"Un prénom en trop" de Christophe Carlier

 

Un prénom en trop
Auteur : Christophe Carlier
Éditions : Plon (3 Mars 2022)
ISBN : 978-2259311298
322 pages

Quatrième de couverture

Il a suffi d'une soirée d'été pour que Rebecca, jeune femme sans histoires, soit prise au piège d'un jeu cruel, implacable. À présent, lorsqu'elle marche dans la rue, elle se retourne tous les trois pas. Rebecca pense que le danger est dans son dos. Pourquoi ne serait-il pas devant elle ou juste à ses côtés ?

Mon avis

« Je suis un oiseau de nuit qui s’est posé près d’elle. »

Rebecca est une jeune femme comme il en existe beaucoup. Un appartement, un travail et pour l’instant pas de petit copain. Pendant les vacances, elle passe une soirée en boîte de nuit avec une bande de potes et là, un homme flashe sur elle. Pas de quoi s’affoler me direz-vous, et bien si. Celui qui est tombé en pamoison a l’impression qu’il est transparent, que la belle ne le voit pas, ne le calcule pas. Il décide alors de s’incruster dans sa vie et de jouer au chat et à la souris. Dans un premier temps, il va à la pêche aux renseignements pour mieux la connaître puis il met en place sa toile d’araignée. Il est intelligent, pervers, dangereux, s’arrêtant chaque fois que ça pourrait être trop, maintenant ainsi une peur diffuse. Il choisit soigneusement ce qu’il met en action, des faits minimes mais qui déstabilisent la belle. Bien sûr, comme ce sont des petits riens, elle essaie de passer outre, puis se décide à parler, à partager mais quelle crédibilité lui accorder ? N’est-elle pas un peu parano, ne s’invente-t-elle pas une histoire ?

Dans ce roman, aux courts, voire très brefs chapitres, nous avons trois « entrées ». L’homme, obsédé par Rebecca, qui s’exprime en disant « je », un narrateur de temps en temps et une proche collègue de Rebecca qui emploie également le « je ». Cette collaboratrice veut se rendre indispensable, devenir amie avec elle, la protéger quand elle raconte ses ennuis. Nous passons d’un ressenti à un autre, sans aucun problème, nous savons toujours qui « parle ». Ce qui est impressionnant, c’est que Rebecca n’a une existence qu’à travers ce que les autres nous disent d’elle, elle ne se met jamais à nu directement. Ce que nous apprenons, c’est ce que ce qu’on découvre lorsque les deux autres principaux personnages devisent.

On sent, inexorablement, le filet qui se resserre, les faits qui s’aggravent et on s’interroge. La jeune femme va-telle perdre pied, devenir folle, être tuée, s’en sortir ? Quel est le but poursuivi par celui qui la traque jour et nuit ? L’atmosphère au travail s’en ressent car Rebecca a des passages à vide et sa relation avec son adjointe est parfois faussée. Ses angoisses rejaillissent sur son quotidien et l’empêchent d’être elle-même.

Ce roman m’a bien plu. Je l’ai trouvé percutant. On plonge vite dedans et on a le souhait de continuer encore et encore. Les liens entre les différents protagonistes sont bien analysés. Les malaises s’installent, personne n’est en confiance, à part l’homme de l’ombre assez sûr de lui, limite arrogant, égocentré, prenant presque le lecteur à témoin de ses méfaits. L’alternance des points de vue, parfois sur une même situation, est très intéressante. On s’aperçoit que les faits peuvent vite être interprétés, voire déformés par certains.

L’écriture est accrocheuse, l’auteur va le plus souvent à l’essentiel et donne des détails à bon escient, c’est très bien pensé. Il y a une part d’analyse psychologique des émotions de chacun qui ajoute un plus indéniable. On observe l’évolution de Rebecca qui passe par des « phases » de doute, de rébellion, de peur, etc…. Le fait de passer très rapidement de l’un à l’autre apporte un rythme soutenu. Cela évite de trop s’appesantir sur l’un ou l’autre et ça laisse libre cours à notre imagination, que devient l’individu pendant quelques pages ?

Les problèmes de harcèlement sont un fléau de notre époque et l’aborder de cette façon, par l’intermédiaire de trois personnes que l’on suit tour à tour est originale et bienvenue.

Cette lecture est une belle découverte et je relirai volontiers Christophe Carlier.


"10 000 km" de Noé Álvarez (Spirit Run: A 6000-Mile Marathon Through North America's Stolen Land)

 

10 000 km (Spirit Run: A 6000-Mile Marathon Through North America's Stolen Land)
Une course sacrée à travers les terres volées des indiens d’Amérique
Auteur : Noé Álvarez
Traduit de l’anglais par Charles Bonnot
Éditions : Marchialy (2 février 2022) (2020 pour l’édition originale)
ISBN : 978-2381340326
338 pages

Quatrième de couverture

Noé Álvarez est américain, fils d’immigrés mexicains, et n’a pour horizon que les rues d’un quartier pauvre de Selah, Washington. Sa seule échappatoire à cet univers morose :  la course à pied. Quand il entend parler d’un ultra-marathon à travers les États-Unis pour la paix et la dignité des communautés amérindiennes, il n’hésite pas une seconde, quitte l’université et s’embarque pour la course la plus longue de sa vie.

Mon avis

« Nous sommes unis et divisés par notre condition. »

Ses parents sont pauvres mais ils sont venus s’installer près de Washington, espérant une autre vie et surtout souhaitant offrir autre chose à leurs enfants. C’est donc là qu’est né Noé. Mais il est difficile d’échapper à ses racines et il se retrouve comme son père et sa mère à travailler pour gagner peu. Le boulot les éteint, les efface…. Alors pour évacuer la colère, Noé court. Une façon pour lui de « déloger les problèmes, de trouver la paix. »

Mais ça ne suffit pas et il réalise vite, jeune adolescent, que ce sera soit les champs (comme sa famille), soit la faculté pour essayer de s’en sortir. Il choisit les études malgré les difficultés (heureusement il y a des bourses pour aider les plus démunis). Il sera celui qui inverse la tendance familiale, il apprendra, il réussira ! Il est partagé entre abandonner pour un temps les siens et partir mais il se dit qu’il va s’en sortir et reviendra avec de l’argent pour les aider.

En Août 2003, une fois à l’université, c’est un fossé qui s’installe entre lui et les étudiant-e-s. Il ne se sent pas à l’aise, pas à sa place, il ne sait pas quelle attitude adopter, il n’a pas les codes pour évoluer dans ce genre de lieu. Ne rien dire, faire comme si, tenir, donner le change…

En Avril 2004, il découvre qu’une course de 10000km pendant six mois, les Peace and Dignity Journeys : PDJ se tient tous les quatre ans et qu’il va y avoir un nouveau départ prochainement. Le but est de rallier le Canada au Panama, les sportifs et sportives sont des indigènes qui rencontreront les communautés amérindiennes sur le chemin afin de partager autour de la paix et de la dignité. Tous ne courent pas en même temps, certains suivent en camion et les étapes sont définies à l’avance. Alors il s’engage.

« Je veux honorer le voyage de mes parents qui les a conduits aux Etats-Unis en embarquant dans ma propre aventure, en courant selon mes propres convictions. C’est là-bas que je dois être. »

Dans ce livre, Noé raconte la course (ils tiennent un bâton en main et quelques-uns s’en servent pour frapper), les rencontres (parfois teintés de beaucoup d’animosité), les obstacles, mais surtout son cheminement intérieur. Plus il court, plus il se rapproche de la ville natale de son père, plus il se « connecte » à la terre, à la Terre devrais-je écrire. On sent que son rapport à la nature évolue.

« Dans cette forêt, je sens que je suis enfin sur le chemin de ma libération. »

Courir lui permet d’appréhender sa vie, d’analyser l’expérience migratoire des siens avec un angle nouveau. Courir c’est appartenir à la terre, pour se rappeler qu’elle est à l’origine de tout, qu’elle nourrit. Il faut donc la défendre.

Ce recueil oscille entre reportage avec quelques éléments clés des journées de course, les liens qui se créent, les jalousies, les blessures, la peur de ne pas être à la hauteur, l’épuisement, les douleurs et les réflexions de Noé que l’on voit évoluer au fil des pages. Il va au bout de ses limites mentales et physiques et ce ne sera pas le même homme lorsqu’il se posera.

J’ai beaucoup aimé ce récit qui monte en puissance, comme si l’écriture et l’homme s’affirmaient en parallèle. Charles Bonnot a réalisé une excellente traduction. La couverture est très belle, parlante et expressive. Je n’ai qu’un regret, qu’il n’y ait pas quelques photos alors j’en mets une :



"Le Grand Œuvre - Tome 1 : Le coeur noir" d'Axelle Fersen

 

Le Cœur noir
Le Grand Œuvre, tome 1
Auteur: Axelle Fersen
Éditions: Ex-Aequo (6 Février 2013)
ISBN: 9782359623925
338 pages

Quatrième de couverture

Un mystérieux inconnu est assassiné dans les rues de Rome. Un journaliste, témoin de la scène, mais également de la résurrection de la victime, découvre une étrange plume qu’il croit être une clef magique, responsable du miracle. Peu à peu, les différents protagonistes de l’affaire décèdent d’une mort violente. Dans le même temps, Andréa de Saint Germain, jeune haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, reçoit des messages anonymes tentant de la pousser à enquêter sur la disparition d’une pierre sacrée- le Cœur noir - en la mettant sur la piste des francs-maçons. Elle et ses amis découvrent très rapidement que la réalité est plus compliquée et surtout, bien plus effrayante.

Mon avis

Avec une écriture fluide, de qualité (les phrases et le vocabulaire sont soignés), des situations bien décrites (dates et lieux sont mentionnés car ils sont nombreux), une intrigue rondement ficelée, Axelle Fersen nous emmène à la suite de ses personnages.

Un court prologue en l’An de grâce 1511 pour nous faire frissonner et planter le décor. Puis nous voilà en 2006, dans une colocation partagée par de jeunes gens dont Andrea de Saint Germain, qui comme son nom l’indique est une fille de « bonne famille ». Les autres colocataires sont Tiphaine, Clara, Alex et Michael, chacun ayant une spécificité de par son métier ou une passion, qui seront utilisés à un moment ou un autre de l’histoire, permettant de faire évoluer les faits. Heureusement malgré leur caractère défini, ils ne seront pas trop caricaturaux.

Axelle qui a un peu plus d’importance que les autres protagonistes va recevoir des messages surprenants et en femme curieuse, opiniâtre, elle n’aura de cesse d’avoir les réponses aux questions qu’un mystérieux inconnu lui renvoie en pleine face.

De Rome à New York, en passant par le désert égyptien et Paris entre autres, nous allons partir à la recherche du Cœur noir, et comme nos héros, nous trouverons beaucoup d’autres choses… La Confrérie des Francs-Maçons sera mêlée à tout cela ainsi que l’Ordre de Sion, amenant sur la scène, son lot d’ésotérisme et de mystère. Mais Axelle Fersen a l’intelligence de ne pas nous abreuver de connaissances historiques sur ces gens-là, d’autres l’ayant fait avant elle. Elle distillera seulement ce qui est nécessaire à la compréhension des événements, nous évitant la lourdeur de références précises qui auraient sans aucun doute ralentit le rythme du récit. Car il faut bien l’avouer, on ne s’ennuie pas une seconde en lisant cet opus, rebondissant d’un individu à l’autre, d’un lieu à l’autre, tout en gardant le fil conducteur. On peut, au début, se demander comment tout cela va être relié, mais les familiers du thriller ésotérique n’auront aucune peine à l’imaginer… En cela ce pourrait être un bémol, les thrillers ésotériques ont forcément des points communs (l’auteur fait un clin d’œil au Da Vinci Code en signalant qu’il a été une lecture d’Andrea et qu’elle l’a trouvé pas mal…) mais l’essentiel c’est de passer un agréable moment de lecture, n’est-ce pas ? D’autre part, Axelle Fersen glisse savamment ça et là quelques pistes non exploitées (ou pas creusées), nous préparant au prochain tome puisque celui n’est qu’une mise en bouche.

Dans les premières pages, le temps d’installer tous les individus qui apparaîtront ça et là, on peut se dire que tout cela va être confus mais il n’en sera rien. Tout va s’emboîter harmonieusement et les nouveaux apparaîtront au moment opportun, s’intégrant à leur tour dans « le paysage ». L’ésotérisme et les invraisemblances ne sont pas gênants et donnent un côté original à la lecture sans tomber dans le « complètement irréel ».

Les personnages sont sympathiques, ils ont un côté « Ensemble c’est tout » d’Anna Gavalda (non, je ne touche pas de royalties pour la publicité ;-) probablement parce qu’ils partagent un logement, sont différents, se sont apprivoisés et ont du bonheur à s’entraider. J’ai d’ailleurs un faible pour Michael….peut-être parce qu’il est plus raisonnable. Il me semble qu’Andrea s’emballe vite, Tiphaine également et Clara et ses tarots bof…

D’autre part, ce roman pourrait être adapté à l’écran sans aucune difficulté, les scènes sont très visuelles et le tout assez facile à suivre. 

Une lecture à recommander pour les amateurs du genre.

NB: Une mention toute particulière pour les quelques photos illustrant l’ouvrage, ainsi que les renvois sur Aleister Crowley qui m’ont donné le souhait de le connaître plus.

"L'Ouest barbare" de Jean-François Coatmeur

 

L'Ouest barbare
Auteur: Jean-François Coatmeur
Éditions : Albin Michel (30 Mai 2012)
ISBN: 9782226241498
240 pages

Quatrième de couverture

Tout accusait Jérôme de la mort de son beau-père : il a été condamné à vingt ans de réclusion. Mais l'entrée des Allemands en France va changer son destin. En pleine Débacle, il réussit à s'échapper en compagnie d'un codétenu, un criminel endurci. Jérôme n'a qu'une idée en tête, rejoindre son village près de Douarnenez pour revoir sa femme avant de tenter de rejoindre l'Angleterre. Au fil de leurcavale, les deux hommes se lient d'amitié, se confient leurs secrets. Mais leur arrivée à Pouldavid ne va pas faire que des heureux... Personnage ambigus, atmosphère oppressante, piège machiavélique... Jean-François Coatmeur n'a pas son pareil pour sonder les abysses de l'âme humaine. Un grand suspense psychologique avec en toile de fond une des pages les plus noires de notre Histoire.

Mon avis

« Au bout de la souffrance, la lumière espérance …. »

Nous sommes en 1938. Croyant que sa fille, Tania, et son mari Jérôme, envisagent de quitter la France (face à la menace de la guerre qui s’annonce), Monsieur Groubart (père de la jeune femme), réclame l’argent qu’il a prêté au jeune couple pour aider son gendre à s’installer dans le métier de menuisier-ébéniste.

Les mariés n’ont pas les moyens de rembourser cette dette et Jérôme veut aller négocier avec son beau-père. Pour son malheur, il le trouve mort à son domicile, mais tout tend à démonter qu’il est l’assassin. Il est emprisonné, ne pouvant prouver son innocence.

Le lecteur, totalement impuissant, assiste à ce procès bâclé, à cette accumulation de petits faits, d’événements non « creusés » dans le détail qui, mis bout à bout, entraînent Jérôme en prison.

On saute quelques mois, la guerre est là, le pays est en plein chaos… Un transfert de prisonniers, les allemands attaquent, c’est l’accident …

Jérôme et un autre détenu en réchappent….

Le premier n’a qu’une idée : retrouver son épouse, lui répéter son innocence puis fuir à l’étranger en attendant des jours meilleurs… Le second se dit qu’à deux on est plus fort et que le projet lui convient, même si, d’après « ses codes », il faut se méfier des femmes ….parce que ce sont des femmes…..

Ils vont prendre « la route » tous les deux….A leurs côtés, nous allons parcourir une partie de la France, découvrir les fermes abandonnées, des coins dévastés, des gens qui se cachent, d’autres qui se serrent les coudes …. C’est la France qui souffre, la France qui a peur, la France qui se terre, mais aussi la France courageuse, battante, ne baissant pas les bras …

Cette partie du livre est très forte, car écrite avec délicatesse mais porteuse de faits que nous connaissons tous …

Les deux hommes, très différents mais unis par le désir de s’en sortir avancent pas à pas, à pied, en carriole, à cheval ou autre … L’essentiel étant d’avancer toujours et encore vers le but fixé…

L’écriture de Jean-François Coatmeur est tour à tour douce, violente, « libérée » (lorsque l’ami de Jérôme parle, en effet, cet homme ne s’embarrasse ni d’un vocabulaire châtié, ni de manières sophistiquées, il va droit au but, ne pratique pas la langue de bois et a le geste rapide du fougueux qui préfère qu’on le laisse en paix…).

Des extraits d’articles de journaux donnent un « éclairage officie »l au déroulement. Comme ils sont écrits dans le style concis des rubriques de presse, cela évite au lecteur de longues pages d’explication. C’est bien pensé. Pour le reste du livre, les phrases sont percutantes, bien construites, pas trop longues, le style fluide. En italiques, régulièrement, lieu, date et heure sont indiqués pour nous aider à situer l’action. C’est un livre sans temps mort où tout s’enchaine avec cohérence jusqu’au dénouement final.

J’ai beaucoup apprécié ce roman. Tout m’a semblé très bien dosé. L’auteur mène de main de maître, les différents « tableaux », entraînant celui qui lit à sa suite sur les routes, dans les maisons, souffrant pour l’innocent, espérant pour lui une vie meilleure.

Les différents personnages sont crédibles, humains, ayant chacun leurs petits travers, leurs soucis mais certains sont « porteurs d’un message» (je pense à la rencontre des deux hommes avec un prêtre) et nous permettent de croire encore en l’homme….


"La solitude lumineuse" de Pablo Neruda

 

La solitude lumineuse
Auteur : Pablo Neruda
Traduit du chilien par Claude Couffon
Éditions : Folio ((7 octobre 2004)
ISBN : 978-2070317028
96 pages

Quatrième de couverture

En 1928, Pablo Neruda est nommé consul à Colombo, Ceylan, puis à Singapour et Batavia. Accompagné de Kiria, sa fidèle mangouste, le poète chilien découvre les odeurs et les couleurs des rues asiatiques, les plaisirs et cauchemars de l'opium, la chasse à l'éléphant, le sourire paisible des Bouddhas...Neruda livre ses souvenirs colorés et poétiques d'un Orient colonial et se révèle comme un homme passionné, curieux de tout et de tous, et un merveilleux conteur.

Mon avis

Fan de poésie depuis toujours, j’apprécie beaucoup l’œuvre de Pablo Neruda dans ce domaine.

L’occasion de le lire en prose était belle et j’ai décidé de le rencontrer par ce biais pour voir s’il avait le même impact sur moi.

Bien m’en a pris.

À travers une petite centaine de pages, Pablo Neruda  nous conte (car il écrit comme un conteur avec des ressentis, des évocations tout en poésie…) son séjour, ses rencontres, son quotidien, ses amitiés, ses amours, ce qu’il voit, ce qui le choque, son avancée dans la connaissance des gens de « là-bas »….

C’est doux comme un poème murmuré à l’oreille, comme un secret partagé, comme une photographie commentée doucement, tranquillement ….

C’est beau tout simplement ….

Oui la solitude peut être lumineuse ….

«Mais je la revois aussi comme la plus lumineuse, comme si un éclair d’une brillance extraordinaire s’était arrêtée à ma fenêtre pour embraser intérieurement et extérieurement mon destin. »

Une lecture abordable et qui peut réconcilier ceux et celles qui sont fâchés avec l’écriture des poètes …

"Les 100 excuses du Cycliste" de Loïc Manceau

 

Les 100 excuses du Cycliste
Auteur : Loïc Manceau
Éditions du Volcan (10 Décembre 2021)
ISBN : ‎ 979-1097339418
150 pages

Quatrième de couverture

Le cyclisme est un sport qui fascine par la diversité de ses pratiques ! Qu’il soit sur piste, en tout-terrain, sur route ou en ville, le vélo prend une place prépondérante dans notre société. Ces 100 excuses du cycliste s’adressent à tous, passionnés de la petite reine ou néophytes des courses de vélo.

Mon avis

Que l’on soit cycliste professionnel, occasionnel ou Vélotaffeur-se (c'est une personne qui se rend au travail en vélo), on a tous eu, un jour, moins envie, moins d’énergie … Soit on a laissé la bicyclette au garage, soit notre temps (de trajet, de course, peu importe) n’a pas été celui qui était prévu. Et il a fallu donner une excuse… Du « J’avais mal évalué le trajet » au « Mes pneus étaient dégonflés, je ne l’avais pas vu » en passant par « Je n’étais pas vraiment en forme », que celui ou celle qui ne s’est jamais caché derrière une telle phrase lève le doigt !

Dans ce court recueil, cent excuses sont évoquées, sur une page ou deux, et on a le sourire aux lèvres tant on sent la réalité du terrain dans les motifs invoqués. On retrouve certaines choses entendues chez les cyclistes pro qui ont moins réussi une compétition et manquent de courage pour dire tout simplement « J’ai été moins bon ». Mais il y a également les arguments des amateurs. Et il faut dire que certaines personnes ont beaucoup d’imagination !

Loïc Manceau a eu l’excellente idée de rédiger des textes courts, très parlants, on croirait presque entendre les dialogues qui ont découlé de ces justifications, plus ou moins solides, plus ou moins risibles. Ce qui est amusant, avec le recul, c’est que je crois que personne n’est dupe, ni celui qui se justifie, ni ceux qui écoutent, mais tout le monde fait comme si afin que chacun garde son intégrité….

L’écriture fluide, teintée d’un peu d’ironie et d’humour est parfaitement adaptée aux propos. J’ai, de fait, pris beaucoup de plaisir à cette lecture.

Un petit livre à offrir aux amoureux de la petite reine !


"Je suis le feu" de Max Monnehay

 

Je suis le feu
Auteur : Max Monnehay
Éditions : Seuil (4 Mars 2022)
ISBN : 978-2021488135
400 pages

Quatrième de couverture

La Rochelle, mois de juillet. Une femme est retrouvée égorgée chez elle face à son fils de dix ans ligoté. C’est la deuxième en l’espace de quelques semaines et les flics n’ont pas la moindre piste. Le commissaire Baccaro va alors faire appel à Victor Caranne, psychologue carcéral et oreille préférée des criminels multirécidivistes de la prison de l’île de Ré. Mais le tueur est une ombre insaisissable qui va bientôt faire basculer la ville dans la psychose.

Mon avis

Max (Amélie de son prénom de naissance) Monnehay est une jeune femme écrivain dont, je m’en excuse, je n’avais jamais entendu parler. Et je me demande bien pourquoi alors que je suis d’assez près l’actualité littéraire. Heureusement cette lacune est comblée avec la découverte de son nouveau et excellent roman.

C’est à la Rochelle que se déroule l’intrigue qu’elle nous présente. C’est une ville que je connais bien et j’ai eu du plaisir à visualiser les lieux, à sentir l’air marin, et à suivre certains personnages sur l’île de Ré que je fréquente également. De ce fait, beaucoup d’images se glissaient sous mes paupières et je verrai volontiers une adaptation filmée de ce récit. Certains protagonistes sont issus d’un précédent titre que je n’ai pas lu et ça ne m’a pas gênée. Donc n’hésitez pas, foncez !

Mais venons-en à l’histoire. Des femmes sont retrouvées égorgées, leur enfant est présent mais « protégé », les yeux bandés avec un casque diffusant de la musique. Comment sont-elles choisies, quel est le but poursuivi par le tueur, pourquoi épargne-t-il les petits ? L’enquête ne va pas être facile et les responsables décident de faire appel à Victor Caranne, un psychologue carcéral. Il côtoie des criminels multirécidivistes dans ses séances et il pourra, par son regard extérieur et acéré, apporter son expérience. On peut même espérer qu’il déterminera « une fiche type » de l’assassin afin que les enquêteurs le cernent et le coincent….

C’est en plein mois de Juillet que se déroulent les événements. L’équipe policière ne sait pas où ni comment orienter ses recherches. Il y a bien un petit quelque chose qui les interpelle. Le meurtrier est particulièrement doux avec les enfants, on aurait presque le sentiment qu’il veut les ménager malgré l’horreur des faits.  Il est donc nécessaire de le comprendre et d’affiner son profil d’où la présence de Victor.

Mais ce dernier n’est pas psy pour rien, il a sans doute choisi de « réparer » ses erreurs en prenant cette fonction. Mais est-ce suffisant pour se pardonner ? Il a une attitude complexe avec les autres, notamment avec son père et Anaïs une petite nouvelle au commissariat. Ils sont à fleur de peau tous les deux. Pas simple de dialoguer, de s’écouter, d’échanger dans ces cas-là. Ils ont dans l’obligation de collaborer pourtant.

J’ai particulièrement apprécié que l’auteur ait travaillé le côté psychologique des différents intervenants. Bien sûr, plusieurs ont été cabossés par la vie, mais pas de n’importe quelle façon, certains éléments sont recherchés et intéressants et n’ont pas été évoqués au hasard, ils sont liés à ce qu’ils sont devenus. Max Monnehay a aussi soigneusement installé les rapports, jamais anodins, entre les uns et les autres. L’écriture est agréable et accrocheuse, le style vivant avec quelques fois une pointe d’humour pour dédramatiser ce qu’on lit et souffler face à toute cette noirceur. Le rythme est maintenu par des situations qui ne sont pas forcément en lien avec l’enquête (entre autres, avec un ami de Victor qui est dans la panade). C’est une bonne idée car on ne reste pas focalisé sur une seule chose et on voit la vie des personnages en dehors de leur boulot. Quelques pages sont consacrées à l’égorgeur afin qu’on comprenne pourquoi il en est arrivé à de telles extrémités, elles complètent les réflexions de Caranne sur cet homme.

L’ensemble est tout à fait cohérent pour en faire un bon polar noir et abouti.


"L’usine à privilèges" de Christina McDowell (The Cave Dwellers)

 

L’usine à privilèges (The Cave Dwellers)
Auteur : Christina McDowell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valentine Leÿs
Éditions : Liana Levi (17 Mars 2022)
ISBN : 979-1034905416
416 pages

Quatrième de couverture

Discrétion, tel est le maître-mot chez les ultra-privilégiés de Washington. Se faire remarquer ? Quelle horreur ! Si vulgaire, si nouveau-riche…Tandis que les adultes mettent tout en branle pour que leurs secrets ne soient pas exposés au grand jour, les jeunes s’étourdissent dans la fête et la drogue. Mais à l’ère des réseaux sociaux, leurs frasques pourraient bien entacher la réputation de leurs parents.

Mon avis

Ils sont blancs, nantis (ou font comme si afin de faire illusion), ne fréquentent que des gens comme eux, lisses, bien propres sur eux, appartenant à des clubs de privilégiés où on ne rentre que par intermédiaire. Ils habitent les beaux quartiers de Washington, une ville où le proverbe dit « Pas besoin de regarder la météo pour savoir dans quel sens souffle le vent. » Une cité où beaucoup de choses ne sont qu’apparence, où il faut rentrer dans le « moule » et suivre les codes donnés par cette micro société pour être acceptés, aimés…. On surveille les fréquentations de ses enfants, si possible on les guide, les incitant à rencontrer « les bonnes personnes ». Il ne faudrait pas qu’ils aillent frayer avec des gens de couleur, des plus pauvres, des individus avec qui ils n’ont rien à faire. Leur avenir est déjà défini, tracé, ils iront dans telle université, feront carrière dans le même milieu que ceux qui les ont précédés et dont ils doivent être fiers…. Un quotidien réglé comme du papier à musique, qui se veut sans vague, avec de sourires de façade, parce que quand on creuse….

C’est ce qu’a fait Christina McDowell, puisqu’en fin d ‘ouvrage, elle confie : « Que se passe-t-il lorsqu’on cherche à briser ce cercle vicieux, que ce soit dans un contexte institutionnel, dans notre vie personnelle ou dans notre propre famille ? » Elle est allée plus loin que l’image d’Épinal.
Dans son récit, elle montre comment ces ultras privilégiés sont installés dans un fonctionnement un tantinet archaïque, ne vivant qu’entre eux sans s’ouvrir aux autres, se croyant tellement plus beaux, plus forts, plus riches, plus puissants qu’ils peuvent écraser de leur mépris tous ceux qui ne leur ressemblent pas. De plus, ils essaient de gommer, de cacher, ce qu’ils croient être des imperfections, allant jusqu’à manipuler ou terroriser leur progéniture.

Mais dès les premières pages de ce roman, cet ordonnancement est mis à mal. Une famille entière est assassinée. Le mal serait-il arrivé vers eux ? Ce fait divers va déstabiliser, interroger et secouer. Les adultes seront rapidement soulagés, un homme noir est arrêté et il est emprisonné. Mais certains adolescents connaissant la jeune fille tuée, veulent comprendre, obtenir des explications pour cet acte odieux. D’autres n’ont pas le souhait de poursuivre la tradition familiale et aspirent à une vie qu’ils choisiront. Une mini révolution dans ce microcosme où tout paraît bien huilé, prévu et prévisible. Les parents vont essayer de calmer les ardeurs de leurs jeunes, en leur montrant la voie à suivre mais quelques-uns se rebellent, refusant de se soumettre au schéma familial.

Nous suivons tout ce petit monde dans leurs rapports parfois conflictuels, pas forcément respectueux, difficilement sincères et ouverts. L’écoute, l’échange, sont quasiment inexistants, les pères et les mères estiment avoir raison, savent ce qui est bon et ne souhaitent pas se justifier. Les « c’est ainsi », « tu feras comme nous » sont des réponses fermes et définitives. De plus, « Personne à Washington ne veut être mêlé à un scandale. »

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, qui nous décrit tout ce que l’on peut voir lorsqu’on gratte le vernis. J’ai aimé le cheminement de la jeune Bunny qui prend la réalité en pleine figure une fois qu’elle ouvre les yeux. « On dirait que toutes ces choses qu’elle commence seulement à remarquer restent invisibles pour les autres. ». C’en est presque douloureux pour elle. J’ai été impressionnée par tant de superficialité, tant de « m’as-tu vu ». Il est peut-être un peu dommage que l’on ait vu que ce « côté » » de Washington mais ce sera sans doute pour un autre livre.

L’écriture est agréable (merci à la traductrice), il y a pas mal de personnages mais ils sont aisément repérables. Le rythme est soutenu et on se questionne souvent en se demandant comment les différentes situations présentées vont évoluer. Je ne me suis pas ennuyée une seconde et j’ai trouvé ce récit édifiant et très intéressant !

"L'argent du diable" de Jean-Michel Leboulanger

 

L’argent du diable
Auteur : Jean-Michel Leboulanger
Éditions : du Loir (11 Mars 2022)
ISBN : 979-1094543801
450 pages

Quatrième de couverture

Le retour attendu du commandant Alan Ortiz dans sa Normandie natale s'annonce sous les meilleurs auspices. Mais la découverte dans un petit bois de Honfleur des corps de quatre jeunes femmes, disparues cinq ans plus tôt, va brutalement changer la donne. Étrangement, la perspective de résoudre cette affaire ne semble réjouir personne. Surtout en haut lieu où les pressions sont fortes pour la classer sans suite.

Mon avis

Alan Ortiz, commandant de police à Deauville, est en couple avec Hadija Belkhayat qui travaille avec lui. Précédemment, il a eu une relation compliquée avec Nadia. Cette dernière a disparu depuis cinq ans et il n’a plus jamais eu de nouvelles. Son quotidien n’est pas toujours facile, de vieux démons se rappellent à lui et il flirte alors dangereusement avec la divine bouteille. Sa compagne essaie de l’aider à combattre cette addiction, mais ce n’est pas aisé. Alan est parfois secret, il parle peu de son passé et Hadija se pose des questions mais ils avancent ensemble.

Ce fragile équilibre est bouleversé par un appel des collègues de Honfleur. Un corps a été découvert et tout semble prouver que c’est celui de Nadia. Le passé remonte à la surface et beaucoup de choses vont être remises en question dans la vie d’Alan, et pas seulement en ce qui concerne son couple. Rapidement c’est l’horreur. En effet, il s’avère qu’il n’y a pas que Nadia à avoir été enterrée sauvagement, d’autres victimes, féminines également, ont été cachées au même endroit. Les hommes de Honfleur sont un peu débordés et l’équipe d’Alan récupère l’enquête. Pour éviter toute confusion, c’est Hadija qui sera responsable des investigations, son compagnon agira en sous-main.

Est-ce qu’un tueur en série a sévi dans le coin ? Est-ce que les jeunes femmes mortes étaient liées par une même histoire ? Il est très difficile de faire des recherches cinq ans après les faits, les indices ont disparu et les pistes sont peu nombreuses. Un adjoint d’Hadija, Francis, autiste asperger, va apporter son regard différent et ses raisonnements carrés pour faire avancer l’affaire. Il y a aussi Daniel, un autre collègue qui a un rôle ambigu et le chef, sous influence des hommes politiques au pouvoir, qui ne sait pas trop comment procéder.

On sent dès le départ que certains ne sont pas nets, que cette histoire dérange et que la partie sera tout sauf facile. A trop creuser pour comprendre, les fins limiers dérangent et on voudra les faire taire ou les envoyer ailleurs. C’est sans compter sur l’opiniâtreté des uns et des autres. Parce qu’en avançant dans ses expertises, Hadija connaît et comprend mieux celui qu’elle aime. Alors elle ne lâche rien.

L’écriture de l’auteur est vive, assortie de nombreux dialogues qui donnent du rythme à ce récit. La personnalité d’Alan, que je ne connaissais pas, est vraiment travaillée. Des retours en arrière, écrits dans une autre police de caractères, donc facilement repérables, interviennent régulièrement. Ils permettent d’éclairer le présent, de cerner les non-dits, d’avoir quelques éléments pour cerner la position, les choix, le cheminement de chacun….Des pointes d’humour (ou des jeux avec les noms des uns ou des autres) apportent le sourire. C’est un polar bien construit qui nous emmène plus loin qu’on le pense en lisant les premières pages. Les sujets abordés ne sont pas anodins et rappellent une fois encore l’influence de ceux qui ont le pouvoir et qui pensent avoir le droit de mépriser les autres et de les commander….

Cette lecture, sans temps mort, a été très agréable.

NB : petite précision : je n’ai pas lu les romans précédents et cela ne m’a pas gênée.


"Lettres d'Indochine 1893-1899" de Lucien de Reinach

 

Lettres d’Indochine : 1893-1899
Auteur : Lucien de Reinach
Éditions : Dubuisson (7 Février 2011)
ISBN : ‎ 978-2919362011
144 pages

Quatrième de couverture

 Les lettres réunies dans ce recueil ont été adressées par le lieutenant de Reinach à sa famille pendant les six années qu'il a passées en Indochine. Écrites au jour le jour, sans aucune recherche de style, elles n'étaient pas destinées à être rendu public. On y trouvera, à côté de descriptions simples, mais sincères du pays, les difficultés de la vie coloniale où l'officier et l'administrateur doivent, de leur propre initiative, suppléer à l'insuffisance des moyens dont ils disposent. On y verra le lieutenant de Reinach faisant, tour à tour, œuvre de militaire, d'explorateur, de juge, d'ingénieur, voire même de vaccinateur.

Mon avis

Attirée depuis toujours par le style épistolaire, j’ai eu le souhait de découvrir les lettres de ce soldat. Correspondance incomplète (il manque des courriers) mais aussi complète de par la description minutieuse et rigoureuse, quasi militaire de la vie de Lucien de Reinach.

Trois parties vont composer ce livre : Le voyage, le séjour en Indochine et l’affectation au Laos.

Le voyage est long, très long, dépendant de la météo, loin des moyens qui nous sont proposés maintenant.

Les séjours sont faits d’incertitudes, de changements au dernier moment, de la vie de tous les jours au milieu des indigènes (sans connotation péjorative) et au service de la France.

Dans les courriers, on trouve des comparaisons avec ce qu’on peut voir en France pour que le lecteur visualise mieux ce que le soldat veut transmettre.

On découvre de quoi est fait le quotidien, les rencontres avec le gouverneur, les expéditions ; les services rendus etc …

Il transmet peu ses états d’âme, tout au plus, écrit-il « Je suis devenu tout ce qu’il y a de plus occupé. »

Il ne se plaint pas, si la nourriture abimée doit être jetée, il en fait le constat mais ne gémit pas.

Comme si sa condition de soldat l’obligeait à accepter chaque instant de cette vie comme il vient.

Une « tranche de vie » intéressante pour découvrir l’Indochine sous un autre regard à cette époque.

J’aurais beaucoup aimé lire le carnet de bord qu’il évoque.


Le camp des morts de Craig Johnson (Death Without Company)

 

Le camp des morts (Death Without Company)
Auteur : Craig Johnson
Traduit de l’américain par Sophie Aslanides
Éditions : Gallmeister (1 er Avril 2010)
ISBN :  978-2-35178-034-3
320 pages

Quatrième de couverture

Le mentor de Walt Longmire, le légendaire Lucian Connally, est décidément un homme secret. Lorsque Mari Baroja, dont la famille semble laisser de nombreux morts sur son passage, est empoisonnée dans sa maison de retraite, il confie à Walt que cette vieille dame était son amour de toujours. Tandis que résonne le passé mystérieux de cette femme, le shérif se lance à la poursuite de son meurtrier.

Mon avis

Deuxième opus de cet auteur après Little Bird, j’étais heureuse de retrouver Walt Longmire, un shérif attachant, un peu taiseux et à l’amitié ancrée profondément dans ses gênes.

Contente également de relire Craig Johnson, un auteur qui vaut le détour.

Dans ce coin du Wyoming où deux communautés se côtoient, chacune avec ses habitudes, ses différences, ses croyances, ses silences et ses « codes », rien n’est simple….

Surtout quand le présent paraît relié au passé et qu’il faut  « fouiller » pour comprendre… Là, forcément, on risque de déranger et pas qu’un peu…

Mais Walt Longmire n’est pas homme à tout accepter sans bouger, il va donc gratter quitte à y laisser quelques plumes (bien que lui ne soit pas indien)….

Une écriture calme et posée, poétique à souhait, non dépourvue d’humour. U excellent cocktail pour une lecture comme je les aime !

"La disparition soudaine des ouvrières" de Serge Quadruppani

 

La disparition soudaine des ouvrières
Auteur: Serge Quadruppani
Éditions: Le Masque (7 septembre 2011)
ISBN: 978-2-7024-3588-5
220 pages

Quatrième de couverture

En vacances avec son mari dans une sublime vallée italienne, la tranquillité de la commissaire Simona Tavianello sera de courte durée. Une série de meurtres inexpliqués va bientôt bouleverser la région et Simona ne résistera pas longtemps à se mêler de l’enquête. D’où viennent ces tracts signés « La révolution des abeilles » ? Pourquoi s’en prendre à un apiculteur a l’air inoffensif ? Que cachent les activités de la multinationale d’agro-alimentaire Sacropiano et quelles expériences peuvent bien être menées dans ses laboratoires ? Entre militants écologistes radicaux et industriels puissants qui s’allient aisément les représentants de l’ordre, la commissaire Tavianello aura toutes les peines du monde à garder la tête froide et à ne pas se laisser embarquer dans une nouvelle théorie du complot. Heureusement Marco, son mari, commissaire et tout jeune retraité, veille…

Mon avis

«En cet épineux moment, ce qui sauva Simona d’ultérieurs et fastidieux quiproquos, prises de becs, pugilat entre mâles et autres fatigues inutiles auxquelles s’expose une bonne partie du monde vivant depuis qu’il a opté pour la reproduction sexuée, ce qui donc sauva Simona, ce fut sa spontanéité.»

S’il ne fallait qu’une raison de lire ce court roman, les remarques et réflexions de l’auteur sur la vie du couple Simona/Marco valent le détour.

Humour, auto dérision, analyses truculentes du vécu quotidien de l’union de ces deux personnages, relations aux autres, tout cela m’a beaucoup plus attirée que l’intrigue policière elle-même.

Sans doute parce que, l’esprit en vacances, j’avais le souhait de me détendre et de lire des choses légères.

Je reconnais, malgré tout, que l’auteur est très bien documenté et semble avoir des connaissances solides sur la région d’Italie évoquée, les conflits écologiques liés aux abeilles et pas seulement ceux-ci.

Simona et Marco, couple phare, dont l’un est retraité et aspire à profiter des vacances comme prévu et l’autre, l’esprit et l’œil en alerte, prête à participer à une enquête pour peu qu’on lui demande (ou pas ;-)…. En effet, Simona a l’art (tout féminin) de se glisser là où on ne l’attend pas forcément, l’air de rien…. J’imaginais sans peine les scènes, le sourire à peine esquissé de cette femme d’âge mûr, se trouvant là par hasard, toute disposée à rendre service ….

L’écriture est comique, fluide et alerte, les personnages fouillés (même les seconds rôles) et les événements bien décrits. C’est un livre qui se lit très vite et dont le sujet, bien qu’il ne soit pas nouveau, est intéressant.

Une bonne lecture qui repose l’esprit.

"L'accompagnateur" de Sebastian Fitzek (Der Heimweg)

 

L’accompagnateur (Der Heimweg)
Auteur : Sebastian Fitzek
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions ‏ : ‎ L'Archipel (10 mars 2022)
ISBN : 978-2809843361
370 pages

Quatrième de couverture

À Berlin, peu après 22 heures, Jules est au standard d'un service d'accompagnement dédié aux femmes en danger. Son premier appel est celui de Klara, terrorisée à l'idée d'être suivie par un psychopathe. Un homme qui a peint en lettres de sang la date de sa mort dans sa propre chambre à coucher. Et ce jour se lèvera dans deux heures !

Mon avis

Je suis une habituée des romans de Sebastian Fitzek, je sais qu’il repousse toujours les limites, qu’il est capable d’aller de plus en plus loin quitte à choquer, déranger. Avec ce nouveau titre, il a atteint son but mais je ne sais pas trop comment me positionner…

Ce soir-là, Jules remplace un ami au service d’accompagnement téléphonique pour aider les femmes en danger. Il a travaillé au 112, donc ça ne le gêne pas de suppléer son pote qui pour une fois va sortir et peut-être draguer une fille malgré ses ennuis de santé. Il se retrouve rapidement en ligne avec Klara, qui est terrorisée, persuadée qu’elle va bientôt mourir. Comment l’aider à distance, la maintenir en vie sans pouvoir agir ? D’ailleurs, est-elle vraiment en péril ou ne fabule-t-elle pas un peu ?

Un lien se noue entre Jules et Klara, ils ne se voient pas, se parlent et il arrive même qu’il se confie alors qu’il est censé écouter… Jusqu’où va-t-il aller pour soutenir cette femme, où s’arrête sa mission, et puis si elle ment, n’est-elle pas en train de la manipuler d’autant plus qu’elle lui précise que si le tueur au calendrier a vent de leur conversation, il sera le prochain sur la liste….

C’est très ambigu et l’auteur va « jouer » sur cette ambivalence (et des tas d’autres) tout au long de son récit. C’est ce qui fait son charme, ce qui désarçonne le lecteur, balloté de ci de là, se demandant sans cesse où est la vérité …

Il est toujours intéressant de voir comment cet écrivain s’y prend pour « nous retourner le cerveau » nous entraînant dans des histoires à tiroirs, pleines de ramifications, de méandres, d’incertitude. C’est surprenant, déroutant, voire déstabilisant. C’est vraiment un point fort du style et de l’écriture de Monsieur Fitzek, comme le fait de connaître parfaitement les rouages de la psychologie et d’en utiliser tous les ressorts pour nous captiver.

Si on considère tout cela « L’accompagnateur » est un thriller efficace, qui angoisse, qui fait peur, qui tient en haleine tant le rythme est soutenu et les rebondissements (presque des « revirements ») sont nombreux. L’écriture est fluide, la traductrice a bien retranscrit le sentiment d’angoisse qui monte au fil des chapitres amenant des questionnements de plus en plus nombreux.

Il faut malgré tout préciser que les thèmes évoqués, malheureusement, encore d’actualité, sont abordés avec des représentations de violence, parfois très dures, trop à mon goût. Les descriptions plus succinctes apportent autant de frayeur chez celui qui lit, les détails gores ne soutenant pas forcément le propos si on zappe les paragraphes qui nous mettent mal à l’aise.

Sebastian Fitzek est un spécialiste de ce genre de recueil où les personnages semblent tous plus torturés les uns que les autres et où, dès les premières pages, on se demande qui sera vraiment celui qu’il semble être. Il ne faut pas se préoccuper de la vraisemblance, mais plutôt de l’impression générale que laisse ce rédacteur une fois la dernière page tournée. Il s’explique lui-même en fin d’ouvrage sur toutes les idées biscornues qui lui viennent à l’esprit.  Je suis persuadée qu’au-delà du plaisir qu’il a à écrire, il en a encore plus à l’idée de nous provoquer, attendant nos réactions….

"Les coeurs fêlés" de Gayle Forman (Sisters in sanity)

 

Les cœurs fêlés (Sisters in sanity)
Auteur : Gayle Forman
Traduit de l’anglais par Marie-France Girod
Éditions : Oh éditions (11 mars 2010)
ISBN : 978-2915056976
270 pages

Quatrième de couverture

La vie de Brit la rebelle bascule le jour où son père la conduit de force à Red Rock Academy. Il s'agit d'un centre de redressement pour ados à problèmes, et là-bas tout le monde la croit folle... Tous sauf quatre filles : V, Martha, Babe et Cassie. Unies dans l'enfer, face aux humiliations et aux brimades quotidiennes, les cinq soeurs de coeur vont tout supporter. Ne jamais abdiquer. Elles s'accrochent avec courage à la vie qu'elles appellent de toutes leurs forces, pour devenir elles-mêmes, enfin...

Mon avis

Un livre vite lu, à l’écriture agréable et vive, qui plaira aux jeunes adolescents.

Des jeunes filles, prisonnières de leur « propre peur », enfermées dans un centre de redressement et qui vont découvrir l’amitié, la trahison, la honte, les faux semblants etc… Un panel de sentiments humains …

C’est léger et prenant, ça se lit très vite …

Pour me plaire « beaucoup », il aurait fallu creuser un peu plus la relation aux parents, aller plus loin dans l’approche psychologique des personnages.

Mais ce livre peut donner « un coup de pouce »  à des « ados » en mal être dans leur vie.

Se prendre en main, faire tout pour choisir sa destinée, se donner les moyens d’agir, de faire bouger ce qui nous révolte.

 « …avancer pas à pas. Et quand on s’obstine à mettre un pied devant l’autre, on finit toujours par arriver quelque part. »

J’ai beaucoup apprécié l’image donnée par Brit de ses parents « Elle, c’était un peu l’arc-en-ciel après la pluie et lui, le parapluie sous l’averse. »

Gayle Forman décrit très bien le comportement, les pensées, les troubles et les questions des adolescents, on sent qu’elle connaît « ce public », elle parle « vrai ».

En résumé, un bon moment de lecture


"Ni web ni master" de David Snug


Ni Web ni master
Auteur : David Snug
Éditions : NADA (11 février 2022)
ISBN : 979-1092457513
98 pages

Quatrième de couverture

Fraîchement débarqué des années 1980, un gamin découvre comment internet et les nouvelles technologies ont envahi nos vies et modifié notre rapport au monde. Tel Candide, il pointe les dysfonctionnements de nos sociétés hyperconnectées incarnées par son alter ego adulte, David Snug lui-même.

Mon avis

Cette excellente bande dessinée graphique met en scène un gosse qui vient de voyager dans le temps. Il arrive des années 80 et se rencontre lui-même , plus âgé, alors que la société a évolué et que la numérisation et les technologies nouvelles ont envahi le quotidien.

Le gamin est un « candide » qui découvre le smartphone, Amazon, les réseaux sociaux etc. On réalise que tout est allé vite, très vite, (trop ?)  ces dernières années et que les relations humaines ne sont plus les mêmes…

Bien sûr, le numérique nous a facilité la vie mais on se débrouillait bien avant, non ? Directrice d’établissement scolaire, j’ai vu la différence. Lorsqu’on remplissait les enquêtes sous format papier, on avait une semaine à dix jours pour le faire, quand on pouvait, le plus souvent pendant notre seule journée de décharge (jour où on n’a pas nos élèves) ou en soirée. Depuis qu’internet a été mis en place, il faut répondre aux sondages dans la journée (et on fait quoi de nos élèves ?) avant dix-sept heures…..On n’ouvre plus un (ou pas souvent) un dictionnaire ou le catalogue Manufrance, Google et compagnie sont là, et en plus, si on fait une faute d’orthographe, la bonne réponse est suggérée….

David Snug aborde un vraie thématique de société et il le fait avec brio, ses dessins ironisent sur des situations banales tournées en dérision par trop de technologie, ses bulles sont fines et bien pensées.

Avec un humour féroce, l’auteur nous renvoie en pleine face tous nos travers car il faut bien le dire, le numérique, on est tombé dedans même si j’ai lu cette BD en format papier !

Zombi de Joyce Carol Oates (Zombie)

 

Zombi (Zombie)
Auteur: Joyce Carol Oates
Traduit par Claude Seban
Éditions: Stock (4 mai 2011)
ISBN-13: 978-2234064997
226 pages

Quatrième de couverture

Il pose bien un peu problème à son professeur de père, et à sa mère – qui l’adore – mais ni l’un ni l’autre ne croient une seconde à l’accusation d’agression sexuelle sur un mineur dont il est l’objet. Il est un cas pour le psychiatre-expert auprès des tribunaux chargé de le suivre, qui se sent néanmoins encouragé par la nature toujours plus positive de ses rêves et sa franchise à en discuter. Il est le plus exquis et le plus attentif des garçons pour sa riche grand-mère de moins en moins capable de lui refuser quoi que ce soit.

Mon avis

Le challenge était intéressant, Joyce Carol Oates, s’inspirant de la vie du serial killer Jeffrey Dahmer, allait essayer de pénétrer dans son esprit, nous emmenant avec elle dans les méandres de l’âme humaine « dérangée ».

C’est donc l’homme qui dit « je » et qui, à la manière d’un journal intime, nous explique sa vie, ses raisonnements, ses envies…

Il nomme beaucoup de personnes par leurs initiales, agrémente de dessins ce qu’il décrit, refuse le contact visuel, rajoute des paroles en italiques…

Le contenu est souvent haché, débridé, comme l’esprit de ce tueur qui traque son Zombi dont il veut faire « son jouet »…

Au début, j’ai trouvé qu’on entrait vraiment très vite et plutôt bien dans le vif du sujet et je pensais qu’il fallait que je me « préserve » en quelque sorte de cette folie car les descriptions étaient telles que j’avais l’impression que les pensées de cet homme allaient m’envahir….

Et puis….Trop, c’est trop…

Je me suis lassée de la violence glauque et inutile, du vocabulaire vulgaire, du style qui au final, très répétitif, m’a paru plat mais plat…

Plus rien ne m’accrochait…

J’ai terminé le livre mais je suis déçue….


"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard (Count the Ways)

 

Où vivaient les gens heureux (Count the Ways)
Auteur : Joyce Maynard
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Lévy-Paoloni
Éditions : Philippe Rey (19 août 2021)
ISBN : 978-2848768885
562 pages

Quatrième de couverture

Lorsque Eleanor, jeune artiste à succès, achète une maison dans la campagne du New Hampshire, elle cherche à oublier un passé difficile. Sa rencontre avec le séduisant Cam lui ouvre un nouvel univers, animé par la venue de trois enfants : la secrète Alison, l'optimiste Ursula et le doux Toby.

Mon avis

Parfois, il faut partir de chez soi pour devenir la personne qu’on doit être.

Connue pour ses romans et pour sa relation courte mais destructrice avec J-D Salinger, Joyce Maynard évoque souvent la famille dans ses récits. Elle le fait toujours avec intelligence. « Où vivaient les gens heureux » ne déroge pas à la règle et une fois de plus, je suis ravie de cette lecture.

C’est Eleanor, le fil conducteur de ce recueil, nous allons l’accompagner pendant près de cinquante ans. Ses parents n’ont pas été très aimants et elle s’est construite toute seule. Elle est devenue une dessinatrice d’albums pour enfants connue et reconnue dans son milieu et lorsqu’elle se marie avec Cam, qui fabrique des objets en bois, c’est plutôt elle qui fait tourner la maison financièrement.

On observe ce couple, leur bonheur, leurs difficultés, les hauts et les bas. Mais toujours l’amour d’Eleanor pour les siens domine et reste présent. C’est le fait d’aimer les siens qui lui sert de moteur, qui l’aide à avancer, à tenir, à espérer….

Avec une écriture (un immense merci à Florence Lévy-Paolini pour la traduction) lumineuse, prégnante, une acuité étonnante, l’auteur décortique, dissèque les habitants de cette maisonnée, la place de chacun, ses choix et ce que la vie lui impose. La poésie et la musique sont omniprésentes dans les pages.

Je ne sais pas quels adjectifs utiliser pour décrire le style délicat, la douceur de chaque phrase, l’atmosphère que l’on sent et cette intimité dans laquelle on pénètre. On ne se sent pas voyeur, on a l’impression de vivre avec eux.

C’est le portrait d’une mère aimante, d’une femme courageuse que l’on découvre dans ce magnifique recueil. Eleanor est une résiliente, un modèle pour toutes celles qui se révoltent et qui souffrent… Avancer toujours, croire en soi, pardonner, demain étant un autre jour …. De nombreux thèmes, dont certains en lien avec la famille, sont abordés et tous sont bien traités.

Une histoire superbe ! Décidément, j’aime beaucoup cet écrivain !


"Chimère (La vérité est au fond du Puits)" de François Rivière

 

Chimère (La vérité est au fond du Puits)
Auteur : François Rivière
Éditions : Boutique du cadeau personnalisé (12 Novembre 1999)
ISBN : 97856321456
230 pages

Quatrième de couverture

Il regarda longuement le porte-document en cuir posé sur son bureau, les yeux plissés, comme pour mieux en percer le secret. Il comprit soudain ce qui le gênait depuis le début de sa lecture. Il sursauta, comme traversé par une décharge électrique. Impossible… Il ne voulait pas croire ce que lui révélaient ses yeux. Et pourtant cela ne pouvait pas être le fruit du hasard. Pas avec ELLE. Ou alors…cela ne pouvait signifier qu’une chose : elle savait … ou saurait un jour.

Mon avis

François Rivière a l’art et la manière de mettre en scène des personnages qui ont tout de ceux qu’on côtoie dans la vie quotidienne. Dans ce roman, les protagonistes, qui dans la famille, qui dans le cadre professionnel, sont des hommes et des femmes ordinaires.

Cela permet au lecteur de s’identifier très rapidement à l’un des individus, de préférence celui qui a des problèmes, par empathie, et de suivre le fil de l’histoire, somme toute assez simple, sans perdre pied. Cela peut être un bémol pour les lecteurs aguerris, demandant une intrigue complexe et des êtres au profil psychologique développé mais il peut être agréable, de temps à autre, de lire quelque chose de très fluide.

Il faut dire que le but n’est pas de faire compliqué mais personnalisé. En effet, l’auteur, en fonction des indications qu’on lui donnera, adaptera ses écrits (lieux, noms des personnages, situations) et créera un livre à votre image ou à l’image de celui (ou celle) à qui vous voulez l’offrir.

L’écriture est alerte et dynamique, les dialogues vivants et la présentation plaisante.

Le nombre de pages est en rapport avec une histoire facile à lire mais très efficace.

Les événements ‘enchaînent créant une atmosphère d’angoisse de plus en plus pesante, pour le plus grand plaisir du lecteur de thrillers….

Ici, une jeune femme, qui travaille pour un grand projet publicitaire, se met dans l’idée de connaître un peu plus, son père qui est décédé très jeune. Il n’est pas toujours bon de creuser et d’aller fouiller les archives familiales. « Soulever un lièvre » peut s’avérer dangereux….

Et les non-dits « familiaux » ont quelques fois « raison d’être ….

Un petit regret…J’ai deviné la fin (et je me pose la question de ce que savait vraiment la mère de Cathy puisqu’elle lui déconseille de « remuer le passé »…) mais on mettra cela sur le compte de l’expérience de celle qui lit beaucoup de livres de ce style….

"Lumières d'Irlande" de Claudie Salon

 

Lumières d’Irlande
Invitation au voyage
Auteur: Claudie Salon
Textes et dessins: Christian Salon
Éditions: Les deux encres (Novembre 2002)
ISBN: 2 912975 30 1
152 pages

Quatrième de couverture

Textes de Christian Salon Refuge des amoureux d’une nature restée presque intacte, pays où les légendes sont toujours vivaces, l’Irlande cultive encore à notre époque sa part de mystère et de magie. C’est cette atmosphère enchanteresse que Claudie Salon nous restitue dans cet ouvrage, grâce à ses photographies et à son talent. Elle nous invite à la suivre sur la côte Ouest de l’Île d’Émeraude, des falaises de Moher à la Chaussée des Géants, en passant par les îles d’Aran et le Connemara. Laissez-vous guider par ces clichés, au cœur de l’Irlande éternelle, celle qu’on imagine, qui aime à nous surprendre... sans jamais nous décevoir.

Mon avis

L’Irlande est un pays qui me plaît, qui m’attire, qui me fascine. Je l’ai visité plusieurs fois et, passionnée de photographies, j’ai toujours trouvé que la lumière, là-bas, était particulière.

Un des ces éclairages qui mettent les paysages, l’architecture en valeur, comme s’ils étaient dépouillés du superflu pour revenir à l’essentiel: l’image, celle qui s’imprime sur la rétine des souvenirs.

Lumières d’Irlande est constitué de textes et de photos, l’un en face de l’autre ou des autres, agrémentés parfois d’un dessin complétant les quelques mots où sont évoqués les lieux représentés. Les épreuves sont toutes en noir et blanc, nous promenant essentiellement sur la côte Ouest du pays.

De Glencar Lake à la montagne Croagh Patrick, en passant par Achill Island (mon coin préféré), laissez-vous porter … Observez les oiseaux, les saumons, les moutons, les plantes, les constructions typiques… Ecoutez la mer qui se fracasse sur les falaises, le vent qui souffle… Sentez la tourbe qui sèche avant de devenir combustible….

Et quand vous irez là-bas, suivez ce conseil (page 46)….

« Roulez doucement …Jusqu’à vous arrêter.

Arrêtez-vous longtemps. »

"Sans un adieu" de Harlan Coben (Play Dead)

 

Sans un adieu (Play Dead)
Auteur : Harlan Coben
Traduit de l’anglais par Roxane Azimi
Éditions : Belfond (7 octobre 2010)
ISBN : 978-2714447197
470 pages

Quatrième de couverture

Laura Ayars et David Baskin, l'ancien top model devenue femme d'affaires et la superstar de l'équipe de basket des Celtics : un couple béni des dieux ! Mais, en pleine lune de miel, la tragédie frappe. David part nager et disparaît. Sans un adieu...

Mon avis

Monsieur Coben,

Oui je sais « c’est pas bien » …

Déjà toute petite, je me faisais disputer pour ça et depuis dès que je dis que je le fais, les gens me regardent d’un air atterré …

J’avoue …. J’ai lu la fin avant le début ….comme toujours …Et puis, comme je voulais comprendre un peu plus, j’ai « butiné » un peu … Oh pas beaucoup, même pas besoin de beaucoup de repères : trois ou quatre ont suffi pour avoir la trame.

Alors forcément, par politesse et par respect, je vous ai lu mais les ficelles, la situation étaient si grosses, si invraisemblables, si peu crédibles que tout cela ne m’a pas passionnée …

Et puis c’était du « Coben », on vous voyait venir …

Bon, d’accord, vous m’aviez prévenue.

Dans la préface, vous dites que vous n’avez pas relu ce livre depuis vingt ans, comme je vous

comprends …

Mais, Monsieur Coben, quelle idée de le sortir des cartons …..

Vous étiez en panne d’inspiration, vous aviez besoin d’argent ?

J’ai du mal à le croire, vous m’avez habituée à mieux ….

Ne me refaites pas ce coup là Monsieur Coben ou je ne vous lirai plus!

"Les choses que nous avons vues" de Hanna Bervoets (Wat wij zagen)

 

Les choses que nous avons vues (Wat wij zagen)
Auteur : Hanna Bervoets
Traduit du néerlandais (Pays6bas) par Noëlle Michel
Éditions : Le bruit du monde (3 Mars 2022)
ISBN : 978-2493206039
160 pages

Quatrième de couverture

Kailegh a appartenu à la cohorte de modérateurs de contenu chargés de veiller sur les images et les textes qui circulent sur le web. Sur un ton froid et désabusé, la jeune femme répond par courrier interposé à l'avocat qui lui a proposé de participer à une action collective contre la plateforme Internet qui l'employait. En dépit de la somme de vidéos barbares et de commentaires haineux qui lui a été infligée le temps de ce travail précaire, elle refuse de se joindre à ses anciens collègues, mais souhaite raconter ce qui l'a personnellement traumatisée sur les lieux de ce travail.

Mon avis

Dans ce court mais percutant roman, rédigé après de nombreuses recherches au niveau documentation, l’auteur nous montre l’envers du décor, les difficultés à rester dans le réel lorsque vous passez vos journées à visionner des images qui circulent sur le net.

Kayleigh est une jeune femme qui a besoin de travailler. Elle est engagée comme modératrice pour une plateforme internet, elle finira par arrêter. Sous la forme d’une longue lettre, d’un monologue, cette femme blessée, presque détruite explique à un avocat pourquoi elle ne participera pas à l’action collective contre son ancien patron.

Personne ne l’ignore, il y a des employés qui sont payés (j’ai vu un reportage sur ce sujet) pour « modérer » à longueur de journées les publications sur les réseaux sociaux. Un métier comme un autre ? Non, pas du tout. C’est beaucoup plus difficile. Celui ou celle qui examine les photos ou vidéos, voire textes, reçoit en pleine face, quotidiennement, de la violence, des horreurs et il-elle doit faire le tri. Sur quels critères ? Comment être certain qu’il ne s’agit pas d’une mise en scène destinée à provoquer, une fake news (fausse information), une représentation d’une théorie du complot basé sur du vide ? Cet aspect est déjà ardu, mais il y a également les horaires compliqués, l’ambiance de travail lourde avec tout ce qui est mis en place pour éviter les fuites, les pauses presque inexistantes, le rendement obligatoire… Par-dessus tout, le plus grave est qu’il n’y a aucun garde-fou, pas de « protection mentale ». Encore moins de lieu d’échange, style « analyse de la pratique » où les salariés pourraient évacuer, en toute confiance, ce qui les a choqués, bouleversés, et ainsi prendre du recul.

Malgré tout, Kayleigh a tissé des liens au sein de l’entreprise, elle s’est fait des amis mais tout cela n’est-il pas terriblement superficiel ? Et lorsqu’elle décide de dire stop, la question récurrente, de ceux qu’elle rencontre, est « Qu’avez-vous vu ? ». Beaucoup se disent qu’il vaut mieux ne pas savoir mais ils la questionnent malgré tout. Intérêt ? Curiosité morbide, de mauvais goût ? Cela montre l’impact des informations visuelles sur nos ressentis. Comment décider de ce qui est visible ou pas ? Où se situe la limite, la censure ? Qu’en est-il de la sensibilité de chacun ? Nos pensées sont-elles influencées par ce qu’on voit sur les écrans ? Un exemple est donné dans ce livre, d’une réalité qui se déforme (lorsque des ouvriers sont sur le toit de l’immeuble en face). Kayleigh va-t-elle réussir à se reconstruire ? Retrouvera-t-elle la réalité, quels seront les dégâts psychologiques ?

De nombreux thèmes, en dehors de ceux que j’ai cités, sont abordés dans ce récit. L’auteur les évoque avec une écriture sobre, précise (merci à la traductrice). Tout est à la première personne puisque c’est Kayleigh qui s’exprime. On découvre comment la jeune femme qui se raconte a évolué, ce que ses fréquentations ou son activité professionnelle ont apporté sur son devenir. On sent son mal être et sa solitude face à ce qu’elle vit. Les règles sont dures, comme il est interdit d’en parler, c’est très difficile pour elle.

Et la question principale se pose : comment un monde « virtuel » peut-il être à ce point destructeur ? Ce recueil nous ouvre les yeux et nous incite à la prudence face à tout ce qui circule, même si, dans l’ombre, des modérateurs veillent, souvent dans des conditions de travail déplorables….

Je trouve très subtil que cet opus soit édité, en France par une maison s’appelant « Le bruit du monde » comme si elle donnait la parole à ceux qui, dans le monde, ont des choses à dire sur ce qu’ils -elles ont vu…..pour que nous les entendions …..


"La femme de pouvoir" d'Eric Découty

 

La femme de pouvoir
Auteur : Éric Découty
Éditions : Liana Levi (3 Mars 2022)
ISBN : 979-1034905362
448 pages

Quatrième de couverture

Paris, 1973. La Rouquine a étendu son empire dans tout Paris, de son bordel de luxe jusqu’aux hautes sphères de l’État. Un jeune flic de la Brigade mondaine, en cherchant à enquêter sur des assassinats de prostituées non résolus, va se heurter à cette figure de l’ombre. Rien n’a préparé Simon Kaspar, entré au prestigieux 36 avec une seule idée en tête – élucider par lui-même le meurtre de sa mère –, à affronter les réalités les plus troubles en ces derniers mois de la présidence de Pompidou.

Mon avis

On est en 1973, à Paris. Simon Kaspar travaille depuis un an à la Brigade mondaine. Il est arrivé à ses fins puisqu’il voulait absolument intégrer la police judiciaire, pas vraiment par passion pour ce métier mais surtout parce qu’il y a vingt ans, sa mère, qui menait une vie dissolue,  a été assassinée. Le meurtre non résolu, l’empoisonne et lui trotte dans la tête en permanence bien que sa grand-mère lui conseille de laisser tomber. Lui, il ne peut pas, il veut savoir, comprendre. Au boulot, il passe pour un jeune un peu trop consciencieux, un tantinet naïf, ne cernant pas forcément les « codes » du groupe. Alors, lorsque son chef lui donne comme responsabilité de supprimer tous les condés (autorisations qui couvrent les activités des proxénètes en échange d’informations surtout sur les personnalités connues), il voit là l’occasion de pénétrer, deux décennies après, le milieu où sa mère a évolué. D’autant plus qu’un nouveau meurtre d’une prostituée vient d’avoir lieu. Y-a-t-il un lien avec celui de sa Maman ?

C’est sur un fond historique très bien documenté qu’Éric Découty situe son récit. On rentre dans les arcanes du pouvoir, on cerne les manipulations d’envergure, on pénètre dans les secrets d’alcôve et on comprend très vite qu’en matière de politique et de police, tout n’est pas dit (comme maintenant d’ailleurs). Au début de l’ouvrage, il faut un petit moment pour bien repérer les nombreux protagonistes, leur mission et le rôle du groupe auquel ils appartiennent. Il y a d’ailleurs beaucoup d’informations en bas de page qu’il faut assimiler, dont certaines où l’auteur nous interpelle « Retenez bien ceci, on en reparlera plus tard par exemple). Une fois le décor planté, on est dans l’ambiance et on réalise vite qu’entre les paroles et les actes, un gouffre existe. Pourquoi ? Parce que chacun doit faire avec ce qu’il sait (ou suppose) et qu’il doit taire (ou dire sans vraiment en avoir l’air) et ce qui est « officiel ». A l’Élysée, tout n’est pas très net, certains gênent et il serait bon de les réduire au silence, si possible en les évinçant discrètement.

Simon commence ses investigations et sa mission, sans savoir où il met les pieds. Il rencontre sur sa route, plusieurs fois « La rouquine », une femme qui œuvre dans l’ombre, une mère maquerelle qui se permet de venir au « 36 », et qui donne des informations aux hommes de la PJ. Jusqu’où va son pouvoir ? Quels secrets détient-elle ? De qui est-elle proche ? Pourquoi tant de mystère autour d’elle ? Comment créer un lien avec elle afin de l’interroger ? Kaspar est jeune, maladroit, comment va-t-il agir face à celle qu’on compare à une espèce de Vidocq en jupons ? Comment se fait-il qu’elle semble connaître Claude Pompidou, l’épouse du président de l’époque ? N’a-t-on pas suggéré son nom pour des faits remontant à 1943 ?

En suivant Simon, le lecteur est au cœur de la vie parisienne, des rencontres qu’il fait, fortuitement ou pas, pour avancer dans son travail mais également pour élucider son passé en pensant à sa mère. Il ne sait pas ce qu’il va remuer, il se met en danger, il ne mesure pas les risques qu’il prend. C’est un peu « un électron libre » mais il est attachant dans ses maladresses. L’atmosphère est très bien retranscrite, que ce soit dans les bureaux des différentes organisations, en politique ou dans les hôtels de passe. On pourrait faire un film très complet de tout ça.

Cette lecture, ancrée dans un riche terrain historique est une belle découverte. L’auteur a une écriture agréable, précise et un style bien vivant. Un glossaire pour le vocabulaire typique et une présentation des personnages sont listés dans les dernières pages. Une excellente idée pour bien rester dans l’histoire et ne pas se perdre.