"Ligne de Myrrhe" de Yves Corver


Ligne de Myrrhe
Auteur : Yves Corver
Éditions : Fleur Sauvage (28 Août 2018)
ISBN : 978-2378370336
490 pages

Quatrième de couverture

Paris. Le cadavre d’un homme est découvert dans une voiture diplomatique. À ses pieds une statuette égyptienne, entre ses cuisses une plume d’autruche blanche. La commissaire Nathalie Vincenti se devra d'agir dans la plus grande discrétion. Mais contacté par le mystérieux Imhotep, le pigiste Jim Santiago s'empare à son tour de l'enquête.

Mon avis

Un homme assassiné dans des conditions énigmatiques, découvert dans une voiture diplomatique avec une mise en scène de son corps qui pose question…. Dès les premières pages, on rentre dans une atmosphère prenante et on se retrouve très vite scotché aux pages avec une intrigue totalement addictive. De plus, un individu mystérieux semble vouloir se venger. De qui, de quoi, comment et surtout pourquoi ? Les indices sont minces.  Il paraît terriblement  froid, organisé, détaché et déterminé. Est-il intelligent, rusé, manipulateur, manipulé,  qui est-il? Il semble suivre un minutieux cheminement, établi à l’avance , que lui seul connaît. Quels liens établir avec les différents faits que nous découvrons au fil des chapitres ?

La commissaire Nathalie Vincenti et son équipe vont s’attaquer à la délicate enquête concernant la personne trouvée dans la voiture. Mais il faut agir en toute discrétion, le mort est un homme  ivoirien, membre du personnel administratif de l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire. La presse ne doit rien savoir et ce n’est pas évident. D’autant plus, qu’un jeune pigiste, Jim Santiago, semble vouloir se mêler de ce qui ne le regarde pas en s’incrustant dans les recherches de Nathalie. Va-t-elle devoir composer avec lui ?

Nathalie est une femme moderne, efficace, mettant tout en place, côté pratique, pour avancer au plus vite dans ses recherches.  Elle est respectée de ses collègues et prête  à tout pour réussir.
 Quant à Jim Santiago, il a été grièvement blessé alors qu’il était grand reporter pour des journaux comme Libération, Le Monde ou l’Express.  Le grave accident qu’il a vécu a malheureusement coupé sa dynamique et il se contente de piges. Voilà qu’un mail arrive dans sa boîte et que tout change, il retrouve dynamisme, envie et gnaque . En effet, un correspondant caché lui donne des informations sur le crime pour lequel Nathalie est au travail. Il entre en contact avec elle et souhaite établir un marché donnant-donnant…. Ces deux personnages principaux sont très intéressants à découvrir et à suivre. Tout semble les séparer, la policière pragmatique, posée qui s’attache à la vérité en toute modération  et le journaliste qui, lui, utilise le choc des photos, des mots, pour informer.  A moins que ce soit pour dévoiler ou transformer (la presse est-elle toujours honnête ?) ce qu’on cherche à occulter ?

Le nouveau roman de Yves Corver ne ressemble pas aux deux précédents. Il a délaissé ses anciens personnages pour partir sur un autre thème dans un contexte plus contemporain. Il avance ses pions sur plusieurs tableaux et pose, entre les lignes, des questions d’éthique très actuelles. Son livre a une tempo  rapide, enchaînant les événements auxquels des gens n’ayant parfois rien en commun, vont être confrontés. L’écriture est fluide, accrocheuse, rythmée, on a vraiment envie de savoir ce qui va se passer même si parfois, tout cela nous fait trembler, le suspense est dense, l’angoisse palpable ….. Le style est très visuel et je suis persuadée que ce  recueil pourrait être exploité en film.

Je me suis attachée aux pas du jeune Jim Santiago. C’est un homme opiniâtre, qui ne lâche rien et qui a besoin de comprendre. De plus, il va au fond des choses, ne se laissant pas impressionner par ceux qui crient plus fort, quitte à déplaire. J’aime les hommes comme lui, qui ont du caractère dans la vie et dans les romans….

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Yves Corver, sous couvert d’une fiction, nous met en face de certaines réalités et brrrrr …….

"Les voisins du 9" de Felicity Everett (The People at Number 9)


Les voisins du 9 (The People at  Number 9)
Auteur : Felicity Everett
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Marie Lauzeral
Éditions : HarperCollins (6 Juin 2018)
ISBN : 979-1033902218
320 pages


Quatrième de couverture

Sara, mère de famille s’ennuie dans sa vie bourgeoise et monotone. Aussi l’emménagement, dans son petit quartier londonien, d’un nouveau couple bobo à souhait, est accueilli chaleureusement. Invitée à la crémaillère de leurs nouveaux voisins, Sara et son mari sont fascinés. Tant de charisme, de spontanéité et de talent chez ces artistes tout juste revenu d’Espagne. Lou et Gavin sont simplement… irrésistibles. Au contact de Lou, Sara commence progressivement à changer.


Mon avis

Se rendre service entre voisins, c’est bien, se faire phagocyter par ses nouveaux voisins, c’est carrément une catastrophe.

Sara et Neil viennent de voir un nouveau couple emménager à côté de chez eux. L’occasion de créer des liens et de devenir amis. Mais ce qui ressemble au départ comme une amitié idéale à Sara tourne vite au cauchemar. Qu’en est-il des relations à sens unique ou seule une personne s’investit et ou l’autre manipule et se « la joue » ?
« Ne disait-on pas que les requins doivent perpétuellement rester en mouvement s’ils ne veulent pas se noyer ? »
En effet, Lou, sous des airs tout à fait charmants, est une femme qui ne fait que  ce qu’elle veut, qu’il transforme la vérité pour la rendre plus belle. Lorsque Sara se rend compte de tout cela, petit à petit, elle est déjà sous le charme de Gavin, l’époux de Lou et Neil, son propre mari, semble ne plus comprendre la désillusion de Sara…..

C’est un roman fluide qui se lit rapidement. Le personnage le plus fouillé est celui de Sara. Les autres sont plus « survolés ». Le milieu des artistes, avec ses idées particulières, et parfois sa décadence, est bien analysé.  C’est une lecture agréable bien que le thème ne soit pas nouveau.

"Séance infernale" de Jonathan Skariton (Séance infernale)


Séance infernale (Séance infernale)
Auteur : Jonathan Skariton
Traduit de l’anglais par Claude et Jean Demanuelli
Éditions : Sonatine (13 Septembre 2018)
ISBN : 978-2370561008
384 pages

Quatrième de couverture

Quelle est la teneur de Séance infernale, film mythique aujourd'hui perdu ? Et qu'est-il arrivé à son réalisateur, le Français Augustin Sekuler, mystérieusement disparu en 1890 lors d'un voyage en train entre la Bourgogne et Paris ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles Alex Whitman, chercheur de reliques cinématographiques pour riches collectionneurs, tente de répondre, sans se douter des dangers auxquels il s'expose.

Mon avis

Tournez !

Alex Whitman est un homme doué dans le monde secret du cinéma. C’est à lui qu’il faut s’adresser lorsqu’on cherche une affiche de film dont on pense qu’il n’y en a plus, ou des accessoires tels de vieilles bobines de courts ou longs métrages. Il œuvre le plus souvent en solo pour les riches collectionneurs.  Il n’a plus que ça dans sa vie car sa fille a disparu, alors qu’elle était avec lui, il y a une bonne dizaine d’années, et son couple n’a pas résisté : sa femme l’a laissé. C’est donc un homme blessé, qui ne tient debout que grâce à ses recherches en rapport avec le septième art. Le tout  sans perdre de vue sa petite Ellie qu’il imagine voir partout.  Il noie son chagrin dans le boulot, ses quêtes étant une sorte de sédatif pour endormir sa douleur. Mais elle reste présente, accompagnée d’impressions fugitives, à la limite de l’ésotérisme.

En Octobre 2002, Andrew Valdano le convoque et lui fait part de sa requête : retrouver le premier film ayant existé (bien avant Edison et les frères Lumière) : « Séance Infernale », monté par le réalisateur français  Augustin Sekuler, mystérieusement disparu en 1890 lors d'un voyage en train entre la Bourgogne et Paris. Pas du tout tenté dans un premier temps, il finit par se décider sans se douter que cela l’emmènera bien loin.
En parallèle de ce que vit Alex, des policiers conduisent  une enquête sur des petites filles disparues qui ont, semble-t-il, été kidnappées. Y-a-t-il un lien ? Il faudra suivre tout ceci de très près pour la savoir. En effet, ce roman est complexe. Il est émaillé de nombreuses références cinématographiques (qui renvoient à des notes dans les dernières pages) mais aussi des obsessions de Whitman : sa terreur du feu, l’espoir de retrouver Ellie, ses doutes, ses peurs, ses visions….. C’est anxiogène, étouffant mais tout à fait prenant…. L’auteur nous promène dans un dédale alambiqué, il ouvre des portes, des semblants de pistes puis nous entraine ailleurs.  Les pièces du puzzle s’emboîtent lentement mais sûrement et tout prend forme sous nos yeux.

Il y a un vrai travail de recherches pour Jonathan Skariton afin de mettre en place ce casse-tête géant, qui s’apparente parfois à un escape-game (cherchez les indices, trouvez la clé de l’énigme, passez à l’étape suivante et continuez…) Au bout d’une soixantaine de pages, je me suis lassée d’aller lire les explications en fin d’ouvrage, cela « cassait » ma lecture et souvent j’avais envie d’aller plus loin donc je me retrouvais sur Google et je n’étais plus dans l’intrigue.  Alors, j’ai abandonné et je suis restée dans le récit beaucoup plus facilement. A ce moment là, j’ai ressenti un intérêt grandissant pour les protagonistes, peut-être également dû au fait que les événements s’accélèrent sur la fin….

J’ai beaucoup aimé tout ce qui se déroule dans la ville d’Edimbourg, dans les vieux bâtiments oubliés, cachés, on s’y croirait ! D’ailleurs, l’auteur envisage peut-être une version filmée de son histoire ?  J’ai, en outre, apprécié ce que j’ai appris sur des gens comme Lon Chaney, l’homme aux mille visages. On sent que rien n’est cité au hasard, il y a une réelle culture filmique et la façon d’amener chaque indication a dû demander beaucoup de réflexion pour que l’équilibre se maintienne.

C’est un roman original par son contexte et même par sa mise en page qui se démarque deux ou trois fois. L’écriture est de qualité, travaillée, bien traduite. Tout devient plus rapide dans les derniers chapitres, les faits se succèdent en quelques jours. Je me suis attachée à Alex Whitman, malgré sa part d’ombre, son côté retors de temps à autre. Il est terriblement humain et on voudrait tant qu’il puisse se pardonner…..

Un texte à découvrir alors…..

Coupez ! *

*Et lisez……



"Tenir jusqu'à l'aube" de Carole Fives


Tenir jusqu’à l’aube
Auteur : Carole Fives
Éditions : Gallimard (16 août 2018)
Collection : L'arbalète
ISBN : 978-2072797392
192 pages

Quatrième de couverture

Une jeune mère célibataire s'occupe de son fils de deux ans. Du matin au soir, sans crèche, sans famille à proximité, sans budget pour une baby-sitter, ils vivent une relation fusionnelle. Pour échapper à l'étouffement, la mère s'autorise à fuguer certaines nuits. A quelques mètres de l'appartement d'abord, puis toujours un peu plus loin, toujours un peu plus tard, à la poursuite d'un semblant de légèreté. Comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore ?




Mon avis

Elle est arrivée dans cette ville où elle ne connaît personne, avec son fils de deux ans. Elle se débat pour s’en sortir, avoir une place en crèche, garder son boulot dans lequel elle réussissait bien avant … quand elle avait le temps… quand elle n’était pas épuisée par ce quotidien qui la mange, qui ne la laisse pas souffler…  Au moindre caprice du petit, elle est inquiète, va-t-on la considérer comme une mauvaise mère, une incapable ?  Qu’il est lourd le regard des autres, qu’elles sont dures les réflexions manquant de compréhension… Elle lutte mais elle n’en peut plus, elle étouffe… Alors, elle fugue, un tour de quartier quand le petit dort… Mais elle y prend goût et va plus loin, toujours plus … Elle culpabilise, se renseigne sur les forums pour voir ce que font les autres mères qui vivent seules… mais les échanges ne lui apportent aucun réconfort….

C’est avec une écriture exquise, à points comptés, que Carole Fives évoque cette situation de mère célibataire. Le ton est très juste, donnant au récit un aura d’authenticité. C’est très réaliste, malheureusement car on voit bien que rien n’est réellement mis en place pour aider cette femme qui s’enfonce. Avec beaucoup de doigté et d’intelligence, sans juger, l’auteur parle d’un sujet délicat et son texte est une réussite.

"Un été à Pont-Aven" de Jean-Luc Bannalec (Bretonische Verhältnisse)


Un été à Pont-Aven (Bretonische Verhältnisse)
Une enquête du commissaire Dupin
Auteur : Jean-Luc Bannalec
Éditions : Presses de la Cité (3 avril 2014)
Traduit de l’allemand par Amélie de Maupeau
ISBN : 978-2258102361
384 pages


Quatrième de couverture

Pont-Aven. Pierre-Louis Pennec, propriétaire du Central, l'un des hôtels imposants du centre-ville, a été retrouvé assassiné dans son établissement. 
Le commissaire Georges Dupin, muté dans le Finistère quelques années auparavant, et très attaché à sa région d’adoption, est chargé de l’enquête. 

Mon avis

Ce roman m’a été recommandé par une amie allemande… En effet, Jean-Luc Bannalec n’est autre que Jörg Bong, un éditeur allemand, qui est également critique littéraire, traducteur et …. écrivain. Ses polars bretons, où il met en scène le commissaire Dupin, ont un succès fou en Allemagne et ont été adaptés en série télé (diffusées sur France 3 depuis le 17 juin 2018).

Le récit se déroule en Bretagne et le décor est omniprésent (l’auteur passerait-il ses vacances dans ce coin-là ?). Tout y est : le folklore, la nourriture, le paysage, le caractère des habitants du cru, un peu taiseux, secrets, entêtés, mais souvent attachants. Le commissaire était à Paris mais il a été muté à Concarneau suite à des « dissensions ». Il faut dire qu’il a une fâcheuse tendance à n’en faire qu’à sa tête, pensant parfois plus à son ventre qu’à son enquête. Il prend des notes dans un désordre qu’il est le seul à comprendre, sur des cahiers Clairefontaine (je le comprends, ce sont les meilleurs 😉). Le voilà confronté à l’assassinat d’un patron d’hôtel, Pierre-Louis Pennec, quatre-vingt-onze ans. Qui avait intérêt à tuer cet homme et pourquoi ? Nous allons suivre Dupin dans ses investigations, il interroge bille en tête, n’hésitant pas à « lâcher » des bombes, prêchant le faux pour savoir le vrai afin de déstabiliser au maximum ceux qu’ils questionnent.

L’atmosphère est à l’inquiétude dans l’hôtel, les clients ne sont pas rassurés et les employés demandent au commissaire de faire vite. Mais il prend le temps, observe avec acuité, réfléchit … Pierre-Louis Pennec était ami avec Frédéric Beauvois, responsable d’un petit musée mettant en valeur les peintres passés par la région, comme Gauguin, qui avait été hébergé chez Pennec (et oui, c’est une affaire qui s’est transmise de génération en génération) … Il y a également un demi-frère, André ; une femme, Francine Lajoux qui lui était toute dévouée et d’autres…. Qui ment ? Qui a un alibi ? Georges Dupin cherche, entraîne son lecteur avec lui….

C’est agréable à lire, fluide, bien traduit. Le rythme est un peu lent mais ce n’est pas désagréable car les descriptions sont très visuelles et belles. On sent que la toile de fond est aussi important que les recherches et c’est en cela que les livres de Jean-Luc Bannalec se démarquent des autres.

"Léon et Louise" d'Alex Capus

Léon et Louise
Auteur : Alex Capus
Éditions : Actes Sud (5 septembre 2012)
ISBN : 978-2-330-00946-5
313 pages

Quatrième de couverture

Léon et Louise n’ont pas vingt ans lorsqu’ils se rencontrent dans un petit village français vers la fin de la Première Guerre mondiale. Connus, reconnus, perdus de vue, séparés par les hasards de l’Histoire et les vents contraires du destin, les deux jeunes gens ne s’oublieront jamais. 

Mon avis

Avec une écriture fluide, l’auteur, par l’intermédiaire du petit-fils de Louise, nous raconte l’histoire d’amour entre ce dernier et Louise.

Le dicton dit « La vie réunit toujours ceux qui s’aiment »…..mais parfois que d’obstacles !

A travers la vie de ces deux personnages, nous allons revisiter l’Histoire de la France à partir de la première guerre mondiale. Ce n’est pas très approfondi mais c’est largement suffisant pour situer le contexte de l’époque et imaginer la vie à ce moment là.

J’ai trouvé l’idée globale de ce roman bien pensée, les personnages attachants. C’est facile à lire, mais pas mièvre sans être exceptionnel.


Un livre à offrir, toute génération confondue.

"Les enfants de Lazare" de Nicolas Zeimet


Les enfants de Lazare
Auteur : Nicolas Zeimet
Éditions : Jigal (Septembre 2018)
ISBN: 978-2-37722-041-0
298 pages

Quatrième de couverture

Tout commence quand Pierre Sanak, journaliste reporter d’images à France Télévisions, croise par hasard cette jeune artiste un peu fantasque et très énigmatique. D’origine cambodgienne, Agathe a été adoptée, vit à Paris, ne se sépare jamais de sa guitare et semble errer entre plusieurs mondes… Pierre en tombe immédiatement amoureux. Apprenant en conférence de rédaction l’incroyable nouvelle de la résurrection momentanée de Sokhom, un jeune Cambodgien qui aurait vécu une expérience de mort imminente, Pierre ne peut s’empêcher de tisser un lien ténu avec l’histoire d’Agathe…

Mon avis

Lire Nicolas Zeimet c’est accepter d’être bousculé. En effet, son écriture est « magnétisante », on ne veut pas perdre le contact et la lecture se fait presque en apnée, sans répit. Son style donne vie à ses personnages, les rendant palpables et de fait, ils font très vite partie de notre quotidien. Tout cela offre un récit réaliste dans lequel  on découvre que les sujets abordés ne sont jamais neutres.

Pierre Sanak est journaliste, il est reporter d’images pour une chaîne de télévision, il filme et il ne choisit pas ses sujets. Il va où on l’envoie et si ce qu’il fait ne le passionne pas, c’est comme ça, on ne lui demande pas son avis. Il a une ex-femme et un fils. Sa vie est assez plate et on sent très vite que l’évolution de  son métier ne lui convient pas. Mais peut-il faire autrement ?

Il ne se retrouve plus dans les tâches qui lui sont confiées. Cela ne correspond pas à ce qu’il pensait être son emploi. On le sent dès le début du roman, il se pose des questions, cherche un but dans ce qu’il doit faire…. Il rencontre par hasard, Agathe, une jeune cambodgienne qui a été adoptée en France. Le genre de rencontre qui ne s’explique pas, qui n’appartient à aucune logique mais qui fascine. Le voilà très intéressées par cette jeune femme qui sait se montrer énigmatique, attachante, captivante… Que cache-t-elle ? Qu’a-t-elle vécu qu’elle ne peut ou ne veut pas partager ? Pierre a envie de comprendre, de savoir …. Parallèlement au Cambodge, un jeune garçon vit une expérience de mort imminente…  Agathe prend alors une décision radicale qui déstabilise totalement le journaliste. Pierre sent qu’il y a un lien entre ce qu’a vécu l’enfant en Asie et la réaction d’Agathe en France. Alors, reprenant sa vie professionnelle en mains, il décide d’agir poussé par une soif de comprendre, mais aussi par ce qu’il sait être son rôle : ne pas se contenter de la face apparente de l’information mais aller plus loin, quitte à écorcher, déranger, bouleverser, et ainsi montrer la face dissimulée, sombre, secrète de ce qu’on nous transmet. On retrouve bien là une des problématiques de notre époque : rester dans le politiquement correct, ne pas trop en dire et laisser croire que… Pierre part au combat et le lecteur le suit, le colle, l’accompagne, prenant fait et cause pour son engagement,  partageant ses craintes, ses découvertes, ses angoisses, ses espoirs. On bout avec lui, on vibre à ses côtés, on a peur, on tremble, on se sent concerné et c’est bien la puissance de l’écriture de l’auteur qui nous met dans cet état.

Le contenu est tout aussi complet que la forme. L’auteur est parfaitement documenté, glissant ça et là des renseignements, des faits crédibles, voire réels qui font froid dans le dos. Il ya de nombreuses références musicales (ah la play list de certains romans de chez Jigal !). Tout au long des chapitres, on sent le rythme qui s’accélère, comme une course contre la montre. L’atmosphère s’alourdit, les rebondissements se succèdent, tout semble échapper à Pierre, il ne maîtrise plus ce qui se déroule sous ses yeux. Notre cœur et notre esprit suivent la cadence, s’attachant à ses pas, se révoltant avec lui contre la marchandisation de la misère humaine, contre les hommes qui ne respectent rien, contre ceux qui savent et préfèrent se taire, contre les choix que d’autres sont dans l’obligation de faire car ils n’ont pas d’autres solutions…..

Ce recueil est fort, puissant, il présente des rencontres, des sympathiques,  d’autres non. Il évoque les hommes dans leurs forces et leurs faiblesses et il fait la part belle aux vrais journalistes, ceux qui choisissent de lutter pour la vérité et qui savent se mettre en retrait quand c’est le moment.
« Il coupa sa caméra. D’un coup, il n’était plus question de mener une interview. Juste d’écouter. Ecouter, pour apprendre. »*

Page 130

"Genèse de l'enfer" de Yves Corver


Genèse de l’enfer
Auteur : Yves Corver
Éditions : Bookelis (Juillet 2017)
ISBN: 978 2955072424
580 pages

Quatrième de couverture

Samedi 5 juin 2027, Ibiza. Douze mille personnes rassemblées sur le plus grand dance floor de la planète. Trois heures du matin, au plus fort de la fête, c est l’explosion ! Un attentat parmi d’autres dans un contexte tendu où le danger et la violence sont à leur paroxysme. Impuissantes à contenir cette menace grandissante, les élites ne voient plus d'autre solution que la fuite. Une vaste opération mondiale est alors déclenchée. Stéphane Larieux, détective privé, et son ex-femme, commissaire divisionnaire de la section antiterroriste d Europol vont conjuguer tous leurs talents dans cette enquête aux dimensions internationales. Ils ignorent qu’ils viennent de prendre un aller simple pour l’enfer.

Mon avis

Si loin, si proche…..

2027 ? C’est dans peu de temps finalement …
Yves Corver signe là un roman d’anticipation qui peut être comparé à une piqûre de rappel si nous oublions que nous devons vivre avec les autres, que nos différences sont nos richesses et que l’avenir nous appartient pour peu que nous ne gâchions pas tout en faisant n’importe quoi….

De là à penser que ce qu’il décrit pourrait bien arriver un jour …. Brrrrr….

Après les attentats d’Ibiza en 2027, Paris est « cloisonné », les habitations et alentours  des « riches » sont protégés ; tout ce beau monde vivant en zone sécurisée. Les sociétés privées de surveillance sont légion. C’est à la tête de l’une d’elle que Stéphane Larieux a fait fortune.
 Les quartiers « à risque » sont soigneusement contrôlés. Tout y est géré, à distance, par l’élite de la nation (en lien avec quelques sbires sur place qui restent en contact régulier avec elle), jusqu’à la nourriture, éventuellement un peu droguée et trafiquée pour certains afin que les hommes et les femmes restent faibles et dociles, des fois qu’ils aient des envies de rébellion.
« […..] sans le cloisonnement entre les quartiers……enfin…..je préfère ne pas y penser. »

Vu comme ça , pas besoin de faire un roman, après tout, chacun chez soi, ça roule et basta, même si ce n’est pas l’égalité, ni la justice, c’est ainsi. Sauf que, les attentats d’Ibiza sont restés dans les mémoires et les nantis ont peur. Un vaste projet de construction immobilière dans des îles calmes, ensoleillées, hyper sécurisées et où « vous ne trouverez que des gens comme vous » est mis en place.  Seuls les très fortunés y auront droit et les places sont chères et malgré tout prises d’assaut….

Partir, ne pas partir, fuir le risque potentiel de débordement et aller là-bas ? Quelques uns se questionnent, d’autres ont déjà fait leur choix… C’est ainsi que Stéphane, qui est également détective privé, est sollicité par une famille dont le fils, qui a payé pour « une place au soleil », a disparu. Parallèlement, Estelle de Jong, son ex-femme, commissaire divisionnaire, est chargée d’une enquête délicate, impliquant des « haut placés ».

Bien entendu, même si cela paraît un peu facile, les deux anciens conjoints vont se retrouver à mener leurs recherches où des points communs vont apparaître, ce qui va leur permettre de se retrouver. Tout cela ne sent pas bon du tout, malversation, détournement de fonds, scandale, magouille et compagnie auxquels sont mêlés  des hommes qu’il ne faut pas trop mettre en avant car ils sont « protégés »…..

C’est à travers le regard et les activités deux ex époux que l’on va découvrir une société où les grands de ce monde pensent que « La nature, que Dieu a créé, nous enseigne que les faibles n’ont pas d’autres choix que de se plier à la loi des plus forts. » Pour eux, les relations sont actées de cette façon et s’il n’y avait pas quelques hommes pour parler d’égalité, ce serait beaucoup plus simple, chacun acceptant son statut avec une cohabitation possible. Idée de folie des riches ?

Menés de main de maître (pour un premier ouvrage, ce n’est pas si mal), les événements s’enchaînent, se déchaînent, et le lecteur est tenu en haleine par le suspense qui s’installe et monte au fil des chapitres. C’est angoissant, parce qu’on se dit qu’il en faudrait peut-être peu pour avoir de telles dérives et ça fait froid dans le dos.

Heureusement, au fur et à mesure, Stéphane semble prendre conscience de  son statut d’Homme (avec un grand H) et il évolue dans son approche de l’autre. De quoi espérer en l’Homme ?

Les esprits chagrins pourront souligner des personnages un peu manichéens, des questions restées sans réponse et une fin déstabilisante (mais c’est voulu et elle donne une autre approche du contenu….) mais il n’en reste pas moins que ce livre se lit d’une traite, qu’il vous prend dans ses rets et ne vous lâche qu’une fois la dernière page tournée (mais il reste bien présent en vous car je le redis : brrrrrr….)

"Une avalanche de conséquences" d'Elizabeth George (A Banquet of Consequences)


Une avalanche de conséquences (A Banquet of Consequences)
Auteur : Elizabeth George
Traduit de l’anglais (Etats Unis) par Isabelle Chapman
Presses de la Cité (Septembre 2016)
ISBN : 9780525954330
620 pages

Quatrième de couverture

Et si le secret de famille était le plus indétectable des poisons ? Qu’est-ce que Lily a bien pu découvrir dans le journal intime de son fiancé William Goldacre pour que celui-ci se précipite du haut d’une falaise du Dorset ? Et est-ce un hasard si, quelque temps plus tard, sa mère, Caroline Goldacre, se retrouve mêlée à une sombre affaire : la mort suspecte de Clare Abbott, l’auteur féministe dont elle était l’assistante ? Si le lien entre les deux décès semble ténu, voire inexistant, le sergent Barbara Havers est néanmoins déterminée à faire éclater la vérité.

Mon avis

« On est aussi malade que nos secrets » *

Pour le tome précédent, j’avais reproché à Elizabeth George un manque de dynamisme dans l’écriture et des longueurs. Je ne pense pas qu’elle m’ait lue mais je sais que d’autres que moi ont fait les mêmes remarques. Peut-être sont-elles parvenues jusqu’à elle ? Peu importe, mais ce qui est certain, c’est qu’elle a redressé la barre de fort belle manière et j’ai retrouvé le plaisir de la lire sans reprendre mon souffle.

Même si chaque enquête est une histoire à part entière, il vaut mieux lire les romans dans l’ordre pour comprendre pour quelles raisons les personnages sont là, ici et maintenant.
En effet, dans le dernier opus, le sergent Barbara Havers a fait des « bêtises », elle est sortie des sentiers bien droits de Scotland Yard et la voilà « punie ». Elle est surveillée, freinée, et de ce fait « elle s’éteint ». Finis les tenues fantaisistes et les tee shirts à messages, finies les initiatives qui portent plus ou moins leurs fruits, fini le cerveau qui bout en permanence et qui trouve des indices et des déductions qui échappent à tout le monde….. Puisqu’elle est « observée », le sergent Havers se «bride »  elle-même et en faisant  attention à tout pour ne pas déplaire, elle est « transparente ». Cela fait le désespoir de Linley, qui regrette de ne plus travailler avec elle dans les mêmes conditions qu’autrefois même si  il arrivait qu’elle soit difficile à canaliser. Il va donc se débrouiller pour la mettre sur une enquête, pour qu’en cas de réussite, elle soit « réhabilitée ». Elle sera en binôme avec le fidèle Nkata, chargé de veiller au grain, des fois que Barbara prenne « la tangente »…..

La situation qu’elle va devoir résoudre est loin d’être simple. Elle se rend dans le Dorset pendant que Sa Seigneurie » (Linley est né une cuillère en argent dans la bouche) reste à Londres.
Clare Abbott, écrivain féministe a été retrouvée morte. Il s’avère que son décès est suspect et que toutes les personnes, de sa fidèle assistante à sa secrétaire, peuvent être soupçonnées.  L’auteur va nous entraîner bien plus loin qu’une intrigue policière classique. Elle a l’art de mettre à jour « les failles » de ses protagonistes. Elle brosse des portraits psychologiques détaillés en distillant les indices au fur et à mesure, nous surprenant et nous étonnant au fil des pages. Son roman est ancré dans le quotidien d’une famille qui semble assez  « lisse » au premier abord. On s’apercevra très vite que ce n’est pas le cas et le passé trouble, pas net, va ressortir par bribes. Mensonges, trahisons, non dits, manque de respect, tout y est….. Certaines personnes, bien sous tout rapport, vont se montrer beaucoup plus perverses qu’on l’avait imaginé…. C’est diablement bien pensé et ça fait froid dans le dos. De plus, chaque fois, que l’on va entrevoir un coupable potentiel,  d’autres découvertes nous entraîneront vers de nouvelles révélations …..

Le style et le phrasé d’ Elizabeth George sont parfaitement maîtrisés par sa traductrice car l’écriture reste fluide, agréable.  Il n’y a pas de temps mort et les pointes d’humour sont de bon aloi (entre autres  lorsque Dorothea,  la secrétaire « du département se met en tête d’offrir à Barbara un moyen de se sortir de son marasme…)

C’est donc un nouvel opus de la « reine du suspense » et cette fois-ci, il vaut vraiment le détour !

* Page 392

"Route 62" de Ivy Pochoda (Wonder Valley)


Route 62 (Wonder Valley)
Auteur : Ivy Pochoda
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Liana Levi (6 Septembre 2009)
ISBN : 9791034900503
352 pages

Quatrième de couverture

Blond, athlétique et complètement nu, il court sur l’autoroute 110 au milieu des embouteillages du matin à Los Angeles. Poussé par une force irrépressible, Tony, Blanc de la middle-class aisée, quitte sa voiture pour le suivre. À partir de cette scène inaugurale, l’auteur nous propose un long flash-back qui suit différents parcours, lesquels croiseront tous d’une manière ou d’une autre la route du coureur nu et de Tony.

Mon avis

Route 62 est un roman très particulier. Un récit choral donnant la parole à des personnages qui, à un moment ou un autre de leur vie, ont été confrontés à une « cassure ». Tout commence par une scène excentrique à Los Angeles en 2010: un homme nu qui court au milieu des voitures qui sont bloquées dans les embouteillages. Et là, l’impensable, Tony, un avocat, abandonne son véhicule et se met à le suivre… Un coup de folie ? Pas tant que ça peut-être …..  Mais qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un à tout laisser derrière lui pour partir sans rien ?

Par de nombreux retours en arrière, nous revenons en 2006 et nous découvrons d’autres protagonistes.  Nous sommes dans un coin désertique, dans une ferme, sorte de lieu de rédemption. Des individus s’y côtoient plus ou moins sous l’emprise d’un gourou. Que font-ils ici, que cherchent-ils à fuir ? Sur la route, deux hommes mauvais qui se cachent parce qu’ils sont recherchés par la police…..

Sous nos yeux prennent forme les rencontres, les déchirures, les douleurs, les espoirs …. La route 62 les relie, canalise ces être qui cherchent, se cherchent, se sont perdus et qui essaient de se retrouver… La route est présence, bruyante parfois, désertique et silencieuse à d’autres moments…

Le style est alerte, vivant mais le propos est dur. La violence, la peur sont là. C’est un recueil noir, qui donne la parole à des personnes en souffrance, en difficulté même lorsqu’ils ont l’air, comme Tony, rangé des voitures. Ivy Pochoda, par petites touches, dévoile la part d’ombre de chacun mais elle nous ouvre les yeux aussi sur une Amérique bien loin des clichés « propres » que l’on connaît….

Un récit à découvrir si on accepte d’être bousculé…..

"Faux amis" de Linwood Barclay (Far From True)


Faux amis (Far From True)
Tome 2 : Promise Falls
Auteur : Linwood Barclay
Traduit de l’anglais (Canada) par Renaud Morin
Éditions :  Belfond (6 Septembre 2019)
ISBN : 978-2714475398
496 pages

Quatrième de couverture

La ville de Promise Falls est sous le choc. L’écran du drive-in vient de s’effondrer en pleine séance. Bilan : quatre morts. Accident ? Acte malveillant? L’impassible inspecteur Barry Duckworth enquête.De son côté, le privé Cal Weaver travaille sur une sombre affaire. Une effraction a eu lieu au domicile d’Adam Chalmers. Le vol en question : des vidéos érotiques que le défunt réalisait dans son sous-sol… Qui apparaissait sur ces films ? Y a-t-il un lien entre tous ces faits divers ?

Mon avis

Ce roman est le deuxième d’une trilogie et je l’ignorais complètement. Il va donc y avoir des rappels d’événements antérieurs (avec suffisamment de détails pour qu’on ne soit pas perdu) et des faits de ce récit qui ne seront que partiellement ou pas résolus. Cela m’a un peu dérangée.

Il y a pléthore de personnages et plusieurs situations troubles que nous suivons en parallèle les unes des autres avec parfois des interférences entre elles. Dans les premiers chapitres, j’ai vraiment trouvé que cela faisait trop. Il aurait presque fallu faire des fiches pour se repérer. Puis, petit à petit, les choses se sont mises en place et j’ai été intéressée par ce qui m’était présenté. Je me suis attachée à certains, j’ai détesté d’autres …

Beaucoup de thèmes sont abordés : le deuil, la politique, les choix sexuels, la vie de couple, la garde des enfants etc.  Ils sont survolés, un peu plus approfondis pour quelques-uns mais cela reste sans approche psychologique fouillée.

De ce fait, ce roman est accessible à un large public pour peu que l’on arrive à s’approprier rapidement les différents protagonistes. D’autant plus que l’écriture est fluide, bien traduite et le style vivant avec de nombreux dialogues et rebondissements.

"Seul temps" de Sylvain Furax


Seul temps
Auteur : Sylvain Faurax
Éditions du Volcan (Mars 2017)
ISBN : 978-2-9546833-8-6
250 pages

Quatrième de couverture
Daniel, ancien photographe de guerre, ne parvient pas à surmonter la perte de sa femme. À quel temps vivre son existence pour en surmonter les épreuves ? C’est parfois au contact du pire que l’on reprend prise avec la réalité. Mais peut-être aussi du meilleur quand il rencontre l’espiègle et séduisante Lise… Il va progressivement reprendre goût à la vie. Jusqu’où peut-on aller pour retrouver un être perdu ?

Mon  avis

C’est un récit « feutré » , tout en énigmes que nous offre Sylvian Faurax. En effet, en suivant Daniel, à Casablanca, à Paris  en Inde, on se demande quels nouveaux individus vont croiser son  chemin, ce qu’ils lui apporteront. Sérénité, peur, émotions vives, divers sentiments se succèdent chez le lecteur comme chez Damien au gré des rencontres. Daniel a perdu son épouse, et il n’a plus de repères, plus d’envie, plus de vie…  Ses journées sont faites de vide et rien ne le rattache, ne le retient dans le monde des vivants…. Son ami Dorian veille et veut l’aider. Il met en place une stratégie originale, portée par l’amitié qui unit les deux hommes pour que Daniel s’en sorte.

J’ai trouvé ce roman délicat, raffiné, « aérien ». Il se dégage une atmosphère indéfinissable, elle imprègne le temps et l’espace et prend place dans le texte par petites touches. On accompagne Daniel vers la résilience, l’acceptation et la connaissance de soi. 

L’écriture de l’auteur est poétique, recherchée. Elle donne du sens à chaque mot choisi avec soin pour exprimer les différents événements. Quant au style, il est d'une grande richesse.

La couverture avec la photographie de méandres imbriqués correspond tout à fait au contenu : sinuosités qui se rapprochent et s’écartent, se noient les unes dans les autres pour se séparer à nouveau. Les différentes parties de cet opus sont autant de détours pour arriver à s’emboîter afin de former le plus beau des paysages, celui de l’amour et de l’amitié.

"Nous danserons encore sous la pluie" de Valérie Bel


Nous danserons encore sous la pluie
Auteur : Valérie Bel
Éditions : Charleston (21 Août 2018)
ISBN : 9782368123256
224 pages

Quatrième de couverture

Marie et Damien viennent de fêter leurs 30 ans, ils s'aiment, ils ont des projets de mariage et de bébé. Leur amour est solide. Leur avenir, plein de promesses. Survient un accident et Damien est frappé d'amnésie. À son réveil, il ne se rappelle plus qui est Marie pour lui. Dès lors, que reste-t-il des promesses ? De leur amour ?

Mon avis

Ils ont trente ans, toute la vie devant eux, le souhait de faire un bébé ensemble et puis, un jour, l’accident…. A ce moment là, lorsque Damien  revient dans le monde des vivants, il est amnésique sur les événements récents, moins sur ceux de son enfance. Que faire ? Marie, sa jeune épouse est inquiète pour leur avenir, et surtout pour leur amour. Qu’en reste-t-il ? Qui est ce « presqu’inconnu » qui ressemble physiquement à son mari ? Comment interpréter son attitude, ses réactions qui ne sont plus celles qu’elle a connues ? Que dire à sa belle-mère qui pense que Damien sera mieux chez elle ? Marie doit agir avec doigté, ne pas braquer ses beaux-parents, ni  l’ami de son époux qui l’entraîne dans des sorties bien tardives…. Elle a eu si peur de le perdre, a été si heureuse lorsque le médecin a dit qu’il s’en était sorti et la voilà tellement désemparée devant celui qui lui échappe, qu’elle ne sait plus comment aborder, peut-être même comment aimer…. Comment sortir indemne d’un tel drame ?

Maintenant Marie a plus de soixante ans et elle est la narratrice de ce récit. Cela permet de « revisiter » la situation avec du recul, de se poser des questions sur ce passé qu’il a fallu gérer, sur les décisions, les choix qui ont été faits, les conséquences… C’est également un cri d’amour. Celui d’une femme qui ne veut pas perdre celui qu’elle aime et qui se bat, avec ses moyens, contre l’amnésie …
Et c’est une rivale difficile car on ne la cerne pas, elle rend les gens différents, elle efface les souvenirs communs, qui sont le ciment d’un couple….

C’est avec une écriture faite d’empathie et de délicatesse que  Valérie Bel nous présente le combat de Marie. Elle explore les tourments de celle qui ne maîtrise plus la situation, puisque son union lui échappe. Rien n’est aisé pour cette jeune femme et elle ne sait plus comment agir. Oublier ce qui a été et partir ailleurs ? Se battre et continuer d’espérer un retour de la mémoire de celui qui partage sa vie ? Attendre et vivre au jour le jour ? Repartir de zéro et essayer de conquérir Damien ? On ne peut s’empêcher de penser à ce que seraient nos réactions face à une situation pareille ….

Ce recueil se lit avec plaisir. Le sujet est sérieux mais il est abordé avec doigté ce qui permet une lecture très agréable.




"La norme et nous" de Johanna Almos


La norme et nous
Auteur : Johanna  Almos
Éditions : LBS Sélection (28 Août 2018)
ISBN : 978-2378370343
204 pages

Quatrième de couverture

La norme et nous conte l'errance de trois jeunes personnes. Tommy, enfant de l'assistance publique, vit dans la rue depuis ses quatorze ans. Stéphane vient de perdre son logement et dort dans sa voiture. Clémence, adolescente perturbée, recherche désespérément l'amour de sa mère. Dans les bas-fonds de Pigalle, de squats punks en bars miteux, ces trois exclus du début des années 2000 vont sympathiser, mêler leurs destins violents et parfois tragiques.

Mon avis

Un roman coup de poing, coup de g….. ?

Ce roman met en lumière des jeunes qui  ne sont pas en phase avec ce que la société attend d’eux. Ils sont trois principalement à être évoqués au fil des pages. Issus de milieux différents, tous sont attachants. Tommy a fui l’orphelinat et vit dans la rue, Stéphane a un travail mais comme il n’est pas à temps plein, il ne possède pas d’appartement car ses revenus sont insuffisants …. quant à Clémence, elle est lycéenne et vit avec sa mère, qui n’a rien d’une maman aimante ... Ils vivent à Paris sur les trottoirs, dans une voiture ou un logement en dur….

D’errances en désespérance, leurs routes se croisent, s’éloignent, se retrouvent encore avant de se séparer à nouveau….. On les suit, on espère, on souffre avec eux, pour eux …
C’est un récit ancré dans un quotidien noir, parfois violent mais très réaliste avec ça et là quelques lueurs d’espoir ….

L’écriture de Johanna Almos est magnétique, elle vous accroche, vous aimante. Elle présente des faits de vie très réalistes, avec beaucoup de doigté et surtout avec l’intelligence du cœur, celle qui permet de voir le « beau » derrière la couche de révolte, voire de crasse, de ces êtres humains cabossés, secoués par la vie, hantés par la culpabilité de ne pas s’en sortir pour certains … Leur lutte de chaque instant pour exister malgré leur non appartenance à la norme est leur raison d’être même si cela n’a rien d’aisé.
« La vie n’est pas une étole lisse et bien propre, c’est des aspérités, des bosses sur lesquelles il faut tomber, s’écorcher. »

Le style est vivant, vif, rythmé, parfois effréné comme si chacun des protagonistes était poursuivi par l’urgence de vivre, l’envie d’espérer, malgré tous les ennuis sur le chemin . Ce roman est bouleversant d’authenticité et j’ai vu arriver la dernière page avec regret.

En nous obligeant à nous pencher sur ces trois personnages, Johanna Almos nous renvoie à notre regard, celui qu’on pose sur l’autre, qui dérange, parce que si différent, et pourtant si proche de nous …  Il suffit parfois de très peu pour ne plus être « reconnu » et se retrouver oubliés de tous ….

NB : Bravo à Timothée Rouxel pour la belle couverture.

"La flore et l'aphone" de Guillaume Gonzales


La flore et l'aphone
Auteur : Guillaume Gonzales
Éditions : Kyklos (Août 2018)
ISBN : 978-2-918406-40-2
246 pages

Quatrième de couverture

Un étudiant lambda : colocation, amourettes, malbouffe et furtives incursions en amphi. Entre deux cessions de Ligue des champions avec les potes et le suivi de l'actualité comics, sans doute concédera-t-il envisager, dans le meilleur des cas, un avenir quelque part en thèse.
En attendant l'hypothétique voie royale, les ambitions du dilettante s'orienteront essentiellement sur l'inventaire des activités nocturnes et l'alimentation de la pompe à bière. Quel événement justifierait qu'il renonce au farniente perpétuel, avec l'indolence érigée en art de vivre ?

Mon avis

Ne cherchez pas un recueil à « classifier » mais laissez-vous porter vers l’inconnu….

Les éditions Kylos, la voix dissonante de l’édition ou comment publier des écrits en forme de défis (c’est-à-dire qui toucheront -ou pas- le public de lecteur) ?

« La flore et l’aphone ne déroge pas à cette règle et se révèle étonnamment atypique par plusieurs aspects. Il y a le fil conducteur, à savoir les électrosensibles qui ressentent les ondes plus fort que les autres. Pâris est de ceux-là. Au début de ce récit, il est réfugié dans la nature avec d’autres condisciples, loin de tout ce qui s’apparente à des ondes puisque celles-ci provoquent des saignements de nez importants. De là à être utilisé comme « détecteur », il n’y a qu’un pas, que franchit l’auteur… Pâris sera donc enlevé, utilisé …. pour prévenir des champs magnétiques ….  
C’est par le biais de retour en arrière, parfois un peu touffus, ce qui m’a demandé de la concentration, que nous découvrirons les différents événements auxquels il sera confronté. Notamment, le monde qui de délite alors qu’il est réfugié sous terre.

Le deuxième aspect de ce roman est le fait que les « grands de ce monde » (de fiction, ouf !) essaient de gouverner les hommes en leur envoyant des ordres par ondes. Les électrosensibles, eux, peuvent les sentir donc … alerter et pourquoi pas refuser d’agir et se rebeller… On n’est pas loin de Big Brother et d’un texte d’anticipation…

Le troisième aspect va être que tout cela servira de toile de fond pour une fable politico-socio-économique dans laquelle divers sujets seront abordés : la religion, Monsanto, les partis politiques et leurs dérives, la médecine et ses « essais » sur l’homme etc ….

Complots, trahisons, non-dits, respect de la vie et de chacun, l’auteur ne se pose pas en donneur de leçons, même si en lisant entre les lignes, on peut penser qu’il souhaite que son texte nous interpelle à la manière d’un électrochoc. Il écrit là un roman qui détonne avec un univers particulier dans lequel le lecteur pénétrera ou pas. Le style et l’écriture sont vifs, portés par des réflexions et un vocabulaire de qualité. Toutefois, cet ouvrage demande une lecture suivie et concentrée pour ne pas se perdre en chemin.



"Le fils" de Philipp Meyer (The Son)


Le fils (The Son)
Auteur : Philipp Meyer
Éditions : Albin Michel (Août 2014)
Traduit de l’américain par Sarah Gurcel
ISBN : 9782226259769
688 pages

Quatrième de couverture

Trois personnages, trois générations d’une famille texane, les McCullough, dont les voix successives tissent la trame de ce roman.
Eli, enlevé par les Comanches à l’âge de onze ans, va passer parmi eux trois années qui marqueront sa vie. Revenu parmi les Blancs, il prend part à la conquête de Ouest. Son fils Peter profitera de la révolution mexicaine pour faire un choix qui bouleversera son destin et celui des siens. Ambitieuse et sans scrupules, Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, se retrouvera à la tête d’une des plus grosses fortunes du pays, prête à parachever l’œuvre de son arrière-grand-père.

Mon avis

De 1836 à 2012, l’Amérique a bien changé, évolué…C’est par l’intermédiaire de trois générations d’une même famille : le père, le fils, l’arrière petite-fille, que Philipp Meyer nous fait voyager dans le temps, dans les grands espaces  et …. dans la vie. Parfaitement documenté, écrit avec intelligence et force, son récit est porteur de sens, fort, riche et captivant. De plus l’écriture et le style sont « racés », élégants, puissants.

Les trois « voix » sont portées tour à tour.
Eli, le père s’exprime à la première personne. Il a été enlevé par les Comanches, et a finalement fait sa place parmi eux. Lorsqu’il revient parmi les Blancs, quelques années plus tard, la situation est difficile, il n’est bien nulle part. Secondé par un caractère et une volonté de fer, il avance, résistant à tout, ne se laissant jamais abattre, toujours prêt à en découdre.
La deuxième voix, c’est celle de Peter, le fils. Elle est présentée par l’intermédiaire du journal intime tenu de celui-ci. Il est sans cesse  tiraillé entre deux idées : rester fidèle à sa famille, devenue riche grâce à son père, et éprouver de la bienveillance, voire de l’amour envers les mexicains que les siens pensent préférables de chasser. Ce constant dilemme le hante, mobilise son énergie et complique ses relations.
La troisième, c’est Jeanne-Anne. Elle a hérité « d’un empire » qui s’est construit au fil du temps. Mais il faut faire les bons choix face aux changements, au progrès. Elle fait le point, elle s’interroge sur ce qu’ont été les décisions familiales, l’influence qu’elles ont eu sur le cours des événements. Ici, tout  est raconté par un narrateur.

Ce récit se lit comme on regarde un grand film, du style « Autant en emporte le vent ». Des images s’impriment dans notre rétine à la lecture des descriptions, des paysages, des lieux évoqués. D’une plume alerte, vivante, l’auteur retranscrit une fresque, une épopée familiale ancrée dans la réalité : le contexte politique, la perte de liberté pour les indiens, l’arrivée du pétrole, et omniprésente la violence de ces hommes qui n’arrivent pas à s’entendre, se comprendre, se respecter, vivre ensemble…..Certains sont à fleur de peau et ils utiliser la brutalité semble être leur seul mode de communication…… Jamais l’auteur ne juge ou ne prend parti. Il pose des faits avec une fine analyse des ressentis, des émotions mais il nous laisse décider de notre opinion.

Ce livre m’a vraiment plu tant dans la forme que dans le fond. J’y ai retrouvé tout ce que j’apprécie : le dépaysement, la culture (j’ai appris plein de choses), la profondeur des personnages, l’évolution des hommes sur plusieurs décennies ….et une façon d’écrire tout simplement magnifique….

"Le tatou solitaire" de Sylvain Faurax


Le tatou solitaire
Auteur : Sylvain Faurax
Éditions du Volcan (octobre 2017)
ISBN : 979-1097339012
226 pages

Quatrième de couverture

Depuis la perte de sa fille, Léo occupe son quotidien dans les bras d une femme improbable. Motard intrépide, il sillonne les routes en dévers qu’il efface à vive allure pour provoquer le destin. Sa personnalité borderline et ses errements l’obligent à partir en Argentine pour trouver refuge dans l’estancia de Sarah. Malheureusement, une bande d illuminés ne tarde pas à chercher querelle à son hôte pour la spolier de ses terres. Plus de fuite possible. Léo devra faire face.

Mon avis

Magnifique !

Au moment d’écrire quelques mots pour parler de ce roman, je veux surtout transmettre les émotions qu’il m’a procurées. Lorsqu’on tourne la dernière page, une espèce de nostalgie s’empare du lecteur. On a tant suivi Léo, souffert avec lui, fui à ses côtés, espéré avec son père …. On ne voudrait pas lui lâcher la main …. L’intrigue est intéressante abordant la difficulté du deuil, les problèmes de résilience et bien d’autres thèmes ….

L’auteur a su, dès les premières lignes, me donner l’impression que Léo était là, tout près de moi et que je l’accompagnais dans chaque minute de sa vie. Son écriture a un « souffle »,  une respiration. Elle devient saccadée et trépidante lorsque les événements se bousculent, se calme et s’apaise parfois avant de repartir de plus belle suivant au rythme des événements qui se succèdent . Son style est « présence » portant les protagonistes avec leurs imperfections, leurs faiblesses, leur force et leur puissance. ….

J’ai aimé le contexte, avec ce milieu de motards, les bandes rivales et leur fraternité. J’ai apprécié que Léo, homme solitaire, dont « le cerveau est une prison » (page 62) parce qu’il pense trop, soit aidé sans le chercher vraiment, avec simplement la vie qui lui offre des possibilités de voir autre chose, autrement… et peut-être d’avancer…. J’ai surtout trouvé magnifique le regard humain que l’auteur a sur lui, le montrant « homme » dans toute sont ampleur, dans tout ce qu’il est, avec sa part d’ombre mais aussi de lumière ….

NB : Encore une très belle couverture

"Pensées burlesques et saugrenues" de Frédéric Mélis


Pensées burlesques et saugrenues
Auteur : Frédéric Mélis
Éditions  du Volcan (25 Juin 2015)
ISBN : 9782954683324
172 pages

Quatrième de couverture

C’est un vagabondage littéraire et malicieux que nous vous proposons de découvrir à travers ces textes. Une promenade polysémique semblable à la cueillette de fruits sauvages où se sont mêlés quelques chiasmes. Presque crédibles, les définitions se composent de mots aux sonorités qui peuvent prêter à confusion ! Plus qu’une lecture linéaire, nous vous invitons à « picorer  » ces définitions, pensées, citations, interrogations, aussi burlesques que saugrenues voire farfelues.

Mon avis

Rire est excellent pour la santé !!! Alors, riez!

Les mots m’ont toujours fascinée par leur facilité à jouer, se glisser de ci, de là, se tortiller pour nous offrir une autre face de ce qu’ils sont, nous amuser, nous bouleverser, nous faire rêver….

Dans ce petit livre, l’auteur nous offre du rire, de la détente, de la réflexion… A prendre, à lire, à relire, à picorer, à découvrir, c’est un régal…

C’est vraiment un recueil à savourer et comme il est difficile de retenir tous les jeux de rimes, de mots, d’accords, on peut  venir, repartir, reprendre les mêmes pages sans se lasser.  Il faut parfois lire à haute voix pour bien appréhender le contenu ou même réfléchir et c’est tout à fait jubilatoire quand on découvre ce qui nous avait échappé au premier regard.

A laisser traîner sur la table pour partager avec les visiteurs, les amis et pour vous mettre en appétit, un exemple :
« L’étranger :
L’accusé clama son innocence, il ne put se faire comprendre et fut traduit en justice. »

Non seulement, c’est empli d’humour mais il y a une véritable recherche et de la culture (plus ou moins cachée pour faire travailler notre cerveau ;-)
Un petit coup de blues, seulement deux minutes pour lire ? Foncez  et …. riez !
Un autre ?
« Ethologie
La guêpe e l’abeille savent de quoi il en retourne en matière d’art. »


"L'heure trouble" de Johan Theorin (Skumtimmen)


L’heure trouble (Skumtimmen)
Auteur : Johan Theorin
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne
Éditions : Albin Michel (Février 2009)
ISBN : 9782226190673
430 pages

Quatrième de couverture
À l’heure trouble avant la tombée de la nuit, un enfant disparaît sans laisser de trace dans les brouillards d’une petite île de la Baltique. Vingt ans plus tard, une de ses chaussures est mystérieusement adressée à son grand-père. Qui a intérêt à relancer l’affaire ? Pourquoi toutes les pistes mènent-elles à un criminel mort il y a longtemps ?

Mon avis

Öland, c’est une île qui vit de la pêche et du tourisme. L’été, il y a beaucoup plus d’habitants mais les fidèles sont là toute l’année. La vieille Astrid qui vit encore chez elle, Gerlof qui, lui, a intégré la maison de retraite, Ernst et John, des hommes âgés. Peu de jeunes à part Lennart, le policier du coin….et Julia, la fille de Gerlof qui revient pour quelque temps.  Il y a vingt ans, son fils à disparu, le corps n’a pas été retrouvé. Elle ne s’en est jamais remise et sa santé physique et mentale s’en ressent… Elle erre dans son quotidien, elle voudrait comprendre…. Bien entendu, les seuls conseils qu’elle reçoit, c’est de « faire son deuil, d’avancer et de passer à autre chose… »

Son père a reçu un paquet, peut-être en lien avec la disparition du jeune garçon alors elle le rejoint… Venir sur l’île est peut-être pour elle, un chemin pour essayer d’avancer mais les événements de cette soirée du passé la hantent….et ce que Gerlof partage avec elle l’interroge….

J’apprécie l’atmosphère que Johan Theorin installe dans ses romans. Elle est intimement liée au lieu où se déroulent les intrigues, l’île d’ Öland, aux croyances du coin, au passé et il établit des liens entre tout ça, tissant une espèce de toile d’araignée dont il faut se  dépêtrer…. Les protagonistes ne sont jamais caricaturaux et il y a une approche psychologique intéressante des individus et des raisons qui les poussent à agir d’une façon ou d’une autre.
J’ai ressenti une certaine forme de lenteur, comme si le froid, le brouillard engourdissaient aussi l’écriture de l’auteur. Un tout petit peu plus de rythme m’aurait mieux convenu. Malgré tout c’est une lecture qui a été agréable notamment à cause de Gerlof dont j’aime beaucoup les raisonnements et qui devient mon « chouchou ».






"Maria Vittoria" de Elise Valmorbida (The Madonna of The Mountains)


Maria Vittoria (The Madonna of The Mountains)
Auteur : Elise Valmorbida
Traduit de l’anglais par Claire Desserrey
Éditions : Préludes (19 Septembre 2018)
ISBN : 9782253107958
448 pages

Quatrième de couverture

1923, dans un hameau perdu au coeur des Dolomites. Maria Vittoria est une jeune femme belle et discrète. Quand son père désigne pour elle son futur époux, Maria s'incline, et bientôt le couple fonde un foyer et ouvre un magasin. Or l'ombre du fascisme et la menace de la guerre pourraient bien rompre l'équilibre et séparer les familles.

Mon avis

Nous sommes dans le Nord de l’Italie, en 1923. Maria Vittoria vit chez ses parents et il est grand temps qu’elle se marie. A cette époque, on obéit et on se tait et c’est ce qu’elle fait. Son père lui choisit un prétendant. Elle le regarde se rapprocher de la ferme, il n’a pas l’air de boiter, il paraît grand …c’est déjà ça….  Quelque temps après, elle se marie et part avec lui loin de sa famille. Elle va découvrir rapidement la vie d’épouse, de mère, …mais la vie de femme, c’est une autre histoire… Il faut subir, et acquiescer, rien d’autre…. Pourtant, elle a du caractère et elle va essayer d’agir comme elle pense que c’est mieux. Pas forcément pour elle mais pour ceux qu’elle aime….. Régulièrement, n’ayant personne à qui se confier, elle parle à la Vierge qui lui « envoie » des réponses, la dispute ou la soutient ….

Ce portrait de femme est très bien décrit. Parfois, l’écriture m’a semblé « un peu clinique », presque dénuée d’émotions à la manière d’un reportage. C’est comme si on suivait une série de faits (cela se déroule sur une trentaine d’années et on découvre la montée du fascisme), parfois espacés de quelques semaines ou de quelques mois, sans empathie. J’ai trouvé cela un peu dommage. Mais j’ai beaucoup aimé suivre la route à la suite de cette femme qui, bien que soumise, m’a paru battante.
Le contexte de l’époque est très bien retranscrit : la difficulté de trouver sa place dans le couple, de faire des choix tant familiaux que politiques, d’accepter ceux des autres (surtout lorsque les enfants « échappent » à leurs parents et vivent leur vie… ).

Maria Vittoria vieillit sous nos yeux, plus vite que la normale car la vie n’est pas toujours aisée pour elle. Mais quelles que soient les épreuves, elle se tient toujours droite, se donnant à fond dans tout ce qu’elle entreprend. Au fil des pages, on la voit évoluer, elle se comprend mieux, et cela lui permet d’avancer sur le chemin du pardon …

Si au premier abord, le style peut sembler un peu sec, il ne faut pas hésiter à aller à la rencontre de cette belle lecture…. Elle vaut le détour !

"Alma" de Cizia Zykë


Alma
Auteur : Cizia Zykë
Éditions : Taurnada (6 Septembre 2018)
ISBN : 9782372580465
216 pages

Quatrième de couverture
Une petite fille aux étranges pouvoirs vient au monde. Autour d'elle, c'est l'Espagne du Moyen Âge, barbare autant que raffinée, à la fois religieuse et brutale, où la reine Isabelle la Catholique s'apprête à chasser tous les Juifs du royaume.
La petite Alma, celle qui parle avec Dieu, deviendra-t-elle le guide dont son peuple a besoin, ou bien sera-t-elle comme tant d'autres balayée par le vent mauvais de l'Histoire ?

Mon avis

Il était deux fois (ben oui, ils sont deux) ou plutôt il était une fois vu qu’il n’en reste qu’un…
Je reprends (vous suivez là ?, il vaudrait mieux, je n’ai pas l’intention de répéter quoi que ce soit).  Il était une fois un conteur dont le temps était compté (ce n’est pas de ma faute, c’est ainsi qu’il explique les choses) et qui se dépêcha de nous conter l’histoire d’Alma….

Alma, elle a mal commencé dans la vie, ses parents étaient juifs et un vilain bourreau couic (je vous passe les détails horribles qui ne feraient que heurter votre cœur fragile et que vous pouvez aisément imaginer … ) donc couic, et hop, Alma est orpheline, épargnée par ses beaux yeux devant lesquels le vil assaillant a fondu…. Quoi, je digresse ? Mais pas du tout ! Enfin, si un peu, mais je ne suis pas conteuse moi… Alors je m’inspire du style, de la forme, du texte que j’ai découvert pour vous le présenter. Mais revenons à Alma.  Recueillie par sa tante, elle vit heureuse, enfin pas vraiment, sinon ça s’arrêterait là et on n’en aurait pas eu pour notre argent, le texte serait trop court, fade, sans rebondissements….

Reprenons. En cette fin de quinzième siècle, le quotidien n’est pas aisé pour les juifs. Ils sont chassés, martyrisés, tués…et si un juif s’éprend d’une catholique, je vous laisse imaginer…. La petite Alma grandit malgré tout et converse avec Dieu (c’est un mystère, on ne sait pas tout de leurs échanges..)…. La reine Isabelle, fervente catholique, a décidé de bouter les juifs hors d’Espagne (je ne vous l’avais pas dit mais maintenant vous savez, on est en Espagne) et … Non la suite je ne la dévoilerai pas, à vous de découvrir. Je vous avais prévenus, moi, je ne suis pas conteuse….Il ne faut pas exagérer…

Mais allez donc à la découverte de ce récit où Cizia Zykë (c’est un nom de conteur, ça ? Il aurait pu s’appeler Thierry, ça fait plus crédible, non ? enfin, moi, ce que j’en dis…) vous interpelle, vous invective, vous oblige à rester la tête dans son intrigue. Il vous fait rire de tout, même de faits graves parce qu’il distille à vos oreilles et à vos yeux ébahis son talent de conteur. Il se moque avec doigté, même de lui-même, et de nous pauvres lecteurs… Mais bon sang, que ça fait du bien de lire un roman décalé qui vous embarque dans un univers pas si loufoque que ça lorsqu’on lit entre les lignes …..