"Sauvage" de Jamey Bradbury (The Wild Inside)


Sauvage (The Wild Inside)
Auteur : Jamey Bradbury
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
Éditions : Gallmeister (7 mars 2019)
ISBN : 978-2351781722
320 pages

Quatrième de couverture

A dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l'écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l'Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées. Jusqu'au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d'avoir tué son agresseur. Elle s'interdit de l'avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit.

Mon avis

Tracy est une adolescente qui vit avec son père et son frère en Alaska où ils ont des chiens de traineau. Elle rêve de participer à des courses dont l’Iditarod que son père, ancien musheur, a déjà gagnée. Elle a perdu sa mère mais celle-ci reste très présente en elle, notamment à causes des règles qu’elle lui avait données pour avoir un comportement adapté à la vie familiale et en société. Tracy a une relation atypique avec la nature et les animaux. Elle s’en nourrit, les deux sont nécessaires à son équilibre, à son bien-être. Si elle ne s’évade pas régulièrement pour s’aérer, courir, chasser, elle ressent un profond malaise.

Tracy ne va pas en classe. Ses journées sont rythmées par la chasse, les chiens, ses sorties dans les grands espaces. Elle s’acquitte de quelques corvées pour aider son père mais cela lui pèse. Elle est éprise de liberté et ses rapports aux autres sont douloureux. Elle ne sait pas forcément comment se comporter. Elle sent sa différence et doit apprendre à vivre avec.

Un événement survient et elle perd le contrôle de son quotidien. L’angoisse s’installe, l’atmosphère s’alourdit pour elle et pour le lecteur de page en page.  Le climat devient chargé, pesant. On entre dans un univers où les passions de Tracy tiennent beaucoup de place et régissent sa vie. Il y a également son rapport à la neige et au sang, comme deux opposés : blanc et gelé pour l’un, rouge et chaud pour l’autre….

L’écriture de l’auteur est forte, puissante, presque libératoire, comme si elle expulsait tout ce qu’elle a à dire. Les dialogues sont en style indirect ce qui ralentit le rythme. Les paysages grandioses sont décrits avec doigté. C’est un roman marquant par sa violence contenue, ses non-dits entre les lignes. Il ne m’a pas autant captivée que « My Absolute Darling » chez le même éditeur mais il resterai ancré en moi.



"La métamorphose" de Pascal Martin


La métamorphose
Le monde selon Cobus, Tome 3
Auteur : Pascal Martin
Éditions : Jigal  (17 septembre 2019)
ISBN : 978-2377220830
220 pages


Quatrième de couverture

Cobus, ancien trader cousu d’or clochardisé après un séjour à Fleury-Mérogis, est sur le point de sortir de la galère après avoir transformé le squat dans lequel il vit en une entreprise de fast-food haut de gamme, Le Monde de Juju, cuisine labellisée tradition française. Afin d’être à l’abri de la convoitise d’un groupe de promoteurs véreux qui s’est acheté les services d’un caïd sanguinaire, d’un fasciste patenté et d'un flic ripou, Cobus souhaite que la mairie préempte le bâtiment qui abrite son petit business. Mais un soir, le squat est ravagé par un incendie criminel dans lequel la vieille cuisinière qui était à la fois l’âme et la cheville ouvrière du Monde de Juju trouve la mort…

Mon avis

Deux hommes en un…

Victor Cobus a été trader, mais il a mal géré sa carrière et il a fait un petit séjour à l’ombre. Il est maintenant à la tête d’un fast-food « Le monde de Juju », installé dans un squat où il a une chambre. Cependant pour être totalement tranquille, il souhaite que la mairie préempte son local qui est convoité par des investisseurs malhonnêtes. Sa petite entreprise surnage à peu près, avec un équilibre fragile côté finances et donc forcément quelques magouilles pour payer ce qu’il doit. Mais il sait faire et s’en sort assez bien.

Tout pourrait tourner tant bien que mal, vaille que vaille mais un événement va rapidement tout déstabiliser et mettre du mouvement dans le quotidien des protagonistes. Un peintre méconnu et bizarre, comme beaucoup d’artistes, met le feu à ses toiles et au squat où lui aussi avait élu domicile. Victor était en vadrouille et n’a rien eu mais le mal est fait : sa cuisinière, présente sur les lieux, une brave femme, est morte dans l’incendie. Les pompiers n’ont rien pu faire ni pour l’un, ni pour l’autre. En furetant un peu, Cobus va découvrir que rien ne s’est déroulé comme on l’annonce officiellement… cela ne lui plaît pas car certains procèdent dans l’ombre et pas du tout comme il l’envisageait…. Comment agir, que faire ? Il faut trouver des solutions sans y laisser des plumes. Mais il est prêt à sortir de sa zone de confort car il ne supporte pas une certaine forme d’injustice. Aidé par les uns et les autres, Cobus se met à l’ouvrage.

Sur un rythme endiablé, avec une écriture rapide teintée d’humour et de gouaille, donnant la parole à Cobus, Pascal Martin nous entraîne dans une histoire haletante. Victor est un homme à deux visages (et à deux femmes de style totalement différent) : écrivain et créateur du personnage Jack Wallace, un héros de polar qui ne s’en laisse pas conter, il est également un petit malfrat au grand cœur. J’ai beaucoup aimé cette ambiguïté qui lui donne deux facettes. Parfois, il se croit dans ses romans et agit en tant que tel. Comme son héros et alter égo, il devient impulsif, bras vengeur, presque violent. Parfois, c’est le truand malicieux qui se montre : à lui le coup monté, le piège et les filets qui se referment sur la proie qu’il a choisie. Mais le milieu des malfaiteurs n’est pas sans « ses règles ». Cobus ne peut pas faire régner la loi lui-même, il le sait et malgré toute sa bonne volonté, son énergie, il va lui falloir lutter d’arrache-pied pour obtenir ce qu’il vise. Et il a de la ressource le bougre ! En plus, il est prêt à tout si ceux auxquels il tient sont touchés et cela démontre une grande force de caractère.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, elle un petit côté canaille qui me plaît. C’est sans doute dû à ce joyeux melting-pot tant au niveau des individus (qui même avec un aspect retors sont quelques fois attachants), qu’un niveau des situations (le père de Cobus en est une preuve flagrante si une seule devait être évoquée) mêlant dans la même intrigue des individus de milieux variés. Et puis, je le redis, il y a ce phrasé qui fait mouche. Un exemple ? « Ce n’est pas le genre de donzelle à qui tu fais sauter le string dès le premier soir. Pour lui coller ta clé dans la serrure faut avoir la carte. »

"Le cri pourpre" d'Alexandre Ubac


Le cri pourpre
Auteur : Alexandre Ubac
Éditions : Passion du Livre (17 Mai 2019)
ISBN :979 10 97531 03 4
450 pages 

Quatrième de couverture

Nous sommes dans les années cinquante dans un petit village picard. André, un petit garçon de six ans, né au Vietnam, est parachuté dans ce bourg français, confié à un couple, Bernard et Thérèse. Lui était lieutenant pendant la guerre d’Indochine et sa jeune épouse, Thérèse, est vietnamienne. L’histoire d’André nous tire souvent des larmes, que d’émotions, que d’épreuves si dures pour cette jeune vie...

Mon avis

« Ici, la vie était quelquefois en suspens, en transit dans la salle d’attente de l’espoir. »

Il s’appelle André, c’est un petit garçon né au Vietnam. Nous sommes dans les années cinquante et sa mère, restée au pays, a choisi de le confier à un couple qui va s’installer en France. Lui, c’est Bernard, un militaire qui a épousé Thérèse une vietnamienne.  Ils n’ont pas d’enfants et André pourrait combler ce besoin de tendresse en attendant que sa génitrice le récupère. Mais on ne s’improvise pas parents, encore moins Maman… Handicapée des sentiments, Thérèse a des difficultés à s’attacher à l’enfant et lui mène la vie dure. Elle ne lui passe rien et il a peur bien souvent.

André ne dit rien, souffre de la situation. Des camarades l’ennuient, mentent et il est accusé… Difficile de prouver sa bonne foi. Parfois, Bernard veille et devient un allié.  Mais pas toujours et il ne sait vers qui se tourner pour avoir de l’aide. Tout au long des mois où nous suivons le quotidien d’André, nous découvrons les rencontres qu’il fait. Et certaines sont si belles, si bien présentées, qu’elles sont émouvantes. Que ce soit Jules, l’homme dévoué et attentif, ou Boule le chien, et bien d’autres encore, tous s’attachent à ce « petit d’homme » en donnant de leur temps, de leur écoute, de leur gentillesse pour qu’André soit mieux. Il se sent alors moins seul face à l’injustice.

Les épreuves, les souffrances, les coups durs, rien n’est épargné à André mais toujours, il espère, il attend, il prie pour que sa Maman arrive….ne baissant pas les bras, essayant de tenir, de faire face….

C’est une histoire pleine de pudeur, de douceur, elle amène sur le chemin de la résilience. Portée par une écriture très visuelle, poétique, délicate, avec des descriptions d’une grande finesse. Lorsqu’on sait que l’auteur a perdu la vue à dix-huit ans, on se dit que la nature, la vie, les couleurs résonnent en lui comme s’il les voyait encore. Son vocabulaire et son phrasé sont d’une grande richesse. Son texte, malgré les passages plus sombres et les obstacles qui se mettent sur la route d’André, est teinté d’espérance.

J’ai trouvé ce roman, inspiré de faits réels, très juste, très beau. On voudrait prendre André par la main et ne plus le lâcher…


NB: La couverture est superbe !




"Les Fjords de Santorin" de Nick Alexander (You The, Me Now)


Les Fjords de Santorin (You The, Me Now)
Auteur : Nick Alexander
Traduit de l’anglais (Etats-Unis)  par Laure Valentin
Éditions : Amazon Crossing (17 septembre 2019)
ISBN : 978-2919808113
370 pages

Quatrième de couverture

Pour Becky, son père n’est pas seulement absent : il est un mystère, un trou béant dans son passé… et un sujet tabou avec sa mère, Laura. Quand cette dernière décide sur un coup de tête de s’envoler pour la Grèce, Becky choisit de l’accompagner, bien décidée à se rapprocher d’elle – et de la vérité. Pendant leur voyage vers la magnifique île de Santorin, il devient vite évident que le choix de destination n’est pas aussi anodin que le pensait Becky.

Mon avis

Laura et sa fille Rebecca, Becky pour les intimes, s’expriment à tour de rôle dans ce livre. Elles sont en route pour Santorin (où il n’y pas de Fjords réels, seulement ceux qu’un norvégien décrit) pour quelques jours de vacances. Cinquante ans pour l’une, la moitié moins pour l’autre. La première n’a jamais parlé de son père à la seconde si ce n’est pour lui dire qu’il était mort dans un accident. Mais Becky a toujours eu l’impression d’un malaise, d’un secret, d’un non-dit. Peut-être que ce séjour sera l’occasion de créer une complicité, de se parler, de comprendre ?

Il s’agit d’une romance alors forcément la fin est prévisible mais ce récit a des côtés intéressants. Lorsque la mère s’exprime, on découvre la vie il y a des années en arrière : la difficulté de communication dans les familles, la stricte éducation catholique qui bride (et quand ça lâche, tout part en vrille), les relations amoureuses, les premières sorties, les hommes qui jouent les machos… J’ai trouvé cet aspect plus approfondi que le côté actuel où la jeune Becky présente son quotidien, ses interrogations, ses émois….  Mais heureusement pour le présent, la Grèce, le niveau de vie et les difficultés pour les habitants de ce pays sont bien évoqués. Cela apporte un plus et montre comment l’histoire s’inscrit dans le contexte.

Voilà donc les deux femmes en congés dans un coin paradisiaque et Becky aura vite la puce à l’oreille : elle comprend que Laura est déjà venue ici. Est-ce en lien avec sa naissance ? C’est avec une écriture fluide et agréable, un style bien contemporain que Nick Alexander nous entraîne à la suite de ses personnages. C’est sympathique à lire.



"L'accident de l'A35" de Graeme Macrae Burnet (The Accident on the A35)


L’accident de l’A 35 (The Accident on the A35)
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Traduit de l’anglais pas Julie Sibony
Éditions : Sonatine (19 Septembre 2019)
ISBN : 978-2355847561
340 pages

Quatrième de couverture
Avocat respectable dans une petite ville alsacienne, Bertrand Barthelme, trouve la mort une nuit dans un accident de voiture. Lorsque l’inspecteur Georges Gorski vient annoncer la triste nouvelle à sa femme, celle-ci lui apparaît peu affectée. Une seule question semble l’intriguer : que faisait son mari sur cette route au milieu de la nuit ? Question banale...

Mon avis

Bertrand Barthelme est un notaire réputé. Depuis qu’il est marié, tous les mardis soir, il va manger avec son club : c’est-à-dire trois amis et lui à l’auberge du Rhin. Dans ce groupe on trouve : son collègue et associé de cabinet, un agent immobilier et un propriétaire d’une usine pas loin de la ville de Saint-Louis, en Alsace où se déroule ce récit.

On est mardi, et la voiture de ce brave homme vient de s’encastrer dans un arbre. Il est mort sur le coup et il faut prévenir son épouse. C’est l’inspecteur Georges Gorski qui doit annoncer la nouvelle et c’est peut-être la seule chose qui sorte de l’ordinaire qu’il fera dans la semaine. Il prend son rôle très au sérieux et va sonner à la porte. La gouvernante ouvre, Madame le reçoit au lit et ne semble pas bouleversée par le décès de son mari. Elle lui demande de prévenir leur fils qui est dans sa chambre (c’est un lycéen de 16 ans). Elle fait quand même remarquer qu’il s’avère étonnant que le véhicule ait été trouvé sur l’A35 alors que ce n’est pas l’itinéraire pour revenir du restaurant où les quatre compères dînaient toutes les semaines, depuis des années….

Notre inspecteur, tombé sous le charme de la jeune veuve (en plus il a bien vu qu’elle faisait chambre à part !), se propose de creuser un peu l’affaire afin de comprendre ce que Bertrand Barthelme faisait sur l’A35 dans ce sens… Il va donc mener l’enquête, discrètement, et s’aperçoit très vite que le souper n’était qu’un alibi et n’existait pas ….  Il n’est pas le seul à vouloir connaître un peu plus le notaire. Le fils, Raymond, bien que peu touché par cette disparition, entreprend également quelques démarches, en cachette de sa mère, bien entendu.

Nous allons suivre leurs investigations respectives et c’est un régal. Il y a une atmosphère délicieusement surannée. On est encore au temps des cabines téléphoniques, des gens qui fument dans les cafés, des carnets pour prendre des notes, des empreintes sur les verres … Exit internet, le traçage des téléphones, l’ADN … Un petit bout de papier oublié dans un tiroir suffit à déclencher une tempête…  

La femme et la fille de Georges Gorski l’ont quitté, il boit trop et ne s’occupe pas assez de sa famille alors, bien sûr, cette enquête qui n’en est pas une, va l’intriguer au plus au point et lui permettre, peut-être, de faire remonter sa cote. On plonge dans ses pensées, ses raisonnements, on le suit de près, on sent presque l’odeur d’alcool lorsqu’il se laisse aller. On découvre à sa suite, les petites villes un peu étriquées, où tout se sait ou presque. Les mensonges, les faux semblants, les peurs du « qu'en-dira-t-on », l’hypocrisie pour répondre aux conventions et faire comme si …  Et l’inspecteur creuse encore et encore. Est-ce parce qu’il est attiré par Lucette (Madame Barthelme), ou parce qu’il a besoin de comprendre ce que cachait le notaire et qui il était vraiment?

L’écriture de l’auteur (bien traduite), assortie d’un faux rythme, assez lent, est réjouissante. Il ausculte les habitudes, les choix de chacun, les travers des uns et des autres. Il traque le moindre détail pouvant le mener sur une piste afin de cerner ce qui lui échappe.  Le style est truculent parce que l’air de rien, par petites touches, des portraits se dessinent sous nos yeux, de plus en plus précis et c’est amusant de constater que notre opinion évolue au fil des pages. Il est également très intéressant de voir combien ce décès qui n’a pas semblé bouleversé la femme et le fils, a en réalité, complètement chamboulé le quotidien du jeune lycéen, faisant ressortir ce qu’il avait étouffé jusque-là.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, ce phrasé original, la manière dont les événements sont abordés, réfléchis par l’enquêteur et j’ai hâte de relire cet auteur atypique.



"L'horizon qui nous manque" de Pascal Dessaint


L’horizon qui nous manque
Auteur : Pascal Dessaint
Éditions : Rivages (18 septembre 2019)
ISBN : 978-2743648442
223 pages

Quatrième de couverture

Entre Gravelines et Calais, dans un espace resté sauvage en dépit de la présence industrielle, trois personnages sont réunis par les circonstances. Laissés pour compte ? Pas tout à fait. En marge ? C'est sûr. En tout cas, trop cabossés pour éviter le drame.

Mon avis

Comme on marche, on rêve.

Ces trois là n’avaient aucune raison de se rencontrer, encore moins de raisons de vivre en presque communauté. Et pourtant ce trio improbable est réuni dans un espace aussi atypique que chacune de leur personnalité fracassée par la vie.
L’un est un habitant du coin, Anatole, retraité, chasseur, qui sculpte des « appelants », ces oiseaux de bois censés attirés les vrais pour que pan….le fusil crache sa cartouche. L’une, Lucille, est une jeune enseignante qui s’est engagée pour apporter un mieux dans la « jungle » de Calais, mais face aux déceptions successives et au démantèlement, elle a choisi de prendre du recul et s’est installée dans une vieille caravane sur le terrain du premier. Le dernier, c’est Loïk, le plus trouble, un être imprévisible, qui fuit quelque chose ou quelqu’un ou sa propre existence. Il a passé du temps à l’ombre, comme ceux qui ont un dû envers la société et qui doivent payer. Par bribes, on découvrira son histoire, enfin seulement ce qu’il veut bien en dire…. Lui a élu domicile dans l’ancienne friterie, le cabanon d’Anatole qui n’est plus en service. Il l’a sommairement retapé et s’est installé. A ce groupe, on peut rajouter un policier assez discret et un ornithologue (d’ailleurs il est beaucoup questions d’oiseaux dans cet ouvrage). Tous sont des personnages réalistes mais loin des conventions et des normes.

Ils sont donc trois sur un même terrain mais dans des logements distincts. Ils vivent côte à côte, pas souvent ensemble, les échanges sont réduits au minimum car chacun reste sur ses gardes, souhaitant sans doute protéger son jardin privé. L’équilibre est fragile mais tient parce que, soigneusement, ce qui pourrait être source de conflits, est évité. « Ce n’était pas le monde que nous voulions, et pourtant nous y vivions, sans trop de désir mais avec une certaine volonté. »

Mais on est au bord de la mer et il arrive qu’un minuscule grain de sable enraye une machine qui tourne à peu près correctement…. Et voilà comment le quotidien se transforme et devient nettement plus difficile à gérer. Est-ce parce que Loïk a trouvé un boulot mais se sent incompris par son supérieur, est-ce parce que l’amoureux des oiseaux dérange le chasseur ? Ou tout simplement parce que le mal-être des protagonistes refait surface et qu’ils sont mal dans leur peau, donc dans leur vie et de ce fait, tout peut exploser d’un moment à l’autre ? Ou alors : « Le hasard qui ravage l’existence. »

L’écriture de l’auteur est toute en retenue, faite de mots qui font mouche, accompagné de citations de Gabin (Anatole est fan) et de chansons de Jean-Patrick Capdevielle, des Rubettes ou d’autres….. Elle est un brin languissante et il faut découvrir entre les lignes, les messages portés par Pascal Dessaint. Le rythme suit les activités des hommes, le plus souvent sans précipitation et puis de temps à autre, un événement qui oblige à agir, vite.

J’ai tout de suite aimé la photo de couverture. J’imagine la fenêtre de la caravane, ouverte, les chants des oiseaux au loin, le bruit de la mer et du vent, le sable qui rentre parfois quand ça souffle fort, et Lucille, allongée sur la couette qui se questionne en se demandant de quoi sera fait demain…. J’ai apprécié que ces laissés pour compte se soutiennent, même en disant le contraire, comme si la pudeur les empêchait de reconnaître qu’ils avaient créé des liens. L’atmosphère est porteuse de sens et le fait de donner la parole à ces trois « cabossés » est une belle reconnaissance pour tous ceux qu’on oublie…..En résumé, cette lecture a été une parenthèse enchantée.

"Quand la lumière décline" de Eugen Ruge (In zeiten des Abnehmenden Lichts)


Quand la lumière décline (In zeiten des Abnehmenden Lichts)
Roman d’une famille
Auteur : Eugen Ruge
Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses 
Éditions : Les escales (23 août 2012)
ISBN : 978-2365690126
430 pages

Quatrième de couverture
Berlin, 2001. Incurable. Suite à ce diagnostic, Alexander part au Mexique, un rêve d’enfant nourri par les récits nostalgiques de sa grand-mère. Pourtant, en 1952, celle-ci a tout fait pour mettre fin à son exil et rentrer participer à la construction de l’État socialiste en Allemagne.

Mon avis

Comme l’annonce le sous-titre, on est ici face au roman d’une famille (il y a d’ailleurs dès le début, un arbre généalogique). On commence à Berlin, en 2001, où Alexander, Sacha, apprend qu’il ne guérira pas. Il décide alors de partir sur les traces de sa famille.

A partir de là, les chapitres s’enchaînent présentant une personne à une date précisée. Aucune chronologie, il s’agit de « flashs », d’instantanés d’une période évoquée. Au lecteur, s’il le souhaite de relier toutes ces tranches de vie pour une continuité dans le récit. C’est par touches successives, d’un pays à l’autre, d’un intervalle de temps à l’autre que se construisent les relations familiales mais également l’Histoire avec un grand H, notamment les événements vécus en Allemagne au vingtième siècle.

L’auteur alterne les points de vue, les ressentis, parfois pour une même situation. Pendant une cinquantaine d’années, sur quatre générations, Eugen Ruge expose les choix de vie (entre autres le communisme), les espoirs, les désillusions, les avancées, les difficultés de chacun…. C’est intéressant. En filigrane, régulièrement, Alexander en 2001 avec sa maladie incurable qui a sans doute transformé son regard.

Si le récit et le contenu m’ont intéressée, je n’ai que peu apprécié la construction de ce recueil, et cela m’a quelquefois gênée dans la lecture. J’ai eu le sentiment d’un texte haché. Pourtant l’écriture est belle (merci au traducteur), le propos porteur de sens mais je ne suis pas aussi enthousiaste que je l’espérais lorsque j’ai commencé ce récit.
NB : la couverture est superbe !




"Une femme en contre-jour" de Gaëlle Josse


Une femme en contre-jour
Auteur : Gaëlle Josse
Éditions : Les Editions Noir Sur Blanc (7 Mars 2019)
ISBN : 978-2882505682
160 pages

Quatrième de couverture

Raconter Vivian Maier, c’est raconter la vie d’une invisible, d’une effacée. Une nurse, une bonne d’enfants. Une photographe de génie qui n’a pas vu la plupart de ses propres photos. Une Américaine d’origine française, arpenteuse inlassable des rues de New York et de Chicago, nostalgique de ses années d’enfance heureuse dans la verte vallée des Hautes-Alpes où elle a rêvé de s’ancrer et de trouver une famille. Son œuvre, pleine d’humanité et d’attention envers les démunis, les perdants du rêve américain, a été retrouvée par hasard – une histoire digne des meilleurs romans – dans des cartons oubliés au fond d’un garde-meubles de la banlieue de Chicago.

Mon avis

Un œil posé sur la vie

« Chez Vivian Maier, il y a la crasse de la rue, la saleté des vêtements tachés, déchirés, il y a des chaussures trouées et des enfants qui jouent dans le caniveau. Nous sommes dans un réel saisi de face, de front, sans embellissement aucun. »

L’écriture de Gaëlle Josse est une dentelle qui se construit sous nos yeux. Parfois froide et détachée, posant les mots, sans émotion apparente, qui décrivent l’aventure d’une femme hors normes, parfois tendre et délicate, elle donne vie à un destin inoubliable. Elle lace, entremêle les fils pour donner vie à une invisible : Vivian Maier. Ancienne bonne d’enfants, cette femme a connu le succès après son décès lorsque des cartons contenant les milliers de photos qu’elle avait faites ont été remis au jour. Elle reste une énigme car les témoignages sur elle sont parfois divergents mais son talent, lui, fait l’unanimité.

La photographie comme la fixait Vivian Maier sur sa pellicule est un art à part entière. « Capturer l’instant et lui donner vie, à jamais », c’est ce qu’elle faisait. Elle portait un regard attentif sur tous les frôlements, les affleurements, les instantanés du quotidien. Elle aurait pu ne prendre que le « beau » (mais qu’est-ce que le « beau » ?), le lisse, le bien-pensant… mais elle avait choisi de montrer la banalité de tous les jours et de lui donner du sens …. Elle « clichait » « les pauvres, les abandonnés du rêve américain, les travailleurs harassés, les infirmes, les femmes épuisées, les enfants mal débarbouillés, les sans domicile fixe »…. D’ailleurs, Gaëlle Josse souligne : « Un artiste poursuit ce qui la hante, l’obsède, la traverse, la déchire. »

Ce livre est une belle découverte. L’auteur est sortie de sa zone de confort pour changer de registre. Elle a lu, s’est documentée, s’est renseignée avant de donner naissance à un recueil le plus juste possible où elle explique dans les dernières pages sa démarche. De plus, le parallèle qu’elle établit entre la photographe et elle, est plus qu’intéressant, captivant.



"Je vis je meurs" de Philippe Hauret


Je vis je meurs
Auteur : Philippe Hauret
Éditions : Jigal (18 Mai 2016)
ISBN : 979-10-92016-61-1
232 pages

Quatrième de couverture

C’est en noyant sa soixantaine désabusée dans un bar de quartier que Serge croise les yeux de Janis la première fois. Elle est jeune, jolie, serveuse de son état mais en proie à la violence quotidienne de son petit ami. De confidences en services rendus, de regards en caresses rêvées, une étrange amitié va alors se nouer… De son côté, l’inspecteur Mattis est proche de l’implosion. Divorce, alcool, sexe et dettes de jeux, un grand classique qui dégénère en spirale infernale. S’il tient encore à la vie, il commence sérieusement à être à court d’arguments !

Mon avis

Je ne suis pas un héros….

Il m’est arrivé de trouver que des personnages de roman manquaient singulièrement de consistance, de vie, d’âme…. Et bien, cette fois-ci, ce n’est pas le cas… Hauts en couleur, fort en « gueule » , Serge, Franck, Janis et José n’ont rien à envier à personne côté caractère … Et ce qui est fortement intéressant, c’est que les deux premiers, plutôt du style « lavette » vont finalement se révéler et se redresser…. Certains ont besoin d’un aiguillon pour changer et avancer et ces deux là l’ont trouvé …..

Serge, il a la soixantaine, il vit ou plutôt il laisse la vie s’emparer de lui. Une partie d’échecs de temps en temps, de vieilles chaussettes, un caleçon qui baille…. Pas le genre d’homme qui attire… Un peu désabusé, un quotidien sans fantaisie et sans écart. C’est un retraité qu’on ne remarque pas, tout à fait « transparent »…. Il faudra une rencontre, des circonstances particulières pour qu’il prenne son destin en mains et se réveille de ce long sommeil …

Franck dépense trop (au poker), boit trop, drague mal, se lave peu, n’entretient ni son linge, ni son intérieur, et n’assure pas correctement son rôle de père…. Il a une « régulière » qu’il voit de temps à autre. Elle aimerait plus mais lui, il a peur de s’engager, de se poser…. Je crois qu’il est conscient qu’il véhicule une certaine forme de « médiocrité » mais il ne fait rien pour lutter et encore moins pour s’en sortir… Pourquoi ? Parce qu’une fois qu’on a le doigt dans la spirale, elle nous entraîne…. Et celle qu’il a choisie le pousse vers le bas, pas vers le haut…..

Mais il faut croire en l’homme !!! Et l’auteur nous engage à travers ses mots à conjuguer le verbe espérer à tous les temps. Il est long le chemin vers la rédemption, vers l’accalmie(car celle-ci inquiète lorsqu’on a toujours pris des risques dans sa vie). Il est douloureux de se résigner à prendre une autre route que celle de la facilité pour devenir un homme qui peut se regarder dans une glace sans craindre son reflet…. Mais il n’est pas interdit d’essayer….

C’est avec une écriture droite, franche, parfois légèrement teintée d’humour (notamment dans les descriptions) que l’auteur nous emmène dans un univers parisien. On est dans des quartiers où certains dealent, d’autres planquent pour coincer les premiers, sans oublier ceux qui consomment… Ce ne sont pas des gros malfrats qu’on croise dans ces pages, plutôt des jeunes qui se sont laissés aller à tremper dans de petits business où l’argent semble plus facile et où les dangers pimentent les semaines d’un peu d’adrénaline…. Le contexte est réduit au minimum, ce sont les hommes et les femmes qui emplissent les pages, ils sont là, palpables avec leur part d’ombre, leur façon d’être, leur décisions ….

J’ai beaucoup apprécié cet opus, le style de l’auteur, le côté très réaliste et vivant de ses personnages. Le langage direct parlé par la plupart des individus ne s’embarrasse pas de fioritures. C’est comme dans la vraie vie, les faits sont là, il faut agir et il arrive qu’on n’ait pas le temps de réfléchir ou seulement après, quand c’est trop tard pour regretter ou se dire qu’il aurait pu en être autrement…. J’ai trouvé Serge de plus en plus beau au fil des pages, bien sûr physiquement, mais surtout dans son âme…. Ce n’est pas aisé de devenir une « belle » personne et la route de Serge sera semée d’embûches avant qu’il devienne quelqu’un … Mais on le comprend tellement, nous qui sommes tous, si souvent, en quête de reconnaissance…..

"La légende d’Argassi - Tome 4 : Le Livre de Laïrdhre (partie 2 : L’après)" de Martine S. Dobral


La légende d’Argassi,
Tome 4 : Le Livre de Laïrdhre, partie 2 : L’après
Auteur : Martine S. Dobral
Éditions : Évidence Éditions (19 Septembre 2019)
ISBN : 979-1034810192
530 pages

Quatrième de couverture

Après ses stupéfiantes découvertes à Greenhill Castle, leur château familial, Julia dite Rawilia, Celle qui raconte, poursuit ses investigations et sa remontée dans le temps à travers l’incroyable récit de sa flamboyante ancêtre, Laïrdhre O’Meadhra. Haines tenaces, vengeances implacables, amours exclusifs, survie envers et contre tous, destins entrecroisés.
Mon avis

Cette seconde partie du tome 4 commence en Irlande dans le monde contemporain. On retrouve Julia, que l’on a déjà rencontrée dans les livres précédents. Elle est sur la terre de ses ancêtres. C’est une jeune femme maintenant, toujours aussi solaire, belle, envoûtante. Au cours de son séjour, elle se rend à Glendalough, un lieu en lien avec ceux qui l’ont précédée dans sa famille. Une fois sur place, elle se sent « connectée » avec Laïrdhre dont elle lit régulièrement l’histoire. A partir de là, nous alternons, comme les autres fois, entre Eire médiévale et Irlande de notre temps (ou d’autres endroits suivant les événements).

 Je suis admirative de la facilité (apparente car cela représente sans doute beaucoup de travail pour que tout reste équilibré, en phase) avec laquelle l’auteur relie le présent et le passé. Non seulement par le biais des personnages et de leurs points communs, mais également par des fils ténus, des situations, des allusions, des concours de circonstances etc… Je trouve que cela donne plus de sens à son intrigue, ça l’enracine dans un contexte captivant, intéressant, séduisant.

On sent que Martine S. Dobral sait où elle va, que ses personnages sont réfléchis, pensés. Elle n’oublie jamais de nous transmettre le ressenti de ceux qu’elle évoque. Elle le fait avec intelligence, la vie n’était pas la même autrefois et si les sentiments des hommes étaient identiques : amour, colère, haine, jalousie… ils ne s’exprimaient pas forcément de la même façon. De plus, chaque époque est esquissée avec les modes de vie, les outils, les transports, les relations idoines.

Tout cela nous offre une histoire plaisante, prenante qui nous permet de voir évoluer en parallèle Laïrdhre et Julia, chacune en proie aux tourments de l’amour entre autres. Mais ne croyez pas qu’il ne s’agisse que d’amour ! Il y a bien d’autres thèmes à découvrir dans ce recueil, et notamment, toujours omniprésent, celui de la transmission.  
J’ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture. D’abord parce que l’écriture est fluide, le vocabulaire et l’orthographe soignés. Le rythme est soutenu, il y a souvent des rebondissements. Ensuite, la verte Erin et les différents individus de ce récit me fascinent, sans doute parce que Martine S. Dobral sait leur donner vie, les rendant palpables et présents.


"L'anniversaire" de Robyn Harding (The Party)


L’anniversaire (The Party)
Auteur : Robyn Hardin
Traduit de l’anglais (Canada) par Elodie Leplat
Éditions : Le Cherche-Midi (16 Mai 2018)
ISBN : 978-2749156668
430 pages

Quatrième de couverture

Kim et Jeff Sanders habitent une jolie banlieue de San Francisco, où tout le monde connaît tout le monde. Leur fille, Hannah, est scolarisée dans un lycée huppé de la ville. Pour ses seize ans, elle décide de faire une fête à la maison. Un anniversaire avec ses amis, où tout ne peut que bien se passer. Et où tout se passe très mal. Quelques jours plus tard, le couple exemplaire de Kim et Jeff part à vau-l'eau, des secrets et des mensonges sont révélés, les meilleurs amis deviennent les pires ennemis.

Mon avis

Une cause… des conséquences….

Kim et Jeff sont en couple, un peu « bobo », ils ont deux enfants qu’ils élèvent de leur mieux, une belle et grande maison et malgré quelques difficultés relationnelles dues à la routine qui s’installe entre eux deux, on peut dire que tout va bien.

Leur fille, Hannah, est à cet âge délicat de l’adolescence où on se cherche, où l’ont veut jouer aux grands, tout en restant « petit ». Pas facile à gérer ni pour les parents, ni pour le frère, encore moins pour la jeune demoiselle. Au lycée, elle voudrait s’afficher avec les camarades les plus connus, les plus populaires…même si parfois, cela l’inquiète car leur comportement semble en marge.  Voilà que ses seize ans arrivent et elle souhaite les fêter « à la maison ». Sa mère est d’accord mais définit clairement les règles de base : pas d’alcool, pas de garçons. En mode angélique et obéissante, Hannah acquiesce.

Sauf que … vous en connaissez beaucoup, vous, des ados, qui n’essaient pas de contourner les limites fixées ? Donc, forcément, plutôt que de se payer la honte d’une soirée nulle, il y aura de l’alcool sous le manteau et des garçons… Que ce soit pour ne pas perdre la face devant ses copines et la jouer cool ou parce qu’elle a réellement envie, Hannah triche … Tout aurait pu bien se passer mais … Il va y avoir un problème et un gros.

A partir de là, la situation dégénère. Tout s’enchaîne et devient catastrophique. Les familles des jeunes se déchirent, les amis et amies d’hier se détestent et tout est au bord de l’explosion en permanence. De vieux mensonges, des rancœurs, des coups bas, des arrangements, des pièges, rien ne sera épargné à personne….

J’ai beaucoup aimé ce roman rapide, vif, avec des personnages volontairement détestables pour certains.  C’est diablement bien fait, peut-être un tantinet exagéré parfois, quoique… A l’heure de la procédure quasi systématique, rien ne m’étonne vraiment. L’écriture est fluide, la traduction de qualité, le style addictif et on se demande comment chacun va se relever après ce cauchemar.

PS pour ceux qui m’ont offert ce livre :  Promis, la prochaine fois qu’on fête mon anniversaire, ça ne se passera pas comme ça !


"Mensonge" de J.P Delaney (Believe Me)


Mensonge (Believe Me)
Auteur : J.P. Delaney
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Éditions : Mazarine (18 Septembre 2019)
ISBN : 978-2863745137
440 pages

Quatrième de couverture

Étudiante en art dramatique à New York, Claire finance ses cours de théâtre en jouant un rôle peu conventionnel : elle flirte, pour le compte d’un cabinet d’avocats spécialisé dans les divorces, avec des hommes mariés suspectés d’infidélité. Sa couverture fonctionne parfaitement, jusqu’à ce que l’une de ses « proies » soit soupçonnée de meurtre… La police exige alors de Claire qu’elle utilise ses talents d’actrice pour pousser Patrick Fogler à confesser son crime. En somme, qu’elle leur serve d’appât. Pourtant, cet universitaire élégant est loin du manipulateur pervers qu’on lui a décrit. Sans compter qu’il demeure indifférent aux avances de Claire.

Mon avis

Claire est une jeune anglaise qui n’a pas eu une vie facile. Elle rêve de faire du théâtre et s’est installée à New-York pour suivre des cours d’art dramatique en attendant, elle l’espère, la fameuse carte verte. Elle n’a pas de contrats et la situation est difficile. Pour gagner quelques sous, elle travaille pour un cabinet d’avocats. Son rôle ? Coincer les maris infidèles en les enregistrant en train de lui faire des propositions. Ce n’est pas de la comédie à l’état pur mais ça y ressemble… Et ça paie, et comme elle a besoin d’argent…..

Un jour, l’un des maris volages est suspecté de meurtre. S’ensuit une mise en place d’un piège, en accord avec la police et Claire qui est censé donner sa plus belle prestation. Sauf que rien ne va se dérouler comme prévu. Qui tire les ficelles de cette gigantesque mystification ? Le mari ? La police ? Claire ? Quelqu’un d’autre ? L’auteur ?

Avec une écriture fluide et accrocheuse, une excellente traduction (merci Jean Esch), un rythme soutenu, des ramifications, et un jeu global de poker menteur bien mené, J.P. Delaney signe là un bon roman. Chaque conviction peut être remise en cause dans les pages suivantes. On n’a qu’une hâte : comprendre et cerner la personnalité de chacun. Chaque protagoniste étant trouble à souhait, c’est un régal de faire fonctionner notre cerveau pour élaborer des esquisses de réponses et voir où tout cela nous mène ! Prévoyez un peu de temps si vous commencez cette lecture !

"Lésions intimes" de Christophe Royer


Lésions intimes
Auteur : Christophe Royer
Éditions : Taurnada (12 Septembre 2019)
ISBN : 978-2372580588
414 pages

Quatrième de couverture

Nathalie Lesage, capitaine au caractère bien trempé, travaille au sein de la brigade de répression du proxénétisme. Une des branches de l'organisation « Gorgona », spécialisée dans un certain genre de soirées parisiennes, va l’amener à côtoyer un milieu où règnent la perversion et les pratiques extrêmes. Victime d’un banal accident, son enquête va prendre une tournure inattendue.

Mon avis

Percutant !

Le brigadier Michèle Chouli vient d’être retrouvée morte à son domicile. Elle était en arrêt maladie, pas très en forme, surmenage ou plutôt burn out. Que s’est-il passé ? Les premiers policiers qui arrivent sur place, dont certains sont des collègues, comprennent très vite qu’il s’agit d’une mauvaise chute. Sauf que dans le garage, ils font une découverte bouleversante : un homme assassiné et une liste de noms. Tous défavorablement connus des services de police pour employer la formule consacrée. Pourquoi cette femme a-t-elle fait justice elle-même ? Quel but poursuivait-elle contre tous ceux qu’elle avait « sélectionnés » ? Pensait-elle éradiquer de la ville tous ses pédophiles ?

Nathalie Lesage, capitaine, et collègue de Michèle, est actuellement en charge avec ses coéquipiers, d’une enquête sur un groupe appelé Gorgona. Débauches sexuelles, réseau de proxénétisme, abus de pouvoir d’hommes qui jouent avec des jeunes femmes comme avec des objets… Comment coincer ces pervers ? Pour eux, leur business, c’est de l’argent facile mais aux prix de quelles souffrances morales, voire physiques pour ceux et celles qui tombent dans l’engrenage…. Finalement, le listing de Michèle va peut-être servir à Nathalie et son équipe ?

Nathalie sous des dehors « maîtresse femme » est une grande angoissée, il lui faut ses petits rituels pour se rassurer (le café du matin, le petit coup du soir…). Elle cache son anxiété et fonce, ne lâchant rien, entêtée, opiniâtre, emmenant les autres à sa suite, prenant des risques pour découvrir le plus de choses possibles et coincer les malfrats. C’est un personnage à part entière et on sent très vite qu’elle n’a pas fini de nous surprendre. Les autres protagonistes sont bien définis eux aussi et la part d’ombre des criminels est sombre et malheureusement réaliste (L’auteur souligne d’ailleurs qu’il s’est documenté et n’a pas mis toutes les exactions possibles…brrr…)

Oui, ce n’est pas le premier roman qui traite de ces thèmes douloureux, qu’on voudrait enfouir sous le sable et rayer définitivement. Mais c’est la première fois que je découvre un récit abordant cette problématique comme l’a fait Christophe Royer. C’est judicieux parce que l’approche est différente. Elle est faite de l’intérieur sans que la victime ne s’exprime vraiment (je ne veux absolument pas vous donner un quelconque indice donc je reste vague volontairement) si ce n’est à travers des questionnements qui la secouent, la tourmentent parce qu’elle ne comprend pas pourquoi toutes ces interrogations l’envahissent. Que ce soit un déni, une forme d’oubli, un traumatisme, peu importe, ce qui est essentiel, c’est que l’auteur a su, à la perfection, nous englober dans cette souffrance latente, ce mal-être. On le ressent, on l’entend, il nous envahit, nous laissant pantois et impuissant. C’est sans aucun doute dû à la force de l’écriture, puissante, addictive, porteuse de sens en peu de mots. De plus, il y a du rythme, les événements se précipitent sans aucun temps mort.

J’ai été époustouflée par ce récit. Pour moi, cela s’apparente à une claque littéraire parce qu’avec un sujet vu, revu, exploité maintes fois, Christophe Royer donne la parole à ceux qui en ont besoin d’une façon très originale.

NB : Combien n’osent pas parler et subissent des atrocités en silence sans rien dire tout simplement parce qu’ils ne savent pas où est le mal….
Ne les oublions pas et le jour où il sera nécessaire d’être présents, soyons là ….


"Murène" de Valentine Goby


Murène
Auteur : Valentine Goby  
Éditions : Actes Sud (21 août 2019)    
ISBN 978 2 330 12536 3               
384 pages

Quatrième de couverture

Hiver 1956. Dans les Ardennes, François, un jeune homme de vingt-deux ans, s’enfonce dans la neige, marche vers les bois à la recherche d’un village. Croisant une voie ferrée qui semble désaffectée, il grimpe sur un wagon oublié… Quelques heures plus tard une enfant découvre François à demi mort – corps en étoile dans la poudreuse, en partie calciné. Quel sera le destin de ce blessé dont les médecins pensent qu’il ne survivra pas ?

Mon avis

On est en 1956, la médecine fait ce qu’elle peut face aux situations extrêmes et lorsque François arrive à l’hôpital, brûlé au plus profond, il est quasi évident qu’il ne s’en sortira pas…. C’est la faute à pas de chance, il n’a rien fait de mal, pas commis d’imprudence et il avait la vie devant lui …

Pour le sauver, le chirurgien va couper un bras, puis le second. Ils sont nécrosés et c’est ça ou être condamné à la mort…. Sa mère se débrouille, alors qu’il est isolé, en soins intensifs, dans le coma, pour lui « parler ». Et la force de l’amour agit, il se réveille.  Lorsque François réalise ce qui lui est arrivé, il sombre… A quoi bon lutter lorsqu’à vingt-deux ans, on devient, comme un vieillard, dépendant des autres pour tout ? Comment accepter le handicap, qui est arrivé d’une façon totalement imprévisible ? Personne n’est préparé à un tel drame.
« Il se demande si on se fait à ces visions de cauchemar. A la place réduite qu’on vous assigne, infirme parmi les infirmes-c ’est une place quand même- il se persuade quand il cherche des raisons de persévérer…. »

Valentine Goby avec son écriture au scalpel, saccadée, comme en apnée, les mots se bousculant sous sa plume, nous décrit le quotidien de François. Une vie et un environnement à réinventer. Le deuil de certains gestes (il ne pourra pas serrer son amoureuse dans ses bras…), le rejet, le regard des autres, le dégoût de soi, de sa faiblesse…. Les difficultés avec les prothèses (elles sont plus adaptées depuis)… Les hauts, les bas et puis le déclic qui entraîne François vers l’idée de vivre et d’avancer…

J’ai eu un coup de cœur pour ce roman. Il n’y a pas un mot ni un fait de trop. Le style incisif fait mouche. C’est subtilement dosé et ça vous prend aux tripes parce que ça sonne juste. J’ai aimé François qui réapprivoise ce corps différent, qui fait le choix de la vie. Valentine Goby nous montre également combien l’entourage médical, familial, a de l’importance et peut aider à sortir de l’invisibilité à laquelle, parfois, le handicap condamne ….

Merci, Jeeves de P.G. Wodehouse (Thank You, Jeeves)


Merci, Jeeves (Thank You, Jeeves)
Auteur : P.G. Wodehouse
Traduit de l’anglais par Benoît de Fonscolombe
Éditions : 10/18 (1 er Juin 1982)
ISBN : 978-2264004482
310 pages

Quatrième de couverture

Bertie Wooster, jeune aristocrate londonien, s'est pris de passion pour le banjo. Cette nouvelle lubie est loin de plaire à Jeeves, son fidèle majordome, et encore moins à ses voisins exaspérés. Contraint de déménager, Bertie se retire avec son instrument chéri dans un cottage de la campagne anglaise, chez son ami le baron Chuffnell. Les choses se compliquent quand le jeune homme y retrouve son ex fiancée, Pauline, dont Chuffnell est tombé fou amoureux.

Mon avis

Ce roman est paru la première fois en 1934, ce qui explique sans aucun doute, le petit côté suranné de cette lecture. De plus, l’humour so british est toujours un peu « pince sans rire », entre les lignes.
Il m’a vraiment été nécessaire de penser à ces deux éléments pour apprécier ce livre.

Bertie est un jeune aristocrate, dont la dernière lubie est d’apprendre à jouer du banjo…sauf qu’il exaspère tout le monde, des voisins à son fidèle majordome, Jeeves. Ce dernier lui demande de choisir entre lui et l’instrument de musique. Bertie finit par déménager avec l’objet du conflit dans ses bagages. L’histoire pourrait s’arrêter là mais il ne se serait rien passé… Bertie s’installe chez un ami et il va se retrouver dans une position délicate. Quiproquos, comiques de situation, mœurs d’une autre époque, tout est réuni pour nous faire rire mais pas aux éclats et c’est peut-être ce qui m’a manqué.

Les personnages sont bien de leur époque, coincés dans leurs préjugés, leurs habitudes, et pas vraiment près à évoluer dans leur regard sur les autres. S’ils se lâchent, c’est en cachette sans que cela soit visible, il faut sauver les apparences.

Ce recueil ne m’a pas déçue, c’était agréable mais sans plus, j’ai parfois trouvé le temps un peu long….

"Variable d'ajustement" de Philippe Declerck


Variable d’ajustement
Auteur : Philippe Declerck
Éditions : Fleur Sauvage (22 Avril 2016)
ISBN :  979-1094428221
243 pages

Quatrième de couverture

D'un statut de cadre dirigeant, Mathilde se retrouve au chômage sans que rien ne l'y prépare. Découvrant qu'elle n'était qu'une "variable d'ajustement", la quadragénaire, mère et épouse, entame alors une lente et douloureuse descente aux enfers.

Mon avis

Dommage collatéral ?

Variable d’ajustement…. « Ce sont les entreprises qui licencient le plus qui, souvent, embauchent également le plus. Cette mobilité contrainte est liée à une politique de l'entreprise qui ajuste en permanence ses effectifs, non seulement en quantité, mais aussi en qualification. » (source : « alternatives économiques »).

Mathilde a tout pour être heureuse … Un mari plutôt beau gosse, deux enfants agréables, une maison, un emploi de cadre qui la met en valeur et lui permet d’exprimer tout son potentiel…. C’est une femme à l’aise, qui s’est forgée à la force du poignet sous les regards admiratifs de ses parents, issus d’un milieu plutôt modeste. Elle a réussi et elle est leur fierté…. C’est une habituée des tailleurs chics et des talons, du maquillage soigné, des  dossiers à traiter toujours plus vite et mieux, des colloques et dîners impromptus, des emplois du temps minutés, des  hommes et des femmes à gérer avec fermeté et aisance….

Et puis, un jour, la sentence…. Le grand patron d’Atout Sport, où elle exerce depuis plus de dix ans, la reçoit ainsi que quelques autres collègues après une réunion où il a parlé à tout le personnel….Elle fait partie de ceux dont, en raison des résultats de l’entreprise, des chiffres et surtout de la « fameuse variable d’ajustement », il faut se séparer mais « avec vos diplômes, votre expérience et blablabla…je ne suis pas inquiet pour vous… »
C’est le coup de massue pour Mathilde, la rencontre avec un monde qu’elle ne connaît pas : celui du chômage et de tout ce qui va avec : les démarches infructueuses, les regards de compassion, l’inactivité, le stress, l’opinion des autres, lourde, si lourde, la lutte puis le désespoir, les hauts, les bas…..

On pourrait penser que cette femme ne pensait qu’à sa réussite sociale et que retomber sur terre lui aura permis d’appréhender la vie autrement…. Le problème c’est qu’elle ne se relève pas, bien au contraire, elle s’enfonce…Alors on peut se poser la question : « Et moi, s’il m’arrive la même chose, sui-je armée pour lutter ? Où sont mes priorités ? » Elle est fragile, veut se donner l’illusion d’être forte mais le système la brise, petit à petit : « trop qualifiée, trop vieille (à quarante-deux ans ?), trop ceci, pas assez cela…. » Y-a-t-il un moule dans lequel se couler pour plaire aux futurs employeurs ? Que dire des stages ou autres remises à niveau (l’auteur écorche bien notre société et ça sonne vrai….tellement juste qu’on voudrait fermer les yeux, ne pas lire, ne pas découvrir cette détresse, qui pourtant, parfois, est si proche….)

C’est un livre à l’écriture si fluide (bravo à l’auteur, un homme, qui se met dans la peau d’une femme)  que dès les premiers mots on accroche au récit, on veut tenir la main de Mathilde, l’accompagner, lui donner le courage de se battre, l’énergie pour avancer, comme si en agissant ainsi, on aidait tous ces oubliés qui vivent des situations semblables (voudrait-on se donner bonne conscience ?). Le contenu est émouvant, troublant, mais jamais pathos, ni voyeur. Philippe Declerck garde un ton juste, un rythme régulier qui suit la jeune cadre dans ses déboires, ses espoirs, son quotidien, nous rappelant que tous les chômeurs ne choisissent pas leur situation, que beaucoup sont victimes d’un mode de fonctionnement que nous cautionnons malgré nous. Alors que faire me direz-vous ? Déjà, à chacun, sur le lieu de son activité professionnelle, de ne jamais, jamais, oublier les mots : respect et humanité…. Il faut un début à tout, cela en sera, peut-être, un…..


"Bête noire" d'Anthony Neil Smith (Hogdoggin')


Bête noire (Hogdoggin')
Auteur : Anthony Neil Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (12 Septembre 2019)
ISBN : 9782355847349
400 pages

Quatrième de couverture

L’agent du FBI Franklin Rome a juré la perte de Billy Lafitte, ex-shérif adjoint dans le Minnesota. À n’importe quel prix. Il est vrai que, pour un homme de loi, l’existence de Billy ressemble à une insulte perpétuelle. Celui-ci a en effet à peu près tous les vices imaginables. Aussi, après quelques tracas avec sa hiérarchie, Billy a-t-il quitté les forces de l’ordre pour entrer dans un groupe de bikers, comme on entre en religion. Là, sous les ordres de l’impitoyable Steel God, il peut enfin mener une existence à peu près tranquille. Mais s’il pense avoir tiré un trait sur son passé, celui-ci le rattrape lorsque l’agent Rome décide de s’en prendre à son ex-femme et à ses enfants.

Mon avis

Décapant !

Les feux d’artifice, vous connaissez ? Et bien dans ce roman d’Anthony Neil Smith, c’est un peu ça : le bruit, les explosions, les couleurs, les cris, l’odeur de poudre … mais pas pour les mêmes raisons.
A la toute fin du titre précédent, on avait laissé Billy Lafitte assez mal en point. On le retrouve copain comme cochon avec une bande de gros bras (il s’est d’ailleurs musclé à leurs côtés), des bikers. Ex-shérif adjoint, il pourrait, il devrait (ce serait mieux pour lui), se faire oublier…Un agent fédéral, Rome a décidé de le coincer et de l’évincer définitivement histoire de nettoyer le coin. Il faut donc faire sortir Lafitte du bois, ou plutôt des gros cubes. Mais comment l’appâter ? Son talon d’Achille, c’est ses gosses et son ex-femme … Et effectivement ça fonctionne. Billy quitte le gang et part pour se rendre compte par lui-même de ce qu’il se passe réellement…. Enfin, disons que c’est ce qu’il souhaite. Mais sur le terrain, les choses sont plus compliquées qu’une simple balade « motocyclée ». Cet homme a l’art d’attirer les emmerdes et une fois de plus, il n’y coupe pas…. Et là, c’est un festival qui commence, ça boit, ça dit des grossièretés, ça canarde, ça se lâche, ça triche, ça vit à cent à l’heure (même plus, je vous l’assure) etc. Le lecteur en prend plein les yeux, les oreilles, le nez, la peau … On voit les scènes, parfois violentes, comme si on y était, on renifle la poudre, la peinture, le sang (et son goût métallique nous envahit la bouche), les tympans souffrent en entendant les cris, les coups de feu, les pétarades, on ressent les blessures … on est pratiquement aussi lessivé que les personnages…Pas une seconde de répit….et comme ça se passe aux Etats-Unis, tout est un peu démesuré.

Il n’est pas vraiment mauvais Billy, il se trompe, il ne fait pas les bons choix, il réagit au quart de tour au lieu de réfléchir et il a la main et le pied lestes avec ou sans pistolet.  Il est attachant car on sent, même s’il faut gratter beaucoup, qu’il a un bon fond. Les personnages qui gravitent autour de lui sont tous hauts en couleur, pas toujours nets, hâbleurs, assez rudimentaires, hypocrites, manipulateurs et tous bigrement intéressants. Je ne sais pas comment l’auteur s’y prend mais, en peu de mots, il leur donne de la consistance. Les femmes ne sont pas faibles, ni effacées, elles n’ont rien à envier aux hommes et je pense qu’il vaut mieux ne pas les croiser quand elles sont énervées.

Anthony Neil Smith et son fidèle traducteur, Fabrice Pointeau, s’en donnent à cœur joie pour jouer avec les mots, les émotions, les ressentis afin d’impliquer le lecteur. La tension est palpable dans ce récit mais une ironie mordante, un humour décoiffant permettent de relâcher … un peu … car chaque fois, ça repart très vite, comme une fusée de feu d’artifice. Pas le temps de souffler ! Rythme et phrasé sont en phase : addictifs, vifs, efficaces.

Même si ce roman peut être lu indépendamment, il me semble préférable d’avoir découvert le premier pour mieux le comprendre. En effet, l’auteur approfondit la connaissance de certains protagonistes, notamment Rome et sa femme, Nate et sa compagne, et lire « dans l’ordre » permet de découvrir l’évolution des uns et des autres.

S’il me faut toujours quelques pages pour reprendre contact avec le style percutant d’Anthony Neil Smith, une fois plongée dans le récit, je suis à fond dans l’intrigue. C’est totalement dépaysant et le côté « brut de décoffrage » ne me dérange pas, sans doute parce que je sens entre les lignes, un peu de tendresse chez tous ces écorchés vifs.




"L’Intrication - Tome 1 : Le cantique des quantiques" de Laurence Belhomme


L’Intrication
Tome 1 : Le cantique des quantiques
Auteur : Laurence Belhomme
Éditions : Passion du livre (8 Août 2019)
ISBN : 979-1097531041
190 pages

Quatrième de couverture
« Il fut un temps où nous ne faisions qu’un … »
Le cantique des quantiques est le premier volet de L’Intrication : une quête spirituelle à travers les âges dans laquelle Eliette, Asterius, Mme Apple Pie, Electra et Schrödinger vous entraîneront.
Alors bonne route.

L’avis de Franck

La quatrième de couverture ne m’a pas appris grand-chose sur le contenu du livre.
Le titre, « L’intrication », fait résonance avec l’intrication quantique et le résumé parle de quête spirituelle à travers les âges.
Donc, on va voyager dans le temps ? Un roman sur le thème du voyage dans le temps avec des actions passées qui changent le futur ? De l’aventure ? De l’épique en époque ?
Voilà qui attisait ma curiosité. Mais, léger bémol, j’ai eu parfois l’impression d’avoir suivi une leçon d’histoire et je suis un peu resté sur ma faim.

Le livre se partage en quatre parties relativement distinctes :

1) La présentation des protagonistes et comment ils en arrivent à voyager dans le temps.
2) Leurs aventures dans la Préhistoire
3) Leurs aventures dans l’Égypte des Pharaons
4) Le retour à l’époque actuelle.

Lors des deux voyages dans le passé, j’ai lu un cours complet sur l’époque durant laquelle se déroulait l’action. Mode de vie, habitat, alimentation, habillement, tout y passe. Pas une seule fois, les voyageurs temporels n’ont eu de gros soucis avec les autochtones de l’époque. Tout va bien ! Pas de péripétie majeure jusqu’à ce qu’ils franchissent le portail temporel. Quel dommage ! Le récit était documenté, complet, mais il manquait de fantaisie et de fantasy…..

J’avais sans doute mal interprété les intentions de l’auteur… Ce n’est pas exactement comme cela que j’avais envisagé la lecture d’un roman sur le voyage temporel. Il me semble que le contexte a pris trop de place au détriment des actions.

Et pourtant, dès le début du recueil, j’avais bien accroché avec la présentation des personnages : les Montalendroit et les Montalenvers… Le chat de compagnie appelé Schrödinger et la grand-mère Mme Applepie... Les deux familles qui sont voisines avec pour l’une la mère disparue et pour l’autre le père... Un personnage en fauteuil roulant... Un garçon et une fille qui se fréquentent en tant que voisins... Le titre en jeu de mots « Le cantique des quantiques »... Quel potentiel !

Donc globalement, une impression mitigée. Les voyages dans le passé manquent, à mon sens, d’événements et d’actions pour « ferrer » le lecteur et maintenir son attention pour les différents individus évoqués. Il n’en reste pas moins que l’écriture est fluide et agréable. Dans le tome 2, il y aura probablement plus de mouvements, donc à suivre 😉



"L'ombre de la menace" de Rachel Caine (Stillhouse Lake)


L’ombre de la menace (Stillhouse Lake)
Auteur : Rachel Caine
Traduit de l’américain par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (11 Septembre 2019)
ISBN : 9782809826906
335 pages

Quatrième de couverture

La vie sans histoire de Gina vole en éclats lorsque la police découvre un corps sans vie pendu dans le garage familial. Le mari de Gina est condamné à mort. Elle est acquittée. Mais l’opinion publique reste persuadée qu’elle était complice de son mari.
 Victime de harcèlement, elle décide de fuir avec ses enfants. Quatre ans ont passé. Gina vit à Stillhouse Lake, où elle commence enfin à baisser la garde. Jusqu’à ce qu’un cadavre de femme soit repêché du lac...

Mon avis

La haine ne connaît pas de limite

Fuir, se cacher, ne pas laisser de traces, essayer de vivre le plus normalement possible, ou plutôt survivre… Voilà à quoi est réduite Gina, et elle n’est pas seule, elle a deux enfants qu’elle doit protéger. Pourquoi ? Elle menait une vie calme et sans histoire avec son mari, et la fille et le fils qu’ils ont eu ensemble.  Tranquilles, heureux, jusqu’au jour où…. Un accident, une voiture qui emboutit le garage familial et là, le cauchemar commence….  L’époux de Gina, sous des dehors de père et compagnon équilibré, était en réalité, un tueur en série pervers. La police l’a cru complice et il a fallu qu’elle supporte la prison, les nombreux interrogatoires, un procès, avant d’être acquittée. Acquittée ne signifie en aucun cas qu’elle a pu reprendre le cours de sa vie sans être inquiétée. Son quotidien est devenu terrible tant elle est harcelée, critiquée par ceux qui pensent qu’elle était dans le coup, de mèche, donc « petite main » de l’assassin.

La culpabilité ronge Gina. Comment a-t-elle fait pour ne pas avoir de doutes, ne se rendre compte de rien ? Comment expliquer qu’elle n’ait pas senti les mensonges, qu’elle n’ait pas remarqué certaines choses troubles dans le comportement de celui qu’elle aimait. Et surtout comment se faire à l’idée que l’on a aimé, épousé, fait des enfants avec un monstre ?

De résidence en résidence, elle est maintenant installée à Stillhouse Lake, un coin calme près d’un lac. Les enfants sont scolarisés, la maison sécurisée et Gina a l’impression qu’elle peut souffler. Réalité ? Utopie ? Tout va s’écrouler avec la découverte d’un cadavre de femme dans le lac. Elle a été tuée et le mode opératoire semble être le même que celui de son ex-conjoint…. Il est pourtant en prison… A-t-elle caché son jeu et est-elle coupable des mêmes exactions ? Quelqu’un tire-t-il les ficelles dans l’ombre pour la manipuler et la faire accuser ? Un admirateur du tueur a-t-il repris ses méfaits pour son compte ? Les questions se multiplient et l’étau se resserre autour de la jeune femme. Le contexte est instable, elle ne sait pas à qui faire confiance, de qui se méfier, comment agir…. Une seule certitude : protéger ses enfants et fuir encore et toujours ou au moins essayer…...

Dans ce roman, nous assistons à la transformation de Gina. Épouse docile un peu effacée, elle devient battante, tigresse, armée d’une détermination et d’une volonté à toute épreuve. Elle met en place toute une panoplie de  barrières pensées, réfléchies en lien avec ses enfants pour une protection maximale. Elle leur ressasse les risques d’avoir trop d’amis, de s’afficher sur les réseaux sociaux, d’être pistés…. Mais ce n’est pas suffisant et la voilà à nouveau confrontée à l’horreur… Elle ne sait plus qui croire, à qui parler, à qui faire confiance. C’est terrible d’être si seule….

Le récit est mené tambour battant, il n’y a pas de temps mort, les faits s’enchaînent, nous surprennent, nous faisant redouter le pire. La tension monte de page en page et elle est palpable. Parfois on croit déceler une part de vérité puis elle nous échappe, tout est remis en cause et on n’est plus sûr de rien. L’écriture de l’auteur est fluide, accrocheuse (merci au traducteur Sebastian Danchin). Je me suis plongée dans ce recueil et je n’avais pas envie de l’abandonner. N’hésitez pas, foncez !

"Adolf ou les révélations d’un secret enfoui" de Jean-Pierre Druelle


Adolf ou les révélations d’un secret enfoui
Auteur : Jean-Pierre Druelle
Éditions : Passion du Livre (27 Août 2019)
ISBN : 979 10 97531 37 9
372 pages

Quatrième de couverture

Enquêter sur l’assassinat du Sénateur Marc Lapage, ami d’enfance du président de la République et se retrouver au troisième sous-sol d’un bunker datant de la seconde Guerre Mondiale, face à Hitler et Eva Braun, encore frais comme des “glaçons de rivière” alors qu’on les avait cru morts suicidés, depuis plus de soixante et onze ans!

Mon avis

Un flash en 1942, un autre en 1982 et nous voilà en 2016. Un ami d’enfance du président de la République a été assassiné. Le commissaire Xavier Akker Teffen et son adjointe Colette se retrouvent à enquêter (avec l’aide d’Aimé et de Saïd) et ne sont pas au bout de leurs surprises (le lecteur également). C’est le commissaire qui raconte et narre avec beaucoup de verve les différents événements. Il est quelque fois irrévérencieux, il ne s’en laisse pas conter et entend bien mener l’enquête à sa guise. Sauf qu’il ne peut pas tout maîtriser et qu’il va se retrouver dans des endroits variés et des conditions pour le moins surprenantes…. Restaurant « sous surveillance », voyage à l’étranger, bunker, que de lieux à visiter à sa suite ! Et que de personnages, la plupart hauts en couleur à découvrir ! Le rythme est effréné et les situations parfois cocasses ou pittoresques. Un peu de recherches policières, un peu d’amour, un peu de science-fiction, plusieurs contextes et thèmes sont abordés sous couvert de trouver qui a tué ….

L’écriture de l’auteur est un joyeux mélange. Il peut tour à tour, utiliser un langage un tantinet suranné, ou bien un peu, voire beaucoup familier et pas très châtié, ou alors l’agrémenter de digressions comiques avec des renvois et des commentaires entre parenthèses ainsi que des apartés sur les uns ou les autres. Les nombreux dialogues donnent du rythme, peut-être aux dépends de la réflexion des enquêteurs qui sont plus dans l’action et les échanges oraux.  J’aurais de temps en temps souhaité suivre leurs raisonnements de façon plus précise.
Il m’est arrivé en lisant, de craindre que les soliloques (même s’ils sont amusants) prennent le pas sur le récit lui-même. Si Jean-Pierre Druelle écrit un autre roman, il devra sans doute se montrer vigilant sur ce point-là.
Mais on sent qu’il a pris énormément de plaisir à écrire ce roman et cela transpire dans ce qu’il présente.  

C’est une lecture atypique, singulière qui en surprendra plus d’un !