaux, ils n’en restent pas moins attachants et tout cela se lit avec un réel plaisir. Il y a des rebondissements, des révélations et l’écriture est plaisante (merci à la traductrice).

J’ai ma petite idée pour le père (ne serait-ce pas le gosse des rues à Paris à qui Bella laisse son adresse au Brésil et à qui Laurent explique les étoiles (dont la Pléiade des 7 sœurs ?))


"Margo - Tome 2 : Nordland" de Thomas Martinetti

Margo - Tome 2 : Nordland
Auteur : Thomas Martinetti
Éditions : Independently published (29 juillet 2022)
ISBN : 979-8844192067
431 pages

Quatrième de couverture

En Norvège, Margo a retrouvé la trace de celle qui a volé son identité. Face à des enjeux qui la dépassent, elle entraîne son allié norvégien, le mystérieux Terje Ellingsen, dans une véritable course contre la montre jusqu'aux portes du Grand Nord.

Mon avis

Margo, tome 2. Émeline, cachée sous le prénom de Margo, cherche à coincer la personne qui lui a volé son identité. Elle n’a pas pu se marier, a dû se cacher sous un faux nom pour essayer de retrouver l’usurpatrice et elle a fui. Elle est restée la même en devenant, sans maîtriser ce choix, une autre. Plus fine, plus sportive, plus déterminée, plus mature, plus volontaire …. Elle a rencontré Robin, un homme qui lui plaît mais elle n’a pas pu tout lui dire alors elle l’a laissé et elle est partie en Norvège en espérant que ce voyage lui permette de récupérer sa vie, ses papiers….et d’être enfin en paix….

Pas facile de continuer le récit sans avoir des situations répétitives de poursuite, de recherches et de ne pas lasser le lecteur. Pourtant Thomas Martinetti a réussi à me captiver. Son histoire se tient, elle a suffisamment de rebondissements pour maintenir notre intérêt. Il y a du rythme dans son écriture, c’est très visuel, probablement parce qu’il a l’habitude travailler pour le cinéma et que les images doivent se former sous sa rétine. Les personnages sont nombreux mais les repères spatio-temporels sont suffisants pour qu’on ne soit pas perdu. L’auteur réussit à se renouveler tout en restant très cohérent par rapport au tome un et c’est une bonne chose car je craignais qu’il s’éparpille.

J’ai senti la tension monter au fil des pages, preuve que j’étais au cœur du roman. Sans doute parce que lorsque Margo s’exprime, elle emploie le « je » et on se sent proche d’elle. Et s’il nous arrivait la même chose, brrr… Comme elle, je ne sais pas trop à qui faire confiance. La plupart des protagonistes ont une part d’ombre, des secrets plus ou moins bien gardés, un passé qui nous est transmis par retours en arrière, épisodiquement.

On suit principalement Margo mais pas seulement, et on comprend mieux certains en apprenant des ce qu’ils ont vécu. Leur évolution ne laisse pas indifférent car elle explique pas mal de choses. De plus, l’auteur aborde des thématiques intéressantes à travers les ressentis et les actes de chacun (religion, amour, amitié, importance er influence du numérique, vol d’identité et dérives etc …)

Le style vif de Thomas Martinetti fait merveille avec ce type de texte. Pas de temps mort et on lit jusqu’à avoir la fin sous les yeux mais comme c’est une fin ouverte, on attende avec impatience la suite !

 

"Le cercle de pierres" de M. W. Craven (The Puppet Show)

 

Le cercle de pierres (The Puppet Show)
Une enquête de Washington Poe
Auteur : M. W. Craven
Traduit de l’anglais par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (22 Septembre 2022)
ISBN : 978-2809844603
400 pages

Quatrième de couverture

Dans la région sauvage du Lake District, au centre de cercles de pierres, un tueur brûle vif des hommes fortunés âgés de soixante à soixante-dix ans. Aucun lien apparent entre les victimes, aucun indice, jusqu'au jour où l'on découvre gravé sur le torse de l'une d'elles un nom : Washington Poe. Celui de l'inspecteur-chef mis à pied pour une erreur ayant entraîné la mort d'un suspect !

Mon avis

Publié en 2018 dans sa langue originale, ce livre a reçu en 2019 le prix prestigieux du meilleur roman policier, à savoir le Gold Dagger Award. Il est le premier d’une série de cinq titres mettant en scène l’inspecteur Washington Poe. Les éditions Archipel viennent de publier « Le cercle de pierres » et inutile de prendre les paris, la suite viendra, il le faut et j’ai déjà hâte !

Après avoir quitté l’armée, l’auteur a travaillé au service de probation de Crumbia en Angleterre. C’est dans cette région du Lake District qu’il situe son intrigue. Washington Poe a été suspendu de ses fonctions après avoir transmis, par erreur, des informations confidentielles sur le tueur au père d’une jeune fille assassinée. Il s’est isolé en pleine campagne avec son chien dans une bergerie.  Ses supérieurs disent qu’il est parfois ingérable, un tantinet coléreux et entend mener les enquêtes à sa guise. Alors cette pause fait du bien à tout le monde.

Mais voilà qu’on trouve des hommes brûlés dans des cromlech (des cercles de pierres) et que l’un d’eux a le nom de Washington gravé sur le torse. Bizarre, quel est le lien entre les victimes et lui ? Reconnaissant ses qualités, malgré son sale caractère, il est rappelé dans l’équipe d’enquêteurs. Il va se retrouver à collaborer avec une jeune femme autiste asperger, geek et surdouée dans tout ce qui concerne la programmation. Du fait de son handicap, elle n’a pas les bons codes pour communiquer, gère mal ses émotions, parle sans filtre et a des manies. Elle est souvent moquée, voire harcelée. Tout cela n'entache pas ses compétences et Poe va vite découvrir qu’elle peut être très utile. Il est également en lien avec Flynn, une collègue et Reid, un ami d’enfance devenu policier.

Comment le meurtrier choisit-il ceux qu’il élimine ? Pourquoi les fait-il souffrir atrocement ? Poe et ses coéquipiers essaient de comprendre ce qui les relie, pour éventuellement, anticiper et éviter d’autres méfaits. Il va falloir remonter à des actes enfouis, tus, pour cerner l’affaire et réaliser que des choses atroces ont été commises.

Ce récit est bien écrit, merci monsieur Sebastian Danchin pour le choix des mots, non seulement vous traduisez parfaitement, mais le vocabulaire employé est de qualité (je ne connaissais pas le terme apophénie). Il y a du rythme, des rebondissements, des révélations au bon moment pour maintenir notre intérêt, tout se tisse petit à petit à la manière d’un gigantesque puzzle. Les personnages sont intéressants, notamment Poe dont on s’aperçoit qu’il n’a pas tout réglé dans sa vie et qu’il a une part d’ombre. Sa façon de procéder dérange. Quand il a une idée en tête, il ne lâche pas et si ça ne va pas assez vite, il détourne les règles. Et moi son côté rebelle me plaît !

Cette histoire est habilement mise en place, captivante, avec de nombreuses approches sur la personnalité des différents protagonistes. Les investigations menées par les policiers vont révéler des événements terribles mais certains risquent de dire « À quoi bon remuer le passé ? A-t-on vraiment des preuves ? » et se posera l’heure des choix…

Cette lecture m’a enthousiasmée, je ne pensais pas lire un texte aussi abouti, avec une réelle recherche pour construire un ensemble cohérent, travaillé et prenant. J’ai hâte de relire M. W. Craven !


"Comment j'ai perdu ma femme à cause du taï chi" de Hugues Serraf

 

Comment j’ai perdu ma femme à cause du tai chi
Auteur : Hugues Serraf
Éditions de l’Aube (20 Août 2015)
ISBN : 978-2815912556
160 pages

Quatrième de couverture


« C'est vraiment dégueulasse, une cellule de prison. Exactement comme on l'imagine : les murs sont crades et gris ; la minuscule fenêtre à barreaux est crade et grise... Même mon futur colocataire, avachi sur son matelas, est crade et gris. Tiens, je me demande si je ne vais pas, moi aussi, devenir crade et gris si je reste ici trop longtemps. » Parce que sa femme a disparu, qu'on a retrouvé une flaque de sang et un sabre couvert de ses empreintes, notre héros est en prison. Se liant à Coloc, son codétenu belge, il va nous raconter son histoire, celle d'un couple amoureux qui se marie, fait des enfants et passe ses étés en club de vacances ; puis celle d'une femme dont la passion pour le tai chi va prendre toute la place - jusqu'à la séparation, inévitable.

Mon avis

Vous avez besoin de vous détendre et de lire un texte un peu décalé, déjanté au milieu de lectures plus consistantes ? Ce livre est fait pour vous ;-)

L’écriture est drôle, totalement actuelle et les situations cocasses même lorsqu’elles sont à la limite dramatiques. Il y a toujours une pointe de dérision.

Notre héros se retrouve en prison, avec un co détenu qu’il appelle Coloc. C’est ce dernier qui va lui faire découvrir les « codes » des résidences pénitentiaires. À travers leurs conversations, on découvre l’univers carcéral et comment le couple de notre personnage principal est parti à vau l’eau à cause du tai chi (et pas à cause du prof de tai chi…) L’ensemble est assez jubilatoire mais ça reste superficiel. Disons que pour un apéritif c’est l’idéal mais pas pour un plat principal.

Il n’en reste pas moins que l’humour est présent et qu’on rit tout seul et ça fait du bien ! C’est un livre sans prétention si ce n’est de nous apporter un peu de fraîcheur et de drôlerie dans un monde qui en a bien besoin ! Et le pari est réussi.


"Le problème avec l'amour" d'Isabelle Miller

 

Le problème avec l’amour
Auteur : Isabelle Miller
Éditions : Jean-Claude Lattès (1 er Février 2017)
ISBN :  9782709656733
250 pages
Quatrième de couverture

Bien que très éprise, Marion réagit maladroitement à la déclaration de l'homme qu'elle aime. Pour le retenir, elle lui raconte dans une longue lettre ses amours passés, pourquoi l’amour fait mal, de quels attachements et de quelles histoires nous sommes faits.

Mon avis

C’était affolant et rassurant comme l’amour.

L’amour rime-t-il avec toujours ou « Les histoires d’amour finissent mal en général » ? Comment garder les émotions intactes, ne pas perdre les papillons dans le ventre qui font frissonner, se sentir léger  et qui font qu’on est prêt à tout pour un peu de temps avec l’être aimé?

Marion n’a pas la recette, malheureusement. Elle aime, et puis un jour, ça s’arrête, jusqu’au prochain…. Aujourd’hui, l’homme avec qui elle est bien, lui fait une déclaration, et là…..un blanc………….elle ne sait pas, elle ne sait plus. Est-ce qu’elle a peur d’elle-même, de l’amour, de l’attachement, de ne pas tout maîtriser, de perdre une certaine forme de liberté ou se pose-t-elle des questions parce qu’elle est une femme ?

C’est probablement un mélange de tout cela et pour essayer de s’expliquer (se justifier ?), se déchiffrer elle-même, elle va écrire une longue lettre à celui qu’elle a, en quelque sorte, repoussé.
Qu’adviendra-t-il de ces lignes ? Les lira –t-il, les comprendra-t-il ? Seront-elles plus utiles à lui ou à elle pour mieux se connaître ou pour mieux appréhender le chemin qui rapproche ou sépare ceux qui se chérissent ?

Alors, elle note, fébrilement, tout ce qui lui vient à l’esprit pour tenter de recoller les morceaux de sa vie, comprendre de quel bois elle est faite, pourquoi elle réagit de telle ou telle façon.  Elle retranscrit comme cela lui vient à l’esprit, c’est-à-dire que ce n’est pas forcément linéaire, une pensée, une idée en entraînant une autre…Bien sûr, ce style peut donner au lecteur une impression de confusion, de mélanges, de confusion, de redondances peut-être… Il n’en est rien. A travers les pages, une existence se dévoile, la petite fille devenue femme  croise des hommes, vit à Paris… De ce fait, elle nous présente des portraits, celui de la capitale dont le cœur bat au rythme de ceux qui y vivent puis celui des hommes qu’elle a croisés. Eux, ils lui ont permis de grandir, de se construire, d’exister.

C’est un roman qui vous murmure à l’oreille tout ces interrogations qui habitent les femmes lorsqu’elles aiment… Il ne se dévore pas, il se laisse lire comme une longue confidence que ferait une amie…. Ça et là, on a envie de glisser un conseil, une idée, mais les amies de Marion le font et on se prend à hocher la tête et à se dire que c’est bien.

J’ai lu cet opus à petites doses (peut-être pour éviter une forme de lassitude), comme une conversation qui se ferait en plusieurs fois, permettant d’avancer, petit à petit, vers une complicité, une intimité partagée. Ainsi, j’ai pu apprécier, au-delà des tourments amoureux, tout ce que l’auteur nous a offert sur Paris et les gens qu’on y croise….

"Terres profondes" de Patrick S. Vast

 

Terres profondes
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Le Chat Moiré (17 Septembre 2022)
ISBN : 978-2956188360
288 pages

Quatrième de couverture

1978 : des coups de feu éclatent dans la campagne ardéchoise lors d’une nuit de pleine lune.
2018 : Jack Sellier, auteur de thrillers mais aussi capitaine de police en disponibilité, emménage en Ardèche dans une maison qui est restée inhabitée durant quarante ans. Le fait qu’il commence à s’intéresser aux derniers occupants va faire ressurgir de vieilles histoires enfouies dans le passé et briser des secrets trop bien gardés.

Mon avis

2018, Jack Sellier, capitaine de police actuellement en disponibilité, décide de s’installer dans une petite bourgade ardéchoise. Il viendra seul pour tout mettre en place puis son épouse et leur fille le rejoindront. Depuis quelque temps, il écrit des polars qui rencontrent un certain succès et entend s’établir au calme pour en rédiger un nouveau. Ils prendront d’abord une location. On ne sait jamais … des fois qu’ils ne s’habituent pas à ce nouveau mode de vie bien différent de leur quotidien lyonnais.

L’écrivain a trouvé une maison tranquille, bien rénovée, et inhabitée depuis quarante ans ! Impeccable ! Les déménageurs sont efficaces et le voilà dans ses murs. Tonkin, un des villageois, lance des remarques, lui poses des questions, et Jack s’interroge. Peut-être que les habitants du coin ne sont pas contents de sa venue ? Il comprend très vite que les derniers à avoir logé dans la bâtisse qu’il a élue, étaient des hippies. Apparemment ces derniers ont disparu du jour au lendemain sans explications. Son instinct de flic lui souffle qu’il y a quelque chose de pas clair là-dedans mais quand il essaie de creuser, de se renseigner, les réponses restent évasives… C’était en 1978 et beaucoup de personnes ne sont plus là ou ont oublié…

Oublié ? Vraiment ? Quand des faits sortent de l’ordinaire, le plus souvent, ils sont marquants et restent ancrés dans la mémoire, non ? Et puis le capitaine de police est comme chacun de nous, moins on lui en dit, plus on tente de l’embobiner, plus il veut savoir, comprendre …. En outre, c’est un homme plutôt coriace et il ne lâchera rien, même si sa tendre moitié lui déconseille de s’en mêler.

Alternant passé et présent, ce roman nous entraîne dans les secrets d’un petit bourg où tout se sait mais où chacun protège le silence choisi par tous. C’est très réaliste car lorsqu’on connaît l’atmosphère de certains coins d’Ardèche ou des environs, on retrouve une façon d’agir d’autrefois, comme par exemple : traiter les problèmes par soi-même … quitte à réfléchir aux conséquences après … lorsqu’il est trop tard ….

Dans ce récit, Partrick S. Vast souligne combien le dialogue, l’écoute, les échanges sont importants, combien il est essentiel de respecter les différences, de se parler et d’accueillir ceux qui arrivent quelle que soit l’époque. Parce qu’il est un peu là le problème de cette bourgade, les « intrus » ça dérange…

Jack n’aura de cesse de cerner les événements du passé, qu’il relate dans un nouvel opus en les transformant à peine ce qui est une astucieuse mise en abyme. J’ai aimé son caractère tenace, sa volonté de rendre une forme de justice. L’ambiance et les rapports avec les gens du coin sont très bien retranscrits. On sent la tension qui monte, les hommes qui se braquent, prêts à prendre leur fusil de chasse, pas du tout prêts à discuter, ni à tolérer qu’on leur fasse un semblant de leçon…. Dans cette belle et calme nature ardéchoise, de terribles choses se sont peut-être passées mais pour le savoir…. Chacun protège le voisin, baisse les yeux, passe vite et ne dit rien…

J’ai vraiment apprécié cette lecture. L’auteur a su se renouveler. Son écriture est plaisante, la construction des chapitres est équilibrée. Cela donne un ensemble cohérent et très agréable à lire.


"Ne t'arrête pas de courir" de Mathieu Palain

 

Ne t’arrête pas de courir
Auteur : Mathieu Palain
Éditions : L’iconoclaste (19 Août 2021)
ISBN : 978-2378802394
422 pages

Quatrième de couverture

De chaque côté du parloir de la prison, deux hommes se dévoilent. L'un, Mathieu Palain, est devenu journaliste et écrivain alors qu'il se rêvait footballeur. L'autre, Toumany Coulibaly, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, est un athlète hors normes et un braqueur de pharmacies. Champion le jour, voyou la nuit : il y a une " énigme Coulibaly " que Mathieu Palain tente d'éclaircir autant qu'il s'interroge sur lui-même. "

Mon avis

Prix Interallié et Prix des lectrices du magazine Elle (catégorie documents).

Mathieu Palain est journaliste, mais il aurait aimé être footballeur. Il lit un article évoquant Toumany Coulibaly, le sport et un coin de l’Essonne où ils ont grandi tous les deux. Alors, Mathieu se décide, il envoie une lettre en prison, parce que c’est là qu’est actuellement Coulibaly qui entre deux courses en véritable athlète, est un braqueur. Un homme a deux visages, qui aime courir, qui veut des médailles mais qui vole des commerçants, comme pris d’un mauvais démon.

Comme beaucoup de sportifs de haut niveau, le coureur n’a pas anticipé le manque d’argent quand ses résultats sont moins bons. Alors il devient voleur. J’ai trouvé qu’il replongeait bien souvent alors que dans ses paroles, il répétait son souhait de s’en sortir.

Un an après la lettre, c’est la rencontre entre les deux hommes et des heures d’échanges, de parloir, de conversations au téléphone qui donnent naissance à ce livre. Des liens se sont tissés, de l’écoute, du dialogue, une forme de compréhension.

Dans ce récit, on découvre l’évolution de leur relation, comment chacun s’est emparé de ces temps d’entretiens pour avancer, mieux se connaître afin d’avancer en confiance. L’auteur laisse de la place aux confidences du sportif rebelle, puis parfois il établit comme un parallèle avec sa vie. Le ton est juste, l’écriture très réaliste, pas de pathos inutile, pas de digressions, des faits bruts. On peut se demander pourquoi l’auteur, un homme bien sous tous rapports, a souhaité rencontrer un homme emprisonné. Au départ, il ne savait pas quelle forme allait prendre son livre, comment il allait résumer tout ce qu’ils s’étaient dit.

J’ai lu ce recueil comme un témoignage d’une amitié improbable entre deux hommes. C’est intéressant même si parfois, on ressent quelques longueurs ou redondances.


"Conquérant de l'impossible" de Moke Horn

 

Conquérant de l’impossible
Auteur : Mike Horn
Éditions : XO (21 février 2005)
ISBN : 978-2744187018
398 pages

Quatrième de couverture

Mike Horn est un aventurier de l'extrême. Il ne vit que pour relever de nouveaux défis, et repousser encore plus loin les limites de sa résistance. Pour obliger son corps à donner le meilleur de lui-même. Pour le contraindre à obéir à son esprit. Cette aventure, il l'a vécue aussi comme un véritable voyage vers l'humain. Parce que sur ces terres où la vie ne tient qu'à un fil, où la moindre erreur peut être fatale, la solidarité est exemplaire.

Mon avis

Qu'est ce qui peut pousser un homme à quitter sa famille, son confort pour partir pendant deux ans loin de tout en se lançant dans un défi de l'impossible ?

La réponse est dans ce livre : L'ivresse des sports extrêmes. La drogue, le défi d'aller plus loin encore une fois, de repousser ses propres limites, de réussir une espèce de conquête pour le plaisir.

Je pense que si on n'a pas été, à sa propre échelle (ah le plaisir de boucler mon premier semi marathon), confronté au besoin de se dépasser, de faire mieux, simplement pour le plaisir de la réussite, on ne put pas comprendre cet homme.

Mike Horn a choisi de faire le tour du cercle polaire à contre-vents et à contre-courants. Il sait qu'il prend des risques, il les mesure, il essaie de prévoir mais le risque zéro n'existe pas. Alors, un jour ou l'autre, il va se retrouver dans des situations périlleuses, plus qu'inconfortables, dangereuses pour son intégrité. Mais il puise au fond de lui les ressources et il survit. C'est lorsqu'on croit être au bout qu'on trouve encore et encore la force, l'énergie de lutter, d'avancer, de s'en sortir.....

Il y aura les tracasseries de certaines contrées (les russes ne lui ont pas facilité la tâche), les pépins physiques, les gros ennuis domestiques, et la nature indomptable qui ne se comporte pas toujours comme on s'y attend...  Mike continue et lorsqu'il arrive il ne pense pas « j'ai gagné » mais « je suis revenu ». Quelque part, cet homme reste humble, conscient que les gens peuvent, légitimement, se poser des questions sur la nécessité de ses expéditions qui restent pour lui essentielles. Je pense que, ces vingt-trois mois, intenses concentré de vie (dans le sens où il est passé par tous les états et toutes les émotions), sont, comme pour ses autres « excursions », le moteur de son existence. C'est ce qui le rend heureux et quoi de mieux qu'un homme heureux ?

Et je conclurai sur ces mots de Mike Horn : « Je suis de ceux qui croient encore que si la parole d'un homme ne vaut rien, lui non plus. Même s'il est immensément riche. »


"Voile rouge" de Patricia Cornwell (Red Mist)

 

Voile Rouge (Red Mist)
Auteur: Patricia Cornwell
Traduit de l’anglais par Andrea H. Japp
Éditions: Les Deux Terres (21 mars 2012)
ISBN: 978-2848931128
464 pages

Quatrième de couverture

Kay Scarpetta, bien déterminée à découvrir les raisons du meurtre de son assistant Jack Fielding, se rend au pénitencier de femmes de Géorgie, où une prisonnière affirme détenir des informations sur ce dernier. Elle évoque aussi d’autres assassinats sans relations apparentes : une famille d’Atlanta décimée des années auparavant et une jeune femme dans le couloir de la mort. Peu après, Jaime Berger, ancienne procureur de New York, convoque Kay Scarpetta à un dîner, mais dans quel but ? Kay comprend que le meurtre de Fielding et celui auquel elle a échappé autrefois constituent le début d’un plan destructeur. Face à un adversaire malade et dangereux, elle traverse enfin le voile rouge qui l’empêchait de comprendre.

Mon avis

Si les noms de Benton, Scarpetta, Lucy et Marino n’évoquent rien pour vous, ne lisez pas ce livre et commencez par un des premiers de Madame Cornwell.

En effet, ses héros récurrents sont tous présents directement ou indirectement dans ce roman et il vaut mieux les connaître un peu pour comprendre de qui il s’agit et quels « codes » régissent leurs relations. De plus, les rapports entretenus par les différents protagonistes prennent beaucoup de place dans le contenu des chapitres, parfois au détriment de l’enquête que tout bon amateur de polar attend.

Malgré tout, il faut reconnaître à cet écrivain une excellente capacité à faire évoluer ses héros, qui se « découvrent » de plus en plus, n’hésitant pas à confier leurs états d’âme profonds au lecteur. On aime ou on n’aime pas. Certains penseront que cette introspection et ce regard sur le nombril peuvent lasser, faire passer les recherches au second plan ou tout simplement ne servir à rien. Il y a aussi, ce côté scientifique, très poussé, qui peut rebuter car rien ne nous est épargné, ni le vocabulaire précis, pointu du domaine médical (matériel entre autres), ni les scènes d’autopsie avec pesée, analyse et tutti quanti …. Mais ceux qui, comme moi, suivent ses personnages depuis une vingtaine d’années, savent combien ces examens divers peuvent apporter un autre éclairage à une scène de mort et combien les non-dits, les malaises, le mal-être des uns et des autres entraînent des dépendances, des fissions entre les personnes qui vivent sous sa plume.

Dans ce dernier opus, les partenaires habituels de Kay Scarpetta apparaissent avec des rôles plus ou moins secondaires. Tous auront une place dans la nouvelle recherche à laquelle elle se consacre: Actions ou interactions, silence ou complaisance, manipulation ou sincérité des personnages, Patricia Cornwell décortique, dissèque, analyse les échanges humains, les pensées de chacun jusqu’à semer le doute dans nos esprits comme dans celui de Kay.

Qui influence qui ? Où se situe la vérité ? Comme à son habitude, Kay Scarpetta ira au bout de ses limites pour comprendre. Elle ne lâchera rien car elle veut saisir les tenants et les aboutissants. C’est une femme qui a souffert. Protégée par sa carapace, elle essaie de rester maître d’elle-même mais comme tout un chacun, elle se pose des questions et sa fragilité existe même si elle a du mal à l’admettre. Est-elle victime ou coupable ? Qui tire les ficelles ? Est-ce que quelqu’un les tire ou tout cela est-il le fruit de son imagination ?

L’écriture au cordeau de Madame Cornwell nous emmène dans les couloirs du centre pénitencier pour femmes de Savannah, glissant ça et là quelques réflexions sur la peine de mort, les conditions de vie, le système judiciaire américain tortueux et complexe.

Mais au-delà de cette visite, nous irons aussi avec elle sonder les cœurs, les esprits des uns et des autres. Que ce soit en voix in dans le texte ou en voix off par l’intermédiaire de longs dialogues (qui ont le mérite d’alléger le texte) nous mettrons un certain temps à cerner les volontés des individus ….. Heureusement, Benton, le fidèle compagnon de route, le mari aimé et aimant, sera là pour aider Scarpetta et le pauvre lecteur à prendre du recul, à ne pas trop réagir à l’affectif, à accepter de se reposer sur lui, à voir clair ….

Les esprits chagrins pourront soulever que la fin de cette histoire est un peu rapide. Comme souvent dans les romans policiers, la pression retombe d’un coup mais c’est sans doute pour préserver la santé du lecteur et le maintenir en forme pour lire le prochain roman….

"Nouvelles décapantes" de Dominique Uhlen

 

Nouvelles décapantes
Auteur : Dominique Uhlen
Éditions : ‎ Ekrysture (26 mars 2022)
ISBN : 978-2493761217
156 pages

Quatrième de couverture

19 histoires extraordinaires de gens peu ordinaires... À déguster comme une gourmandise, à savourer comme du bon vin ; en une ou plusieurs fois...

Mon avis

Décapantes ? Ah oui, ça décape, ça décoiffe comme on dit et qu’est-ce que ça fait du bien !

Les nouvelles, c’est un genre littéraire pas toujours bien vu. La plupart des gens imaginent que c’est facile d’écrire des petites histoires courtes. Et pourtant, ce n’est pas évident. Il faut faire un condensé en disant ce qu’il faut sur les lieux, les protagonistes, leurs échanges, les faits… bref aller à l’essentiel en tissant une atmosphère, en donnant envie au lecteur d’aller jusqu’au bout sans qu’il ait eu l’impression d’une lecture plate.

Ces récits m’ont beaucoup plu. Ils mettent en scène des humains ou des animaux, parfois la mort est présente. Il y a de l’humour, de l’ironie (tel est pris qui croyait prendre) et on se dit que certains se sont bien fait piéger (et on jubile quelques fois en se disant « pas volé »). Pour d’autres textes, comme celui qui parle d’amour entre un homme et son animal domestique, on a la larme à l’œil.

Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est le fait que les différentes nouvelles m’ont procuré tout un panel d’émotions. C’est varié, amusant, émouvant, parfois on retient un « oh » accompagné d’un sourire. Les « chutes » sont particulièrement bien amenées. Le tempo est bon, elles arrivent au bon moment, sont « fines » et bien pensées ce qui donne un ensemble harmonieux. Les thèmes sont nombreux, de l’amour à la jalousie en passant par l’envie de tout changer pour une autre vie ou de manipuler pour arriver à ses fins. Certains personnages sont très astucieux pour arriver à leurs fins, et ils (elles) ont prévu leurs arrières !

L’écriture de l’auteur est plaisante, fluide. S’il y a des dialogues, ils sont en phase avec le texte. Le rythme est excellent, il maintient l’intérêt sans être trop rapide, ni trop lent. J’ai eu du plaisir à découvrir ce livre, Dominique Uhlen a de bonnes idées, bravo !


"Memorial Drive" de Natasha Trethewey (Memorial Drive)

 

Memorial Drive (Memorial Drive)
Mémoires d’une fille
Auteur : Natasha Trethewey
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy
Éditions de l’Olivier (19 Août 2021)
ISBN : 9782823617320
226 pages

Quatrième de couverture

Le 5 juin 1985, Gwendolyn est assassinée par son ex-mari, Joel, dit « Big Joe ». Plus de trente ans après ce drame qui a changé sa vie, Natasha Trethewey, sa fille, affronte enfin sa part d’ombre en se penchant sur le destin de sa mère. Tout commence par un mariage interdit entre une femme noire et un homme blanc dans le Mississippi. Suivront une rupture, un déménagement puis une seconde union avec un vétéran du Vietnam. À chaque fois, Gwendolyn pense conquérir une liberté nouvelle. Mais la tâche semble impossible. Elle est toujours rattrapée par la violence.

Mon avis

Elle avait dix-neuf ans lorsque son ex beau-père a tué sa mère. Elle a mis une trentaine d’années avant d’écrire sur ce drame, sans doute pour se libérer mais également pour donner la parole à sa mère.

Le lien fusionnel qui les unissait n’a pas suffi à empêcher son assassinat. Aurait-il pu en être autrement ?

Gwendolyn, afro-américaine est tombée amoureuse d’un blanc canadien et ils ont eu Natasha. A l’époque, en 1966, les mariages mixtes n’étaient pas bien vus et la petite fille n’était à l’aise dans aucune communauté, ni la noire, ni la blanche, comme si elle était de nulle part. Pour sa mère, c’était la même chose, en pire, accompagner son mari blanc dans une soirée était difficile car elle était regardée comme une étrangère.

Ces deux femmes ont lutté pour leur identité en permanence (l’auteur est maintenant professeur à l’université et poétesse reconnue). Dans ces « Mémoires d’une fille », Natasha Trethewey présente des souvenirs heureux, d’autres beaucoup moins. Avec une écriture délicate, des pointes de poésie, elle analyse comment les événements se sont enchaînés jusqu’à l’inconcevable. Les peurs et les espoirs ont envahi son quotidien et je souhaite de tout cœur, que la rédaction de ce livre lui ait permis de souffler, de moins sentir le poids du passé.

Elle savait et se trouvait dans l’incapacité d’agir.

« Et là, tu sais que tu es impuissante.
TU SAIS TU SAIS TU SAIS
Regarde-toi. Aujourd’hui encore tu crois que tu peux prendre tes distances avec cette petite fille par l’écriture, en recourant à la deuxième personne du singulier, comme si tu n’étais pas celle à qui tout cela est arrivé. »

Les souvenirs peuvent sembler incomplets, parfois désordonnés mais c’est le propre de la mémoire, de ne pas tout savoir. Plus on avance dans la lecture, plus les choses sont claires, des extraits de journal intime, de conversations enregistrées, sa mère voulait s’en sortir. La douleur est présente, d’autant plus que l’auteur fait resurgir des faits qu’elle avait occultés.

Un témoignage inoubliable !


"L'âme dans le vestiaire" de Ève-Lyne Monnié

 

L’âme dans le vestiaire
Auteur : Ève-Lyne Monnié
Éditions : Les 2 encres (20 Mai 2014)
ISBN : 978-2-35168-673-7
192 pages

Quatrième de couverture

Marc n’imaginait pas ouvrir une boîte de pandore, ce soir-là, installé confortablement dans le salon de sa nouvelle demeure. Parfaitement heureux, il ne remettait aucunement en question ses valeurs et son mode de vie. Pourtant, il aura suffi d’une jolie boîte en bois laquée et d’un coup de fil pour que tout bascule ….

Mon avis

Demain, il serait à nouveau maître de sa vie….*

Marc habite et vit à Paris, il est beau gosse, intelligent, il a une bonne situation, une « presque quarantaine » épanouie. Bosseur mais aussi dragueur et superficiel avec les femmes, un rien hâbleur et assez sûr de son charme pour ne pas se « pencher » sur celles qu’il séduit. D’ailleurs, la plupart du temps, il ne retient pas leur prénom et assez rapidement les trompe avec une nouvelle conquête. Si vous lui en parlez, il vous expliquera qu’il ne trahit personne vu qu’il n’a rien promis, qu’il se veut libre, que la vie est courte, que les engagements ce n’est pas pour lui etc …

Présenté comme ça, il n’a rien d’attachant. Un de ces hommes qu’on tient à distance sauf si on cherche un petit en cas dans une soirée tristounette tout en sachant que ce sera sans lendemain ou avec des lendemains très courts

Un jour, notre homme achète une habitation en Normandie, près d’Evreux. Une de ces maison qui ont une âme mais cela il ne le sait pas. Pourquoi l’a-t-il acquise ? Besoin de souffler loin du tumulte de la capitale ? Besoin de se poser et de se créer des racines ? Besoin d’aller, sans s’en rendre compte, chercher ce qu’il a laissé au vestiaire ? Toujours est-il que cette humble demeure, un peu désuète, va l’intéresser puis le fasciner. Tout ça à cause d’un coffret en bois renfermant des lettres qu’il découvre dans une armoire….

Ce roman m’a pris dans ses rets et je suis restée lovée dans mon canapé, sous le charme, à enchaîner les pages sans le lâcher. D’abord, parce que les courriers m’ont beaucoup plu (j’apprécie toujours autant le style épistolaire) et également parce que l’évolution de Marc est intéressante et ce qui l’est encore plus, c’est de constater ce qui va le transformer. De plus, l’histoire n’est ni convenue, ni « fleur bleue », elle porte en elle des valeurs mais sans faire la morale. Il y a des rebondissements juste ce qu’il faut pour maintenir le rythme et ensorceler le lecteur. Le contenu n’est pas aussi simple qu’on peut l’imaginer, et tout s’enchaîne et s’explique à merveille.

L’écriture de l’auteur est délicate, aérienne, envoutante, notamment pour les courriers qui sont d’une grande profondeur et en opposition totale avec le personnage principal qui est léger et peu sérieux en amour. Ève-Lyne Monnié a su trouver le bon ton face aux différentes formes d’écrits qu’elle aborde et face aux diverses situations évoquées. « Il essayait de se raisonner, mais par la porte entrouverte au plus profond de lui, des sentiments s’étaient échappés. [….] Il lui fallait juste un peu de temps et de sommeil pour se reprendre et ranger soigneusement tout ça dans sa tête. Demain, il serait à nouveau maître de sa vie… »

J’ai énormément apprécié cette lecture. Elle a été réconfortante, agréable, et même beaucoup plus, elle m’a apporté un grand moment de délicatesse, une pause toute douce pleine de tendresse que je ne pouvais que partager avec vous…..

* page 91 du livre

"Les heures les plus sombres de notre histoire" de Hugues Serraf

 

Les heures les plus sombres de notre histoire
Auteur : Hugues Serraf
Éditions : de l’Aube (31 Mars 2016)
ISBN : 978-2-8159-1442-0
176 pages

Quatrième de couverture

Il est parisien, elle est américaine ; il a cinquante ans, elle en a dix de moins ; il est chauve, il ronfle, il est divorcé et un peu fatigué de la vie, elle est belle, en pleine forme, optimiste et un chouïa hystérique. Surtout, elle voudrait un enfant de lui.
Est-ce que ça peut marcher ?

Mon avis

« D’être resté dans le même appartement et de continuer à dormir dans le même lit n’aident pas au reformatage express de mon disque dur…. »

On peut dire ce qu’on veut, un peu d’humour ne fait pas de mal et dérouille les zygomatiques. C’est ce que nous offre Hugues Serraf dans son dernier livre sur fond de nostalgie. Sa femme l’a laissé et il se retrouve en couple avec une jeune américaine qui va bousculer « ses codes » et ses habitudes. Parfois, ils se laisse porter, et à d’autres moments, il freine des quatre fers…. Comment construire une relation de couple solide ? D’ailleurs, que souhaite-t-il vraiment ? Un peu de fantaisie ou un avenir commun ?

C’est avec un humour de bonne facture est un franc parler jubilatoire qu’Hugues Serraf nous entraîne dans une histoire bien de notre époque. Tout y passe : les sites de rencontres, les restaurants sans gluten, les dérives des médias (ou comment accrocher les lecteurs), les relations de couples proches ou à distance…. Bien sûr, tout cela n’est qu’effleurer, à peine développer, mais c’est le principe même de cet opus. On reste à la surface avec une écriture drôle, parfois on rit un peu jaune et on sent bien que sous des dehors « je m’en foutiste », notre personnage principal est un homme fragile, qui a besoin de se rassurer mais qui ne l’exprimera jamais, parce que, quand même, ne l’oublions pas, c’est un homme…..

J’ai passé un excellent moment de détente à lire ce roman. Je me demandais comment la situation allait évoluer, quelle allait être la « chute ». C’est frais, amusant, alors pourquoi bouder son plaisir ?


"Un peu de la France" de Jean-Jacques Sempé

 

Un peu de la France
Auteur : Jean-Jacques Sempé
Éditions : Gallimard (6 Octobre 2005)
ISBN : 978-2070118229
 130 pages

Quatrième de couverture

L’auteur (re)visite la France à sa manière, une France plus souvent rurale qu'il n'y paraît, et où il fait encore bon vivre à condition de savoir prendre son temps et de respirer à fond.

Mon avis

Des dessins en noir et blanc ou en couleur, pas une phrase et pourtant une poésie s’en dégage.
Monsieur Sempé avait un grand sens de l’observation, ses illustrations minutieuses où se nichent de petits détails (un chat qui ronronne, un ballon qui traîne..) sont un régal.

Chaque situation présentée est un instant de vie, un cliché instantané qui vous fait sourire. A la campagne, le tracteur suivi d’une longue file de voitures. En ville, une course de vélos passe avec des spectateurs tous cachés sous les parapluies, la sortie d’une usine… Les observations sont fines, délicates.

Beaucoup de planches présentent un ou des vélos, j’étais contente moi qui sors le mien quotidiennement ! Souvent, je me surprenais à penser « c’est tout à fait ça ».

Il y a une tendre ironie, presque une moquerie pour certaines pages mais cela reste toujours dans un esprit bon enfant.

On peut feuilleter ce genre d’album (en plus c’est du grand format) souvent, on trouve toujours un petit quelque chose qu’on n’avait pas remarqué.

Une belle découverte !

Ce que j’ai préféré :



"Une petite société" de Noëlle Renaude

 

Une petite société
Auteur : Noëlle Renaude
Éditions : Rivages (7 Septembre 2022)
ISBN : ‎ 978-2743657192
354 pages

Quatrième de couverture

Depuis que Tom, un jeune handicapé mental vivant avec une mère de substitution dans une étrange demeure, a tenté d’enlever la petite la voisine prépubère, tous les regards se portent sur leur maisonnée.

Mon avis

Quand on ne sait pas, on invente, on spécule, on espionne, on suppose … on tire des conclusions, bonnes ou mauvaises et quand un semblant de réponse apparaît, on recommence…

Sans aucun doute, les personnages de cette histoire atypique, n’ont pas de certitudes, peut-être même pas de convictions pour certains … mais observer, plus ou moins adroitement, essayer de comprendre (éventuellement en faisant « comme si », l’air de rien…) ça les motive, ou alors ça occupe leurs longues journées … même s’ils sont au travail !

Dans l’usine de brioches, il y a Louise. Elle travaille au service comptabilité. Au-dessus de son bureau se trouve une fenêtre qui donne sur la rue et en ligne de mire une maison bourgeoise avec de drôles de gens. Alors, Louise qui subit sa vie sans la vivre vraiment, passe du temps à regarder derrière la vitre, à commenter à son mari ou ses collègues (surtout Monsieur Mignon, lui, il a choisi de tourner le dos à la rue alors elle l’informe-peut-être simplement pour parler à quelqu’un) qui s’en fichent. Pourtant, il s’en passe des choses, certainement pas nettes dans cette demeure. Drôle de ménage, un homme, deux femmes, enceintes puis plus… Bizarre…. Mais chez les riches, rien ne transpire, tout est tu.

« Toute famille aisée planquée derrière ses murs de belles pierres fourmille de ces secrets et entorses à la bonne morale, la catholique, la calviniste, la républicaine ce que tu veux, seuls les miséreux dans leurs misérables galetas ouverts à tous les vents voient leurs misérables secrets éventés incapables qu’ils sont, les miséreux, de les retenir, de les neutraliser et de les empêcher de s’exporter dehors. »

En parallèle des observations de Louise, on la suit dans son quotidien, avec son mari, Zeb, qui n’est pas hyper courageux, qui la trompe parfois (ben Pupuce, je le ferai plus, promis), qui discute à droite à gauche mais pas souvent avec elle. Et puis il y a ces gens qui disparaissent ou apparaissent au gré des pages, des rencontres. Des personnages comme je les aime, savamment « disséqués » par l’auteur dans leurs travers, leurs faiblesses, leurs secrets, leur part d’ombre…. Ils peuplent les chapitres, installent des liens qui s’effilochent, se consolident ou se brisent tout de suite. On a le détail de leurs pensées les plus intimes, analysées avec finesse.

Le phrasé et le style de Noëlle Renaude sont indéfinissables. Il n’y a pas de dialogues en style direct. On a le sentiment d’être au cœur des ressentis de chacun. Les phrases peuvent être très longues, acheminant plusieurs hypothèses, plusieurs idées ou bien très courtes. Elles vivent au rythme des raisonnements des observateurs ou du narrateur. Pas de jugements, tout reste très factuel. Les constats peuvent être terribles, un peu amusants, souvent surprenants, parfois déstabilisants. L’écriture est à elle-même toute une histoire, on sent la pointe d’humour, de moquerie, de dérision, discrète et pas forcément perceptible. C’est comme le récit, tout est entre les lignes, et même le lecteur, ou la lectrice c’est selon, y va de ses suppositions. Non pas que le flou soit soigneusement entretenu, non pas du tout. C’est plutôt que, comme je l’ai écrit en introduction, quand on ne sait pas, on imagine … et de temps à autre on tombe juste, on comprend tout…. C’est frustrant car, c’est bien connu, celui ou celle qui lit ne peut pas intervenir pour changer le cours des choses …

J’aime l’atmosphère qu’installe Noëlle Renaude, cette micro société avec des gens bizarres qui me ravissent par leur côté original, leurs idées décalées mais qu’ils expliquent avec des raisonnements qu’on peut estimer justes (chacun ses choix, non ?).

Je me suis régalée avec ce livre qui ne ressemble à aucun autre !


"Kay Scarpetta -Tome 25 : Autopsie" de Patricia Cornwell (Autopsy)

 

Kay Scarpetta -Tome 25 : Autopsie (Autopsy)
Auteur : Patricia Cornwell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Defert
Éditions : Jean-Claude Lattès (25 Mai 2022)
ISBN : 978-2709670029
370 pages

Quatrième de couverture

Kay Scarpetta, médecin légiste réputée pour son talent d’enquêtrice, et son mari Benton Wesley, profileur pour le Secret Service, sont rappelés en Virginie. Ils se sont installés à côté du Pentagone dans un monde post pandémie déchiré par les contestations sociales et les luttes politiques. Juste après son arrivée à la tête de l’unité médico-légale, une femme est retrouvée égorgée près d’une voie ferrée. Étrangement, la piste va la conduire jusqu’à son propre quartier…

Mon avis

Cinq après sa dernière apparition, revoici Kay Scarpetta, héroïne récurrente de Patricia Cornwell. Même si vous ne connaissez pas tous les membres de sa famille, vous pouvez lire ce roman indépendamment. Toutefois, je conseille les premiers qui étaient, à mon avis, plus « aboutis ».  Celui-ci n’est pas une catastrophe, elle délaye moins mais on est loin de son écriture percutante qui m’a tant charmée.

Elle revient, avec son mari Benton, en Virginie, où elle a débuté. On découvre vite que des événements, non évoqués dans les livres précédents, sont arrivés et que rien n’est simple pour personne. Elle se retrouve confrontée à deux enquêtes. Une femme morte sur la voie ferrée qui habitait près de chez sa sœur et un drame dans l’espace. En outre, sur son lieu de travail, on essaie de lui mettre des bâtons dans les roues. Il faut qu’elle fasse sa place, qu’on la respecte et qu’elle avance avec toutes les difficultés lorsqu’il faut mener deux affaires de front.

L’intrigue se lit sans déplaisir. Il y a moins d’apartés et de lourdeurs que les dernières fois mais malgré tout, pas mal de parenthèses, parfois pas vraiment utiles. Un exemple ? Je commence à arroser mon figuier et mes orchidées. Pas essentiel, vous êtes d’accord ? Le rythme est bon, le développement des investigations intéressant, puis d’un coup, sur la fin, tout s’accélère. Et là, j’ai eu l’impression que c’était un peu rapide, et c’est dommage.

J’ai remarqué que pour la traduction, ce n’est pas la même personne que les dernières fois (l’éditeur aussi) et je me demande pourquoi.

J’ai été contente de revoir Kay, de savoir ce que ses intimes deviennent mais je ne suis pas totalement convaincue par cette nouvelle aventure….

NB : Page 167, « doigt donneur », si l’éditeur me lit ce serait bien de corriger pour la version poche !


"Confidences vénitiennes" de Denise Morel-Ferla

 

Confidences vénitiennes
Auteur : Denise Morel-Ferla
Éditions : Le Livre Actualité (Mai 2016)
ISBN : 9782754306171
132 pages

Quatrième de couverture

Il y a la Venise visitée en 1900, et la Venise idéalisée de “La Recherche”.
Dans ce livre donnant la parole à Venezia, apparaissent les mille et un visages de la ville qui ne cesse de fasciner les visiteurs, tant par son architecture que par son mystère. Ville de la séduction, Venise a inspiré l’écriture de nombreux auteurs. Pour avoir connu d’aussi grandes étoiles que le musicien Vivaldi ou Léonard de Vinci, Venise se souvient. Mais comment sauver Venise ?

Mon avis

Venise, la Sérénissime, prend la parole et se raconte par l’intermédiaire de la plume de Denise Morel-Ferla.  Evoquant ses habitants ou visiteurs illustres, comme Léonard de Vinci, ou Livio de Marchi (que j’ai découvert grâce à ce livre et lorsque je vois ses sculptures, je suis admirative), la ville nous confie ce qu’ils ont fait lorsqu’ils étaient présents. Puis ce sont les lieux privilégiés de la capitale de la Vénétie qui sont mis en valeur, présentant leur histoire, les difficultés pour rester en bon état pour certains d’entre eux. Car Venise souffre, Venise s’abime, Venise se fissure…. Quel avenir pour cette cité ? Avec une écriture racée, un contenu de qualité, l’auteur nous enchante. Avec son roman-documentaire, elle nous fait revisiter la petite et la grande histoire.  Dans un style très vivant, elle apporte des éléments intéressants (bravo pour son travail de recherche).

J’ai beaucoup apprécié ce livre. Je suis allée plusieurs fois à Venise et j’ai trouvé que lui donner la parole pour qu’elle me murmure ses confidences à l’oreille, était une excellente idée. J’ai découvert des coins que je ne connaissais pas avec cette approche. Ce « nouveau » regard sur ce lieu enchanteur me permettra d’apprécier différemment un prochain voyage.


"Web Killer" de Philip A. Sullivan (Web Killer)

 

Web Killer (Web Killer)
Auteur : Philip A. Sullivan
Traduit de l’américain par Joachim Dachman
Éditions Archipel (7 Mai 2014)
ISBN 9782809814651
372 pages

Quatrième de couverture

Paris, 2014. Les détectives privés d’une agence parisienne enquêtent simultanément sur plusieurs affaires, dont la recherche d’un serial killer mettant en scène ses meurtres avec cruauté et esthétisme. Ce maniaque s’attaque aux escort girls blondes et plantureuses qui se prostituent sur Internet. D’où son surnom de « Web Killer ». Mais une autre affaire conduit une partie de l’équipe à Cannes, pendant le Festival, pour y protéger un cinéaste entretenant des liens étroits avec la mafia…

Mon avis

Cent cinquante chapitres, pour la plupart de quelques pages, situés entre le 4 et le 23 Mai nous racontent une tranche de vie de l’agence parisienne « Détectives et Associés ».

Ils sont plusieurs, hommes ou femmes, à travailler dans ce groupe. Certains d’entre eux ont une autre identité ailleurs. Ils vont se retrouver confrontés à des situations difficiles, complexes et devront se révéler d’une extrême prudence pour ne pas provoquer de dégâts collatéraux. Malheureusement, il y a ce que l’on souhaite, espère, prévoit et ce qui se passe réellement.

Philip A. Sullivan après s’être engagé dans les Marines est devenu agent de protection rapproché puis conseiller technique pour écrivains et scénaristes. Il y a sans doute un peu de son vécu dans les différents événements qu’ils rapportent et qui se déroulent soit dans le monde des affaires, soit dans celui de la nuit et du show-biz, soit en lien avec des terroristes, mais comme il se doit, « toute ressemblance avec des faits ou des personnes …etc… »

Ce livre, avec les bases que je viens d’énoncer, aurait pu être intéressant, pour peu que les sujets évoqués le soient avec une approche originale mais rien ce n’est pas le cas.

J’ai trouvé que le contenu manquait de profondeur et que certains faits étaient plaqués là sans qu’on sache trop pourquoi (ou alors c’est moi qui me pose trop de questions). Certains protagonistes sont, volontairement j’imagine, équivoques, mais tout cela reste survolé et le lecteur n’aura pas en mains tous les tenants et les aboutissants. En clair, il se demandera longtemps ce qu’il a raté et le problème est que, peut-être, (je rappelle que tout ceci n’est que mon avis), il n’a rien raté car il n’y avait pas tous les éléments de réponse….ce qui est frustrant.

De plus, l’écriture m’a paru beaucoup trop « simpliste », un peu comme les livres policiers que l’on « oublie » dans un train ou sur un quai de gare…. Je sais que rien n’oblige les auteurs à fournir une approche psychologique fine de leurs personnages mais de là à ce que ce soit creux, il y a de la marge…Disons aussi que les dialogues ne remontent pas malheureusement pas l’ensemble. On s’ennuie ferme car tout semble mis bout à bout sans vraiment de lien…Enfin si, l’agence de détectives, mais même eux ne semblent pas crédibles…. J’ai eu l’étrange certitude que l’auteur avait un fond d’idées attrayantes (bien qu’un peu confuses) mais qu’il n’avait pas su comment les relier entre elles (d’où la solution de la petite entreprise d’enquêteurs) ….. le fond peut-être mais pas la forme….

Une lecture à vite oublier, les éditions Archipel m’ayant habituée à mieux….

"Le Secret de Lily Quinn" de Paullina Simons (Lily : Or The Girl In Times Square)

 

Le Secret de Lily Quinn (Lily : Or The Girl In Times Square)
Auteur : Paullina Simons
Traduit de l’anglais par Christine Bouchareine
Éditions : Robert Laffont (2 novembre 2007)
ISBN : 978-2221106136
446 pages

Quatrième de couverture

À vingt-quatre ans, Lily Quinn mène l'existence tranquille d'une étudiante new-yorkaise, entre deux examens, à la recherche de l'amour et luttant pour payer son loyer. Jusqu'au jour où sa colocataire et amie d'enfance disparaît sans laisser de trace... Chargé de l'enquête, l'inspecteur Spencer O'Malley, un homme dur, hanté par son passé, fait irruption dans sa vie. Lorsque les soupçons de Spencer convergent vers un seul et même suspect, son frère, Lily voit toutes ses certitudes voler en éclats. Mais la fatalité n'en a pas fini avec elle, et c'est contre la maladie qu'elle va devoir livrer son combat le plus dur...

Mon avis

Devant les avis très positifs lus de ci, de là, je me faisais une joie de lire ce roman. De plus j’ai attendu longtemps avant qu’il soit disponible et, comme toute attente d’un moment heureux est déjà une joie …. quand je l’ai eu entre les mains, j’étais enchantée.

Et malheureusement, je suis déçue …

Ce livre se définit lui-même en quatrième de couverture comme un « thrilleromantique », thriller …. pas vraiment, romantique …. pas vraiment ….. Ce livre oscille entre les deux sans jamais être franchement l’un ou franchement l’autre …

L’écriture est lisse, comme pour un roman de plage ou de vacances mais je n’en ai rien ressorti. Certaines situations sont un peu grosses, trop c’est trop…

Malgré tout, j’ai apprécié le personnage de Spencer, torturé, envahi de démons, sa relation compliquée, lourde de questionnements avec Lily et la façon dont l’auteur décrit tout cela.

Le dernier quart du livre, où les événements s’enchaînent plus rapidement m’a paru moins long que le début. Ce livre ne me laissera pas un grand souvenir …