L’horizon qui nous manque
Auteur : Pascal Dessaint
Éditions : Rivages (18 septembre 2019)
ISBN : 978-2743648442
223 pages
Quatrième de couverture
Entre Gravelines et Calais, dans un espace resté sauvage en
dépit de la présence industrielle, trois personnages sont réunis par les
circonstances. Laissés pour compte ? Pas tout à fait. En marge ? C'est sûr. En
tout cas, trop cabossés pour éviter le drame.
Mon avis
Comme on marche, on rêve.
Ces trois là n’avaient aucune raison de se rencontrer,
encore moins de raisons de vivre en presque communauté. Et pourtant ce trio
improbable est réuni dans un espace aussi atypique que chacune de leur
personnalité fracassée par la vie.
L’un est un habitant du coin, Anatole, retraité, chasseur,
qui sculpte des « appelants », ces oiseaux de bois censés attirés les
vrais pour que pan….le fusil crache sa cartouche. L’une, Lucille, est une jeune
enseignante qui s’est engagée pour apporter un mieux dans la « jungle »
de Calais, mais face aux déceptions successives et au démantèlement, elle a
choisi de prendre du recul et s’est installée dans une vieille caravane sur le
terrain du premier. Le dernier, c’est Loïk, le plus trouble, un être imprévisible,
qui fuit quelque chose ou quelqu’un ou sa propre existence. Il a passé du temps
à l’ombre, comme ceux qui ont un dû envers la société et qui doivent payer. Par
bribes, on découvrira son histoire, enfin seulement ce qu’il veut bien en dire….
Lui a élu domicile dans l’ancienne friterie, le cabanon d’Anatole qui n’est
plus en service. Il l’a sommairement retapé et s’est installé. A ce groupe, on
peut rajouter un policier assez discret et un ornithologue (d’ailleurs il est
beaucoup questions d’oiseaux dans cet ouvrage). Tous sont des personnages
réalistes mais loin des conventions et des normes.
Ils sont donc trois sur un même terrain mais dans des
logements distincts. Ils vivent côte à côte, pas souvent ensemble, les échanges
sont réduits au minimum car chacun reste sur ses gardes, souhaitant sans doute
protéger son jardin privé. L’équilibre est fragile mais tient parce que,
soigneusement, ce qui pourrait être source de conflits, est évité. « Ce
n’était pas le monde que nous voulions, et pourtant nous y vivions, sans trop
de désir mais avec une certaine volonté. »
Mais on est au bord de la mer et il arrive qu’un minuscule
grain de sable enraye une machine qui tourne à peu près correctement…. Et voilà
comment le quotidien se transforme et devient nettement plus difficile à gérer.
Est-ce parce que Loïk a trouvé un boulot mais se sent incompris par son
supérieur, est-ce parce que l’amoureux des oiseaux dérange le chasseur ? Ou
tout simplement parce que le mal-être des protagonistes refait surface et qu’ils
sont mal dans leur peau, donc dans leur vie et de ce fait, tout peut exploser d’un
moment à l’autre ? Ou alors : « Le hasard qui ravage l’existence. »
L’écriture de l’auteur est toute en retenue, faite de mots
qui font mouche, accompagné de citations de Gabin (Anatole est fan) et de
chansons de Jean-Patrick Capdevielle, des Rubettes ou d’autres….. Elle est un
brin languissante et il faut découvrir entre les lignes, les messages portés
par Pascal Dessaint. Le rythme suit les activités des hommes, le plus souvent
sans précipitation et puis de temps à autre, un événement qui oblige à agir,
vite.
J’ai tout de suite aimé la photo de couverture. J’imagine la
fenêtre de la caravane, ouverte, les chants des oiseaux au loin, le bruit de la
mer et du vent, le sable qui rentre parfois quand ça souffle fort, et Lucille,
allongée sur la couette qui se questionne en se demandant de quoi sera fait
demain…. J’ai apprécié que ces laissés pour compte se soutiennent, même en disant
le contraire, comme si la pudeur les empêchait de reconnaître qu’ils avaient
créé des liens. L’atmosphère est porteuse de sens et le fait de donner la
parole à ces trois « cabossés » est une belle reconnaissance pour
tous ceux qu’on oublie…..En résumé, cette lecture a été une parenthèse enchantée.
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