"Charge bestiale" de Jean-François Régnier

 

Charge bestiale
Auteur : Jean-François Régnier
Éditions : Librinova (16 Mai 2022)
ISBN :9791040507611
226 pages

Quatrième de couverture

Weston Forrester tué, Duncan Smith à l'abri de tout soupçon, tout aurait dû bien se terminer. Mais le retour de Gavin Scott à Boston fait l'effet d'une bombe et relance une affaire trop vite enterrée.

Mon avis

Charge Bestiale met un terme à une aventure de trois romans dont les deux premiers sont « Ma Bête » et « Une bête à tuer » du même auteur.

Un homme, Forrester, fait accomplir de basses besognes, dont des meurtres, à d’autres qu’il kidnappe. Mais l’un d’eux lui a échappé. La traque est-elle terminée pour autant ?

Dans ce dernier livre, on retrouve Gavin, le fils de celui qui s’est enfui. Il a vécu, dans les précédents récits, de drôles de choses et il est actuellement à l’hôpital, en train de se refaire une santé. Les policiers ont besoin de l’interroger, de comprendre ce qu’il tait mais il choisit d’oublier, de ne pas se souvenir, à cause du traumatisme. Combien de temps pourra-t-il donner le change ? Et à quoi bon puisqu’il n’est coupable de rien ?

Les chapitres passent d’un personnage à l’autre, avec beaucoup de facilité car ils ne sont pas très nombreux. L’écriture est accrocheuse, le rythme soutenu. Les faits s’enchaînent et on se demande bien où on va aller et, si, enfin, la justice va triompher.

Lorsque j’ai découvert que Jean-François Régnier avait sorti une troisième histoire mettant en scène les mêmes protagonistes, je me suis interrogée. N’allais-je pas ressentir une forme de redondance, de lassitude ? C’est toujours le risque avec les « suites », il faut arriver à se renouveler sans tomber dans la surenchère, ou dans le mimétisme des écrits d’avant.

Force est de reconnaître qu’il conclut sa trilogie de belle manière, sans trop en faire dans le gore, et en mettant en scène une Coppelia, un brin espiègle, qui m’a bien plu. Une fin qui ne m’a pas laissée indifférente, notamment pour un petit second rôle qui ne sera pas abandonné. Comme quoi, il faut toujours croire en des lendemains meilleurs !


"Elle et lui" de George Sand

 

Elle et lui
Auteur : George Sand
Éditions : Gallimard (9 Février 2009)
ISBN : 9782070348336
384 pages

Quatrième de couverture

"Elle" est Thérèse Jacques, "lui" est Laurent de Fauvel. Ils sont artistes, s'aiment et partent pour l'Italie... "Elle", c'est bien sûr George Sand, "lui", Alfred de Musset. Vingt-cinq ans après l'aventure de Venise, George Sand revient sur la liaison la plus célèbre et la plus passionnée de la littérature française. Elle est une héroïne innocente et pure, dévouée jusqu'à la sainteté. Lui est un homme de génie diaboliquement fascinant, perdu par le vice. Entre eux, la quête d'un amour absolu.

Mon avis

George Sand se cache derrière Thérèse pour parler de sa liaison avec Alfred de Musset, qui est Laurent.  Elle a écrit ce texte deux ans après la mort de ce dernier, et vingt-cinq après leur histoire d’amour.

Dans ce récit, ils sont peintres et rêvent tous les deux d’un amour infini, unique, magique. Elle est appliquée, calme, plaisante. Il est en phase, pas longtemps… Torturé, angoissé, c’est un homme qui se cherche, instable, inquiétant pour celle qui a besoin de sérénité.

Ils s’aiment …mal, se déchirent, se retrouvent jusqu’à la prochaine fois…  Ils s’usent et se détruisent… Enfin, comme on n’a que l’approche féminine, on ne voit qu’un aspect de leurs relations. S’il avait pu répondre, qu’aurait-il dit ? (D’ailleurs son frère a écrit un livre pour contrebalancer « Elle et lui »….)

Quel avenir peut avoir un amour comme celui-ci (de nos jours, on parlerait de relation toxique), quelles décisions prendre pour continuer à avancer au risque d’être seul-e ?

Le style et l’écriture ne sont pas trop désuets, bien que certaines tournures de phrases et expressions soient d’époque et que tout soit écrit dans un français de qualité. C’est plus pour les dialogues que l’on peut ressenti un petit décalage dans la façon de parler.

Écrit en 1867, ce recueil ne m’a pas paru « vieux » et dépassé. Il m’a obligé à aller au-delà de mes lectures habituelles et je ne le regrette pas.



"L'anomalie" de Hervé Le Tellier

 

L’anomalie
Auteur : Hervé Le Tellier
Éditions : Gallimard (20 Août 2020)
ISBN : ‎ 978-2072895098
340 pages

Quatrième de couverture

"Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension. « En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d'hommes et de femmes, tous passagers d'un vol Paris-New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte. Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n'imaginait à quel point c'était vrai.

Mon avis

Roman aux multiples entrées, L’anomalie est un livre que j’ai dévoré.

Il y a d’abord, une belle galerie de personnages, aux caractères bien définis (certains diront caricaturaux) qui vont réagir de façon différente face à une même situation.
Ensuite, l’écriture, avec un auteur président de l’Oulipo, est variée, inventive. Les genres littéraires s’adaptent aux protagonistes ou peut-être est-ce l’inverse…  Hervé Le Tellier joue avec les mots, se joue des mots, en extrayant leur substantifique moelle.
Et puis, il y a l’intrigue qui, en elle-même, est une réussite à mon sens. Un petit goût de science-fiction comme je l’aime, c’est-à-dire qui reste dans des éléments que nous pouvons comprendre.
Et le petit plus, la mise en abyme avec un livre dans le livre.

Au-delà de tous ces atouts, j’ai particulièrement apprécié le fait que ce récit nous renvoie, en miroir, des questions très intéressantes et pour lesquelles on n’a pas forcément de réponse, que ferait-on si ? Si on pouvait recommencer une partie de sa vie, faire d’autres choix… Penserait-on la même chose ou pas ? Qu’est-ce qu’on garderait, laisserait ?

C’est difficile de parler de ce recueil sans trop en dire. Il faut juste se laisser porter par l’histoire, le style, les phrasés pour que le charme de l’originalité du fond et de la forme fasse effet.


"Le cas Victor Sommer" de Vincent Delareux

 

Le cas Victor Sommer
Auteur : Vincent Delareux
Éditions : L’Archipel (25 Mai 2022)
ISBN : 978-2809844177
210 pages

Quatrième de couverture

À 33 ans, Victor Sommer mène une vie monotone qui lui pèse. Secrètement, il aspire à devenir quelqu'un. Une ambition entravée par sa mère, infirme autoritaire et possessive qui l'empêche de prendre son envol. Le jour où celle-ci disparaît de façon mystérieuse, Victor est confronté à un monde qu'il n'a jamais appris à connaître...

Mon avis

Victor est un grand garçon, il a trente trois ans et pourtant, ce n’est pas vraiment un homme. C’est encore le fifils à sa maman. Il ne travaille pas, il vit avec elle et passe ses journées à l’aider, lui obéir, à être soumis… Elle lui donne un peu d’argent qu’il gère et dont il se contente et sur les conseils de sa mère, il va chez le psy. Son père ? Il a vu, il y a longtemps une photo jaunie mais tout ça reste flou. Il ne sait rien faire seul. Elle, cynique, le domine et l’écrase, utilise le chantage affectif pour le garder sous sa coupe. Il est incapable de prendre une initiative mais en a-t-il seulement envie ?

Est-ce que c’est une vie ? C’est celle de Victor et il se pose peu de questions. Quand on n’a pas connu un fonctionnement différent, on est content de ce qu’on a puisqu’on ne peut pas imaginer autre chose. C’est son cas. Victor se raconte dans ce roman, écrit à la première personne. Parfois il semble réaliser que sa mère abuse, qu’elle n’a pas la bonne attitude avec lui, qu’elle l’aime mal, mais ça ne dure pas vraiment. L’équilibre se maintient vaille que vaille.

Est-ce grâce au psy ? Les rencontres avec le Docteur Adam, apporte un autre éclairage sur Victor. Il entretient une relation particulière avec son psy, ne sachant pas se situer, se comporter. Victor vit un peu à l’ancienne et sa façon de s’exprimer, d’entrer en lien avec les autres s’en ressent. L’auteur a parfaitement su se glisser dans la peau de ce vieux garçon, coaché par sa maman, pas indépendant, et plutôt « paumé ».

Les mois pourraient s’écouler comme ça, sans révolte de la part de Victor, sans heurt avec « Maman » pour rester le fils idéal, obéissant et gentil avec elle qui a tant besoin de lui mais…. Voilà qu’elle disparaît et que Victor fait une rencontre qui le déstabilise. Comment va-t-il réagir, retrouver la sérénité dont il a besoin ? Ne risque-t-il pas de rester bloqué par sa peur de l’inconnu ? Va-t-il perdre pied ou faire face ? Je me demandais bien comment il allait évoluer et s’il allait garder ou pas une certaine cohérence…

C’est avec une écriture et un style très adaptés au personnage de Victor que l’auteur nous embarque dans son récit. Les phrases courtes résonnent pour planter une atmosphère angoissante parfois teintée d’humour lorsque le narrateur aborde certains sujets (le sexe, les fruits de mer etc.) Le phrasé est un régal, un tantinet décalé (comme le « héros ») mais il vaut le détour. Il fait la part belle à tout ce qui est inconscient. Il y a un je ne sais quoi qui fait penser à Kafka par ce côté inracontable d’un récit court, concis qui se suffit largement à lui-même bien qu’il y ait peu de protagonistes. C’est presque un huis clos. Mais comparer Vincent Delareux à d’autres serait restrictif. Il est lui. Et il a parfaitement réussi un roman original, sans temps mort, captivant par son côté sombre et décalé, sans être gore.


"Traîne pas trop sous la pluie" de Richard Bohringer

 

Traîne pas trop sous la pluie
Auteur : Richard Bohringer
Éditions : Flammarion (14 Octobre 2009)
ISBN : 978-2081222922
170 pages

Quatrième de couverture

" Je suis arrivé devant l'hôpital posé à quai comme un cargo la nuit. Ses lumières immobiles sous la pluie. Planté là sous le néon, dégoulinant de l'averse. Le vent frissonne sur les flaques. Quelqu'un marche vite. Un taxi ferme sa lumière. J'y suis. J'ai demandé au toubib, perdu au milieu des perfus, des chariots, des solitaires sans un son, et puis d'autres qui en ont marre. On sait plus si c'est de la vie. J'ai demandé au toubib s'il me gardait cette nuit. Il a dit oui. "

Mon avis

« Écrire à l’instinct, déchirer l’avenir, ne vivre qu’avec le présent. »

Bien conscient qu’il ne produira pas un chef d’œuvre mais habité par la nécessité d’écrire, c’est avec un style rageur, déstructuré, décousu, parfois violent mais aussi poétique que Richard Bohringer va nous interpeler.

« Il est des blessures qui ne s’ouvrent qu’à la nuit, à l’heure où les rires se taisent, où l’âme a froid et fait trembler le corps »

Il a été hospitalisé pour une hépatite sévère, et fiévreux, malade, affaibli, il va sentir monter en lui les mots.

Les mots qui se bousculent, qui se tordent, se distordent, s’entrechoquent … Parfois en proie au délire, les mots expriment sous forme de phrases courtes, parfois de poèmes, le désarroi de l’homme devant son corps qui ne lui appartient plus, la mort qui rode, si proche …

Remonteront à la surface, les souvenirs d’enfance, les bons et les mauvais choix, la vie qu’on brûle par les deux bouts, les erreurs, les regrets …. Occasion de laisser une trace, un message, de dire à la vie « Vie je t’aime. Je suis en attente de toi, de ton sourire etc… » … Besoin d’écrire pour lutter, pour vivre ….


"Trois femmes puissantes" de Marie Ndiaye

 

Trois femmes puissantes
Auteur : Marie Ndiaye
Éditions : Gallimard (20 Août 2009)
ISBN : 9782070786541
320 pages

Quatrième de couverture

Trois récits, trois femmes qui disent non. Elles s'appellent Norah, Fanta et Khady Demba. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible.

L'art de Marie Ndiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère. La force de son écriture tient à son apparente douceur, aux lentes circonvolutions qui entraînent le lecteur sous le glacis d'une prose impeccable et raffinée, dans les méandres d'une conscience livrée à la pure violence des sentiments."

Mon avis

Je ne serais pas allée spontanément vers ce livre si une amie ne me l’avait pas prêté pour que nous puissions comparer nos avis. La lecture n’a été ni ardue, ni « détendante ». Je n’ai pas pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage et il ne me laissera pas un souvenir impérissable.

Je reconnais la qualité d’écriture, la description fine des sentiments, l’analyse profonde des situations mais cela ne m’a pas emballée outre mesure.

Trois chapitres représentant chacun une nouvelle terminée par quelques lignes appelées

« contrepoint ». Pourquoi contrepoint ? Le contrepoint étant une superposition, Marie Ndiaye veut-elle nous faire oublier ce qui a été lu précédemment pour que nous gardions en mémoire uniquement la conclusion, comme si, posée sur la narration principale, elle venait à l’effacer ?

Ces histoires de femmes humiliées, mal aimées mais qui luttent ne m’ont pas beaucoup émue et je suis déçue. En lisant la quatrième de couverture, je m’attendais à être touchée dans mon cœur de femme, il n’en a rien été. Peut-être n’étais-je pas prête à lire ce livre à ce moment là ? Je suis restée en dehors, spectatrice…

Je ne regrette pas ma lecture, cela m’aura permis de me faire une opinion mais ce sera tout.



"Duchess" de Chris Whitaker (We Begin at the End)

 

Duchess (We Begin at the End)
Auteur : Chris Whitaker
Traduit de l’anglais pas Julie Sibony
Éditions : Sonatine (5 Mai 2022)
ISBN : ‎ 978-2355848315
530 pages

Quatrième de couverture

Duchess a 13 ans, pas de père, et une mère à la dérive. Dans les rues de Cape Haven, petite ville côtière de Californie, elle ne souffre ni pitié ni compromis. Face à un monde d'adultes défaillants, elle relève la tête et fait front, tout en veillant sur son petit frère, Robin. Mais Vincent King, le responsable du naufrage de sa mère, vient de sortir de prison. Et son retour à Cape Haven ravive les tumultes du passé. Quand cette menace se précise, Duchess n'a plus le choix : il va lui falloir engager la lutte pour sauver ce qui peut l'être, et protéger les siens.

Mon avis

Duchess, sur la couverture, on aperçoit peu de choses de toi. Un œil farouche, une mèche de cheveux, un visage qui se cache, comme pour mieux se préserver des assauts de la vie. Car elle ne t’a fait aucun cadeau. Ton enfance a été souillée, détruite, et tu as dû, très tôt, te montrer forte pour soutenir Robin, ton petit frère. Tu as été tout ce dont il avait besoin : amour, présence, protection.

Rien ne t’a été épargné, un père absent dont tu ne sais rien, une mère qui essaie, dit-elle, de « faire mieux », mais qui retombe régulièrement dans ses travers, sans doute parce que deux enfants à porter c’est trop lourd pour elle. Ce n’est pas une mauvaise femme ta Maman, mais elle ne sait pas faire, elle oublie, elle fréquente les mauvaises personnes, elle se laisse aller, elle se trompe… Alors, toi, tu essaie de pallier à ses manques. Nourrir ton frérot, penser à son anniversaire, éloigner les fauteurs de trouble sont tes objectifs. Tu t’oublies, Duchess, par amour pour lui. Il est plus que probable que tu souffres mais tu serres les dents, les poings, tu regardes au loin, tu ne t’appesantis pas et tu continues d’avancer.

D’ailleurs, tu le dis, tu le déclames comme un étendard « Je suis la hors-la-loi Duchess Day Radley ». Une rebelle insaisissable mais tellement attachante dans chacun de tes combats. Parce que s’il faut se battre, contourner les lois, enfreindre les règles, toi, tu n’hésites pas si tu penses que c’est mieux ainsi. On t’a volé ton enfance, tu protèges celle de Robin, on t’a dépouillé de tes rêves, tu lui en offres, on t’a enlevé ton innocence, tu préserves la sienne. Malgré ta maturité, tu restes une adolescente de treize ans, parfois tu voudrais te laisser apprivoiser, te poser, pleurer, te confier, te faire aider mais tu es fière, digne, noble. D’ailleurs, il s’appelle Thomas Noble celui qui contourne tes barrières. Tu le repousses mais il reste fidèle. Les amis, ça existe Duchess, regarde, écoute, Walk, Thomas, Dolly et quelques autres….. Crois en l’avenir Duchess, crois en l’homme, crois en toi.

Celui qui t’évoque s’appelle Chris. Il le fait avec délicatesse, amour. Julie Sibony lui a donné ses mots en français pour mon plus grand plaisir. Quand il parle de toi, son écriture vibre, palpite, comme le cœur qu’il t’a offert. Souvent, il explique les situations difficiles, douloureuses, voire dangereuses que toi ou d’autres rencontrez mais il n’en rajoute pas. On sent qu’il a de l’empathie, qu’il comprend les hommes et les femmes qu’il présente, parce qu’il les connaît bien, comme s’ils existaient vraiment. Il raconte la peur, les doutes, la maladie, l’injustice, la résilience, l’amour d’une sœur pour son frère.

Le chemin n’est jamais droit, Duchess, pour certains, il est très ardu, caillouteux, mais on y arrive toujours. Tu es forte et fragile, on ne peut que t’aimer même si tu refuses la main tendue. Tu ne m’as pas vue, pourtant tu as capturé mon cœur et je ne t’ai pas lâchée. Je ne t’oublierai pas.


"Le feu de Dieu" de Pierre Bordage

 

Le feu de Dieu
Auteur : Pierre Bordage
Éditions : Au diable Vauvert (19 mars 2009)
ISBN : 9782846261968
495 pages

Quatrième de couverture

Prévoyant la catastrophe, Franx a convaincu les siens de fortifier le Feu de Dieu, une ferme du Périgord, conçue pour une autonomie totale de plusieurs années. Mais le cataclysme le surprend à Paris et pour rejoindre sa famille, il entreprend une impossible odyssée, à pied dans des ténèbres perpétuelles en compagnie d'une autre survivante, une petite fille muette. Pendant ce temps, dans l'arche transformée en bunker, sa femme et leurs deux enfants se retrouvent sous la menace d'un dangereux paranoïaque qui a pris possession des lieux... Défiant sur leur terrain les maîtres du scénario catastrophe. Bordage conduit son récit à un rythme et dans un suspense impitoyables. Le lecteur suit, halluciné, cette quête pour la vie dont il sortira, comme les personnages du roman, transformé, pacifié et grandi.

Biographie de l’auteur

Né en 1955 en Vendée, Pierre Bordage est l'auteur de plus de trente romans et recueils distingués par de nombreux prix (Grand Prix de l'Imaginaire, Prix Paul-Féval de littérature populaire, Prix Tour-Eiffel...). Ecrivain visionnaire et conteur hors pair, l'imaginaire trempé dans les mythologies, il est un des grands romanciers français contemporains. Il nous livre ici un formidable roman apocalyptique.

Mon avis

« L’espérance est un emprunt fait au bonheur » dit Joseph Joubert. Lorsque j’ai fermé ce livre, cette phrase m’est revenue à l’esprit.

Il faut continuer de croire en l’homme, d’espérer…c’est ce qui « tient » Franx, notre héros, tout au long de ce roman.

Par certains côtés, on peut penser à « Ravage » de René Barjavel ou à « La route » de Cormack Mac Carthy, parce qu’il y a errance avec un enfant mais Franx a un but, il veut retrouver sa famille.

Le monde est désorganisé : plus de confort, de médias…seulement l’essentiel : la vie…la vie à préserver. Comment les hommes vont-ils se comporter, l’instinct de survie animale ne prendra-t-il pas le dessus ? Franx avance avec un but : rentrer chez lui.

De rencontres en rencontres, son optique des choses va évoluer, il va reconsidérer ses choix de départ. L’homme, ainsi isolé, revient à ses principes de base loin de tout matérialisme : quel sens donner à sa vie, quels choix faire, comment vivre avec les autres (animaux, humains….) en harmonie ?

Tout au long du livre, de chapitres en chapitres, nous suivrons tour à tour, Franx sur la route, sa famille isolée au Feu de Dieu et nous découvrirons aussi le journal intime de sa fille…

Il y a bien longtemps qu’un livre ne m’avait pas tenu éveillée. Pourtant, j’avais lu la fin et « butiné » pour connaître la trame de l’histoire. Malgré tout, je voulais savoir, dans les détails, le ressenti de Franx, le vécu au Feu de Dieu, lire les impressions de Zoé.

J’ai apprécié deux phrases, que je mettrai en citations :

« J’ai compris à l’occasion que l’acte d’écrire m’était devenu aussi indispensable que respirer, boire ou manger »

« Il me faut seulement faire preuve de patience et prendre les choses telles que la vie me les offre ».

(Journal de Zoé).

Ce roman, écrit avec un style fluide et limpide se lit « tout seul », on comprend les sentiments variés qui habitent Franx, il est tellement humain, qu’aurait-on fait à sa place ?

Les descriptions sont claires, sans lourdeur excessive, on est dans l’ambiance mais jamais trop angoissés parce qu’on sent que Franx veut s’en sortir.

Bien entendu, certains penseront que c’est « bourré » d’invraisemblances, de bons sentiments…mais peu importe…Je crois aussi que ce livre nous renvoie à nous-mêmes, aux choix que nous aurions faits et en ce sens, il peut être un véritable « miroir »…

C’est un excellent roman de fiction, de très bonne qualité. On pourrait presque parler de « science fiction humaniste ». Ce qui se déroule ne paraît pas invraisemblable, pas de robots, d’autres planètes…seulement notre terre…et les autres…ceux que la vie met sur le chemin….


"Y'en aura pas pour tout le monde" de François Ruiz

 

Y’en aura pas pour tout le monde
Auteur : François Ruiz
Éditions : 7 (20 Avril 2022)
ISBN : 9782361921866
228 pages

Quatrième de couverture

Un hold-up dans une bijouterie de Lyon assorti d'un kidnapping : lascars de cité, gangsters de banlieue, jeunes femmes et vieux flics vont se croiser dans une sorte de vaudeville policier où bluff, trahison, vengeance et coups tordus sont au rendez-vous sur fond de racisme et de misère sociale.

Mon avis

C’est avec une écriture au franc parler, bien ancrée dans la réalité des banlieues que François Ruiz nous présente une comédie policière où tous les coups sont permis. On sent dès le départ que certains vont se faire coincer et qu’ils auront un retour de bâton. C’est amusant d’être dans l’attente des faits qui vont, peut-être, renverser la situation, surtout que la plupart ( à part le lecteur qui jubile dans l’ombre) ne voit rien venir.

Dès les premières pages, on rentre dans le vif du sujet. Pas de temps mort, de nombreux dialogues et de l’action. Les malfrats se font doubler par des personnes amateurs … Se feront-elles prendre ? La morale va-t-elle triompher ou non ? Et qu’en est-il de ces vieux policiers, proches de la retraite, qui se retrouvent à mener l’enquête ? En les observant, j’ai pensé à la phrase « on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace » (n’est-ce pas Marcel ?). Les protagonistes sont truculents, un peu « électrons libres », parfois naïfs, maladroits ou incontrôlables. Cela rend certains très attachants même s’ils flirtent avec les interdits.

Le style est vif, rapide, ça bouge en permanence. L’auteur ne s’appesantit pas sur de longues descriptions, on reste dans le mouvement et on croit voir un film se dérouler sous nos yeux.

Ce roman a été une vraie « récréation » me permettant de passer un pur moment de plaisir et de fantaisie.

En fin d’ouvrage deux règles de belote et tarot avec des variantes à tester, pas mal du tout !


"Bestial" d'Anouk Shutterberg

 

Bestial
Auteur : Anouk Shutterberg
Éditions : Plon (12 Mai 2022)
ISBN : 978-2259307536
434 pages

Quatrième de couverture

La première c'était Fanny en 2007, puis ce fut le tour de Pénélope, Jessica, Ambre et Agnès. Treize ans plus tard, la même chose arriva à Elena, Candice, Inès, Sophia et maintenant Mathilde. Même profil : jolies et toutes âgées de 12 ans. Toutes volatilisées du jour au lendemain dans le même quartier parisien. Les " Disparues du 9e ", une affaire qui piétine depuis des années. Ils ont dû manquer quelque chose, le commissaire Jourdain en est certain, mais quoi ?

Mon avis

2007 des adolescentes sans histoire disparaissent. Jolies, douze ans, sages, pas de mauvaise fréquentation, elles sont introuvables. Rien, pas un indice. Les parents désespérés pensent au pire. Les policiers sont dans le flou, totalement impuissants. L’enquête est au point mort et elle y reste. Le genre d’affaire qui laisse une pointe d’amertume à tout le monde.

2020, une famille se promène dans Paris. Tout à coup, Mathilde manque à l’appel. C’est une jeune fille de douze ans, mignonne et obéissante…. Son père et sa mère se rendent au commissariat. Elle n’a pas pu fuguer, ce n’est pas son genre. Le commissaire écoute, s’interroge et finit par faire le lien avec d’autres collégiennes dont on est sans nouvelles. Cette histoire ne sent pas bon et n’est pas sans rappeler les difficultés rencontrées treize ans auparavant.

Il faut une équipe de choc pour espérer comprendre cette affaire et sauver celles qui peuvent l’être. Aidés de Lucie, qui est de retour, malgré son côté « électron libre » et guidé par quelques textos mystérieux, les hommes et les femmes de la PJ prennent les choses en main. Leurs investigations vont les amener à côtoyer l’horreur, à aller dans des lieux où le mot humanité n’existe plus….

Le lecteur reste scotché aux pages, l’atmosphère est anxiogène, on souffre, on espère, on s’accroche, on serre les poings, on a le souffle court…. L’angoisse nous prend aux tripes. L’auteur joue avec nos nerfs d’une façon magistrale.

L’écriture est totalement en phase avec les scènes décrites.  Des phrases minimales et des chapitres courts lorsqu’on est dans l’action et que l’on passe d’un lieu à l’autre ou du passé au présent. Le lecteur est dans le mouvement, récupérant toutes les informations possibles, visualisant chaque fait, parfois la peur au ventre en imaginant ce qui s’est déroulé. Et puis, de temps en temps, c’est plus calme, plus descriptif pour qu’on s’imprègne de ce que l’auteur évoque.

Il y a également une playlist inspirée très agréable à écouter et très significative pour certains titres.

Anouk Shutterberg aborde des thèmes d’actualité, notamment sur les dérives que permettent le Dark Web mais pas seulement. Ces sujets ont déjà été traités dans d’autres romans bien sûr. Mais astucieusement, elle unit plusieurs problématiques et elle le fait avec brio. Les protagonistes (dont certains sont présents dans son premier livre « Jeux de peaux » mais ce n’est pas gênant) sont réellement approfondis tant au niveau du caractère que du cheminement personnel (je pense notamment à Louka et Lina, devenus ce qu’ils sont parce que leur enfance a été détruite). On peut (presque, j’ai écrit presque) comprendre les pulsions dévastatrices de quelques-uns. De plus, la construction, non linéaire, permet de comprendre l’évolution des individus et c’est intéressant de constater à quel point l’enfance, le vécu peuvent transformer un être humain en monstre. Cela n’explique pas tout mais que serait-on devenus si on avait vécu des situations identiques ?

Anouk Shutterberg nous donne à voir le côté sombre des hommes, leur perversité, la noirceur de leur âme, leur bestialité. Elle ne nous épargne rien.

On peut se demander pourquoi on apprécie des récits où la violence des uns croise la détresse des autres. Sans doute parce qu’on sait que ça reste un roman, donc de la fiction enfin je croise les doigts pour que ça le reste……


"Le miroir qui revient" de Alain Robbe-Grillet

 

Le Miroir qui revient
Auteur : Alain Robbe-Grillet
Les éditions de minuit (1er Janvier 1985)
ISBN : 2707310077
232 pages

Quatrième de couverture

Ce livre d'Alain Robbe-Grillet est fort différent de tout ce qu'il a publié jusqu'ici. Sans doute parce que ce n'est pas un roman. Mais, est-ce vraiment une autobiographie ? On sait que le langage du roman n'est pas celui que l'écrivain utilise pour la communication courante. Comme c'est ici l'homme Robbe-Grillet qui parle (de lui-même romancier, de lui-même enfant, etc.…), son écriture paraîtra certes moins austère, moins “ difficile ” que ce à quoi il nous a habitués.

Mon avis

Comme un point d’orgue à son œuvre, Alain Robbe-Grillet livre ici un ouvrage où il revient sur son enfance, sa famille, son parcours, sa vie, ses écrits (même s’il a rédigé d’autres livres après celui-ci) développant son style singulier, décortiquant ses romans (la jalousie, le voyeur) où il dit « avoir parfois tendu des pièges au lecteur ».

Ce n’est pas à proprement parler une autobiographie car une part de fiction se mêle au contenu mais il intègre bon nombre de souvenirs personnels, revenant sur ses premiers pas, expliquant comment l’écriture s’est imposée à lui.

Commencé en 1976, poursuivi en 1983, cette « fiction autobiographique » apporte un éclairage nouveau sur cet homme et le mouvement littéraire qu’il a porté, appelé « Nouveau roman », sur ses « fantasmes », ses peurs, ses errances ….

Qu’ils sont torturés ces artistes !

L’écriture est ici comme une peinture magistrale avec ses trompe l’œil (Henri de Corinthes a une part prépondérante dans les pages et on s’interroge sur la véracité des faits évoqués (l’auteur parle lui-même d’approximations)), ses vérités ; ses couleurs plus ou moins vives, ses traits plus ou moins fins …. mais la conclusion est la même : quel tableau ! ou plutôt quel livre !!!!


"Le froid modifie la trajectoire des poissons" de Pierre Szalowski

 

Le froid modifie la trajectoire des poissons
Auteur : Pierre Szalowski
Éditions : Héloïse d'Ormesson (26 Août 2010)
ISBN : 978-2350871479
222 pages

Quatrième de couverture

4 janvier 1998. Un garçon de dix ans apprend que ses parents vont se séparer. Désespéré, il demande au ciel de l'aider. Le lendemain débute la plus grande tempête de verglas que le Québec ait jamais connue. Ce déluge de glace n'empêche pas son père de quitter la maison. Mais les choses se présentent différemment pour ses voisins, car des événements incroyables ou anodins vont faire peu à peu basculer leurs vies. Julie, danseuse en mal d'amour, accueille chez elle Boris, scientifique égocentrique, qui ne vit que pour ses expériences sur les poissons ; Michel et Simon, les deux " frères " si discrets, qu'on ne voit jamais ensemble, ouvrent leur porte à Alexis, leur voisin homophobe.

Mon avis

Un petit livre sans prétention si ce n’est de vous faire passer un moment agréable et c’est le cas.

Le verglas intense qui paralyse Montréal va être l’occasion pour l’auteur de nous faire découvrir « les voisins » sous un autre jour.

Galeries de portraits où se mêlent tendresse, humour, etc …

Les relations des uns et des autres sont évoquées avec pudeur, en toute simplicité …

Des rencontres improbables, dues au verglas, vont avoir lieu, des liens autres vont se nouer, certains vont redécouvrir le sens des mots « solidarité », « écoute », « regarder » …

Quand tout est paralysé, il faut savoir attendre le retour de la normalité et profiter de cette occasion pour prendre le temps d’ouvrir les yeux …

Parmi les personnages, j’ai beaucoup apprécié Boris, le chercheur russe fasciné par ses poissons, grand poète à ses heures :

« La mathématique, c’est de la poésie. Il faut que chaque ligne, chaque formule, rime avec celle qui suivra pour un beau et long poème. Une formule mathématique, c’est une œuvre d’art. »

Chaque chapitre a un titre évoquant son contenu, titre parfois long. Tout se déroule entre Noël et le 9 Janvier suivant (plus quelques pages sur neuf années plus tard), c’est un condensé de vie dans un condensé de temps …

Certains chapitres se terminent par une courte phrase, à la manière d’une morale ou d’un constat : « C’est beau, un homme qui revient. », « Personne ne comprend tout. »

L’écriture est simple, émaillée ça et là de quelques expressions canadiennes qui nous font sourire. Parfois le petit garçon responsable de la "chute de verglas" nous parle, parfois c'est à la troisième personne du singulier.

Enfin une phrase à méditer …

« L’amour, c’est comme un taxi, s’il ne s’arrête pas et qu’on lui court après, c’est qu’il est déjà pris. Pour l’attraper, il faut simplement savoir l’attendre au bon endroit. »

Faites-vous plaisir, lisez le!


"Il faut beaucoup aimer les gens" de Solène Bagowski

 

Il faut beaucoup aimer les gens
Auteur : Solène Bakowski
Éditions : Plon (5 Mai 2022)
ISBN : 9782259311762
370 pages

Quatrième de couverture

Après un séjour en prison, Eddy Alune, 31 ans, est devenu veilleur de nuit, un métier qui lui permet d'échapper aux gens et aux ennuis. Il vient de perdre son père. En vidant l'appartement de son enfance, il retrouve des effets personnels qu'il a volés, vingt ans plus tôt, à proximité d'une SDF morte dans la rue. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à cette femme l'histoire qui lui a été confisquée.

Mon avis

Eddy Alune n’a pas eu une enfance facile, harcelé à l’école, une famille boitillante, il a fini par faire de la prison. Non pas parce qu’il est foncièrement mauvais mais certainement parce qu’il ne sait pas bien s’y prendre avec les gens et qu’à force d’encaisser, un jour, tout ce qu’il avait retenu est sorti.

Aujourd’hui, il est rangé des voitures comme on dit. Il est veilleur de nuit dans un grand parking. Peu de contacts avec ses semblables, il est seul dans son « aquarium », ça lui convient tout à fait. Pendant ses longues nuits de surveillance solitaire, il écoute la radio, une émission animée par une jeune femme qui se fait appeler « Luciole » et qui écoute le cœur des gens. Oui, le cœur car c’est lui qui dicte les paroles de désespoir, de souffrance … Alors l’animatrice panse, colmate, glisse quelques conseils, elle tient compagnie jusqu’au bout de la nuit… (J’ai pensé à Max Meynier et « Les routiers sont sympas »).

Eddy mène une vie isolée, ne cherchant pas à entretenir des relations avec qui que ce soit. Il ne veut pas être dérangé et peut-être qu’il se méfie de son impétuosité. Lorsque son père décède, il n’a plus personne dans sa vie, hormis Jojo, un pigeon qu’il nourrit. En vidant l’appartement où il a grandi, il retrouve des choses qu’il avait dérobées vingt ans auparavant à une dame, sans domicile fixe, morte dans la rue. C’est lui qui avait appelé la police. Les souvenirs remontent. C’était la première fois qu’il rencontrait la mort et en volant, il s’était dit qu’il ne faisait rien de mal, la SDF n’en avait plus besoin…. Mais maintenant, deux décennies plus tard, il réalise qu’elle s’est retrouvée dans le carré des indigents car personne ne savait rien d’elle et que peut-être, ce qu’il a en sa possession, permettra de l’identifier.

Alors, Eddy le taciturne, tenaillé par la culpabilité, se lance dans des recherches pour essayer de mieux connaître cette inconnue, de lui redonner un semblant d’humanité. Sa quête va l’amener à rencontrer de nombreuses personnes. Au début, il est maladroit, un peu brut de décoffrage. Il n’arrive ni à apprivoiser ni à se laisser apprivoiser, puis avec le temps il s’ouvre…

C’est une galerie de portraits fine et délicate que nous offre Solène Bakowski dans ce nouveau roman. A petites touches, elle peint les caractères, le physique, la situation de ceux qui appellent Luciole ou qui croisent Eddy. Son écriture est pleine de sensibilité, d’élégance pour évoquer les destinées de chacun. Elle raconte les hommes et les femmes cabossés par la vie, qui essaient d’avancer, de rebondir, de continuer la route malgré les difficultés. Elle parle des hasards, des rendez-vous ratés ou pas qui bouleversent des vies.

« À quoi tient la vie ? À nos liens invisibles ; à nous, inconnus, qui, sans le savoir, sommes raccordés. À nos existences qui se percutent en silence. »

En fil conducteur, sous nos yeux, se construit la personnalité d’une femme, Rosa, elle est ce qui rattache les différents personnages. Elle est la vie, le pardon, la résilience…. Avec des retours en arrière, on apprend à la connaître, à la comprendre….à l’aimer également.

À l’aimer ? Me direz-vous ? À les aimer, devrais-je écrire…. Il faut bien l’avouer, l’auteur rend ceux qu’elle évoque tellement vivants, tellement humains, que forcément ils deviennent des familiers et on n’a pas envie de les quitter.

Un récit sobre, en retenue, profond et aérien, sans lourdeur pour parler de la vie avec doigté et intelligence.  

NB: bravo pour la couverture.

"Le pays des phrases courtes" de Stine Pilgaard (Meter i sekunder)

 

Le pays des phrases courtes (Meter i sekunder)
Auteur : Stine Pilgaard
Traduit du danois par Catherine Renaud
Éditions : Le bruit du monde (5 Mai 2022)
ISBN : 978-2-493206-11-4
290 pages

Quatrième de couverture

Le Jutland, à l’ouest du Danemark. Des dunes, des éoliennes et la petite ville de Velling où la narratrice de ce roman doit suivre son compagnon, enseignant dans une école alternative. Alors que ne lui incombent que les rôles ingrats de « pièce rapportée » et de mère au foyer, elle se donne une mission, passer son permis de conduire. Plus intéressée par la conversation que par le volant, elle essuie cependant les échecs à répétition.

Mon avis

C’est pour des livres comme celui-ci que j’aime la découverte de nouvelles maisons d’édition, de nouveaux auteurs.

« Le pays des phrases courtes » est un roman inclassable, à l’humour et la dérision décalés, à la profondeur non affichée mais bien présente, au dépaysement garanti. Je suis totalement sous le charme du contenu, de la forme, du phrasé.

C’est dans la petite ville de Velling (même pas trois cents habitants) qu’un jeune couple et leur fils s’installent. Il sera enseignant dans une école alternative, elle sera mère au foyer. Elle a le souhait de passer son permis de conduire, histoire d’avoir un but. Au bout de quelque temps, une rubrique « courrier des lecteurs » lui est confiée. Cela lui donne un rôle plus important dans cette bourgade où elle a du mal à trouver sa place.

C’est elle qui se raconte, les dialogues sont rapportés dans un style indirect imprimant un rythme qui semble assez lent. On sent que cette femme est un tantinet désemparée, pas forcément à l’aise (et son époux non plus) dans son rôle de Maman qu’elle doit « apprendre ». Elle décrit son quotidien sans filtre, avec une forme de naïveté. Elle n’a pas « les codes » de ce coin du Danemark et ses rapports aux autres peuvent être mal interprétés. Elle a un sens de l’observation fin et acéré. Quand elle décrit l’attitude des gens qui parlent à son fils (un bébé) dans les rayons du supermarché, c’est jubilatoire ! Elle se sent parfois rejetée par les collègues ou les élèves de son compagnon et elle est étonné des réponses de la directrice qui lui explique que tout cela est bien normal.

« C’est une phase que toutes les pièces rapportées doivent traverser, dit-elle en me tendant un biscuit un peu moisi. Pourquoi ? je demande. Pour apprendre à vivre avec, dit la directrice. »

Elle se pose beaucoup (trop ?) de questions, s’intègre parfois avec maladresse. Il est nécessaire qu’elle apprenne à parler aux habitants du Jutland « Le pays des phrases courtes ». Elle va rencontrer quelqu’un qui lui donne des conseils, qui lui explique comment agir, comment moduler son flux verbal. Est-elle obligée de se couler dans un moule pour être acceptée et comprise ? Où est sa marge de liberté ? Peut-elle être elle-même sans être jugée ? C’est tout cela qu’interroge, avec brio et esprit, Stine Pilgaard.

Ce récit de vie quotidienne est entrecoupé de lettres auxquelles répond la jeune femme en signant « La Boîte aux lettres ». Pour conseiller et aiguiller ceux (aux pseudonymes très amusants) qui la sollicitent, elle fait souvent appel à ses souvenirs, à son expérience. Elle les rattache avec malice aux demandes, c’est très amusant de voir « les ponts » qu’elle met en place. Il y a également quelques chansons et les leçons de conduite qui sont cocasses.

L’écriture de l’auteur est pétillante, vive, c’est un régal. La traductrice a dû avoir beaucoup de plaisir à découvrir ce texte pour le transmettre. Sous des dehors humoristiques, il y a une réelle réflexion sur le « dérangement » que peut provoquer l’arrivée d’une variable dans un microcosme bien réglé et quelles seront alors les réactions de l’arrivant et des hôtes.

Je suis enchantée de cette découverte littéraire !


"Des torrents de sang et d'argent" de Philippe Cuisset

 

Des torrents de sang et d’argent
Auteur : Philippe Cuisset
Éditions : Kyklos (31 janvier 2022)
ISBN : 978-2918406471
182 pages

Quatrième de couverture

Entre 1904 et 1908, dépossédés de leurs terres, les peuples herero et nama se révoltent contre la colonisation allemande. Le général von Trotha mate l’insurrection et signe le premier ordre écrit d’extermination totale. Les deux peuples sont décimés.

Mon avis

Comprendre, s’adapter, survivre….

Il y a d’abord le début du titre « Des torrents de sang… » puis la photo en page deux. On sent tout de suite qu’on rentre dans un contexte âpre, difficile, et que tout cela sera à la limite du soutenable.

Et puis on rencontre Esther, lumineuse, engagée, noble. Une femme qui, jusqu’à la dernière décision qu’elle partage avec nous, nous montre combien elle se tient droite, sans baisser les yeux, face à ce qu’elle a vu, vécu, subi. En suivant son parcours, on puise dans sa force pour continuer la lecture, comme elle a continué de lutter, parce qu’on lui le doit bien.

Philippe Cuisset a du talent pour nous ouvrir les yeux, nous secouer, nous émouvoir, nous mettre en colère sur ce qui a été et que, complaisamment, certains gouvernants ont « oublié ». Comme le rappelle Aimé Césaire, cité en fin d’ouvrage, faut-il que l’homme blanc soit touché pour que la société bien-pensante agisse ? Pourquoi ce mépris envers les souffrances africaines ?

Dans ce récit, parfaitement documenté, l’auteur nous présente un génocide (le premier du vingtième siècle), reconnu bien tardivement puisque le gouvernement allemand a consenti l’implication de son pays, en 2004, cent ans après les faits.

C’est en 1884, que l’Allemagne s’installe en Namibie, considérée alors comme une colonie mais l’appât du gain, la soif de richesse des dirigeants allemands entraînent des vols de territoires, des confiscations de bien. Des peuples namibiens se rebellent mais une énorme armée de dix mille hommes, avec le général Lothar von Trotha à sa tête, est envoyée sur place, pour réprimer les combattants. Avec le texte de Philippe Cuisset, nous découvrons avec horreur ce qu’il s’est passé.

Eugen Fisher et l’hygiène raciale avec des expérimentations violentes et cruelles. Les hommes et les femmes qui luttent pour rester en vie face à une haine calculée, volontaire, tenace, obligés de s’économiser pour garder un brin d’espoir, de rester mutique face à la douleur, de contenir leur rage….

Avec une écriture précise, montrant les événements, mais également les ressentis, l’auteur, dans un style épuré nous touche de plein fouet et nous laisse le cœur en vrac.


"Les voleurs de plage" de Joanne Harris (Coastliners)

 

Les voleurs de plage (Coastliners)
Auteur : Joanne Harris
Traduit de l’anglais par Jeannette Short-Payen
Éditions : La Table Ronde (22 mai 2003)
ISBN : 978-2710325758
380 pages

Quatrième de couverture

Rien n'a changé depuis des siècles sur la petite île du Devin, au large de Noirmoutier. Il y a les villageois de la Houssinière et ceux des Salants, à l'autre bout de l'île : deux communautés rivales où les haines ont la vie longue. Lorsque Madeleine revient, après dix ans d'absence, son village est à la dérive et son univers menacé. Mais, avec l'aide d'un nouveau venu, elle entreprend de sauver les Salants. Contre ses proches. Au prix de tragédies intimes. Joanne Harris a le secret de réveiller nos sens. Chocolat sollicitait notre gourmandise. En lisant Voleurs de plage, le vent nous fouette le visage et on a le goût du sel aux lèvres.

Mon avis

C’est pour son titre et sa couverture bleue avec un bateau évoquant l’océan (qui n'est pas sur l'image que j'ai mise ...), que j’ai choisi ce livre pour la lecture commune.

Il est constitué d’un prologue de plusieurs pages suivi de quatre parties à peu près équivalentes, le tout se terminant par un épilogue d’une page.

Les quatre parties ont des titres évoquant la mer, l’océan…

« Oui, mon pays, celui auquel il m’est impossible d’échapper, mon nord magnétique à moi vers lequel toujours se tourne la folle aiguille de mon cœur. »

Ce livre raconte le retour de Madeleine dans le village où elle a passé son enfance et où son père, avec qui les relations sont difficiles, vit encore.

On est sur une petite île où deux villages cohabitent avec leurs rivalités, leurs secrets, leurs « cadavres dans le placard », leurs jalousies, leurs non-dits, leurs silences, leurs querelles …

C’est une petite communauté où certains savent beaucoup et ne disent rien, ou d’autres savent peu mais « causent » beaucoup, ou d’autres enfin vivent leur vie sans s’occuper des uns et des autres…

Le livre est écrit à la première personne, c’est Madeleine qui « parle ».

Elle cherche à savoir, à comprendre le passé, le présent …

Petit à petit, le puzzle se met en place, elle en sait plus, les gens se dévoilent un peu, échappent des bribes d’informations qu’elle relie entre elles.

L’écriture est de qualité, l’ambiance très bien retranscrite. C’est un livre intimiste, calme aux senteurs d’océan.

Pour la passionnée d’océan que je suis, j’ai eu quelques moments de rêverie lorsque ce dernier était évoqué avec toutes les sensations que l’on peut y associer : vent dans les cheveux, embruns etc …

Mais … il y a un mais …. l’histoire en elle-même ne m’a pas plus emballée que ça. Rien qui transporte, qui emporte, qui bouleverse, qui accroche … Je n’ai pas lu avec « appétit », envie, enthousiasme et c’est dommage ….

À la fin du livre, les remerciements de l’auteur, entre autres, "aux libraires qui ont tant travaillé pour faire, sur leurs rayons, de la place pour mes livres " (sic) m'ont bien plu.

"Sang blanc" de Noémi Krynen

 

Sang blanc
Auteur : Noémi Krynen
Éditions : Taurnada (10 mars 2015)
ISBN : 978-2372580076
204 pages

Quatrième de couverture

Alors qu'une série de meurtres teinte de rouge la si belle campagne enneigée du Vercors, Edouard, dentiste, revient dans son village après la mort de ses parents. Il y retrouve Renaud, un vieil ami d'enfance, et se lie avec Anna, une jeune serveuse. Edouard pensait connaître ses parents, mais il n'est pas au bout de ses surprises...

Mon avis

La vengeance est un plat qui se mange froid, surtout en hiver…..

Deux polices d’écriture pour différencier deux histoires (qui, bien entendu, finiront par se rejoindre) : on suit une bande de jeunes d’une part, et un dentiste qui vient de perdre ses parents d’autre part.

Leur point commun ? Vous ne croyez pas que je vais vous raconter le roman ?

Bon, d’accord, en voilà un : la neige.

Bien que ce ne soit pas forcément original, j’ai beaucoup aimé la construction de ce roman, les morceaux de puzzle qui s’emboîtent et les choses qui s’éclaircissent lentement.

Les personnages sont bien présentés avec leurs qualités et leurs travers, ils ne sont pas trop nombreux et on se repère sans soucis. Inexorablement, la peur s’insinue et le suspense augmente.

L’auteur a une écriture dynamique, sans fioriture, parfaitement adaptée au tempo d’un thriller. Car, on a froid, dans le dos, au cœur, partout. Ce qu’on ne sait pas tout de suite, transparaît entre les lignes, on perçoit sous jacent les problèmes qui vont arriver, la rédemption impossible et les dérives que cela entrainera. On devine certains événements et on essaie de les repousser en cherchant une autre issue…. Mais la froide réalité est là…..

C’est simple et efficace, un auteur à suivre.


"La valise et le cercueil" de Dario

 

La Valise et le Cercueil
Auteur : Dario
Éditions : Les 2 encres (6 Août 2014)
ISBN : 978-2351686805
160 pages

Quatrième de couverture

Ça y est ! Enfin, et pour de bon cette fois, la guerre d'Algérie est terminée. Soulagée, la France des années 60 s'engouffre enthousiaste sur les chemins de la croissance, de la consommation et de l'oubli.  À Paris, entre Clignancourt et Pigalle, cinq assassinats inexpliqués d'ouvriers laissent à penser que le feu qui a embrasé l'Algérie française a peut-être été mal éteint. Faut-il voir derrière le meurtre des cinq métallos la main vengeresse de l'OAS, voire une résurgence de la Cagoule ? Sous la pluie du quartier de son enfance, l'inspecteur divisionnaire Claude Fourrier, en proie à ses propres démons, mène l'enquête, loin, si loin du soleil d'Alger.

Mon avis

On est dans les années « soixante », Claude Fourrier, inspecteur divisionnaire doit mener l’enquête : cinq meurtres d’hommes Des gens issus de milieux ouvriers et qui avaient malgré tout un point commun. Ils ont tous été plus ou moins proches de la rébellion algérienne, du MNA (mouvement national algérien), de l’ALN (Armée de libération nationale) ou du FLN (Front de libération nationale), tous ces groupes qui ont œuvré pour obtenir de la France l’indépendance de l’Algérie. Tous les cinq ont soutenu en métropole les rébellions des « fellaghas ». Ils étaient ce qu’on appelle des « porteurs de valises », européens, insoupçonnables au service du FLN ou autre. Que faisaient-ils ? Ils transportaient des faux papiers, des fonds ou des armes pour les insurgés parisiens entre autres. Ils ont agi dans l’ombre « pas vu, pas pris » et depuis ils menaient une vie tranquille, rangée des voitures…

Et puis coup sur coup, un, deux, trois….cinq macchabées sur les bras….

Le Ministre d’Etat, Bethier convoque notre inspecteur, lui donne quelques tuyaux sur les histoires d’avant l’indépendance de l’Algérie. Fort de ça, il lui demande de trouver au plus vite qui tue, surtout que ça se fait avec du gros calibre, peu employé, une arme de guerre de 1934… Surtout résoudre tout cela vite et bien sans avoir besoin de faire intervenir le préfet de police, ça ferait désordre….

Il veut bien, Claude Fourrier mais il ne sait pas par quoi commencer, ni comment s’y prendre… Heureusement, il est bien entouré, il y a Mado, Momo, Nini, Lopez, Monsieur Djoko… de l’indic à la tapineuse, en passant par le coiffeur, tous ont des yeux, des oreilles pour observer et des choses à dire. Alors l’inspecteur les « fréquente », les écoute surtout et parfois se fie à eux….

Le Paris des années « soixante » est remarquablement bien « campé ». On s’y croirait : dans les bistrots, dans les rues, au commissariat…. C’est un texte très visuel qui pourrait être adapté en téléfilm sans problème tant les situations sont bien présentées.

Mais l’intérêt de ce roman est également dans le cheminement de Claude, qui devient vite un intime car on partage ses questions, ses doutes, ses cauchemars… Notre homme a une part d’ombre, il n’a pas fait son deuil du décès de son père et tout cela le hante. La façon dont il mène ses investigations, s’appuyant sur les observations des uns et des autres est intéressante. Il avance petit à petit, lentement mais sûrement et s’appuie sur le moindre indice pour progresser. Les « seconds rôles » sont des protagonistes à part entière, ils ont chacun leur importance dans l’intrigue et ne sont pas là pour faire compléter le décor.

L’écriture de Dario que je ne connaissais et que j’ai découvert est fluide, agrémentée de vocabulaire précis ou argotique de l’époque. J’ai trouvé les descriptions très justes et très pointues retraçant avec brio l’atmosphère du moment. Peut-être prennent-elles parfois un peu trop de place au détriment des personnages qui auraient mérité d’être approfondis.

On sent malgré tout que l’auteur a un potentiel d’écriture. Il n’a sans doute pas donné « sa pleine mesure » avec ce premier roman, assez court. Mais il mérite d’être repéré et suivi pour ses prochains écrits.

"Mon père est femme de ménage" de Saphia Azzeddine

 

Mon père est femme de ménage
Auteur : Saphia Azzeddine
Éditions Léo Scheer (24 août 2009)
ISBN : 978-2756101958
172 pages

Quatrième de couverture

« Mon père a refermé la bouche en mâchant dans le vide, il s'est redressé et a regardé sa montre. On était vendredi, je n'avais pas école le lendemain. Donc je pouvais l'aider. Embarrassé à l'idée de m'imposer sa vie, il trouve toujours un moyen d'alléger le truc. Là, il a dit : — Bon alors mon Polo, tu viendé ou pas ce soir ? Une petite faute de français rigolote pour soulager tout ça, un peu d'humour pour camoufler le désastre de la soirée. Une soirée qui s'avère être sa vie en fait. J'ai souri, ça détend mon père, et j'ai répondu comme à chaque fois : — Je viendé, je viendé... Je l'aime mon père, mais j'ai du mal à l'admirer. Souvent, quand je le regarde, il est à quatre pattes, alors forcément ça manque un peu de hauteur tout ça... »

L’auteur 

Saphia Azzeddine, née au Maroc d’une mère normande et marocaine et d’un père marocain, a grandi à Ferney-Voltaire. Bac littéraire, licence de sociologie, un an à Houston au Texas, travaille un temps dans les pierres précieuses à Genève puis devient journaliste. Elle est également scénariste, ce roman est le deuxième qu’elle écrit.

Mon avis

« J’en avais l’eau à la bouche de l’aimer mon père. Et je m’en suis donné à cœur joie de l’aimer. Il n’y avait rien de meilleur » (page 124)

171 pages pour se rafraîchir en été.

171 pages pour se réchauffer en hiver.

171 pages pour sourire à la vie au printemps.

171 pages pour oublier que parfois en automne le brouillard est là.

Ce court roman est un petit régal.

On suit Paul dans son quotidien et, à travers l’écriture de ce jeune de 14 ans, on voit toute la tendresse qu’il éprouve pour son père.

C’est léger, ça se lit en quelques heures et ça fait du bien.

Les chapitres sont courts, non numérotés, ça s’enchaîne rapidement.

Paul, que tous appellent Polo a honte de sa famille, de sa vie dans la cité, de sa mère qui ne fait rien, de sa sœur qui rêve de concours de beauté… Paul voudrait une autre vie mais ne renie rien de celle qu’il a. Il espère s’en sortir même s’il est blanc, moche, petit (avec un zizi qui l’inquiète) et pauvre…

Paul aide parfois son père à faire le ménage et découvre ainsi d’autres univers : la bibliothèque

où il « apprend » des mots…, le magasin de sport ….. C’est écrit comme parlerait un jeune de 14 ans avec des expressions familières mais cela ne donne vraiment pas une impression fausse.

C’est plein d’humour, certaines situations ou réparties sont amusantes. C’est aussi rempli de mélancolie, d’amour et de tendresse…tous ces sentiments que Polo ressent pour son père qui prend beaucoup de place dans sa vie…

La dédicace est originale. La fin est truculente, bien imaginée.

"La dernière tentation" de Val McDermid (The Last Temptation)

 

La dernière tentation (The Last Temptation)
Auteur : Val McDermid
Traduit de l’anglais par Catherine Richard
Éditions : Parole et Silence (1 er janvier 2003)
ISBN : 978-2744164521
604 pages

Quatrième de couverture

Hanté par le souvenir d'humiliations subies durant son enfance, un marinier sillonne les canaux d'Europe du Nord en quête d'une impossible revanche. Au même moment, Carol Jordan, agent de liaison Europol, arrive à Berlin. Elle a pour mission d'infiltrer un réseau de drogue et de démanteler un trafic de clandestins, en usant de son extraordinaire ressemblance avec la maîtresse du gangster qui les contrôle. Mais trois meurtres au scénario pervers, commis en Allemagne et en Hollande, l'entraînent sur la piste d'un serial killer.

Mon avis

« Avant de trouver sa place dans le monde, il devait se débarrasser du passé qui, tel un linceul, voilait chacun de ses jours. »

Dès les premières pages de ce livre, j’ai pensé : « Bon, encore un personnage torturé pas son passé… » Pas envie de rentrer en relation avec lui, d’aller au plus profond de son âme sombre, de comprendre sa personnalité mouvante, ses angoisses, de lui trouver, peut-être, des excuses à cause d’un passé forcément trouble et douloureux … pas envie …

Et puis, quelques pages plus loin, sont arrivés Tony et Carol, la donne changeait, je suis immédiatement rentrée en contact avec eux et je n’ai plus beaucoup lâché ce livre …

C’est un thriller à plusieurs entrées, où tout bien entendu, finira par être relié. Une intrigue diablement bien ficelée où le suspense augmente, où certains faits vous prennent « aux tripes » et vous mettent la chair de poule tout en vous révoltant.

On est sans cesse aux aguets, se demandant ce que chacun des protagonistes va faire, inventer pour aller plus loin dans ses choix, que ce soit pour résoudre les différents « mystères » ou pour échapper aux poursuivants.

J’ai beaucoup apprécié le rôle du profileur et la façon dont il relie ses observations.

Entre autres, le rapport de l’assassin avec l’eau. Son raisonnement m’a convaincue car tout est soigneusement analysé, pesé, expliqué, décortiqué avec justesse et rigueur. Il n’affirme pas, il suggère, il suppose, il met en exergue des faits qui pourraient être « vus » tout autrement et au final, on se prend à avoir envie dans les pages suivantes de penser comme lui, d’avoir ce regard sur ce qui se déroule, d’être capable, à notre tour, d’interpréter les faits et gestes du tueur, d’anticiper ce qui va se passer pour essayer de l’éviter …

L’histoire se déroule dans toute l’Europe et on découvre les difficultés des services de police des différents pays à communiquer leurs informations, tout semble trop cloisonné. Heureusement, les amitiés virtuelles existent entre flics et les points communs entre les meurtres leur mettront la puce à l’oreille.

J’ai aimé la présence des canaux et de l’eau, cette eau qui apaise. « Il ne se sentait calme que sur l’eau. Là, il avait la maîtrise à la fois de lui-même et du monde qui l’environnait. »

J’émettrai un léger bémol, j’ai trouvé Carol bien naïve, elle met toutes les chances de son côté pour se mettre dans la peau d’une autre mais à côté de ça, elle néglige d’éclairer chez elle (les volets sont ouverts) pour faire croire qu’elle est rentrée alors qu’elle se doute bien qu’elle doit être suivie. Dès le premier retour nocturne, j’ai eu envie de lui dire «Attention, ne sois pas si bête ! ». mais si elle y avait pensé, l’histoire aurait été beaucoup plus courte …

L’écriture est simple, rythmée et prenante. Les faits s’enchaînent très vite, pas de temps mort.

On se déplace sans effort d’un pays à l’autre, d’un personnage à un autre, du batelier tourmenté aux trafics en Allemagne en passant par l’enquête en Hollande. On suit la relation de Tony et Carol, complexe, jouant à « je t’aime moi non plus », tout en ayant besoin l’un de l’autre, ne sachant pas, parfois, comment se positionner, ne sachant pas aussi, baisser la garde, se laisser aller lorsqu’ils sont ensemble, rattrapés sans cesse par leur métier.

Un livre où les six cents pages nous emmènent très vite, ailleurs, dans un monde parfois un peu glauque, avec quelques éclairs de tendresse, des personnages attachants ou répugnants mais qui nous laissent rarement indifférents …


"La cité hantée (Pendergast - Tome 20)" de Douglas Preston & Lincoln Child (Bloodless)

 

La cité hantée (Bloodless) (Pendergast : 20)
Auteurs : Douglas Preston & Lincoln Child
Traduit de l’américain par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (5 Mai 2022)
ISBN : 9782809843934
448 pages

Quatrième de couverture

L’inspecteur Pendergast, du FBI, est appelé en Georgie, où des corps sont découverts vidés de leur sang. En proie à la panique, les habitants craignent le retour d’une créature qu’on croyait n’appartenir qu’à la légende : le Vampire de Savannah.

Mon avis

La nouvelle enquête de l’inspecteur Pendergast contient une pointe de science-fiction / surnaturel plus prononcée que dans les ouvrages précédents. Cela va peut-être désarçonner certains lecteurs mais en ce qui me concerne, j’ai plutôt apprécié cet aspect qui change l’atmosphère de cette série.

Alors qu’ils viennent de terminer une mission, Pendergast, son adjoint l’agent Coldmoon et sa pupille Constance n’aspirent qu’à une chose : rentrer chez eux et se poser. Mais voilà que leur hiérarchie en a décidé autrement. Direction la Georgie où la ville de Savannah fait face à des faits troublants et effrayants. En effet des personnes sont retrouvées mortes, vidées de leur sang… Brrr…un vampire ?

Pendant que le FBI cherche, une équipe cinématographique tourne un documentaire sur cette ville hantée, effets grand spectacle garantis avec en prime beaucoup d’esbrouffe ! La police sur place enquête également de son côté. Pendergast et compagnie s’installent dans un vieil hôtel car un des macchabées est lié à ce lieu. La propriétaire, une vieille originale semble cacher beaucoup de choses. Il faudra toute la sagacité de Constance pour obtenir des informations en interrogeant cette femme d’une façon détournée. Cela fait pas mal de monde qui tourne autour de ces morts mystérieuses mais personne n’a la même approche. Ceux du FBI, surtout Pendergast et Constance, sont fins observateurs, capables de déductions intelligentes. La police du coin est plus dans l’action, se disant qu’elle va tout réussir sans aide, soutenue dans cette vision des événements par le prétentieux sénateur du coin. Quant aux cinéastes, ce sont des gens qui manipulent les images à merveille pour leur faire dire ce qu’ils souhaitent.

J’ai bien aimé cette nouvelle aventure. Peu importe qu’elle soit vraisemblable ou pas pour ce qui est du détournement d’avion et de ses conséquences. Il y a un petit côté « ironique » dans ces faits-là qui m’a bien plu (je ne dis rien de plus pour ne pas dévoiler quoi que ce soit).

L’intrigue qui fait référence à des situations du passé est bien construite. Je n’ai pas du tout fait le rapprochement avec ce qui est présenté au début et je me demandais quand le lien allait apparaître. C’est une bonne chose car cela m’a maintenu dans l’histoire, je voulais savoir et surtout comprendre. Le suspense est garanti, les rebondissements aussi et on voit bien que la fin va entraîner une suite probablement surprenante. Il me semble avoir lu que ce recueil est le premier d’une trilogie, ce qui n’est pas pour me déplaire.

L’écriture reste fluide accrocheuse, merci au fidèle traducteur, Sebastian Danchin. Tout s’enchaîne sans temps mort et c’est bien plaisant à lire. Les personnages récurrents sont assez fidèles à ce qu’on sait d’eux. Les rapports que la responsable de l’hôtel entretient avec son personnel ou les gens de passage etc sont bien analysés, on sent que rien n’est anodin dans son attitude. Malgré son âge avancé, elle a un excellent sens de l’observation, et ce qu’elle dit à Constance le prouve. Entre elles deux s’installe une espèce de joute verbale, de jeu de chat et souris qui nous rappelle que les femmes ne se laissent pas faire et qu’elles ont du caractère !

Finalement, je pense que ce nouveau recueil donne une belle place aux femmes et c’est parfait !


"Red Power" de Thomas King (The Red Power Murders)

 

Red Power (The Red Power Murders)
Auteur : Thomas King
Traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Éditions : Liana Levi (5 Mai 2022)
ISBN : 9791034905942
340 pages

Quatrième de couverture

«C’est fou comme le passé sait vous rattraper», pense Thumps DreadfulWater quand ce vieux Noah Ridge débarque à Chinook pour présenter son autobiographie. Puis très vite, l’ancien policier s’interroge: pourquoi diable le leader charismatique du Red Power Movement, qui a toujours soigné son image, choisit-il cette minuscule réserve pour évoquer ses combats d’autrefois? S’il s’écoutait, il roulerait vers le sud et ne rentrerait que quand Noah Ridge et l’hiver auraient quitté la ville. Mais sa curiosité est la plus forte, d’autant qu’un agent du FBI choisit ce moment pour venir faire du tourisme dans les parages et que les cadavres, du passé comme du présent, s’amoncellent.

Mon avis

C’est dans la ville fictive de Chinook que se déroule ce récit mettant à nouveau en scène Thumps DreadfulWater, un ancien policier devenu photographe. C’est un homme indépendant, Cherokee, qui vit avec une chatte au caractère particulier. Ils s’accommodent l’un de l’autre et c’est avec beaucoup d’humour que l’auteur décrit leur relation. Thumps aime vivre à son rythme, ne supporte pas trop les ordres et agit souvent en électron libre.

C’est l’hiver, il fait froid, Dreadful n’est pas tellement équipé pour la saison et il filerait volontiers vers des cieux plus cléments. Mais sa voiture est capricieuse et surtout on lui confie en une journée, deux missions qui peuvent ne faire qu’une. Noah Ridge, le leader du Red Power Movement dont le but est d’attirer l’attention sur les indiens et leurs conditions de vie afin de les protéger face au colonialisme et au mépris de certains gouvernants, est présent dans la cité pour promouvoir son autobiographie. Thumps devra le photographier et le protéger…. Finalement, on n’aura pas besoin de lui de la même façon que ce qui était prévu. En effet, un homme mort est retrouvé dans une chambre d’hôtel. Le shérif, bien qu’il ait un adjoint, demande de l’aide à DreadfulWater. Ce dernier n’est pas forcément motivé pour intervenir d’autant plus que le collègue du shérif est particulièrement désagréable. De plus, il croise l’assistante de Ridge qui est une ancienne connaissance à lui …. Des faits perturbants se succèdent, certains liés au passé et une atmosphère faite de mystères et de non-dits s’installe. D’autres personnes sont retrouvées mortes et cela n’arrange pas les affaires de Thumps qui semble être lien avec tout le monde puisque tous ces macchabées ne lui sont pas inconnus.

Extrêmement travaillée cette histoire implique de nombreux personnages, qui interviennent petit à petit et qu’on peut aisément repérer. Tous ont un rôle dans l’intrigue, et il faut essayer de cerner leurs caractères très variés pour comprendre comment ils vont réagir. Entre l’instinct protecteur de certains, la colère rentrée ou la finesse d’esprit des autres, les personnalités diverses sont très intéressantes, notamment quand on suit l’évolution de celle de Ridge. Un homme charismatique passionné qui a fini par être égocentrique….quel gâchis….

C’est le deuxième livre de Thomas King que je lis et j’apprécie vraiment que le scénario soit réfléchi, construit sur différents aspects, et en lien avec des thèmes importants tels la place des indiens, les pots de vin des gouvernants, les luttes pour de bonnes causes…. Pour autant, ce n’est pas un texte rébarbatif car l’écriture (merci aux traducteurs) de l’auteur est pleine de pointes d’humour ou de dérision.

« Le meilleur moyen de combattre l’hiver, comprit Thumps en sortant du bureau du shérif, consiste à être en permanence en colère. En ce moment, il était si furieux qu’il aurait fait fondre la calotte polaire. »

Le style est fluide malgré les nombreuses entrées et tous les faits, l’auteur construit son texte avec beaucoup de doigté et d’intelligence. J’aimerais savoir comment il s’y prend pour imbriquer tous les éléments et rédiger un roman qui ne « boîte » pas, où on ne se perd pas et qui maintient le suspense. C’est très plaisant à lire, on a le sentiment de voir se dérouler les scènes sous nos yeux. Je pense d’ailleurs qu’on pourrait faire une sympathique adaptation cinématographique.

Encore une belle découverte littéraire !