Il faut beaucoup aimer les gens
Auteur : Solène Bakowski
Éditions : Plon (5 Mai 2022)
ISBN : 9782259311762
370 pages
Quatrième de couverture
Après un séjour en prison, Eddy Alune, 31 ans, est devenu
veilleur de nuit, un métier qui lui permet d'échapper aux gens et aux ennuis.
Il vient de perdre son père. En vidant l'appartement de son enfance, il
retrouve des effets personnels qu'il a volés, vingt ans plus tôt, à proximité
d'une SDF morte dans la rue. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à
cette femme l'histoire qui lui a été confisquée.
Mon avis
Eddy Alune n’a pas eu une enfance facile, harcelé à l’école,
une famille boitillante, il a fini par faire de la prison. Non pas parce qu’il
est foncièrement mauvais mais certainement parce qu’il ne sait pas bien s’y
prendre avec les gens et qu’à force d’encaisser, un jour, tout ce qu’il avait
retenu est sorti.
Aujourd’hui, il est rangé des voitures comme on dit. Il est
veilleur de nuit dans un grand parking. Peu de contacts avec ses semblables, il
est seul dans son « aquarium », ça lui convient tout à fait. Pendant
ses longues nuits de surveillance solitaire, il écoute la radio, une émission
animée par une jeune femme qui se fait appeler « Luciole » et qui écoute
le cœur des gens. Oui, le cœur car c’est lui qui dicte les paroles de
désespoir, de souffrance … Alors l’animatrice panse, colmate, glisse quelques
conseils, elle tient compagnie jusqu’au bout de la nuit… (J’ai pensé à Max
Meynier et « Les routiers sont sympas »).
Eddy mène une vie isolée, ne cherchant pas à entretenir des
relations avec qui que ce soit. Il ne veut pas être dérangé et peut-être qu’il
se méfie de son impétuosité. Lorsque son père décède, il n’a plus personne dans
sa vie, hormis Jojo, un pigeon qu’il nourrit. En vidant l’appartement où il a
grandi, il retrouve des choses qu’il avait dérobées vingt ans auparavant à une
dame, sans domicile fixe, morte dans la rue. C’est lui qui avait appelé la
police. Les souvenirs remontent. C’était la première fois qu’il rencontrait la mort
et en volant, il s’était dit qu’il ne faisait rien de mal, la SDF n’en avait
plus besoin…. Mais maintenant, deux décennies plus tard, il réalise qu’elle s’est
retrouvée dans le carré des indigents car personne ne savait rien d’elle et que
peut-être, ce qu’il a en sa possession, permettra de l’identifier.
Alors, Eddy le taciturne, tenaillé par la culpabilité, se
lance dans des recherches pour essayer de mieux connaître cette inconnue, de
lui redonner un semblant d’humanité. Sa quête va l’amener à rencontrer de
nombreuses personnes. Au début, il est maladroit, un peu brut de décoffrage. Il
n’arrive ni à apprivoiser ni à se laisser apprivoiser, puis avec le temps il s’ouvre…
C’est une galerie de portraits fine et délicate que nous
offre Solène Bakowski dans ce nouveau roman. A petites touches, elle peint les
caractères, le physique, la situation de ceux qui appellent Luciole ou qui
croisent Eddy. Son écriture est pleine de sensibilité, d’élégance pour évoquer
les destinées de chacun. Elle raconte les hommes et les femmes cabossés par la
vie, qui essaient d’avancer, de rebondir, de continuer la route malgré les
difficultés. Elle parle des hasards, des rendez-vous ratés ou pas qui
bouleversent des vies.
« À quoi tient la vie ? À
nos liens invisibles ; à nous, inconnus, qui, sans le savoir, sommes
raccordés. À nos existences qui se percutent en silence. »
En fil conducteur, sous nos yeux, se construit la
personnalité d’une femme, Rosa, elle est ce qui rattache les différents personnages.
Elle est la vie, le pardon, la résilience…. Avec des retours en arrière, on apprend
à la connaître, à la comprendre….à l’aimer également.
À l’aimer ? Me direz-vous ?
À les aimer, devrais-je écrire…. Il faut bien l’avouer, l’auteur rend ceux qu’elle
évoque tellement vivants, tellement humains, que forcément ils deviennent des
familiers et on n’a pas envie de les quitter.
Un récit sobre, en retenue, profond et aérien, sans lourdeur
pour parler de la vie avec doigté et intelligence.
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