"À qui la faute" de Ragnar Jónasson (Úti)

 

À qui la faute (Úti)
Auteur : Ragnar Jónasson
Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün
Éditions : La Martinière (20 Janvier 203)
ISBN : 979-1040110637
338 pages

Quatrième de couverture

Quatre amis d’enfance.
Une randonnée au cœur de ce que l’Islande a de plus sauvage.
Un huis-clos d’où surgissent trahisons et secrets.
Réussiront-ils tous à survivre à cette nuit ?

Mon avis

Quatre amis se retrouvent pour une randonnée et une chasse aux perdrix. Plus ou moins motivés, ils viennent malgré tout, le temps d’un week-end dans la montagne islandaise, sans doute parce qu’ils ont de bons souvenirs ensemble. Il y a Danìel qui a quitté le pays et est devenu comédien à Londres. Helena, ingénieure et son frère Àrmann, guide qui a organisé cette sortie et fondé une agence de voyage. Le dernier, Gunnlaugur, est avocat. Lorsqu’ils se rencontrent, pour les grandes occasions, il y a beaucoup d’alcool et cela simplifie les relations, faisant oublier les défauts des uns et des autres et surtout cela masque le fait qu’ils ne se disent pas tout. Ont-ils aussi bien réussi dans la vie qu’ils le font croire aux autres ? Tout ne serait-il qu’apparence ?

La neige s’invite au cours de la marche et on sent très vite que Danìel en a plus qu’assez. Il faut arriver au plus vite au refuge et attendre une météo plus clémente. Mais rien ne se déroule comme prévu et dans ce huis clos, les personnalités se révèlent. Les secrets, les non-dits apparaissent. Les amis sont-ils vraiment ceux qu’on imagine ? Cachent-ils une partie de leur vie, mentent-ils parfois par facilité, omission ou autre ?

La situation se tend et le lecteur sent que l’atmosphère devient électrique, se demandant comment le vent va tourner et quel événement improbable risque d’arriver et de finir de déstabiliser tout le monde….

C’est avec une construction faite de chapitres très courts, alternant les points de vue et les ressentis des différents personnages (exprimés par un narrateur) que nous découvrons petit à petit le but de ce rendez-vous, les événements tus ou transformés par les souvenirs (volontairement ou non).

Le fait d’être enfermés dans un même lieu, coupés de tout et sans réel moyen de communication, incite les quatre camarades à se surveiller, se méfier et crée un climat de suspicion permanent.

L’écriture (merci au traducteur) est vive. En peu de mots, Ragnar Jónasson plante le décor, les scènes, les émotions. Les caractères de chacun se précisent au fil des pages et en lisant, on découvre les faces cachées de chacun, les défaits, les failles dans la cuirasse.

Cette lecture sans temps mort a peut-être quelques côtés prévisibles, voire peu crédibles certaines fois, mais je ne l’ai pas lâchée et j’ai apprécié ce nouveau roman de l’auteur.


"Les Outre-mer, ce n’est pas toujours le paradis !" d'Alain Gaba

 

Les Outre-mer, ce n’est pas toujours le paradis !
Auteur : Alain Gaba
Éditions : Publibook (14 août 2023)
ISBN : 978-2342368369
100 pages

Quatrième de couverture

Les autorités politiques ont transformé les petites îles en territoires français pour affirmer leur domination et leur appétit d’argent. L’auteur est arrivé à La Réunion en 1970 avec l’espoir de promouvoir l’éducation populaire, mais la colonisation a favorisé l’influence des hauts fonctionnaires et des grandes sociétés, créant ainsi une culture de consommation et d’assistanat. L’auteur déplore les conditions de vie indigne des habitants et propose de faire des « outre-mer » des pays créoles indépendants, prenant en compte leur histoire et leur culture.

Mon avis

Ce livre est un essai où l’auteur, qui a séjourné et travaillé sur l’île de la Réunion, partage ses remarques, réflexions, opinions et raisonnements sur l’évolution de ce lieu, la place des habitants, le lien avec la Métropole (la France dont la Réunion est un département d’Outre-Mer), la place des zoreils (métropolitains qui s’installent sur place), ainsi que celle des touristes.

Son texte est agrémenté de références et chiffres dont il cite assez souvent les sources (j’aurais bien vu quelques-uns des arguments chiffrés présentés avec des documents officiels en annexe). Alain Gaba a un regard critique, acéré sur ce qu’il a observé, appris. Entre autres, que « La Réunion fait partie du territoire douanier de l’Union européenne mais est considérée sur le plan fiscal comme un territoire tiers, y compris dans ses relations avec la métropole. »

C’est un département français mais avec un régime à part…. L’auteur dénonce certains faits, la présence d’hommes politiques qui ont tiré la couverture à eux sans se soucier des répercussions…. Il parle du scandale des « enfants de la Creuse », ces petits réunionnais envoyés en métropole pour repeupler les territoires ruraux…. Il explique que certains pesticides sont encore utilisés pour la canne à sucre alors que ce n’est pas autorisé ailleurs… De quoi s’interroger, se révolter….

Je ne sais pas si la majorité des insulaires adhéreraient à l’idée d’un pays créole indépendant. Ceux que je connais sont heureux de ce qu’ils vivent et ne souhaitent rien d’autre. Mais sans doute qu’Alain Gaba, en étant sur place pendant plusieurs années, a « senti » les choses différemment. Quoi qu’il en soit ce recueil est à découvrir car il donne une vision qui change de celle, édulcorée, qu’on a de ce lieu, en ne pensant qu’au côté paradisiaque.


"La voie de la gentiane" de B-gnet

 

La voie de la gentiane
Auteur : B-gnet (textes et dessins)
Éditions : Jarjille (27 Janvier 2023)
ISBN : 9782493649034
20 pages

Quatrième de couverture

Madame Puech vous enseigne le rituel de la gentiane, et vous apprend à ouvrir votre troisième œil.

Sous bock est une collection des éditions Jarjille.
La voie de la gentiane est le numéro 21 de la collection.

Mon avis

Dans cette mini bande dessinée de la collection sous bock des éditions Jarjille, Madame Puech nous explique le rituel de la gentiane.

Les illustrations sont précises, avec de belles nuances de gris. Certains détails sont très fins malgré le petit format de ce livre. Les expressions du visage sont bien représentatives. J’ai trouvé les dessins magnifiques et très « parlants ». L’histoire se passe à la campagne chez un vieux couple. En quelques vignettes, le décor est planté. On « sent » déjà l’ambiance et on sait que la femme porte le pantalon !

J’ai trouvé intéressant qu’en si peu de pages, on puisse avoir déjà l’impression de connaître ces deux personnages. Tout est suffisant expressif pour qu’on se fasse rapidement une opinion.

Un nouveau sous bock aussi alléchant que les précédents !



"Le jus de Payupaga" de Kuash

 

Le jus de Payupaga
Auteur : Kuash (textes et dessins)
Éditions : Jarjille (1 er Janvier 2023)
ISBN : 9782493649027
20 pages

Quatrième de couverture

Sous bock est une collection des éditions Jarjille.
Le jus de Payupaga est le numéro 20 de la collection.

Mon avis

Dans cette mini bande dessinée de la collection sous bock des éditions Jarjille, un cochon et un oiseau se rencontrent.

Les dessins en noir et blanc et nuances de gris, très doux, tout en courbes, sont suffisamment détaillés pour planter un décor, une ambiance. Les dialogues sont consistants, on a de quoi lire. Et si tout peut sembler un peu décalé, il y a de la réflexion en arrière-plan. Profit, volonté de réussir, jusqu’où peut-on aller pour être le premier ?

Un peu loufoque mais de bon goût, les textes et illustrations sont agréables à découvrir.

Le format du livre, petit et pas cher, est intéressant et peut permettre de faire un petit cadeau sans trop dépenser.


"Crise de la cinquantaine : Nouvelle hystérique" d'Aloysius Wilde

 

Crise de la cinquantaine : Nouvelle hystérique
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Independently published (28 août 2023)
ISBN : 979-8859349906
126 pages

Quatrième de couverture

Maeva Losange, star du cinéma français, ne supporte plus d’être enfermée dans des rôles de godiche. À cinquante et un ans, elle décide de réorienter diamétralement sa carrière. Fini les romances éculées, elle impose ses exigences délirantes aux producteurs, qui n’ont qu’à bien se tenir. Son agent, Philippe Zilenski, essaie tant bien que mal de gérer ses caprices, mais la comédienne est devenue incontrôlable.

Mon avis

Avec son écriture imagée, ses descriptions visuelles telles des scènes de film, son scénario improbable mais qui fonctionne et son humour décapant, Aloysius Wilde a de nouveau écrit un roman qui permet de passer un bon moment sans prise de tête.

Cette fois-ci, on fait connaissance avec Maeva Losange, une actrice française qui travaille aux Etats-Unis. Elle a toujours joué dans des rôles assez stéréotypés et on ne lui propose pas autre chose. Son agent trouve que ça lui convient et tant que financièrement, ça roule comme ça, à quoi bon se compliquer ?

Mais voilà que Maeva en a assez et une folle envie de tout changer l’envahit. Elle devient incontrôlable, prête à tout pour reprendre les rênes, refusant de négocier, appelant à la place de son agent etc…En résumé, elle fait n’importe quoi, s’emporte si on la contrarie. Tous ceux qui la côtoient sont déstabilisés, perdus… que faire ? Baisser les bras et la laisser agir à sa guise au risque de ruiner sa carrière ? L’obliger à obéir en espérant qu’elle ne dérapera pas ?

Nous assistons, impuissants, à ce combat jusqu’à la touche finale.

C’est drôle, enlevé et c’est une bonne récréation au milieu de lectures plus ardues.


"Je voulais pas sortir moi" de Gilles Rochier

 

Je voulais pas sortir moi
Auteur : Gilles Rochier (textes et dessins)
Éditions : Jarjille (27 Janvier 2023)
ISBN : 978-2-493649-06-5
20 pages

Quatrième de couverture

Sous bock est une collection des éditions Jarjille.
Je voulais pas sortir moi est le numéro 24 de la collection.

Mon avis

Cette mini bande dessinée, aux traits crayonnés, est criante de vérité. L’auteur vit en banlieue et a le regard acéré de ceux qui observent, décryptent et sont capables de retransmettre ce qu’ils ont vu.

On assiste à la longue soirée de deux potes qui traînent, sans trop savoir où ils vont, de bar en bar, en passant par l’épicerie de nuit. Le but ? Boire, rire, se moquer, ne rien calculer et voir ce qui se passera…

Les deux personnages ont le franc parler de ceux qui se fichent un peu de ce qu’ils vivent, pourvu que ce soit bien arrosé.

Les dessins sont « serrés » et le texte assez important comme si Gilles Rochier avait des tas de choses à partager. Ce qui est sans doute le cas.

Il y a un peu de tristesse à découvrir ce sous bock, on se prend à espérer une suite où les deux comparses auraient un quotidien plus équilibré, plus « dans la norme ». Mais finalement, dans cette espèce de galère de chaque jour, ils n’ont pas l’air malheureux et c’est bien le principal, non ?


"Né sous une bonne étoile" d'Aurélie Valognes

 

Né sous une bonne étoile
Auteur : Aurélie Valognes
Éditions : Fayard/Mazarine (4 mars 2020)
ISBN : 978-2863744826
342 pages

Quatrième de couverture

Depuis son radiateur au fond de la classe, ce jeune rêveur observe les oiseaux dans la cour, ou scrute les aiguilles de la pendule qui prennent un malin plaisir à ralentir. Le garçon aimerait rapporter des bonnes notes à sa mère, malheureusement ce sont surtout les convocations du directeur qu’il collectionne.
À force d’entendre qu’il est un cancre, Gustave finit par s’en convaincre, sans imaginer qu’une rencontre peut changer le cours des choses.

Mon avis

En tant qu’enseignante, j’ai rencontré des « Gustave », ces élèves qui ne sont pas forcément dans la norme mais qui ont des valeurs profondes qu’il nous appartient de faire éclore.

Souvent, ils ont été catalogués « fainéants », voire « roublards » à la suite d’une remarque décalée, de quelques devoirs où ils n’ont pas pleinement réussi ce qu’on attendait d’eux.

Alors, devant la moquerie, ou même la méchanceté, ils se replient, perdent leurs moyens, s’éteignent et n’aspirent qu’à disparaître. Pour peu qu’on les compare au frère ou à la sœur aîné-e qui « marchaient tellement bien à l’école, au collège, au lycée »… et c’en est fini d’eux…. Ils n’ont plus confiance (ni en eux, ni en personne) et ils n’osent plus… Tétanisés par l’enjeu de la réussite, tout leur semble insurmontable et déjà joué d’avance.

Dans ce roman, seule la Maman de Gustave essaie de le comprendre, de l’aider mais cela lui demande une énergie folle et elle s’épuise. Un jour, c’est la rencontre, un professeur prend Gustave en charge dans le cadre d’un suivi et met en place des solutions pour le soutenir.

Est-ce que ce sera suffisant pour qu’il s’en sorte ?

C’est un livre très agréable à lire, avec quelques portraits un peu caricaturaux (le directeur par exemple), disons qu’il condense tout ce qu’on pourrait trouver dans la profession et qu’il est rare que tout soit concentré dans un même établissement.

J’ai eu beaucoup de plaisir à suivre ce jeune garçon dans son cheminement pour s’épanouir. Aurélie Valognes a une écriture et des propos parfaitement adaptés à ce qu’elle décrit. Ce recueil devrait être disponible dans toutes les salles des profs (et lu) !


"Précipice" de Céline Denjean

 

Précipice
Auteur : Céline Denjean
Éditions : Michel Lafon (23 février 2023)
ISBN : 978-2749952376
496 pages

Quatrième de couverture

" Donner l'alerte, hurler de toutes ses forces ! On allait l'entendre... Mais le cri mourut dans sa bouche, un chaos d'idées se fracassa dans son esprit, une déferlante d'effroi. " Quel est le prix à payer pour dissimuler l'inavouable ? Lorsque la vérité met vingt ans à remonter à la surface, le désir de vengeance n'en est que plus dévastateur... Guidée par son instinct, Louise Caumont, de la brigade de recherches de Tarbes, se lance dans une course contre la mort : qui sera la prochaine cible et pourquoi ?

Mon avis

Valériane Ducuing était médecin légiste, elle vient de démissionner. Elle vit seule dans une maison familiale assez isolée avec son chien Pas de visite, à part de temps en temps, le coursier de la pizzéria. Ça tombe bien, ce jour-là, au moment de la livraison, elle est à deux doigts de la mort et il lui sauve la vie. Qui pouvait en vouloir à cette femme ? Et pourquoi ?

L’enquête est confiée à Louise Caumont. Elle est intriguée par un tag découvert sur les lieux. Ce dernier est numéroté 1, est-ce que d’autres attaques sont programmées et contre qui ? Toute l’équipe est à l’affut. Et puis un homme est retrouvé mort, le même tag est là avec le chiffre 2.  Un lien entre les deux affaires ? Peut-être…. Valériane et l’homme tué étaient dans le même lycée il y a plus de vingt ans…. Mais se sont-ils connus, rencontrés ? D’autres élèves étaient-ils avec eux ? Formaient-ils une bande ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose qu’ils cachent ?

Louise Caumont va être obligée de collaborer avec le major Léa Badenco. C’est difficile car elles n’ont pas les mêmes méthodes d’investigation, des caractères opposées. C’est intéressant de voir comment elles agissent pour avancer malgré tout afin de dénouer les fils bien serrés de cette immense toile d’araignée.

Avec d’habiles retours en arrière, quelques indices distillés çà et là (dont certains pour nous tromper), des personnages au profil psychologique bien travaillé, Céline Denjean maîtrise parfaitement son intrigue.

Cette lecture est addictive, l’auteur a su doser les détails sans trop en faire. Son écriture fluide est plaisante. Il y a suffisamment de rebondissements et de suspense pour maintenir notre intérêt. Les nombreux thèmes abordés : harcèlement, secrets, sport de haut niveau, délation, vie de famille, punition, châtiment, représailles, le sont avec doigté.

Je ne sais pas si la vengeance est un plat qui se mange froid mais c’est un roman qui se dévore.


"La route du lac" de Xavier Massé

 

La route du lac
Auteur : Xavier Massé
Éditions : Taurnada (7 Septembre 2023)
ISBN : 978-2372581219
280 pages

Quatrième de couverture

Blaches est un charmant village réputé pour sa tranquillité… Jusqu'au jour où, au lendemain d'une soirée, trois étudiants sont portés disparus. Que s'est-il passé cette nuit-là ? Que s'est-il passé sur l'unique route qui mène au lac ? Amis, voisins, connaissances… pour les enquêteurs, tous sont suspects. Bienvenue à Blaches.

Mon avis

Blaches est un charmant village où tout le monde se connaît. L’entente semble au beau fixe mais quelques-uns ont peut-être bien des secrets, voire des parts d’ombre, des choses qu’ils cachent soigneusement.

Dans cette bourgade, les jeunes, adolescents ou jeunes adultes se retrouvent régulièrement. Ils vont dans un café où le patron les accueille car il les a vu grandir. D’ailleurs, après leur passage, son fils nettoie et ça lui permet de gagner quelques sous. Dans le groupe, il y a ceux qui sont plus discrets et puis Benjamin, le gosse de riche qui se la pète un peu et Rémi. Rémi il est « gentil », obéissant à son papa, car sa maman est morte. Son cerveau est resté un peu enfantin, il prend tout au premier degré et pour lui dans la vie, il y a des bons et des méchants. Comme tous pensent qu’il ne comprend rien, il peut traîner, observer, comprendre à sa façon ce qui se déroule sous ses yeux. Le problème, c’est que, de temps à autre, il interprète et il se trompe. Mais dans sa tête, il fait ce qu’il pense juste et nécessaire pour aimer et être aimé, c’est l’essentiel pour lui.

Ce soir, c’est l’anniversaire de Benjamin et toute la bande se retrouve pour fêter ça ! Évidemment, il y a un peu trop d’alcool, Mylène essaie de se dépêtrer du jeune homme qu’elle trouve collant. Ce n’est pas parce qu’il est le roi de la soirée qu’il peut tout se permettre. Heureusement Thomas, un ami de son âge, veille. Pourtant Mylène refuse son aide et veut rentrer seule sur son vélo. Le lendemain, ces trois là ne sont pas dans leur lit. Si, dans un premier temps, tout le monde s’accorde à penser qu’ils doivent, soit cuver dans un coin, soit s’être endormis ailleurs que chez eux, l’angoisse monte au fil des heures. D’autant plus que la moto de l’un, la voiture de l’autre sont découverts sans occupant.

Le capitaine de gendarmerie Michel Leroy accompagné du lieutenant Anthony Ramazzy mènent les investigations, ils sont du coin et les familles ne leur sont pas inconnues. Ils vont pouvoir questionner, se rendre dans les habitations sans trop créer de stress. Ils essaient d’interroger Rémi mais comme tout n’est pas clair dans sa tête, ça n’apporte pas grand-chose.

Les enquêteurs vont vite comprendre qu’ils ne sauront pas tout, que certains « ont oublié », que d’autres ne se prononcent pas, que les gens du coin font bloc devant, et parfois, se déchirent par derrière. La recherche de la vérité est un « révélateur ». Certains événements tus pendant longtemps surgissent, des personnages troubles également et que dire de ces individus dont on doute de l’honnêteté ?

Par d’habiles allers et retours passé présent, l’auteur nous plonge dans le quotidien des habitants du coin. Si on s’imagine avoir tout cerné des tenants et des aboutissants, on déchante rapidement. Rien n’est évident, rien ne coule de source. La vie est-elle un immense jeu où l’on lance les dés pour définir la suite ? Maîtrise-t-on tout ce qu’on décide, ce qu’on choisit ? On le sait, un grain de sable et la roue ne tourne plus aussi facilement…

Xavier Massé nous manipule, nous entraîne dans des spéculations, il est le grand maître, le seul à savoir où il veut aller et quelle route emprunter. Et nous, pauvres lecteurs, on réfléchit, on essaie de comprendre, d’être rationnel, mais on est perdus et quand toutes les pièces du puzzle s’emboîtent, on se dit qu’il fallait y penser… Chapeau !

"J.R.R. Tolkien une biographie " d'Humphrey Carpenter (J.R.R. Tolkien, a Biography)

 

J.R.R. Tolkien une biographie (J.R.R. Tolkien, a Biography)
Auteur : Humphrey Carpenter
Traduit de l’anglais par Pierre Alien
Éditions : Christian Bourgois (7 Septembre 2023)
ISBN : 978-2267050516
541 pages

Quatrième de couverture

« Ce livre a pour support les lettres, le journal et d’autres documents laissés par le professeur J.R.R. Tolkien, ainsi que les souvenirs de sa famille et de ses amis. Tolkien lui-même n’aimait guère l’idée d’une biographie. Ou plutôt il lui déplaisait qu’on l’emploie comme une forme de critique littéraire. “ Je tiens fermement ”, écrivit-il un jour, “ que retracer la vie d’un écrivain est une manière fausse et entièrement vaine d’approcher son œuvre. ” Cependant il se rendait certainement compte que la remarquable popularité de son œuvre rendait hautement probable la parution d’une biographie après sa mort, et il semble même qu’il s’y soit quelque peu préparé, car pendant les dernières années de sa vie il a joint des notes explicatives et divers commentaires à un certain nombre de vieilles lettres et de manuscrits.

Mon avis

Cette biographie (la seule autorisée car Tolkien n’aimait pas cette idée) a été publiée dans sa langue originale en 1977. Pour la version française, c’est la troisième édition (elle a été révisée).

Nombreux sont les lecteurs à avoir lu « Le Hobbit » ou « Le Seigneur des anneaux » mais qui était vraiment J.R.R. (John Ronald Reuel) Tolkien, l’auteur à succès qui a rédigé ces livres qui sont toujours très demandés ? Qui était cet homme, comment son esprit fonctionnait-il pour qu’il crée un univers de fantasy qui plaise à autant de personnes ?

Humphrey Carpenter l’a rencontré, a accédé à de nombreux documents (lettres, journal intime etc … ), a vu ses enfants et s’est lancé dans l’écriture. C’est plaisant à lire, très documenté (en pages centrales, il y a même quelques photos), et captivant.

« Il n’y avait pas deux Tolkien, un universitaire et un écrivain. Il n’y avait qu’un homme dont les deux aspects se recouvraient sans qu’on puisse les distinguer – non pas deux aspects, même, deux manières de s’exprimer d’un même esprit, d’une même imagination. »

Cette citation est très significative. Dans ce recueil on fait connaissance avec un homme « complet ». Si on peut penser qu’il est devenu « écrivain par hasard » (il explique qu’un jour, il a mis quelques mots sur une feuille laissée blanche par un étudiant), son rapport aux langues (il parlait grec, latin, etc avec beaucoup de facilité), aux mots, aux alphabets (il en inventait), montre une « envie de lettres » exceptionnelle. Il se « nourrissait » de tout ce qui était en lien avec la linguistique, la philologie qui le passionnaient.

Son immense triomphe avec « Le Seigneur des anneaux » l’a étonné, il a reçu des cadeaux, des missives de lecteurs avides de communiquer avec lui et tout cela lui pesait parfois. C’est quelqu’un de fascinant dès l’enfance. À l’adolescence, il tombe amoureux alors qu’il n’est pas majeur. Il fait preuve d’une grande maturité et en parallèle son cerveau est prêt en permanence pour s’évader dans d’autres mondes. Il a le sens du comique, se moque de lui-même et peut se laisser aller à des blagues potaches.

Il n’a pas eu une vie ordinaire, il n’était pas toujours facile à vivre, même s’il respectait énormément son épouse. Je pense que lorsqu’il travaillait, il avait besoin d’être seul, sans sollicitations extérieures (pas même une tasse de thé) et qu’il était un tantinet indépendant. Il aimait bien passer du temps avec ses copains ….

Ce livre est bien construit, facile à lire sans notes de bas de pages sans arrêt, ce qui évite une déconnexion du texte. Il ne nous noie pas sous les dates, les références, il se lit comme une histoire et on apprend plein de choses (plus de quinze ans entre le premier jet et la publication du Seigneur des Anneaux…). Le « monde » qu’il a conçu « existe » pour lui, il traque la moindre erreur de logique, de cohérence, de temporalité, il est perfectionniste. Comme cela, tout est précis, bien cadré et vivant, représentatif.

Très bien écrite (merci au traducteur), cette biographie m’a fascinée. Tolkien était quelqu’un d’exceptionnel et je suis heureuse de mieux le connaître, de cerner son caractère, sa façon d’être.


"Le Geste" de Gérald Tenenbaum

 

Le Geste
Auteur : Gérald Tenenbaum
Éditions : Le Voile des mots (20 juillet 2023)
ISBN : 978-2958737450
198 pages

Quatrième de couverture

Sur l’asphalte d’une route de montagne, par un étrange caprice du ciel, l’absence vient parfois distiller toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Un homme sans nom emprunte cette route. Au bout de la route se dessine un refuge auprès de Kip, l’ami d’enfance. C’est dans leur passé commun, vécu, partagé, ou imaginé, qu’il plonge en cherchant sa respiration. Kip l’attend et l’accueille. Kip, Léah, Marie, et lui, qui s’est perdu — un monde prend forme.

Mon avis

Lire Gérald Tenenbaum, c’est entrer dans un univers feutré sur la pointe des pieds. Un univers qui se démarque, tant par l’histoire que par l’utilisation des mots. Ce sont eux qui portent le récit, le rythment, le « poétisent », lui donnant une force unique. Ils nous imprègnent d’une douce mélancolie, une atmosphère bleutée, indigo. De toutes ces nuances de bleu qui comme un ciel d’orage mouvant, célèbrent l’absence, la présence, le manque, les gestes qu’on aurait dû ou pu faire, qu’on a oubliés ou mal faits, qui ont donné une direction différente à la vie et dont on se dit « et si ? » …

Le Geste, c’est le récit d’un homme qui revient en arrière, qui s’est perdu et qui se cherche, qui retrouve ceux qu’il a côtoyés jadis, et qu’il a quittés sans les oublier. On suit sa route entre passé et présent, rencontres, souvenirs évoqués etc … La souffrance, l’amour, l’amitié nimbent le texte d’une aura délicate. Peut-on tout partager avec ses amis, jusqu’où peuvent aller les confidences ? Qu’est-ce qu’aimer ? Comment donner du sens à ses sentiments ? Comment garder le fil du temps ?

L’auteur nous rappelle que les lieux sont porteurs du passé qui les habite, qu’ils transmettent et donnent un peu d’eux à ceux qui font leur connaissance. Il souligne l’importance du dialogue, de l’écoute, du minutage (avant c’est trop tôt, après…on le sait, c’est trop tard…), du respect de ses racines, de l’autre, de tous …

Après la dernière page, je suis bouleversée, remuée par ce court livre qui contient tant de choses exprimées ou senties entre les lignes….

Cette lecture est une chanson murmurée, une invitation à se laisser bercer par une écriture lyrique et sensible, un style exquis où chaque phrase est un élément d’une immense ode qui se construit sous nos yeux.


"L'affaire Pallas Toulon, 1942" de Paul Vecchiali

L’affaire Pallas Toulon, 1942
Auteur : Paul Vecchiali
Éditions : L’Archipel (1 er octobre 2014)
ISBN : 9782809815696
310 pages

Quatrième de couverture

27 novembre 1942 : la flotte toulonnaise s’est sabordée. Au petit matin, deux compagnons de la Résistance, Henri Frenay et l’inspecteur Yannick Bellec, découvrent un cadavre agrémenté d’une carte à jouer : la maléfique dame de pique, dite Pallas. Bellec réalise que ce meurtre s’ajoute à une série de neuf autres, non élucidés, perpétrés selon le même rituel.

C’est le point de départ d’un récit qui suit deux cours opposés : d’une part, la Résistance en action, autour du fondateur de Combat, Henri Frenay ; d’autre part, l’enquête de Yannick Bellec, persuadé que ces assassinats sont étroitement liés aux événements de la « drôle de guerre ».

Mon avis

Yannick Bellec : le breton, mais aussi caméléon….

S’inspirant des récits et des archives de son oncle : Lucien Sicard, un ancien résistant ; Paul Vecchiali nous entraîne en 1942 au moment où la flotte de Toulon se saborde pour éviter d’être capturée par le troisième Reich.

Mélangeant de façon habile les personnages et les faits ayant existé à ceux issus de son imagination, nous allons suivre Yannick Bellec dans une enquête concernant neuf meurtres. Ils sont tous reliés par la carte à jouer : Pallas, la dame de pique : figure ambiguë qui ne regarde pas en face et dont on dit qu’elle porte malheur. Yannick Bellec est un personnage peu ordinaire. Il est inspecteurs de police aux côtés du commissaire Galabert mais également résistant, et c’est dans ce cadre qu’il croisera Lucien Sicard (l’oncle de l’auteur) ainsi qu’Henri Frenay, Jean Moulin et d’autres. Il aime à jouer les caméléons se faufilant dans d’autres tenues que la sienne. Ainsi il donne le change car on ne le reconnaît pas. Cela peut avoir des avantages mais aussi, parfois, des inconvénients… De façon peu orthodoxe, il mène ses recherches, refusant, de temps à autre, de communiquer sur ce qu’il a appris ou découvert avec sa hiérarchie. Ce n’est pas forcément du goût de ses supérieurs mais en bon breton, entêté, il s’obstine. Il joue un peu « cavalier seul ».

Les deux facettes du principal protagoniste vont permettre à l’auteur et aux lecteurs de revisiter l’Histoire avec plusieurs regards. C’est indéniablement un plus, très intéressant.

Bellec note en vrac, sur des bouts de papier volants, tout ce qu’il retient à la fin de chaque journée. Il privilégie ce système plutôt que des notes « organisées » et classées par ordre chronologique. D’ailleurs, son esprit est un peu semblable. Il part sur une idée, la creuse, revient à une autre, enchaîne etc… Mais ce n’est pas pour autant que le livre est « brouillon », bien au contraire !

Celui qui lit se repère sans difficultés dans les différents lieux et personnages. Les dialogues sont très nombreux et apportent « du mouvement » au récit. Le vocabulaire est abordable et quand il le faut, il est celui de l’époque. L’écriture est fluide. Il n’y a pas de temps mort et les faits s‘enchainent très rapidement. On est accroché aux pas de Yannick Bellec. Les « seconds » rôles sont également à suivre, notamment Philippe et Alexandre ainsi que la belle Jeanne, qui sont des êtres de papier mais parfaitement intégrés aux événements décrits.

Le « fond » historique servant de décor à cet opus est bien retranscrit, sans excès (ce n’est pas un livre historique, on reste donc bien dans la catégorie « roman ») et cela permet de revoir un peu les conditions de la résistance, surtout dans le Var, probablement grâce aux souvenirs partagés et aux traces écrites laissées par Lucien Sicard.

Pour agrémenter tout cela et donner de la force à son texte, Paul Vecchiali n’a pas oublié de mettre un peu de piment : un zeste d’amour (contrarié ou pas), des amis fidèles mais aussi des traites, des zones d’ombre, des questions … Tous les ingrédients pour tenir en haleine celui qui tourne les pages.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, je ne connaissais pas cet auteur et c’est une belle découverte. Le mélange fiction/histoire ne m’a pas gênée et m’a même donné envie de découvrir un peu plus précisément cette période et les événements évoqués.

 

"Action ou vérité" de M.J. Arlidge (Truth or Dare)

 

Action ou vérité (Truth or Dare)
Auteur : M.J. Arlidge
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Séverine Quelet
Éditions : Les Escales (2 Février 2023)
ISBN : 978-2365697231
480 pages

Quatrième de couverture

Une vague de criminalité frappe Southampton : un incendie parti de rien, un vol de voiture qui tourne mal, un meurtre dans un parc. Rien ne semble rapprocher ces événements et pourtant, quelque chose les relie. Au fur et à mesure de son enquête, Helen Grace observe avec effroi un puzzle machiavélique prendre forme. Toute la ville est menacée. Face à cette affaire d'une ampleur et d'une complexité inédites, Helen parviendra-t-elle à protéger les habitants de Southampton ?

Mon avis

Le commandant Helen Grace est un personnage récurrent de M.J. Arlidge et c’est un plaisir de la retrouver. Elle est parfois un peu limite dans sa façon de mener ses enquêtes mais elle est surtout très forte et ses déductions sont excellentes. C’est une femme un peu tourmentée, pas toujours à l’aise dans ses relations aux autres mais sa fragilité, qu’elle cache le plus possible, la rend attachante.

Elle se retrouve face à des meurtres que rien ne semble lier. Malgré tout, cela l’interroge. Elle ne comprend pas comment sont choisies les victimes et qui peut leur en vouloir au point de les tuer et surtout pourquoi… Le suspense et l’angoisse augmentent de page en page et ne nous laissent aucun répit. L’atmosphère est anxiogène et on sent bien que la situation n’est pas nette. Qui tire les ficelles dans l’ombre ?

L’aspect psychologique est important dans ce récit, tant pour l’affaire sur laquelle Helen a lancé des investigations que sur son équipe, et ses collègues, dont un a décidé de lui mettre des bâtons dans les roues. Bien sûr, si on connaît les précédents opus, on voit l’évolution des personnalités de ceux qui sont présents dans chaque tome. Mais l’histoire peut être lue de façon indépendante.

D’une efficacité remarquable, ce roman se dévore. Les chapitres courts donnent beaucoup de rythme. On passe d’un protagoniste à l’autre, ça s’enchaîne avec des rebondissements bien pensés. L’écriture fluide, la traduction excellente, sont pour beaucoup dans l’addiction ressentie dès les premières pages. On veut savoir, comprendre et avoir le mot de la fin et quelle fin brrrr…..


"De la neige à Moscou" de Jean-Pierre Ferret

 

De la neige à Moscou
Auteur : Jean-Pierre Ferret
Éditions : Les 2 Encres (19 décembre 2013)
ISBN : 978-2351686249
190 pages

Quatrième de couverture

« J'errai tout au long de la matinée dans ce Paris grouillant où jamais je ne me sentis aussi seul. À midi, je ne pris même pas de repas. Pourtant, j'avais faim mais je ne me voyais pas aller seul dans un restaurant ou, pire, dans une brasserie bondée aux conversations du type café du commerce. Pourquoi pas un sandwich pris sur un banc d'un des nombreux squares parisiens, me direz-vous ? Je n'en avais pas le courage. Je n'avais plus goût à rien, je vous dis. Sans vraiment savoir comment, je me retrouvai devant la station de métro « Odéon ». En fait, j'allais au hasard comme si mes pas commandaient à la place de mon cerveau. J'étais presque dans un état second. Je voulus traverser le boulevard Saint-Germain. J'entendis un crissement de pneu, des hurlements et un énorme choc. Comme si j'étais catapulté dans le ciel. Puis... plus rien ». Sébastien Mauduit, la quarantaine, a récemment tout perdu : sa femme, son travail, ses amis. Et voilà que maintenant, son médecin lui prédit la cécité. Totalement désemparé, il est au bord du suicide. Mais une rencontre accidentelle va le conduire en Russie où des péripéties peu ordinaires l'attendent.

Mon avis

Voici un court roman tout simple, permettant de se détendre un jour où la pluie est trop présente ou le moral en berne.
Le personnage principal, Sébastien, est dans une mauvaise passe, il a de graves problèmes de santé, son couple est au bord de l’implosion, sa situation professionnelle s’effrite, globalement une vie sans relief et surtout rien qui le retient, qui lui donne envie de lutter, d’avancer, de s’en sortir…. Vivre ou pas ? A quoi bon ?

Il va, par le hasard d’un accident, faire une de ces rencontres improbables, que seuls les clins d’œil du destin peuvent offrir. Deux mondes opposés, deux façons de vivre totalement différentes que ce soit dans les centres d’intérêt ou dans le quotidien. La rencontre va en entrainer d’autres et va surtout bouleverser ses acquis, ses idées, sa façon d’être et de penser. Cela va le sortir d’une espèce de routine dans laquelle il se complaisait. Les nouvelles techniques de communication (qu’il avait refusées jusqu’à présent) vont venir à lui et il sera plus en phase avec la société actuelle. Mais il n’y aura pas que ça, il s’ouvrira à l’autre, comme on ouvre son regard en l’étendant un peu plus loin qu’un horizon très proche (et parfois bouché). Comme il n’a, en quelque sorte, rien de mieux à faire, il accepte d’être bousculé dans ses certitudes et de tenter autre chose.

Il va se retrouver projeter à Moscou pour quelques jours. Une ville très différente de Paris où il habite et où les habitudes ne sont pas les mêmes. J’ai regretté que la place de cette contrée ne soit faite que de noms d’hôtels, de métros, de bars et de lieux touristiques. Il aurait pu être intéressant de creuser une façon de vivre (bien qu’elle soit très légèrement abordée lorsque que la jeune guide russe évoque son quotidien), des coutumes, une ambiance plus slave.
Dans cette cité, il sera confronté à différents obstacles qui vont mettre un peu de piment dans le récit. Cette partie aurait pu être étoffée de quelques éléments supplémentaires pour que le roman gagne en consistance. Ses échanges avec les uns et les autres, ses peurs, ses angoisses mais aussi la solidarité, l’écoute, l’entraide, tout est présent mais peut-être un peu trop survolé. Je suis globalement resté sur ma faim car il me semble qu’il y avait moyen de créer une intrigue plus complexe avec le même fond.

Je précise que ceci reste mon avis car il en faut pour tous les goûts. Ce livre a le mérite d’être très abordable, facile à lire et écrit avec un style fluide agrémenté de quelques rebondissements  donnant du rythme à l’ensemble.

Je ne regrette en rien cette lecture car cela n’a pas été fastidieux, ni pénible à lire au contraire. Mais il y manque sans doute l’étincelle qui en aurait fait une lecture inoubliable.

"Plan américain" de Seth Greenland (Bleecker and Bowery)

 

Plan américain (Bleecker and Bowery)
Auteur : Seth Greenland
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Liana Levi (7 Septembre 2023)
ISBN : ‎ 979-1034908134
306 pages

Quatrième de couverture

New York, fin des années 70. La ville est sale, les immeubles délabrés, et il ne fait pas bon s’y promener seul après minuit, mais elle bouillonne de créativité. Les cinémas d’art et d’essai pullulent, les films au casting majoritairement noir connaissent leur âge d’or, et tous les espoirs d’une mixité harmonieuse semblent permis. C’est là que Paul, alias Pablo, fils d’un marchand de boutons juif, rêve de lancer sa carrière de cinéaste. Un projet aussi ambitieux que fou, porté par l’enthousiasme de la jeunesse, qui pourrait bien rencontrer quelques obstacles…

Mon avis

Dans ce nouveau roman, l’auteur revient sur le passé des personnages évoqués dans son livre précédent « Mécanique de la chute ». Mais les deux lectures sont totalement indépendantes l’une de l’autre.

Nous sommes à New-York, dans les années 70. On ne peut pas se promener comme on veut en ville, ça craint comme on dit. On fait connaissance avec Paul, Pablo, qui, pour ses parents, va devenir réalisateur vu qu’il a fait des études en lien avec le cinéma. En fait, il regarde des films pornographiques et en écrit de petites critiques pour un magazine. C’est un boulot alimentaire, pas du tout prometteur…. Mais les rêves sont intacts et il continue de les nourrir.

Son ami Jay Gladstone a des relations, promet de trouver de l’argent et de monter un film dont Pablo assurera la réalisation. Il faut simplement trouver le scénario idéal, les finances, les acteurs… Ben voyons….

À cette époque, c’est la blaxploitation (courant culturel et social propre au cinéma américain des années 1970 qui a revalorisé l'image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires) qui est tendance. Il faut donc rester dans cette lignée pour avoir du succès. Pablo réfléchit et écrit un synopsis qui met en scène des individus à la fois ciblés et variés, avec une pointe d’humour. Est-ce que ce sera suffisant pour trouver un mécène ? Ne faudra-t-il pas modifier, biffer, rayer, transformer, voire rédiger à nouveau ?

C’est le cheminement de ces jeunes que nous suivons dans ce récit. On va les voir grandir, s’émanciper, devenir indépendant. Mais ce n’est pas aisé, il y a les amis, les amours, les emmerdes comme dans la chanson. Il faut faire sa place, être écouté, compris, accepté. Les rencontres jouent un rôle important dans leur quotidien, elles influencent les liens, les choix.

Avec une écriture fluide et agréable (merci à la traductrice), Seth Greenland nous plonge dans l’atmosphère de la Grosse Pomme. À ses côtés, on visite les cafés théâtre, on écoute les conversations, on comprend les ressentis des uns et des autres. Il sait trouver les mots pour les dialogues, les descriptions des lieux, des échanges, et les questions que tous se posent sur leur avenir, leurs décisions prises ou à prendre.

Je me suis particulièrement attachée à Pablo. Il est intéressant dans ses souhaits de s’en sortir seul, de réussir. Parfois il est un peu naïf et il découvre le revers de la médaille ou la face cachée de ceux à qui il a fait trop vite confiance. Parfois, il a dû céder, changer ce qu’il avait prévu. C’était difficile pour lui car il ne voulait pas « se perdre » mais avancer malgré tout. Finalement c’est ça devenir un homme adulte, c’est apprendre de ses expériences, de ses erreurs et devenir soi.

C’est une lecture qui pourrait donner naissance à un très bon film. C’est instructif, dépaysant et très plaisant à lire.


"Black Summer Une enquête de Washington Poe" de M. W. Craven (Black Summer)

Black Summer Une enquête de Washington Poe (Black Summer)
Auteur : M.W. Craven
Traduit de l’anglais par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (7 Septembre 2023)
ISBN : 978-2809845938
410 pages

Quatrième de couverture

Jared Keaton, le chef étoilé le plus célèbre de Grande-Bretagne, est en prison pour l'assassinat de sa fille unique, Elizabeth. Son corps n'a jamais été retrouvé mais le témoignage de l'inspecteur Washington Poe a convaincu les jurés. Affaire classée. Jusqu'à ce qu'une jeune femme prétende être... Elizabeth. Ce que les analyses confirment ! Keaton est aussitôt libéré et Poe se retrouve en fâcheuse posture. Le chef a juré sa perte, et il a eu six ans pour mijoter sa vengeance.

Mon avis

Jared Keaton est le boss en matière de cuisine. Son restaurant étoilé vous sert une longue liste de plats, des ortolans (berk, pauvres petites bêtes) et sa réputation n’est plus à faire. Mais depuis six ans, il est en prison car l'inspecteur Washington Poe l’a coincé pour le meurtre de sa fille Elizabeth, bien qu’on n’ait pas retrouvé son corps. Son second et ses employés font tourner le bistrot et lui il attend patiemment de pouvoir sortir.

Mais coup de théâtre, Elizabeth réapparaît et le chef cuistot est libéré. Poe n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles. Pourtant les tests sanguins le prouvent, il n’y a pas de doute, c’est bien elle. Où était la jeune femme pendant les années écoulées depuis sa disparition ? Que s’est-il réellement passé ? Que peut dire Poe face à cette énorme erreur judicaire ? Il se retrouve face à Keaton qui jubile devant le désarroi de l’enquêteur. Pourtant sa conviction profonde est que l’homme est coupable.

Le lecteur est pris entre deux tendances : le fait qu’un innocent ait pu être condamné à tort et en parallèle, le fait qu’un policier sûr de son fait, plutôt bon, ait pu se tromper. Poe décide de se faire aider par Tilly Bradshaw, une jeune geek végétarienne. Ces deux-là n’ont rien en commun et pourtant, ils feraient tout l’un pour l’autre ! Un duo tout à fait improbable et qui fonctionne à merveille. Lui, perdu face aux nouvelles technologies et elle, capable de trouver la faille en recherchant des informations sur le net qu’elle croise et entrecroise. Lui sauvage et parfois taiseux, elle sans filtre (elle a probablement quelques traits autistiques, vu qu’elle n’a pas les codes sociaux pour communiquer avec les autres).

Ce roman se déroule dans le Crumbria en Angleterre. C’est un coin particulièrement vide d’habitants où Poe s’est installé dans une ancienne bergerie avec un groupe électrogène, son chien, ses bières et son alimentation pas toujours équilibrée. J’aime l’atmosphère qui se dégage de ses lieux presque déserts et que l’auteur retranscrit à la perfection.

Les événements présentés sont particulièrement bien pensés. On se demande qui manipule qui, dans quel but et la vérité d’une page n’est pas forcément celle de la suivante. Il y a du rythme, du suspense, de l’action avec en toile de fond les déboires de Poe avec ses voisins, ses chefs… On n’est pas seulement focalisé sur Elizabeth et son père, il y a d’autres situations à se mettre sous la dent (ou sous l’œil puisqu’on lit).

L’écriture est vive, addictive. C’est l’excellent Sebastian Danchin qui a assuré la traduction et ça se voit, merci à lui. C’est fluide, agréable à lire, on est proche des personnages et on n’a qu’un souhait : découvrir la fin. J’apprécie également que M.W. Craven glisse des pointes d’humour.

« Le gros tenta de fuir, mais il était à peu près aussi rapide qu’une odeur tenace en l’absence de vent. »

C’est très intéressant de voir comment le raisonnement de Poe et de ceux (peu nombreux) qui le soutiennent évolue. On a presque l’impression de voir les rouages de son cerveau se mettre en place. Aidé de Tilly, il essaie de comprendre ce qui lui a échappé et nous, lecteurs, on se régale de suivre tout ça !

Un recueil comme je les aime, plaisant et instructif, avec une intrigue captivante !

"Nos destins sont liés" de Walid Hajar Rachedi

 

Nos destins sont liés
Auteur : Walid Hajar Rachedi
Éditions : Emmanuelle Collas (1 er Septembre 2023)
ISBN : 978-2490155835
420 pages

Quatrième de couverture

Avoir vingt ans. Rêver sa vie ou vivre ses rêves ? D’un côté ou de l’autre du périphérique parisien, d’origines et de milieux différents, tous sont traversés par les mêmes questions existentielles. Lisa commence à peine sa carrière. Salem, brillant financier, remet en cause sa fulgurante ascension. Matthieu, écrivain du dimanche, se complaît dans son personnage de dilettante. Ronnie se rêve rappeur. Céline, en rébellion contre son milieu, vit une liaison passionnelle.

Mon avis

Ils ont entre vingt et trente ans, ils sont cinq. Tous différents par leurs origines, modes d’éducation et milieux de vie mais tous identiques car ils se questionnent. Sur quoi ? Leurs choix passés, présents et à venir, leur quotidien, leurs fréquentations. Ils veulent réussir leur vie, trouver un équilibre, s’aimer, être aimés. Mais des questions existentielles les hantent.

Les décisions sont-elles les bonnes ? Parfois, on prend un train et si on avait pris le suivant, tout aurait été modifié ….

Dans la vie, tout est une question de timing.

L’auteur nous le rappelle régulièrement, en d’autres circonstances, moins fatigué, moins énervé, plus vif, plus entreprenant, les événements auraient basculé dans un autre tempo. Il aborde également la « légitimité ». Salem, un des personnages se questionne sur sa brillante et rapide réussite. Il n’a pas usurpé son poste mais il se remet en cause.

Céline, issu d’un milieu plutôt bourgeois, est gothique et rue dans les brancards, prête à se rebeller pour sortir du carcan bien lisse qui est celui où elle a grandi.

Les protagonistes sont intéressants, ils sont présentés chacun leur tour dans les chapitres. Sous le titre (qui sont des chansons et ça c’est un plus indéniable car ça nous offre une belle bande son), leur identité et on sait immédiatement de qui il s’agit. Certains s’expriment à la première personne, pour d’autres, il y a un narrateur. Avec brio, Walid Hajar Rachedi a adapté son écriture et son phrasé à chacun d’eux, à chaque caractère.

Entre eux, des fils qui les relient, se croisent et s’entrecroisent. On voit se construire une immense fresque générationnelle avec toutes les émotions qui les traversent. L’envie d’en découdre, quitte à choquer parfois, le droit à la différence, l’acceptation de l’autre, les problèmes d’étude, de religion, de travail. Le souhait de s’assumer parfois difficile, voire douloureux. Le besoin incessant de comprendre.

On pourrait croire qu’il va y avoir un cloisonnement tellement les individus évoqués ont des identités et des ambitions qui n’ont rien en commun. On suppose que ces histoires ne vont jamais se mêler et c’est là que tout le talent de l’auteur intervient.

Son style aérien, délicat, nous embarque dès les premières pages. Les scènes, les ressentis, tout est explicite, rédigé avec doigté. Les rencontres sont là, fil conducteur, qu’elles soient réussies, ratées ou simplement imaginées.

C’est un roman qui est réussi, « parlant ». Il nous rappelle que nous pouvons tous apporter quelque chose aux autres, que les échanges sont riches malgré ou plutôt grâce à nos différences.

« L’extraordinaire, c’est ce qui attend d’être fait. »

"Colère et conséquences" d'Aloysius Wilde

 

Colère et conséquences
Auteur : Al
Éditions : Independently published (10 août 2023)
ISBN : 979-8856868455
215 pages

Quatrième de couverture

Camille Lewis, une militante de la cause animale, disparaît sans laisser de traces. Deux ans plus tard, son mari Jay est enlevé et torturé par des inconnus qui veulent savoir où elle se cache. Camille est-elle encore en vie ? Quel secret a-t-elle emporté avec elle ? Qui sont ces hommes qui la traquent sans relâche ?

Mon avis

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé l’écriture pétillante et dynamique d’Aloysius Wilde. Il a un style bien à lui abordant des sujets graves et importants (ici la cause animale) avec des exemples concrets, sans complexe et avec des références précises. Mais pour alléger le propos, il glisse toujours des pointes d’humour au bon moment !

Camille, une militante très engagée de la cause animale, a disparu depuis deux ans. Son fils et son mari, Jay, n’ont aucune nouvelle et tentent de vivre au mieux malgré leur chagrin. Jay est enlevé et torturé par des malfrats qui lui demandent où se cache son épouse. Bien sûr, il ne sait rien mais il s’interroge. Si ces hommes la recherchent, c’est peut-être qu’elle est encore en vie ? Espérer ou pas ?

Dans ce roman au rythme soutenu, nous suivons d’une part, l’enquête et la policière atypique qui mène les investigations et d’autre part, nous découvrons ce qu’il s’est passé avec Camille.

L’auteur change de point de vue régulièrement, de narrateur, et il maîtrise à la perfection le sens du suspense. Son récit est documenté, bien pensé, bien ficelé. Il nous entraîne dans son histoire, nous fait rire, nous interpelle avec des thèmes intéressants sur la nature, l’environnement. Les relations entre les protagonistes sont décrites avec finesse et le tout est parfaitement équilibré.