"10 000 km" de Noé Álvarez (Spirit Run: A 6000-Mile Marathon Through North America's Stolen Land)

 

10 000 km (Spirit Run: A 6000-Mile Marathon Through North America's Stolen Land)
Une course sacrée à travers les terres volées des indiens d’Amérique
Auteur : Noé Álvarez
Traduit de l’anglais par Charles Bonnot
Éditions : Marchialy (2 février 2022) (2020 pour l’édition originale)
ISBN : 978-2381340326
338 pages

Quatrième de couverture

Noé Álvarez est américain, fils d’immigrés mexicains, et n’a pour horizon que les rues d’un quartier pauvre de Selah, Washington. Sa seule échappatoire à cet univers morose :  la course à pied. Quand il entend parler d’un ultra-marathon à travers les États-Unis pour la paix et la dignité des communautés amérindiennes, il n’hésite pas une seconde, quitte l’université et s’embarque pour la course la plus longue de sa vie.

Mon avis

« Nous sommes unis et divisés par notre condition. »

Ses parents sont pauvres mais ils sont venus s’installer près de Washington, espérant une autre vie et surtout souhaitant offrir autre chose à leurs enfants. C’est donc là qu’est né Noé. Mais il est difficile d’échapper à ses racines et il se retrouve comme son père et sa mère à travailler pour gagner peu. Le boulot les éteint, les efface…. Alors pour évacuer la colère, Noé court. Une façon pour lui de « déloger les problèmes, de trouver la paix. »

Mais ça ne suffit pas et il réalise vite, jeune adolescent, que ce sera soit les champs (comme sa famille), soit la faculté pour essayer de s’en sortir. Il choisit les études malgré les difficultés (heureusement il y a des bourses pour aider les plus démunis). Il sera celui qui inverse la tendance familiale, il apprendra, il réussira ! Il est partagé entre abandonner pour un temps les siens et partir mais il se dit qu’il va s’en sortir et reviendra avec de l’argent pour les aider.

En Août 2003, une fois à l’université, c’est un fossé qui s’installe entre lui et les étudiant-e-s. Il ne se sent pas à l’aise, pas à sa place, il ne sait pas quelle attitude adopter, il n’a pas les codes pour évoluer dans ce genre de lieu. Ne rien dire, faire comme si, tenir, donner le change…

En Avril 2004, il découvre qu’une course de 10000km pendant six mois, les Peace and Dignity Journeys : PDJ se tient tous les quatre ans et qu’il va y avoir un nouveau départ prochainement. Le but est de rallier le Canada au Panama, les sportifs et sportives sont des indigènes qui rencontreront les communautés amérindiennes sur le chemin afin de partager autour de la paix et de la dignité. Tous ne courent pas en même temps, certains suivent en camion et les étapes sont définies à l’avance. Alors il s’engage.

« Je veux honorer le voyage de mes parents qui les a conduits aux Etats-Unis en embarquant dans ma propre aventure, en courant selon mes propres convictions. C’est là-bas que je dois être. »

Dans ce livre, Noé raconte la course (ils tiennent un bâton en main et quelques-uns s’en servent pour frapper), les rencontres (parfois teintés de beaucoup d’animosité), les obstacles, mais surtout son cheminement intérieur. Plus il court, plus il se rapproche de la ville natale de son père, plus il se « connecte » à la terre, à la Terre devrais-je écrire. On sent que son rapport à la nature évolue.

« Dans cette forêt, je sens que je suis enfin sur le chemin de ma libération. »

Courir lui permet d’appréhender sa vie, d’analyser l’expérience migratoire des siens avec un angle nouveau. Courir c’est appartenir à la terre, pour se rappeler qu’elle est à l’origine de tout, qu’elle nourrit. Il faut donc la défendre.

Ce recueil oscille entre reportage avec quelques éléments clés des journées de course, les liens qui se créent, les jalousies, les blessures, la peur de ne pas être à la hauteur, l’épuisement, les douleurs et les réflexions de Noé que l’on voit évoluer au fil des pages. Il va au bout de ses limites mentales et physiques et ce ne sera pas le même homme lorsqu’il se posera.

J’ai beaucoup aimé ce récit qui monte en puissance, comme si l’écriture et l’homme s’affirmaient en parallèle. Charles Bonnot a réalisé une excellente traduction. La couverture est très belle, parlante et expressive. Je n’ai qu’un regret, qu’il n’y ait pas quelques photos alors j’en mets une :



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