Un dromadaire dans la forêt
Auteurs : Mikael Mignet (scénario) & Oz Bayol (dessins)
Éditions : Jarjille (12 Janvier 2024)
ISBN : 978-2-493649-17-1
150 pages
Quatrième de couverture
Murphy est un citadin avec une bonne situation mais il est
un peu basané. Il n’a pas vraiment de chance dans la vie. Après s’être fait
plaquer par sa copine, il prend la route pour faire le vide. Alors qu’il
traverse une épaisse forêt, c’est un dromadaire qui lui coupe la route et l’envoie
dans le décor. Et quand il cherche du secours au milieu de ce nulle part, ce n’est
pas de l’aide qu’il trouve mais des emmerdes.
Mon avis
Cet album est la première longue (au niveau du nombre de pages)
collaboration entre les deux auteurs.
On fait connaissance avec Murphy, un homme maghrébin que sa
compagne vient de quitter. Pour ne pas être submergé par le chagrin, il roule
en campagne un moment. Mais un dromadaire surgit devant ses roues et c’est
l’accident. L’absurde est rentré dans sa vie.
Son véhicule étant immobilisé, il s’approche d’une maison et
voit un jeune garçon poursuivi par son père. Le gamin lui prend la main et l’entraîne
avec lui, pas le temps de discuter. Le père va déposer plainte contre cet
étranger qui a kidnappé son fils. Premier mensonge ….. Le lecteur va vite
comprendre que ce papa est raciste. Ce qu’on nomme « le racisme ordinaire ».
Les préjugés, les jugements sans fondement, les généralités stupides sans
vérifications, c’est lui et ceux qu’ils entraînent dans ses convictions (les
gendarmes qui l’écoutent, le croient, dans un premier temps…)
Et comme ça pourrait se passer dans la vraie vie, il y a
ceux qui interprètent sans avoir vu, sans preuve. Par exemple une femme
politique qui répète que les problèmes ne peuvent venir que de ceux qui n’ont
rien à faire dans notre pays… Ajoutez à cela la violence dans le couple et la
famille, les officiels qui cherchent à louvoyer pour éviter les conflits et
vous aurez les thèmes très actuels abordés dans ce livre.
Au milieu de tout ça, Murphy est obligé de fuir car personne
ne l’écoute et pour ajouter à la folie ambiante, il y a ce chameau. Est-il là
pour alléger l’atmosphère, apporter de la fantaisie, dire à ce pourchassé qu’il
n’est pas tout seul dans cette aventure d’apparence abracadabrante mais … pas tant que ça, n’est-ce pas ? Le
comportement de quelques-uns n’est pas sans rappeler des scènes et réflexions
du quotidien ….
Le synopsis est donc très riche et peut provoquer
d’intéressantes discussions, voire débats.
Quant aux dessins, ils appuient le propos. Ils sont simples
mais représentatifs et expressifs. Les couleurs à l’eau passées au pinceau sont
douces, j’aime beaucoup. La teinte du fond change suivant le lieu, le moment de
la journée ou même l’atmosphère. C’est très bien pensé. Certaines planches
tiennent une double page et ont encore plus de profondeur, d’impact sur le
récit.
Ce roman graphique à la couverture solide est vraiment
magnifique tant sur le fond que la forme. Une belle réussite !