"Les victorieuses" de Laetitia Colombani


Les victorieuses
Auteur : Laëtitia Colombani
Éditions : Grasset (15 Mai 2019)
ISBN : 9782246821250
230 pages


Quatrième de couverture

À 40 ans, Solène a tout sacrifié à sa carrière d’avocate  : ses rêves, ses amis, ses amours. Un jour, elle craque, s’effondre. C’est la dépression, le burn-out.
Près d’un siècle plus tôt, Blanche Peyron a un combat. Cheffe de l'Armée du Salut en France, elle rêve d'offrir un toit à toutes les exclues de la société. Elle se lance dans un projet fou  : leur construire un Palais.


Mon avis

Deux époques : 1925, de nos jours. Deux femmes, deux destins …………….
La première, c’est Blanche Peyron une officière puis cheffe de l'Armée du salut en France, connue pour avoir réalisé le Palais de la femme (qui maintenant accueille aussi des hommes), un lieu à Paris où les jeunes filles, les femmes trouvaient refuge lorsqu’elles étaient seules face aux difficultés. Blanche a consacré son existence a l’Armée du salut dans le but d’aider toutes celles qui souffraient. Laëtitia Colombani lui rend un bel hommage.

En parallèle, nous suivons Solène, une avocate réputée, un grand appartement, un quotidien très rempli, une carrière brillante, tout pour être heureuse. Un jour, la goutte d’eau….celle qui fait déborder le vase ou les larmes….. Burn out, ras le bol …. Solène craque, n’en peut plus, ne trouve plus de sens dans ce qu’elle accomplit…. Dans ces cas-là, le conseil, c’est d’aller voir un psy…. Et lui, il lui suggère de faire du bénévolat. Le lien est là, elle sera donnera de son temps au Palais, pour des femmes qui se battent chaque jour pour vivre…..

A travers le portrait de ses deux femmes, l’auteur présente des laissées pour compte, celles qu’on oublie, qui sont presque transparentes, dont on se détourne car mal à l’aise, on ne sait pas que faire, comment réagir… Celles qui essaient de faire face, de rire encore, qui se soutiennent, s’entraident, se disputent également mais vivent presque libres…..

Laëtitia Colombani a une écriture douce et délicate, elle donne voix à celles qui sont parfois obligées de se taire. Elle redonne vie à Blanche qu’on ne connaît peut-être pas. C’est une lecture légère et profonde à la fois. Légère parce que les aléas sont survolés, profonde parce qu’ils ont le mérite d’être nommés. C’est court mais ça suffit pour se dire « Oui, ça existe et moi, je fais quoi ? … »

J’ai lu ce livre rapidement, il m’a permis de passer un bon moment et de rencontrer Blanche, une femme comme je les aime, un caractère bien trempé et une volonté hors normes.



"Miroir de nos peines" de Pierre Lemaitre


Miroir de nos peines
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditions : Albin Michel (2 Janvier 2020)
ISBN : 978-2226392077
550 pages


Quatrième de couverture

Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu'elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d'une période sans équivalent dans l'histoire, où la France tout entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches... Et quelques hommes de bonne volonté. Il fallait toute la verve et la générosité d'un chroniqueur hors pair des passions françaises pour saisir la grandeur et la décadence d'un peuple broyé par les circonstances.

Mon avis

Voici le troisième tome d’une saga commencé avec « Au revoir là-haut », puis « Couleurs de l’incendie » et donc « Miroir de nos peines ». On retrouve Louise qui est, dès le début, dans une situation délicate, voire ubuesque.  Cet acte sert de point de départ à une revisite de la période troublée du début de la seconde guerre mondiale.

On alterne les angles d’observation. Des hommes qui se battent, militaires plus ou moins honnêtes et d’autres personnes, comme Rose qui suivent les événements de plus ou moins loin, tranquillement sans trop se poser de question, parce qu’ils se sentent pas forcément concernés.

Les personnages sont attachants, le contexte intéressant montrant les forces et les faiblesses des humains. L’écriture est toujours prenante, le style vif et captivant. Malgré toutes ses qualités, j’ai ressenti quelques longueurs, un petit essoufflement. Mais cela ne m’a pas empêchée d’apprécier cette lecture et de passer un bon moment.

"Le bâton d’or / Les singulières péripéties de Walter et de ses amis: 2" de Jean-Louis Lafontaine


Le bâton d’or
Les singulières péripéties de Walter et de ses amis/2
Auteur : Jean-Louis Lafontaine
Éditeur : Airaim éditions (20 Décembre 2013)
ISBN: 9782954080437
230 pages


Quatrième de couverture

Le Bâton d’Or est un objet sacré, le sceptre légendaire qui aurait permis à Manco Capac de créer le fabuleux Empire Inca !… Personne ne croit à ce mythe, sauf le Russo-Québécois Vivoulia Casimov qui fait appel à ses fidèles amis pour le retrouver. Leur quête, déjà empreinte de nombreux dangers, va se transformer en une course poursuite haletante qui les amènera de la plus sauvage des cordillères du Pérou aux plages paradisiaques des Caraïbes pour finir dans les profondeurs de l’Amazonie. Là, ils exhumeront un ténébreux secret qui menace le monde. Auront-ils assez de ressources pour le déjouer ?

Mon avis

Ceux qui auront apprécié le caractère vif et fougueux de Walter, jeune héros de « La machine à rêves », le retrouveront avec bonheur. Les autres feront connaissance avec ce petit bonhomme au caractère bien trempé, qui aime la vie, sa famille, ses amis et l’aventure…

L’ami canadien de la famille « On ne va pas se pogner le bacon en attindant que ces imbaumés nous massacrent » est de retour. Il débarque avec une nouvelle quête puisqu’il souhaite retrouver un sceptre et pas n’importe lequel ! Celui qui aurait permis à Manco Capac (qui aurait réellement existé) de créer le fabuleux Empire Inca ! Ce sera ainsi l’occasion d’emmener le lecteur en voyage…ainsi que les personnages qui peuplent cette histoire.

Bien entendu, rien ne sera simple et ils feront face à de nombreux problèmes. La complicité entre Apolline et le jeune Walter fait plaisir à voir ou plutôt à lire. Comme ils l’expliquent eux-mêmes, ils sont connectés car ils ont les mêmes passions.

Dans ce nouveau roman, l’auteur a étoffé l’intrigue avec de nombreuses ramifications à travers les rencontres avec des personnages divers dont certains ayant existé. Ils sont là, en dehors de tout contexte historique mais leur rôle n’est pas sans nous rappeler qui ils étaient vraiment. C’est astucieux. Une fois encore, le dosage est subtil entre le réel et l’imaginaire de qualité (dans le sens où tout ce qui est irréel reste plausible dans le contexte de ce qu’on découvre à l’intérieur du livre).
De plus ; Jean-Louis Lafontaine introduit des connaissances sur la nature : un oiseau méconnu de Madagascar, des renseignements sur d’autres choses…Il faudra malgré tout, dans le cadre d’un troisième roman, qu’il n’en « fasse pas trop » et reste à la portée de ses jeunes lecteurs.

Le rythme est assez rapide et il n’y a pas de temps mort. Le contenu captivant, apporte son lot de surprises et le temps passe vite lorsqu’on lit cet opus.

"Peur sur le Vatican" de Jean-Louis Baroux


Peur sur le Vatican
Auteur :  Jean-Louis Baroux
Éditions : L’Archipel (29 Octobre 2014)
ISBN : 9782809815764
300 pages

Quatrième de couverture

Qui aurait pu penser que, pour mener à bien sa vengeance à l'encontre du pape, Lucius Altreis serait aidé par des néonazis tentant de récupérer trois milliards de dollars cachés par Himmler au fond d'un lac autrichien ? Qui aurait pu envisager l'enlèvement en plein Cannes du gratin du transport aérien pour satisfaire à ses exigences ? Pourquoi les inimitiés entre les présidents des deux plus grandes compagnies mondiales risquent-elles de conduire au désastre ?

Mon avis

Le Vatican encore….

En ce moment (printemps 2015) plusieurs romans parlent du Vatican, mais tous n’ont pas le même impact sur le lecteur. Dans celui-ci, le lien avec ce lieu est, somme toute, peu exploité. Le plus important est plutôt le fait que les protagonistes veulent  récupérer un trésor de guerre caché par les allemands au cours de la seconde guerre mondiale et que l’auteur, qui  connait parfaitement le milieu de l’aviation, souhaite que son intrigue se déroule dans cet environnement professoral .

Il faut reconnaître à la collection « Suspense » de chez Archipel, une efficacité redoutable : c’est simple et ça se lit tout seul.  Cette fois-ci, c’est Jean-Louis Baroux qui s’essaie à son premier roman et, s’il a encore du travail pour devenir un grand maître de l’art du thriller, il s’en sort avec une note honorable et un « peu mieux faire ».
La faute, sans aucun doute, à Cassiopée (pour vous servir ;-) qui lit trop de romans policiers et qui devient difficile en vieillissant.
Je n’ai pas perdu mon temps en lisant cet opus, je ne me suis pas ennuyée mais il m’a semblé que les événements étaient survolés (sauf pour la première partie relatant ceux de 1945) et que tout cela aurait pu avoir un peu plus de consistance. Mais telle était peut-être la volonté de l’auteur : écrire un divertissement policier où le personnel des aéroports et des sociétés liées à ce milieu auraient la part belle. Dans ce cas, c’est plutôt pas mal.

L’écriture est fluide, abordable. Les chapitres sont bien construits et lorsqu’ils nous entrainent sur d’autres lieux que le principal,  un « chapeau » en italiques situe le lieu et la date. On est donc très vite là où il faut et on ne peine pas à se repérer.  Les différents personnages sont installés en quelques lignes et les grands traits de leur tempérament sont alors expliqués.  Mais, à part le petit (et attachant) Herbie et le grand-père repenti au caractère bien trempé, ils m’ont paru un peu trop « prévisibles »… Non pas, que je raffole des grands bruns ténébreux mais des hommes et des femmes avec une part d’ombre, c’est plus intéressant.  Ce qui fait que la seconde partie, qui pourtant aurait dû me mettre des frissons partout, m’a laissée sur ma faim et ne m’a même pas fait peur malgré les scènes un peu rudes…..

Il y a, malgré tout, une plus value dans cette lecture : les relations entre les compagnies d’aviation, les méthodes utilisées pour « se partager » le ciel et donc les rentrées d’argent, sont bien intégrées et finement décrites ainsi que les rapports humains (à travers des dialogues qui sonnent justes) entre les hommes à la tête des compagnies et également avec  leurs employés. Forcément, c’est le domaine de prédilection de Jean-Louis Baroux qui, je vous le rappelle,  est l e fondateur du APG Network, premier réseau mondial de services commerciaux pour le transport aérien…. Il a d’ailleurs écrit sur ce sujet dans des recueils « plus classiques ». On ne parle bien que de ce qu’on connaît bien dit l’adage et c’est tout à fait vrai.

Un roman un peu inégal avec des passages très complets et d’autres qui mériteraient d’être étoffés.
Mais probablement un auteur à suivre car il a encore une marge de progression.

"C'est l'anarchie" de collectif d'auteurs


C’est l’anarchie
Auteur : Collectif
Éditions : du Caïman (26 Mai 2020)
ISBN : 978-2919066827
300 pages

Quatrième de couverture

Les années 20 ... Les années folles... Le capitalisme triomphant, repu des morts de la première guerre mondiale... La misère... Dans ce vieux monde des voix divergentes viennent contester l'ordre établi. Actes individualistes ou révoltes collectives, en 1920, partout dans le monde C'est l'anarchie !

Mon avis

Que vaudrait l’existence sans aimer ni lutter ?

Ils et elles sont vingt. Vingt auteurs de talent, certains très connus, d’autres un peu moins, qui viennent nous parler de révolution et d’anarchie. La parité y est presque, femmes et hommes se partagent la rédaction de ces textes.  Une préface magnifique qui, à elle seule, vaut le détour ! Ecrite par Gérard Mordillat, elle se termine par ces mots : « Je ne connais qu’un anarchiste pour être capable de vivre en accord avec ses convictions politiques et philosophiques. »

S’ensuivent des textes divers et variés, des nouvelles documentaires, d’autres inspirées de faits réels mais romancées ou totalement imaginaires, des poèmes etc …. A chaque fois, l’auteur qui rédige part d’un événement ayant eu lieu, qu’il « revisite » à sa manière. Le point de départ, c’est ce qu’on sait et après l’écriture prend sa liberté par la main et le récit vit sa vie.

Je ne connaissais pas tous les personnages présentés mais j’ai pris beaucoup de plaisir à tous les rencontrer que ce soit pour la première fois ou parce que j’avais déjà eu quelques échos sur leur existence.  Ce sont tous des personnes qui, à un moment donné, ont osé. Ils ont dit non, ils se sont battus pour un idéal, ils ont tenu tête, ils n’ont pas voulu se soumettre s’ils pensaient que ce n’était pas pour les bonnes raisons. Ils ont pu être haï, adulé, incompris, détesté, étouffés, mais ils ne pouvaient pas laisser indifférent celui ou celle qui les côtoyait. Activistes de tout pays, issus de milieux différents, élevé dans l’anarchie ou tombés dedans, tous ont donné d’eux, de leur énergie. Ils ont vécu au siècle dernier et mené des combats parfois originaux, comme celui d’Emilie Busquant qui serait à l’origine du drapeau algérien.

Peut-être que les luttes évoluent, quoique …. Il y aura toujours des hommes et des femmes pour se lever, marcher dans la rue…. L’actualité nous le démontre encore. Bien sûr, ils dérangent, ils exacerbent les tensions en pointant du doigt, sans compromis, les dysfonctionnements ou les mensonges. Ils sont les dignes héritiers de ceux qui sont évoqués dans ce recueil.

L’avantage d’un recueil de nouvelles c’est que l’on y trouve des styles et des écritures totalement divers et variés. Chacun s’empare du phrasé qui lui convient le mieux, que ce soit poésie avec ou sans rimes, prose etc… Chacun se sent libre et pour évoquer l’anarchie et les anarchistes, c’est mieux, non ? Quant au lecteur, devant la diversité des textes, il voyage, s’informe, se souvient, sourit, se révolte en silence… Et puis il repart heureux de cette lecture  qui, quelque part, le bouscule et le remet sur les rails pour bouger, essayer de faire entendre sa voix afin que l’injustice ne devienne pas « une évidence familière », comme le disait Marcel Aymé ….



"Urbex Sed Lex" de Christian Guillerme


Urbex Sed Lex
Auteur : Christian Guillerme
Éditions : Taurnada (18 Juin 2020)
ISBN : 978-2372580700
250 pages


Quatrième de couverture

Contre une belle somme d'argent, quatre jeunes passionnés d'urbex sont mis au défi de passer une nuit dans un sanatorium désaffecté. Ils vont relever le challenge, mais, une fois sur place, ils vont se rendre compte qu'ils ne sont pas seuls dans cet immense endroit abandonné... Et très vite comprendre qu'ils n'auraient jamais dû accepter cette proposition.

Mon avis

« Dura lex, sed lex », la loi est dure mais c’est la loi. En s’inspirant de ce proverbe latin pour le titre de son ouvrage, Christian Guillerme nous rappelle que nul n’est censé ignorer la loi. Qu’elle nous plaise ou non, nous ne devons de la suivre mais ce n’est pas toujours le cas surtout lorsque ce sont des « lois sauvages » dictés par des hommes qui n’ont pas le droit d’en écrire.

Chacun ses addictions, ses loisirs, ses plaisirs. Pour certains, c’est le virtuel, les jeux vidéos. Celui des quatre amis dont nous allons faire connaissance, c’est sur le terrain, grandeur nature, l’urbex. Comprenez par là, les explorations urbaines sur des spots, c’est-à-dire des lieux abandonnés qu’ils explorent. Urbex est un raccourci pour les mots anglais urban exploration, qui signifie visiter des coins laissés vides pour raisons financières. Dans ce livre, deux jeunes couples, Carine et Fabrice, Théo et Chloé se consacrent à cette activité sur leurs temps libres. Ils ont même créé un site sur lequel ils déposent des photos de leurs balades, ils en vendent de temps en temps. Leurs sorties sont le plus souvent prudentes, mais l’adrénaline est toujours au rendez-vous lorsqu’il y a une part d’interdit, de mystère et de découverte. De plus, les expéditions se font de nuit et cela rajoute une atmosphère particulière.

Un jour, un mail apparaît sur leur blog. Une proposition pour le moins surprenante, taguer une inscription sur un mur dans un lieu à découvrir en urbex et recevoir en échange de l’argent, une petite somme qui fait rêver. Bien entendu, il y aura comme un jeu de piste et des devinettes sur place afin de découvrir le terme à inscrire. Se laisser tenter ou ne pas donner suite ? Les quatre amis hésitent, pèsent le pour et le contre, se demandant si une anarque ne se cache pas derrière ce contact. Finalement, après quelques vérifications, ils se décident et acceptent le rendez-vous en se disant qu’en approchant la trentaine, ils profiteront de cette occasion pour ensuite calmer le jeu et prendre un peu de recul.

Quelques jours plus tard, les voici en place, prêts à explorer, deviner, résoudre et gagner. Un escape game géant avec un gain conséquent à la clé. Tenues pratiques, lampes, trousse de secours, ils sont prêts. Et le lecteur aussi ! Mais très vite, les comparses sentent quelques bizarreries, une angoisse diffuse, une impression de crainte, voire le sentiment de se faire manipuler. De page en page, la tension va crescendo. On a peur pour eux, peur que la situation leur échappe, peur que ça tourne mal. N’ont-ils pas été trop naïfs ? Ils sont tellement sympathiques tous les quatre, on ne veut pas qu’il leur arrive quelque chose.

C’est le cœur battant, les mains moites et un nœud au creux du ventre que j’ai accompagné ces petits jeunes dans leur aventure. Ils sont pratiquement les seuls à être dotés de prénom, ce qui les rend attachants à l’extrême, en plus l’amour et l’amitié qu’ils se portent, l’attention permanente qu’ils ont pour les uns et les autres fait plaisir à voir et à lire. Il n’y a pas un seul temps mort, les rebondissements sont bien pensés, le rythme ne faiblit pas et on se demande sans arrêt comment les événements vont évoluer. L’écriture de l’auteur est prenante, pétillante, vivante. Il sait parfaitement retranscrire une ambiance, les ressentis qui animent les uns et les autres. Tout est palpable et de ce fait, on s’y croirait. De plus, comme c’est très visuel, les scènes se déroulent sous nos yeux comme dans un film, on visualise nettement les bâtiments.

J’ai été conquise par ce recueil, le texte est vraiment abouti. Christian Guillerme aborde des thématiques fortes outre les sentiments amicaux et amoureux. Jusqu’où aller pour de l’argent ? Où s’arrête et commence le jeu grandeur nature ? Qu’en est-il des dérives, des « arrangements » avec la loi ? Quelles traces le passé peut-il laisser sur les hommes ? Un récit dans un contexte original, bien pensé et une belle réussite !
Urbex Sed Lex est un roman palpitant, haletant, qu’il est impossible d’abandonner une fois commencé.


"Cry Father" de Benjamin Whitmer (Cry Father)


Cry Father (Cry Father)
Auteur : Benjamin Whitmer
Traduit de l'américain par Jacques Mailhos
Éditions : Gallmeister (26 Mars 2015)
ISBN : 978-2-35178-089-3
320 pages

Quatrième de couverture

Depuis qu’il a perdu son fils, Patterson Wells parcourt les zones sinistrées de l’Amérique pour en déblayer les décombres. Le reste du temps, il se réfugie dans sa cabane perdue près de Denver. Là, il boit et tente d’oublier le poids des souvenirs ou la bagarre de la veille dans un bar. Mais ses rêves de sérénité vont se volatiliser lorsqu’il fera la rencontre du fils de son meilleur ami, Junior, un dealer avec un penchant certain pour la bagarre. Les deux hommes vont se prendre d’amitié l’un pour l’autre et être peu à peu entraînés dans une spirale de violence.

Mon avis

Rien ne s'arrête, jamais ….

Face à la mort d'un enfant, le couple se resserre sur lui-même, s'épaule, dialogue ou parfois éclate.
Chacun sa façon d’appréhender le deuil.
« Elle aime envisager le deuil comme un voyage, ta mère. »
Voilà ce qu'écrit Patterson Wells dans le journal qu'il tient et où il parle à son fils décédé.
Pour lui, c'est différent :
« C'est comme si on m'avait enlevé une pièce et que je continuais à marcher sans but en attendant juste de m'effondrer sur moi-même. »
Il écrit à son fils, comme si c'était le seul moyen de le faire encore vivre, de peur de l'oublier ?
Il le dit lui-même, écrire c'est un peu comme lorsqu'il lui racontait des histoires, un moyen de tisser un lien. 
« Si je ne te racontais pas ces histoires, je n'aurais rien. Si je m'arrête, tu t'en vas. »
Dans ces pages très intimes de ce journal qui n'en est pas un, mais plutôt une lettre ouverte à l'enfant qui a été, qui aurait pu être s'il avait eu le temps de grandir, ce père crie sa douleur. Sa peur du silence, le vide l’absence, son angoisse de « perdre » l'image du visage aimé et la vie et le temps qui continuent de s'écouler malgré tout.... Et en criant sa douleur, il crie aussi son amour....

Parallèlement à ces écrits où le père s'exprime, il y a le récit des événements présents. « La fuite en avant » de cet homme écorché vif, qui ne peut pas pardonner, qui s'abrutit dans le travail, l'alcool, qui s'installe loin de la ville, qui se retire avec son chien comme si la vue des êtres humains lui était insupportable, qui se nourrit de sa souffrance. Il n' a plus rien, ni personne, à quoi, à qui  s'accrocher, il n'accepte les mains tendues de personne, il se fuit, de peur de se retrouver face à lui-même....
Et puis, un jour, une rencontre, avec quelqu'un de perdu, comme lui, mais pas pour les mêmes raisons... Et la spirale qui s'installe, celle dont ils se servent, ces deux paumés de la vie, pour avancer, être dans le temps présent, faire mal ou se faire mal physiquement pour oublier ou atténuer la douleur morale...
On ne guérit pas de l'absence, on ne l'apprivoise pas non plus, on fait avec parce qu'on n'a pas le choix et que c'est ainsi et qu'il faut bien continuer la route... 

Ce roman est écrit de main de maître, sans concession aucune. Les situations sont brutes, les mots frappent, cinglent, touchent au plus profond, l'horreur monte... Et pourtant, l'humanité est là, entre les lignes, présente dans les personnages qui essaient d'aider ces hommes, qui les abordent pour les apprivoiser, pas à pas, car ils ne se laissent pas approcher tant ils sont « brisés ».... Il y a également de temps à autre, comme une mini éclaircie dans tout ce noir, comme une lueur... Oh, pas une lueur d'espoir, non, pas ça, ce n'est pas possible, plutôt comme une accalmie, une pause au milieu de toutes ces choses sombres, tristes ... mais elles ne suffisent pas pour reprendre son souffle....

C'est un roman qui secoue, qui remue le cœur mais également les tripes... La violence est très forte, le pardon paraît impossible, la rédemption inaccessible....  Et pourtant on s'attache aux protagonistes, on espère en eux, pour eux....

Lorsque j'ai lu le premier chapitre, j'ai pris la violence et la grossièreté en pleine face et j'ai pensé que ce roman et moi n'allions pas faire bon ménage. C'était sans compter sur Patterson, un père qui écrit, qui se met à nu, qui se punit sans doute parce qu'il imagine qu'il aurait pu, dû, faire d'autres choix et changer le cours des choses même s'il sait bien que …. :
Rien n'est jamais acquis à l'homme
Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur
Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix (Louis Aragon)

"Les voleurs de sexe" de Janis Otsiemi


Les voleurs de sexe
Auteur : Janis Otsiemi
Éditions : Jigal (15 Septembre 2015)
ISBN 979-10-92016-48-2
200 pages

Quatrième de couverture

À Libreville, une folle rumeur envahit la ville et crée la psychose… Dans la rue, tout le monde marche les mains dans les poches en évitant soigneusement d’approcher des inconnus… Il semblerait en effet que d’une simple poignée de main, de louches individus détroussent les passants de leurs « bijoux de famille » ! On les appelle les voleurs de sexe… C’est dans cette atmosphère électrique que, parallèlement, les gendarmes de la Direction générale des recherches mènent leur enquête sur un trafic de photos compromettantes touchant le président de la République… De son côté, la police recherche activement les auteurs du braquage qui a mal tourné d’un homme d’affaires chinois, laissant trois morts sur le carreau… À Libreville, la vie n’est pas tous les jours un long fleuve tranquille…

Mon avis

Une fiction ? Oui…mais….

Vous voyez la couverture ? Le fond qui ressemble à un feu d’artifice avec au centre une zone plus sombre ?
Et bien, c’est l’écriture et le style de Janis Otsiemi.

Les mots pétillent  comme autant de petites touches de couleur mais malgré tout, il ya une émergence sombre.  Pour faire vivre les mots, l’auteur manie la langue avec un doigté qui lui est propre. « L’homme écrit comme il est. » . Et moi, j’aime imaginer Janis Otsiemi, habillé de façon assez neutre avec une touche de fantaisie qui relève l’ensemble. Ses livres sont des « polars ovnis » et l’on doit cette découverte aux éditions Jigal. Où les responsables vont-ils  les chercher ? Comment les rencontrent-ils ces écrivains qui sortent du lot et qui aiment à jouer avec les mots, les émotions et les situations, ces hommes qui aiment à surprendre le lecteur?

Libreville, le Gabon, il connaît Janis alors forcément, il sait de quoi il parle. La vie n’est y pas simple, les jeunes claquent très vite ce qu’ils gagnent de manière licite ou pas. Les policiers ne sont pas toujours nets et apprécient quelques petites magouilles pour arrondir les fins de mois. Et les hommes se doivent d’être virils …. sauf que, parfois une mauvaise rencontre et s’impose la chanson du grand Dick: « Il avait un tout petit z…. »mais on est en Afrique et là-bas, encore moins qu’ailleurs,  il ne faut pas perdre la face (enfin ce qui se trouve plus bas ;-)
Alors la police est en alerte pour comprendre comment fonctionnent les voleurs de sexe. Sauf qu’ils n’ont pas que ça à gérer et puis ce ne sont pas tous des « foudres de guerre »…

Un accident de voiture a fait un mort. Jusque là, c’est triste mais que peut-on y faire ? Trois potes traînaient par là, plutôt désœuvrés alors ils ont regardé dans l’automobile et là, surprise un max de fric dans une mallette et des photos qui pourraient rapporter gros…pas tous d’accord sur le comment faire et avec qui négocier mais l’appât du gain l’emporte et « qui ne tente rien n’a rien » alors ils essaient d’en obtenir un maximum….  Dans un autre coin de la ville, trois autres « amis » préparent un braquage qui semble facile à gérer…

Ça se sont les faits…. Au-delà des actes , de ce qui se déroule là bas, il y a toute la richesse de l’écriture de Janis Otsiemi avec ses « gabonismes »  (ah bon, ce mot n’existe pas ?)
« Comme quoi, quand les éléphants maigrissent, les gazelles meurent ».
puis de l’atmosphère qu’il décrit, fait vivre comme une immense scène de vie sous nos yeux.
« Une heure plus tôt, le ciel avait vomi un torrent d’eau sur le quartier. Il se dégageait une odeur pestilentielle qui camembérait comme un œuf pourri. »

Sur fond d’ambiance franc maçonnique avec le lot de secrets que ça suggère, les trois enquêtes se mêlent, s’entremêlent et nous pénétrons au cœur d’une ville, d’une population, qui, de temps à autre, exprime sa souffrance, même à mots couverts. Les jeunes qui ne savent pas quoi faire, qui tournent, boivent et jouent aux cartes en refaisant le monde. Ceux qui attendent, en vain, l’étincelle… Ceux qui ont déjà choisi la mauvaise solution.

Janis Otsiemi  a fait sa place dans le monde des auteurs de romans policiers. Il ne doit rien à personne et aucune comparaison ne peut lui être attribuée. Il assume sa verve colorée, « fleurie », son phrasé qui détonne et surprend. Il apporte au lecteur un souffle d’originalité loin des clichés africains qui sont parfois légion. Il nous offre un autre regard, cru, réaliste mais « aimant » sur son pays.

"Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre


Au revoir là-haut
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditions : Albin Michel (21 Août 2013)
ISBN : 978-2226249678
580 pages

Quatrième de couverture

Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts...


Mon avis

Il est des livres comme ça, qui ne vous font pas envie et vous ne savez pas expliquer pourquoi. « Au revoir là-haut » est de ceux-ci. Pas le goût de le lire, peut-être parce qu’il allait parler de guerre, peut-être parce qu’un auteur de polars qui fait autre chose… est-ce que ça peut être pas mal, voire bon ? Ou alors, parce qu’un prix Goncourt, bof….

Bref, finalement, suite à de nombreuses insistances, je me suis lancée et une fois commencé, je ne l’ai plus lâché…Pardon Monsieur Lemaître…. pour mes a priori sans fondements…

Ce livre est superbe ! Sa galerie de personnages, les relations qu’ils établissent, les faits en toile de fond, tout est imbriqué à la perfection. L’écritures est intelligente, pointilleuse, équilibrée entre les descriptions de l’atmosphère, les dialogues, et les réflexions de chacun amenées avec doigté. Le style est limpide mais ne reste pas basique pour autant…. Les chapitres sont bien agencés et le sujet est intéressant. Derrière l’histoire de ces hommes, c’est celle de tous ceux qui ont vécu la guerre qui est évoquée.  Quelle place la société pouvait-elle leur offrir à leur retour ? Comment, eux, pouvaient-ils vivre avec leur traumatisme ? D’autres thèmes, tout aussi importants sont évoqués : la rédemption, le respect des choix sexuels dans la famille, la tromperie, la médisance et bien d’autres encore…

J’ai beaucoup apprécié cette lecture et si d’autres, comme moi, hésitent, je leur conseille de foncer chez le libraire ou à la bibliothèque…

"La position des tireurs couchés" de Nils Barrellon


La position des tireurs couchés
Auteur : Nils Barrellon
Éditions : Fleur Sauvage (19Mai 2016)
ISBN : 9791094428252
210 pages

Quatrième de couverture

S'appeler Zlatan, attendre et viser juste
Tirer pour tuer
Rentrer chez soi
Mais surtout...
Faire gaffe sur la route !
Avec son écriture privilégiant l'efficacité, La position des tireurs couchés rend hommage à Jean-Patrick Manchette tout en nous offrant un thriller documenté, au rythme soutenu et au suspense haletant.

Mon avis

Précision…

Il  est sniper. Lorsqu’il a son arme en mains, il ne peut rien laisser au hasard. Il se doit d’anticiper, intelligemment, de tout prévoir, aucune erreur ne peut être tolérée. La tension, lorsqu’il est au travail, est extrême et le moindre relâchement peut être fatal.
Le soir, il retrouve Véronica, son aimée, et il essaie de calmer l’agitation intérieure de ses journées,  de profiter de chaque instant.

Parfois, son passé, terrible, là-bas, plus loin, à l’Est, resurgit et avec lui, la douleur, le doute…
Qui était-il, qu’a-t-il vécu, subi ? Quels choix a-t-il été obligé de faire, quand, dans quelles circonstances ? C’est petit à petit, par bribes, que son histoire va nous être révélée. De terribles événements se produisent dans son quotidien. Ils sont forcément liés à lui mais de quelle manière ?

C’est une histoire atypique, émouvante malgré la présence des fusils d’assaut. Beaucoup de choses apparaissent en filigrane, l’amitié et les divergences qu’elle peut provoquer, la part d’ombre de chacun, la place de ce qu’on a vécu et son influence dans le présent. On ne ressort jamais indemne des décisions douloureuses que l’on doit prendre. En quoi, ce qu’on a été, conditionne-t-il ce qu’on fait, ce qu’on aimerait être et ce qu’on est réellement ? Se connaît-on soi-même ? Zlatan (qu’il est difficile à porter ce prénom….) est un homme intègre, pugnace, il a le besoin profond de comprendre ce qui se passe. Il analyse, dissèque, émet des hypothèses en pensées mais parle peu. On a le sentiment que, pour lui,  la parole est superflue et qu’elle peut entraîner plus de mal que de bien….

C’est un excellent  roman, tout en retenue. L’auteur en filigrane, suggère beaucoup d’émotions et ce sera à chacun de se laisser ou pas gagner par elles. Pour ma part, j’ai laissé monter en moi la tendresse, la révolte et tout ce qui fait qu’une fiction devient pour le lecteur, l’espace de quelques heures, une tranche de vie qui peut vous laisser pantelante dans votre canapé….

"La nuit d’avant" de Wendy Walker (The Night Before)


La nuit d’avant (The Night Before)
Auteur : Wendy Walker
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Lalechère
Éditions : Sonatine (18 Juin 2020)
ISBN : 978-2355847820
370 pages

Quatrième de couverture

Après une rupture difficile, Laura décide de tourner la page en se créant un profil sur un site de rencontres. Un premier rendez-vous est pris. L'homme s'appelle Jonathan Fields, il a 40 ans, il vient de divorcer. Pour le rencontrer, Laura part avec le mini van de sa sœur, Rosie, et l'une de ses robes. Elle sera, promet-elle, de retour le soir même. Le lendemain matin, elle n'est toujours pas rentrée. Que s'est-il passé cette nuit-là ?

Mon avis

Rosie et Laura sont sœurs. La première est en couple avec Joe (un de leurs amis de jeunesse) et ils ont eu un petit Mason. La seconde n’arrive pas à se stabiliser dans sa vie amoureuse et après une rupture douloureuse, alors qu’elle pensait avoir trouvé l’homme de sa vie, elle vient s’installer chez sa frangine. Elle a l’intention de se reconstruire, de se poser, de prendre du temps pour elle. Elle décide de s’inscrire sur un site de rencontres. Un soir, elle a un rendez-vous. Rosie la briefe : petite robe, chaussures à talons, maquillage, sac à mains adapté. Elle lui prête sa voiture et lui demande si elle va rentrer. Laura l’affirme, elle sera de retour avant l’aube car elle n’a pas l’intention de se mettre au lit le premier soir ! Elle part, consciente de « jouer un rôle » car cette tenue ne correspond pas tout à fait à ses habitudes mais on pourrait dire : qui veut la fin, s’en donne les moyens…. Elle souhaite oublier sa récente déception, rebondir et avancer….. Sauf que le lendemain matin, elle n’est pas dans sa chambre, qu’elle n’est pas joignable au téléphone et que l’inquiétude s’installe, surtout lorsque la voiture est retrouvée vide. Rosie va donc essayer de comprendre les événements, aidée par son mari, et un ami, Gabe, qui faisait partie de leur bande et avec qui ils sont toujours en contact.

Ce roman alterne les points de vue, avec en début de chapitres des indices temporels permettant de se situer. Il y aura les rendez-vous de Laura avec son psychiatre (plusieurs mois en arrière), la nuit d’avant (le fameux soir), et maintenant. Lorsque Laura s’exprime, elle dit « je » dans les passages qui la concernent ; pour Rosie, c’est à la troisième personne. Cela permet de mieux pénétrer dans l’aspect psychologique du personnage de Laura. On sent qu’elle a été choquée pendant sa jeunesse et son adolescence et que les faits qu’elle a vécus l’ont marquée au plus profond. On découvre petit à petit ce qu’il en est et le pourquoi de son caractère, de sa façon d’être. Wendy Walker exploite, une fois encore avec brio, le thème de la mémoire, des souvenirs et des traumatismes.  

Il y a peu de protagonistes dans ce récit. Rosie, son mari et leur ami essaient de persuader la police qu’il y a quelque chose de louche, bien que Laura soit majeure et libre de ses mouvements. Le lecteur, quant à lui en est persuadé. L’auteur est habile et multiplie les pistes, les hypothèses, déstabilisant les convictions. L’atmosphère angoissante monte en puissance au fil des pages. C’est crispant et très bien retranscrit, ça noue le ventre et la pression augmente.

L’écriture et le style de Wendy Walker sont très addictifs. Elle sait mêler l’intrigue du présent avec le passé. Rien n’est anodin, on va découvrir au fil des pages des secrets de famille, des non-dits qui peuvent provoquer des dommages sur la relation sororale. Elle sait nous manipuler, nous glissant quelques fois de vrais indices au milieu d’informations plus ou moins sûres. Le côté psychologique des différents individus est intéressant. J’ai trouvé que Laura était parfois bien naïve et j’avais envie de la secouer mais en même temps, je comprenais qu’elle soit fragilisée, ébranlée. Rosie, bien que très secouée par ce qu’elle apprend, reste battante et donne le maximum. L’intrigue est bien menée et va crescendo, s’accélérant sur la fin. A ce moment-là, il est impossible de lâcher le recueil ! En ce qui me concerne, si la fin m’a captivée, le reste du livre également. Je l’ai lu d’une traite et je l’ai beaucoup apprécié.

"La fille aux papillons" de Rene Denfeld (The Butterfly Girl)


La fille aux papillons (The Butterfly Girl)
Auteur : Rene Denfeld
Traduit de l’anglais (Etats-unis) par Pierre Bondil
Éditions : Payot & Rivages (27 Mai 2020)
ISBN : 978-2743650193
290 pages

Quatrième de couverture

En enquêtant sur la disparition de sa sœur, Naomi, « la femme qui retrouvait les enfants », croise le chemin d’une fille des rues de Portland nommée Celia. Naomi tente de faire reconnaître le viol dont a été victime Celia et remonte la trace d'une série de meurtres de jeunes filles.

Mon avis

« Même pour le simple envol d'un papillon tout le ciel est nécessaire. » *

C’est avec infiniment de douceur et de délicatesse que Rene Denfeld a repris par la main son personnage récurrent, Naomi. Elle l’accompagne avec tendresse sur le chemin de la rédemption, elle l’aide à panser ses blessures, à apprendre à aimer et à faire confiance, à accepter celle qu’elle est, ici et maintenant, avec sa part d’ombre et les pans manquants de son passé.

Dans ce nouveau roman, Naomi, dont j’ai fait connaissance dans « Trouver l’enfant » est toujours en recherche de sa sœur dont elle a été séparée très jeune. Ses investigations l’amènent dans une ville, à Portland dans l’Orégon, où pas mal d’enfants traînent dans un quartier de laissés pour compte. De plus des disparitions bizarres ont lieu (et ont eu lieu)…. Naomi va enquêter auprès de ces gosses des rues et des autorités et habitants de la ville. Parmi les jeunes, Celia, Rich et La Défonce l’intéressent un peu plus. Est-ce parce que Celia lui fait penser à la petite fille qu’elle a été ? Naomi essaie d’établir des liens avec eux mais ce n’est pas facile. Ils sont tous les trois sur la défensive, ils ont peur et les moments de relâche sont rares.

Tour à tour, les chapitres alternent entre ce que vivent les gamins dans ce coin mal fréquenté, mal famé où il faut parfois se prostituer pour gagner quelques sous afin de manger, et, en parallèle Naomi dans son quotidien, son désir profond et intact de retrouver sa frangine, qu’elle imagine vivante. Elle s’accroche à cette idée car cela lui permet d’exister, d’avoir une raison de vivre…. Son mari la soutient et l’aide.

Comme pour le premier titre de cet auteur, j’ai pénétré dans son univers avec délectation. Son écriture est sublime, belle. Jamais elle n’en rajoute dans ce qui est horrible et douloureux. Elle parle de la mort et de la terreur avec de la pudeur, à mots choisis. Elle sait créer une ambiance, une atmosphère féerique. Il y a constamment une part de rêves. Cette fois-ci, c’est Celia avec les papillons. Je crois que pour l’auteur, ceux et celles qui sont abandonnés se réfugient dans un monde qui les aide à tenir, à faire face (comme les livres qui ont aidée Rene Denfeld, elle l’explique dans la postface), à être plus fort alors qu’ils vivent l’inexprimable.
« [….] ils avaient appris à s’évader dans des mondes inventés. »

J’ai eu encore un immense plaisir à retrouver le style et le phrasé de l’auteur (bravo au traducteur et merci !). Elle me bouleverse à chaque fois et fait mouche. La relation de Celia avec les papillons (qu’elle imagine, dessine, rêve) est originale, nouvelle mais surtout porteuse de sens. Elle s’en sert pour se protéger des agressions de l’extérieur, pour « ne pas les vivre » « en vrai » et pour apporter fantaisie et couleurs dans la noirceur de ses journées. Ils boivent ses larmes. Ils la sécurisent, la protègent…. Ils contiennent la beauté du monde et lui rappellent, sans doute, qu’elle est en droit d’espérer des jours meilleurs.
« Oh, les papillons. Ils adoucissent les arêtes de cet univers brutal. »

Ce que je trouve fabuleux chez cet écrivain, c’est la puissance de ses histoires, elles ne laissent pas indifférent, elles vous obligent à regarder la réalité en face (ici, le sort des enfants des rues aux Etats-Unis) et au-delà de ça, elle vous incite à penser que rien n’est jamais perdu. Je ne connais pas son passé, je sais qu’elle est journaliste, enquêtrice mais la postface laisse à penser qu’elle aussi, comme ses protagonistes, porte une blessure, une faille et qu’elle a choisi d’en faire sa force au lieu de la considérer comme une faiblesse. J’espère vivement qu’elle continue d’écrire et de publier !

*Paul Claudel

"Providence" de Valérie Tong Cuong

Providence
Auteur : Valérie Tong Cuong
Éditions : Stock (2 Avril 2013)
ISBN : 9782234061088
230 pages


Quatrième de couverture

Quatre personnages en mal d'amour. Un chien, un macaron à la violette, un suicide raté, l'explosion d'un immeuble vont modifier le destin de ces protagonistes et les réunir dans un hôpital. Telle la chute des dominos, la providence, bousculant leur vie, s'amuse à redistribuer le jeu.

Mon avis

Pour certains, il s’agit de destin, pour d’autres de hasard, pour d’autres encore de « la main de Dieu », ici, il sera question de Providence ….

Plusieurs personnages, qui n’ont aucun lien entre eux, se racontent. Puis grâce ou à cause d’événements extérieurs, indépendants de leur volonté, le cours de leur vie va changer.
Tout était prévu, tracé, pesé, analysé, ils pensaient faire comme ci ou comme ça et …. La vie en a décidé autrement ….

Qui est-elle cette vie pour interférer sur ce que nous avons prévu ?
Jusqu’où maîtrise-t-on sa route ?

Des questions importantes sont abordées : la vie, la mort, la succession, le racisme, la violence mais tout cela est survolé et c’est un peu dommage à mon sens.
Sans doute, l’auteur a-t-elle volontairement choisi de s’exprimer ainsi pour écrire un livre léger et abordable.

C’est d’ailleurs à l’aide d’une écriture fluide, de protagonistes sympathiques, de situations bien déterminées que Valérie Tong Cuong nous entraîne à sa suite pour découvrir des héros ordinaires, des gens de tous les jours qui ne vivront pas ce qu’ils avaient prévu, amenant quelquefois le sourire sur nos lèvres.

C’est bien pensé, bien écrit, c’est un assez bon moment de lecture mais rien ne m’a vraiment « accrochée, emballée », rien ne m’a fait « vibrer » et je suis restée sur ma faim….

"L'almanach Vermouth" de Pierre Tisserand



L’almanach Vermouth
Auteur : Pierre Tisserand
Éditions : LBS Sélection (17 Mars 2020)
ISBN : 978-2-490742-12-7
270 pages

Quatrième de couverture

Jeannot, auteur en manque d'inspiration, voue son quotidien à l'écriture d'une oeuvre révolutionnaire qui renverra à l'école primaire les meilleurs écrivains du monde. Quand son meilleur ami, qu'une bande de tueurs prennent pour le sacrilège auteur de L'Evangile selon McKeu, l'entraîne dans ses tribulations, il est, lui-même, confronté à ce qu'il dénonce.

Mon avis

Lorsque j’étais une petite fille, mon grand-père achetait « L’almanach Vermot ». Un recueil où chaque jour, il y avait des conseils, des citations, des dessins, le nom du Saint du jour, des infos d’ici et d’ailleurs, des anecdotes, des jeux…. Forcément, le rouge de la couverture et le tire du roman de Pierre Tisserand m’ont fait penser à cette lecture d’antan….mais j’ai lu plus d’une page par jour !

Outre les titres qui se ressemblent, d’autres points communs apparaissent entre les deux ouvrages. Une forme d’humour potache, des calembours, des moqueries sur les uns et les autres et une certaine autodérision que ne renierait pas les humoristes de nos contrées.

Jeannot est un auteur face au cruel dilemme de la page blanche. Il a de bons copains avec qui il discute de tout et de rien mais souvent de femmes, et comme seuls, les hommes savent le faire, en parlant brut de décoffrage, franchement. Il aime les mots pour leur saveur, leur souplesse. Il aime les tordre, les sortir de leur contexte, les glisser dans des expressions détournées ou remaniées afin de faire rire le lecteur. Il essaie d’aider un ami qui se retrouve dans une situation délicate et va lui-même se retrouver embarqué dans une histoire rocambolesque. Ce n’est pas, bien entendu, l’intrigue légère qui fait la force de ce livre. Mais bel et bien l’écriture et le style de l’auteur. Il ose être décalé, parfois un tantinet irrévérencieux. Quelques fois, il est presque nécessaire de lire à haute voix pour donner toute sa saveur au phrasé et profiter de la cadence, de la musique des vocables. Il arrive même que le lecteur soit pris à parti, interpellé. Les personnages sont affublés de surnoms en lien avec ce qu’ils sont et ils forment une galerie haute en couleurs.


Ça part dans tous les sens, ça pétille comme un feu d’artifice, ça fait des étincelles, ça détonne, ça surprend, ça amuse, c’est déjanté et …. On se dit qu’est-ce que ça fait du bien de sortir des sentiers battus, de se laisser bousculer !

"Mexico bronco" de Patrick Amand


Mexico bronco
Auteur : Patrick Amand
Éditions : du Caïman (9 Juin 2020)
ISBN : 978-2919066834
172 pages

Quatrième de couverture

En acceptant de partir à la recherche du fils d'un patron du CAC 40 évaporé dans la nature mexicaine, Eneko Aggiremutxeggi - avocat radié du barreau reconverti dans les enquête et filatures douteuses - ne s'attendait pas à un tel périple. En ce mois de février 2001, au beau milieu de la caravane de l'EZLN, l'Armée zapatistes de libération nationale, l'enquêteur basque aux méthodes peu orthodoxes, se retrouve embarqué dans un road-movie zapatiste improbable...

Mon avis

Voilà un petit polar qui décoiffe !

Eneko Aggiremutxeggi, il a un nom imprononçable mais c’est normal, il est basque ! Après quelques soucis avec le barreau, Eneko (oui, je vais me contenter de son prénom) a pris les chemins de traverse : il est devenu détective. Pas vraiment dans les clous, ses méthodes sont ce qu’elles sont…. Un gros magnat du haricot le contacte et lui confie une mission au Mexique, tous frais payés. Ce qu’il doit faire ? Trouver le fils de la famille qui est parti étudier à Mexico et qui ne donne plus de nouvelles. Eneko se rend donc là-bas pour mener l’enquête.

Ce pourrait être simple mais le contexte est difficile. Le récit se déroule en 2001. A cette époque, le mouvement zapatiste est en pleine activité. Je ne vais pas refaire l’histoire, mais il est malgré tout important d’avoir une idée du contexte. Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos », est un militant altermondialiste mexicain qui a été le porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). A la fin des années 80, il a pris fait et cause pour les Indiens du Chiapas. Beaucoup d’autres, comme eux, n’avaient plus droit à la parole. Marcos a su les rassembler pour l’EZLN. Début 2001, Marcos et les Zapatistes ont décidé d’une longue marche de trois mille kilomètres en direction de Mexico pour rencontre le président de la république et reprendre les négociations sur les droits des indiens interrompues en 1996. La marche devait être pacifique mais ce n’est jamais aussi simple que ça. De nombreuses personnes, les mouvements de foule, les éléments perturbateurs qui se glissent ça et là et vous voyez l’ambiance. En plus, lorsqu’on s’oppose au pouvoir politique en place, on a tout de révolutionnaires et on est considéré comme tels.

C’est dans cette atmosphère un tantinet électrique, dans un pays où la pauvreté transpire, qu’Eneko va se faufiler, se glisser et essayer de se renseigner incognito. C’est sans compter son côté imprévisible, rebelle et spontané. Il a le langage fleuri, brut de décoffrage et les attitudes qui vont avec. Alors forcément, il va se retrouver à faire des rencontres improbables, certaines plutôt bénéfiques, d’autres plutôt dangereuses. Il sera obligé de jongler entre tout ça, de se cacher, d’observer, de découvrir quand même ce qu’il est advenu du jeune étudiant qu’il recherche. Le contexte est bien choisi, riche, décrit avec précision. A l’étranger, il faut se plier aux codes de vie du pays, pour ne pas avoir d’ennuis et Eneko s’en rend compte rapidement. Même s’il n’en a pas envie, il doit se plier à certaines exigences….

Le rythme est vif, rapide. L’écriture endiablée, teintée d’ironie et d’humour, aborde pourtant de vrais problèmes. C’est probablement dans ce phrasé que réside la force de l’auteur. L’air de rien, il touche à des sujets graves, démontre que les hommes peuvent sembler « légers », voire « détachés » et être de vrais gentlemen (n’est-ce pas Eneko page 155 ?). J’ai aimé cet équilibre entre le fait de toucher du doigts de vrais problèmes de société et l’homme qui les regarde sans se prendre au sérieux. Son attitude permet de dédramatiser les situations, de penser qu’il y a toujours une solution, de rester optimiste et on en a bien besoin !

J’ai été conquise par ce recueil. Il apporte une bouffée de fraîcheur, de la couleur dans le monde des romans noirs avec son petit côté décalé, ses personnages atypiques et attachants.Et toutes les allusions à Hubert-Félix Thiefaine (toute ma jeunesse) sont un plus !

NB: la photo de couverture est superbe !

"Défendre Jacob" de William Landay (Defending Jacob)


Défendre Jacob (Defending Jacob)
Auteur: William Landay
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Mothe
Éditions : Michel Lafon (11 octobre 2012)
ISBN: 978-2749917375
444 pages

Quatrième de couverture

Depuis vingt ans, Andrew Barber est procureur adjoint du comté de Massachusetts. Admiré par ses pairs pour sa combativité au tribunal, respecté de la communauté, il est aussi un père de famille heureux, veillant sur sa femme Laurie et leur fils Jacob. Quand un crime atroce secoue la quiétude de sa petite ville, c’est la foudre qui s’abat sur lui : son fils de 14 ans est accusé du meurtre d’un camarade de classe. Andrew ne peut croire à la culpabilité de Jacob et va tout mettre en œuvre pour prouver son innocence.

Mon avis

Si vous en êtes capable (moi, je n’y arrive pas…), ne lisez pas la fin de ce livre en premier….
C’est vraiment un excellent thriller psychologique et vous ne verrez pas le temps passer….donc la fin arrivera bien assez vite…

Savons-nous jusqu’où nous sommes capables d’aller par amour pour nos enfants ? Serions-à même de nier l’évidence, même placés face à des preuves indiscutables ? Serait-ce que l’amour rend aveugle et nous donne la propension de tout excuser, tout pardonner, tout comprendre ? Jusqu’où le passé conditionne-t-il le présent ? Que porte-t-on, en nous ; comme gènes « positifs ou négatifs », quelle est la part de l’hérédité, de l’éducation, de l’enfance et du milieu dans lequel on vit dans ce qu’on est, dans ce qu’on devient?
Toutes ces questions transparaissent en filigrane dans les quatre cent quarante-quatre pages de ce roman….
On sent les interrogations, la douleur, la souffrance des parents face à ce dilemme « Notre fils est-il l’assassin ou pas ? » Jusqu’où croire en lui, jusqu’où aller pour le défendre, le protéger….

L’histoire est racontée à la première personne par le père de Jacob, procureur de son état, mis en disponibilité car il ne peut suivre une affaire à laquelle un membre de sa famille est mêlé.
Il explique l’enquête, enfin ce qu’il en sait, les démarches qu’il fait de son côté, le procès de son fils. Il décortique la famille, son couple en crise face à cette situation, les réactions des voisins, collègues, amis, ceux qui restent fidèles, ceux qui vous lâchent, la difficulté à vivre normalement, ne serait-ce que pour aller faire les courses…. Tout se déroule sur plus d’une année, ce qui permet de voir l’évolution des relations entre les différents individus.
Insérée ça et là, dans une police de caractères différente, la retransmission d’extraits d’un procès: seulement les dialogues, brefs, incisifs, sans aucun commentaire…. Cela donne une construction particulière à ce roman car on suivra simultanément un passé proche et un autre un peu plus lointain….

Andy, le père, est persuadé que son fils ne peut pas être coupable, Laurie, la mère, s’interroge, elle a peur, peur d’avoir engendré un monstre ? Peur d’avoir raté quelque chose dans son éducation ? Jacob, le fils, accusé, c’est l’ado un peu je m’en foutiste, qui se dit qu’il n’est pas réellement concerné par tout ce remue ménage, il est secret, a une part d’ombre comme tous les jeunes de son âge mais quelle est t’elle ?…
Donc une famille, en apparence sans histoire, unie, qui se retrouve à gérer quelque chose de très délicat… mais ce serait sans compter sur le passé…. Le père, le grand père etc ….d’Andy n’étaient pas des hommes très fréquentables et il n’en a jamais parlé à sa femme. Grave erreur….Lorsque votre fils est mis en exergue, les médias grattent partout et ressortent ce que vous aimeriez laisser enfouis ….. Comment va réagir Laurie devant le mensonge par omission de son époux ? Comment les psychologues vont-ils explorer ce passé de mauvaise famille? Le « gène du meurtre » est-il une option familiale ? Peut-on porter en soi une certaine forme de violence ? Finalement Andy et Laurie connaissent-ils le « vrai » Jacob ? Que peuvent révéler des réflexions sur facebook, des vidéos sur un ipod face au mutisme de votre fils?

Pourquoi l’enquête ne creuse-t-elle pas la piste du délinquant sexuel qui est installé près de l’endroit où a été commis le meurtre ? Pourquoi le nouveau procureur (qui a été formé par Andy) ne suit-il pas cette piste, ne serait ce que pour l’invalider ? Quelles sont les tensions politiques sous jacentes de ce procès (car être procureur c’est aussi un « tremplin » pour aller plus loin dans certains états américains). Que va devenir ce couple qui se fissure, ne sait plus se parler face à l’inconcevable ? Comment réagir si le grand-père qu’on a souhaité oublier se rappelle à vous ? Quels choix seront faits ?

L’écriture de William Landay est précise, vive, il sait nous captiver avec peu de mots, la tension est là palpable, le suspense omniprésent pourtant pas de sang, pas de rebondissements sans arrêt, simplement cette idée fixe : Jacob est-il coupable ou pas ? Et il réussit à nous habiter de cette question pour que nous la fassions nôtre…
De plus, c’est avec une construction habile, nous évitant les longueurs habituelles des procès américains qu’il nous emporte à sa suite sur des chemins tortueux, torturés, suivant les tourments des uns et des autres, fouillant les âmes jusqu’à un dénouement final assez époustouflant….

"Juste avant le bonheur" d'Agnès Ledig


Juste avant le bonheur
Auteur : Agnès Ledig
Éditions : Albin Michel (2 Mai 2013)
ISBN : 978-2226248305
352 pages

Quatrième de couverture

Cela fait longtemps que Julie ne croit plus aux contes de fée. Caissière dans un supermarché, elle élève seule son petit Lulu, unique rayon de soleil d’une vie difficile. Pourtant, un jour particulièrement sombre, le destin va lui tendre la main. Ému par leur situation, un homme généreux les invite dans sa maison du bord de mer, en Bretagne. La chance serait-elle enfin en train de tourner pour Julie ?


Mon avis

Julie, mère célibataire, qui se bat pour son fils, n’a pas une vie facile jusqu’au jour où…

« Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont accordées à notre destinée et ont une signification qu’il appartient à chacun de découvrir » François Mauriac

Elle va donc faire une rencontre, une de celles qui change le cours d’une vie entrainant des événements collatéraux auxquels on ne pense pas au prime abord.

Dans les premières pages, on se demande si l’on ne va pas tomber sur un roman à l’eau de rose, spécial femme, et dont il ne restera pas grand-chose une fois la lecture terminée.
Ce serait dommage de s’arrêter à cette impression et de ne pas poursuivre plus avant.

L’auteur a habilement amené des sujets sérieux (que je ne citerai pas pour ne pas déflorer l’histoire), et en faisant exprimer les sentiments des protagonistes, elle a pu glisser quelques réflexions très profondes.

Son écriture peut être légère : « Vous devriez vous méfier des profils, ça vous enferme dans une vision stéréotypée des gens. Vous feriez mieux de les regarder en face. »
Grave également : « Ce n’est pas la vie qui est belle, c’est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas à atteindre un bonheur parfait…. »

Il faut reconnaître à Agnès Ledig, un ton et un style agréables, prenants, il y a une atmosphère, une ambiance, et si parfois, on est à la limite de la vraisemblance, les personnages rencontrés sonnent tellement justes que la question ne nous effleure pas.
Ils sont attachants et pas du tout aussi mièvres qu’on pourrait l’imaginer.

Il ne faut pas bouder son plaisir et de temps à autre, un nounours en chocolat contenant de la guimauve fait du bien au moral (enfin au mien ;-) ou alors un texte qui vous fait chaud au cœur (c’est meilleur pour la ligne ;-) Ce roman fait partie intégrante de ces douceurs indispensables pour croire en l’homme.

Certains passages sont émouvants et vous mettent les larmes aux yeux. Je pense que l'auteur a une sensibilité à fleur de peau qu'elle transmet dans ses textes.

Bien sûr, c’est un peu comme un conte, même si tout (et ce n’est rien de l’écrire), n’est pas merveilleux mais ça se lit avec bonheur, comme un « doudou » dont a besoin (car une fois commencé, difficile de le laisser) et on a envie d’y revenir une fois la dernière page tournée….

"La machine à rêves / Les singulières péripéties de Walter et de ses amis : 1" de Jean-Louis Lafontaine


La machine à rêves
Les singulières péripéties de Walter et de ses amis/1
Auteur : Jean-Louis Lafontaine
Éditeur : Airaim éditions (20 Décembre 2012)
ISBN : 9782954080413
190 pages

Quatrième de couverture

La Machine à Rêves offre à chacun d’entre nous la possibilité de réaliser son voeu le plus cher. Perdue depuis des siècles, elle est recréée par un inventeur et son petit fils Walter. Mais un homme d’affaires sans scrupules cherche à s’en emparer. Pour Walter, il s’agira autant de sauver la Machine que de poursuivre un idéal et protéger ceux qu’il aime. Il sera alors obligé d’approcher les grands secrets de l’univers. Qui lui réservent bien des surprises…

Quelques mots sur l'éditeur

Airaim éditions, maison d’éditions nordiste a été créée en 2011 par Richard Migraine, un jeune directeur artistique à la tête d’un studio graphique. La rencontre avec deux auteurs en recherche d’éditeur, l’une de romans historiques, l’autre de romans jeunesse, le décide à se lancer dans l’aventure. Richard Migraine réalise lui-même la mise en page des livres et les illustrations de couvertures.Soucieux de produire un travail de qualité et de donner à de jeunes (et moins jeunes) auteurs une chance d’être lus, il prévoit d’éditer une dizaine de livres par an quand il aura atteint sa vitesse de croisière.

Mon avis

Qui est-elle ? … La machine à rêves ?….

Celle que Walter, un petit garçon vif, curieux, facétieux (faire boire du café aux vaches pour obtenir du café au lait est une de ses idées…) et intelligent va essayer de construire avec son merveilleux grand-père Athanase.

En effet ce dernier pense avoir trouvé des plans de construction et le lieu où se trouve de quoi fabriquer ce fabuleux objet.
Ne comptez pas sur moi pour vous résumer l’histoire et les péripéties. Sachez seulement que les rebondissements seront nombreux maintenant le lecteur dans le désir de lire et d’en savoir plus. Au-delà de l’intrigue elle-même, Jean-Louis Lafontaine aborde avec un recul intéressant la place des rêves (au sens large) dans notre vie.

«  C’est elle qui trouve au plus profond de ton cœur et de ton âme le rêve qui te berce secrètement. »
A travers les dialogues de certains personnages, il approche avec finesse des sujets sérieux permettant ainsi de délivrer un message de respect, de sérénité.

« Mais les étoiles sont le contre-poids de notre monde et la Machine à Rêves nous relie à elles pour y puiser la force et la paix dont nous manquons tant ici-bas. Il y a dans cet infini une part de notre destin et le moyen de nous élever au-dessus de notre condition. »

C’est un roman jeunesse mais l’écriture est de qualité, les mots ne sont pas réducteurs comme si les jeunes ne pouvaient pas comprendre. On reste dans des dialogues affinés, des descriptions précises qui ont du sens. Un peu d’ésotérisme avec une vieille dame mugicienne (magicienne et musicienne), un peu de fantaisie avec un canadien au langage et à l’accent qui sentent bon son pays…. Les personnes qui liront ce roman trouveront plusieurs aspects attirants soigneusement dosés pour qu’aucun ne prenne le pas sur les autres. C’est une lecture agréable et qui n’ennuie pas l’adulte qui l’a en mains.

"Trouver l'enfant" de Rene Denfeld (The Child Finder)


Trouver l’enfant (The Child Finder)
Auteur : Rene Denfeld
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Bondil
Éditions : Payot & Rivages (27 Mai 2020)
ISBN : 978-2743650377
418 pages

Quatrième de couverture

L’héroïne de ce roman est une détective privée de l’Oregon spécialisée dans la recherche d’enfants disparus, surnommée « La femme qui retrouvait les enfants ». Elle-même rescapée d’un kidnapping, elle a développé une intuition et un instinct de survie hors-norme. On la suit dans ses recherches à travers les patelins et les forêts mystérieuses du Pacific Northwest pour retrouver une fillette disparue depuis trois ans.

Mon avis

Une écriture qui sublime le contenu

Elle s’appelle Naomi Cottle. Petite, elle a été « trouvée » et recueillie par une femme qui l’a apprivoisée, élevée, aimée, acceptée avec sa part d’ombre, ses réactions parfois surprenantes. Elle l’a aidée à devenir femme. Maintenant Naomi est une détective, elle est « la femme qui retrouve les enfants. » Elle a vécu l’abandon (que ce soit dû à un kidnapping ou autre…), la peur, le désespoir. Est-ce que cela lui a donné une force particulière pour chercher les gamins disparus lors des enquêtes qu’on lui confie ? Elle sait, elle « sent » les choses …. un peu comme si elle établissait une connexion avec celui ou celle qu’elle espère ramener à sa famille. Elle est en chasse pour les autres mais aussi pour elle-même. Peut-être a-t-elle le sentiment de vivre une partie de son histoire ?

Cette fois-ci, c’est Madison qui n’est plus avec ses parents. Trois ans déjà et pourtant ils espèrent toujours qu’ils finiront par la serrer à nouveau dans leurs bras. Naomi les prévient d’entrée. Elle ne peut pas garantir la réussite et si toutefois, leur fille rentrait, elle ne serait plus la même. Mais elle accepte la mission et part dans la forêt de Skoolum, là où ils l’ont « perdue » en voulant couper un sapin pour Noël.  C’est un lieu froid, perdu, enneigé avec des coins difficiles d’accès. La jeune femme s’installe dans un motel et au rythme de la neige qui tombe calmement, elle se déplace en voiture ou à pied, rencontre quelques habitants, commerçants, garde-forestier ou autre.

Tout cela peut paraître assez classique, une disparition, une enquête, une détective atypique …. Mais l’écriture (et une superbe traduction), le style, la construction, les personnages, l’atmosphère transcendent ce récit et le rendent inoubliable. L’ambiance est feutrée, peu bruyante. Il y a peu de protagonistes, et ils ne sont pas très clairs. On sent que certains ne disent pas tout. Naomi observe, questionne, furète, recoupe les quelques indices qu’elle a récupérés. Elle est mystérieuse, intelligente, opiniâtre, intuitive, elle ne lâche rien et fédère autour d’elle, obligeant quelques personnes à lui donner des informations.

La construction de ce recueil est une pure réussite. Je suis séduite, envoûtée. Il y a un subtil et délicat mélange entre contes, investigations, retours en arrière, profils psychologiques. L’auteur a su mettre en place un équilibre soigneusement dosé entre tous ces éléments. Son phrasé aux mots choisis sublime chaque description, chaque scène, chaque passage. Ce récit m’a immédiatement pris dans ses rets, j’ai été happée. Captivée par la façon dont Naomi mène ses recherches, par son approche des autres, par sa force silencieuse. Charmée par les mini-contes, par la poésie, parfois douloureuse, qu’ils dégagent. Aimantée par la « musique » qui se dégage des phrases et qui a résonné en moi tout au long de ma lecture. Le texte puissant, oscille entre noirceur, espoir, ode à l’amour…. Il vous parle à la tête et au cœur, il laisse une trace durable.

Je ne suis pas près d’oublier cet opus, j’ai envie de découvrir un peu plus Naomi, de savoir ce qu’elle devient, comment évolue sa situation personnelle. Je voudrais qu’elle soit en paix avec elle-même. Elle fait partie de ces héros de roman qui semblent appartenir à la vie réelle …..tellement vrais, palpables….