Un prénom en trop
Auteur : Christophe Carlier
Éditions : Plon (3 Mars 2022)
ISBN : 978-2259311298
322 pages
Quatrième de couverture
Il a suffi d'une soirée d'été pour que Rebecca, jeune femme
sans histoires, soit prise au piège d'un jeu cruel, implacable. À présent,
lorsqu'elle marche dans la rue, elle se retourne tous les trois pas. Rebecca
pense que le danger est dans son dos. Pourquoi ne serait-il pas devant elle ou
juste à ses côtés ?
Mon avis
« Je suis un oiseau de nuit qui s’est posé près d’elle.
»
Rebecca est une jeune femme comme il en existe beaucoup. Un appartement,
un travail et pour l’instant pas de petit copain. Pendant les vacances, elle passe
une soirée en boîte de nuit avec une bande de potes et là, un homme flashe sur
elle. Pas de quoi s’affoler me direz-vous, et bien si. Celui qui est tombé en
pamoison a l’impression qu’il est transparent, que la belle ne le voit pas, ne
le calcule pas. Il décide alors de s’incruster dans sa vie et de jouer au chat
et à la souris. Dans un premier temps, il va à la pêche aux renseignements pour
mieux la connaître puis il met en place sa toile d’araignée. Il est
intelligent, pervers, dangereux, s’arrêtant chaque fois que ça pourrait être
trop, maintenant ainsi une peur diffuse. Il choisit soigneusement ce qu’il met
en action, des faits minimes mais qui déstabilisent la belle. Bien sûr, comme
ce sont des petits riens, elle essaie de passer outre, puis se décide à parler,
à partager mais quelle crédibilité lui accorder ? N’est-elle pas un peu
parano, ne s’invente-t-elle pas une histoire ?
Dans ce roman, aux courts, voire très brefs chapitres, nous
avons trois « entrées ». L’homme, obsédé par Rebecca, qui s’exprime
en disant « je », un narrateur de temps en temps et une proche
collègue de Rebecca qui emploie également le « je ». Cette collaboratrice
veut se rendre indispensable, devenir amie avec elle, la protéger quand elle
raconte ses ennuis. Nous passons d’un ressenti à un autre, sans aucun problème,
nous savons toujours qui « parle ». Ce qui est impressionnant, c’est
que Rebecca n’a une existence qu’à travers ce que les autres nous disent d’elle,
elle ne se met jamais à nu directement. Ce que nous apprenons, c’est ce que ce
qu’on découvre lorsque les deux autres principaux personnages devisent.
On sent, inexorablement, le filet qui se resserre, les faits
qui s’aggravent et on s’interroge. La jeune femme va-telle perdre pied, devenir
folle, être tuée, s’en sortir ? Quel est le but poursuivi par celui qui la
traque jour et nuit ? L’atmosphère au travail s’en ressent car Rebecca a
des passages à vide et sa relation avec son adjointe est parfois faussée. Ses
angoisses rejaillissent sur son quotidien et l’empêchent d’être elle-même.
Ce roman m’a bien plu. Je l’ai trouvé percutant. On plonge
vite dedans et on a le souhait de continuer encore et encore. Les liens entre
les différents protagonistes sont bien analysés. Les malaises s’installent,
personne n’est en confiance, à part l’homme de l’ombre assez sûr de lui, limite
arrogant, égocentré, prenant presque le lecteur à témoin de ses méfaits. L’alternance
des points de vue, parfois sur une même situation, est très intéressante. On s’aperçoit
que les faits peuvent vite être interprétés, voire déformés par certains.
L’écriture est accrocheuse, l’auteur va le plus souvent à l’essentiel
et donne des détails à bon escient, c’est très bien pensé. Il y a une part d’analyse
psychologique des émotions de chacun qui ajoute un plus indéniable. On observe
l’évolution de Rebecca qui passe par des « phases » de doute, de
rébellion, de peur, etc…. Le fait de passer très rapidement de l’un à l’autre
apporte un rythme soutenu. Cela évite de trop s’appesantir sur l’un ou l’autre
et ça laisse libre cours à notre imagination, que devient l’individu pendant
quelques pages ?
Les problèmes de harcèlement sont un fléau de notre époque
et l’aborder de cette façon, par l’intermédiaire de trois personnes que
l’on suit tour à tour est originale et bienvenue.
Cette lecture est une belle découverte et je relirai
volontiers Christophe Carlier.
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