Les hommes les plus grands (Los hombres más altos)
Auteur : Fabián Martínez Siccardi
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
Éditions : Liana Levi (25 Janvier 2024)
ISBN : 979-1034908608
260 pages
Quatrième de couverture
Parce qu’il est métis, qu’il appartient à la fois au peuple
originaire de Patagonie et à celui de ses colonisateurs, Manuel Palacios se
sent porteur d’une mission: raconter l’histoire des Tehuelches, la raconter
autrement. Faire de ces hommes, que les premiers explorateurs européens
surnommèrent «les géants de Patagonie», autre chose que des attractions pour
expositions universelles, révéler la beauté de leur culture. Cette quête, menée
sans relâche, de Buenos Aires à l’Italie, et lors de périlleuses expéditions
dans la cordillère des Andes, sera jalonnée de rencontres déterminantes…
Mon avis
Fabián Martínez Siccardi, originaire de Río Gallegos, né en
1964, se sert probablement de ce qu’il a observé pour construire son roman et
parler de ces hommes blancs qui ont colonisé ce coin de Patagonie.
On est au début du vingtième siècle, Manuel, né en 1906, est
métis. Sa mère tehuelche et son père espagnol, ont fait de lui, un enfant, puis
un homme partagé entre deux cultures. Rapidement seul avec sa mère (suite au
décès du paternel), il se retrouve avec elle dans un ranch appartenant à des nord-américains.
La propriétaire lui propose et impose un peu d’aller à l’école salésienne. Une
fois là-bas, il comprend qu’il est un étranger, qu’il dérange et qu’il doit se
plier à ce qu’on lui demande. Il se réfugie dans les études et excelle en
dessin. Comme il s’intéresse aux peintures rupestres, il est choisi pour assister
un archéologue sicilien, un scientifique atypique.
Au cours de ses observations, il est frappé par une peinture
rupestre et voit un lien avec le peuple Tehuelche qu’il pense être « élu
de Dieu » et venu de très loin. Devenu prêtre, pour une raison que je ne
dévoilerai pas, il décide de partir à la recherche de la bête mystérieuse qu’il
a vue. Il mettra à profit cette « enquête » pour mieux connaître la
culture des Tehuelches en défendant leur cause. Ce ne sera, bien entendu, pas
du goût de tout le monde. De plus, comme ses investigations ne tarderont pas à
tourner à l’obsession, il ne sera pas forcément compris. Ce qu’il voudrait, au-delà
de sa quête, c’est « avoir une place » dans la société, être traité
comme les autres, reconnu en tant qu’être humain à part entière sans jugement
faussé. Et bien sûr redonner une visibilité à tous les « oubliés ».
Ce récit mêle trame historique et imagination. L’auteur est
passionné, ça se sent et il a dû énormément se documenter avant d’écrire. Manuel devenu religieux fait preuve d’empathie
et doit parfois se retenir face aux excès de « ses collègues » qui
lui expliquent que les indiens « sont élevés dans l’inculture, l’errance,
éloignés de la main de Dieu, de la civilisation et du progrès. » Il n’est
pas d’accord. Il essaie d’agir, de faire bouger les lignes mais ce n’est pas
aisé.
L’écriture est plaisante (merci à la traductrice), le texte
nous fait vivre une belle aventure et c’est prenant. Le style indirect pour les
dialogues est parfois un peu plus « morne » à lire. De l’action, des
émotions, le dosage est bon. Le caractère et les réactions des différents
personnages sont bien étudiés, les scènes décrites d’une façon très visuelle.
Il y a une atmosphère hybride de mélancolie, excitation, colère …
J’ai été interpelée par cette lecture. Je ne connaissais pas
la vie des indiens de Patagonie et ça me donne envie de me renseigner un peu
plus sur eux, ce qu’ils ont subi et comment ils ont évolué.
Fabián Martínez Siccardi est un des rares auteurs écrivains qui parle du génocide des indiens dans ce coin du monde et de ses conséquences actuelles. Il prépare d’ailleurs une série de podcasts pour approfondir ce sujet et également ouvrir les yeux des argentins qui, pour beaucoup, ignorent ce passé peu glorieux. Il a vécu plusieurs années hors de son pays, s’est-il lui aussi senti « un étranger » lorsqu’il est revenu ?
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