"Le pays des phrases courtes" de Stine Pilgaard (Meter i sekunder)

 

Le pays des phrases courtes (Meter i sekunder)
Auteur : Stine Pilgaard
Traduit du danois par Catherine Renaud
Éditions : Le bruit du monde (5 Mai 2022)
ISBN : 978-2-493206-11-4
290 pages

Quatrième de couverture

Le Jutland, à l’ouest du Danemark. Des dunes, des éoliennes et la petite ville de Velling où la narratrice de ce roman doit suivre son compagnon, enseignant dans une école alternative. Alors que ne lui incombent que les rôles ingrats de « pièce rapportée » et de mère au foyer, elle se donne une mission, passer son permis de conduire. Plus intéressée par la conversation que par le volant, elle essuie cependant les échecs à répétition.

Mon avis

C’est pour des livres comme celui-ci que j’aime la découverte de nouvelles maisons d’édition, de nouveaux auteurs.

« Le pays des phrases courtes » est un roman inclassable, à l’humour et la dérision décalés, à la profondeur non affichée mais bien présente, au dépaysement garanti. Je suis totalement sous le charme du contenu, de la forme, du phrasé.

C’est dans la petite ville de Velling (même pas trois cents habitants) qu’un jeune couple et leur fils s’installent. Il sera enseignant dans une école alternative, elle sera mère au foyer. Elle a le souhait de passer son permis de conduire, histoire d’avoir un but. Au bout de quelque temps, une rubrique « courrier des lecteurs » lui est confiée. Cela lui donne un rôle plus important dans cette bourgade où elle a du mal à trouver sa place.

C’est elle qui se raconte, les dialogues sont rapportés dans un style indirect imprimant un rythme qui semble assez lent. On sent que cette femme est un tantinet désemparée, pas forcément à l’aise (et son époux non plus) dans son rôle de Maman qu’elle doit « apprendre ». Elle décrit son quotidien sans filtre, avec une forme de naïveté. Elle n’a pas « les codes » de ce coin du Danemark et ses rapports aux autres peuvent être mal interprétés. Elle a un sens de l’observation fin et acéré. Quand elle décrit l’attitude des gens qui parlent à son fils (un bébé) dans les rayons du supermarché, c’est jubilatoire ! Elle se sent parfois rejetée par les collègues ou les élèves de son compagnon et elle est étonné des réponses de la directrice qui lui explique que tout cela est bien normal.

« C’est une phase que toutes les pièces rapportées doivent traverser, dit-elle en me tendant un biscuit un peu moisi. Pourquoi ? je demande. Pour apprendre à vivre avec, dit la directrice. »

Elle se pose beaucoup (trop ?) de questions, s’intègre parfois avec maladresse. Il est nécessaire qu’elle apprenne à parler aux habitants du Jutland « Le pays des phrases courtes ». Elle va rencontrer quelqu’un qui lui donne des conseils, qui lui explique comment agir, comment moduler son flux verbal. Est-elle obligée de se couler dans un moule pour être acceptée et comprise ? Où est sa marge de liberté ? Peut-elle être elle-même sans être jugée ? C’est tout cela qu’interroge, avec brio et esprit, Stine Pilgaard.

Ce récit de vie quotidienne est entrecoupé de lettres auxquelles répond la jeune femme en signant « La Boîte aux lettres ». Pour conseiller et aiguiller ceux (aux pseudonymes très amusants) qui la sollicitent, elle fait souvent appel à ses souvenirs, à son expérience. Elle les rattache avec malice aux demandes, c’est très amusant de voir « les ponts » qu’elle met en place. Il y a également quelques chansons et les leçons de conduite qui sont cocasses.

L’écriture de l’auteur est pétillante, vive, c’est un régal. La traductrice a dû avoir beaucoup de plaisir à découvrir ce texte pour le transmettre. Sous des dehors humoristiques, il y a une réelle réflexion sur le « dérangement » que peut provoquer l’arrivée d’une variable dans un microcosme bien réglé et quelles seront alors les réactions de l’arrivant et des hôtes.

Je suis enchantée de cette découverte littéraire !


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