Défendre Jacob (Defending Jacob)
Auteur: William Landay
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Mothe
Éditions : Michel Lafon (11 octobre 2012)
ISBN: 978-2749917375
444 pages
Quatrième de couverture
Depuis vingt ans, Andrew Barber est procureur adjoint du
comté de Massachusetts. Admiré par ses pairs pour sa combativité au tribunal,
respecté de la communauté, il est aussi un père de famille heureux, veillant
sur sa femme Laurie et leur fils Jacob. Quand un crime atroce secoue la
quiétude de sa petite ville, c’est la foudre qui s’abat sur lui : son fils de
14 ans est accusé du meurtre d’un camarade de classe. Andrew ne peut croire à
la culpabilité de Jacob et va tout mettre en œuvre pour prouver son innocence.
Mon avis
Si vous en êtes capable (moi, je n’y arrive pas…), ne lisez
pas la fin de ce livre en premier….
C’est vraiment un excellent thriller psychologique et vous
ne verrez pas le temps passer….donc la fin arrivera bien assez vite…
Savons-nous jusqu’où nous sommes capables d’aller par amour
pour nos enfants ? Serions-à même de nier l’évidence, même placés face à des
preuves indiscutables ? Serait-ce que l’amour rend aveugle et nous donne la
propension de tout excuser, tout pardonner, tout comprendre ? Jusqu’où le passé
conditionne-t-il le présent ? Que porte-t-on, en nous ; comme gènes « positifs
ou négatifs », quelle est la part de l’hérédité, de l’éducation, de l’enfance
et du milieu dans lequel on vit dans ce qu’on est, dans ce qu’on devient?
Toutes ces questions transparaissent en filigrane dans les
quatre cent quarante-quatre pages de ce roman….
On sent les interrogations, la douleur, la souffrance des
parents face à ce dilemme « Notre fils est-il l’assassin ou pas ? » Jusqu’où
croire en lui, jusqu’où aller pour le défendre, le protéger….
L’histoire est racontée à la première personne par le père
de Jacob, procureur de son état, mis en disponibilité car il ne peut suivre une
affaire à laquelle un membre de sa famille est mêlé.
Il explique l’enquête, enfin ce qu’il en sait, les démarches
qu’il fait de son côté, le procès de son fils. Il décortique la famille, son
couple en crise face à cette situation, les réactions des voisins, collègues,
amis, ceux qui restent fidèles, ceux qui vous lâchent, la difficulté à vivre
normalement, ne serait-ce que pour aller faire les courses…. Tout se déroule
sur plus d’une année, ce qui permet de voir l’évolution des relations entre les
différents individus.
Insérée ça et là, dans une police de caractères différente,
la retransmission d’extraits d’un procès: seulement les dialogues, brefs,
incisifs, sans aucun commentaire…. Cela donne une construction particulière à
ce roman car on suivra simultanément un passé proche et un autre un peu plus
lointain….
Andy, le père, est persuadé que son fils ne peut pas être
coupable, Laurie, la mère, s’interroge, elle a peur, peur d’avoir engendré un
monstre ? Peur d’avoir raté quelque chose dans son éducation ? Jacob, le fils,
accusé, c’est l’ado un peu je m’en foutiste, qui se dit qu’il n’est pas
réellement concerné par tout ce remue ménage, il est secret, a une part d’ombre
comme tous les jeunes de son âge mais quelle est t’elle ?…
Donc une famille, en apparence sans histoire, unie, qui se
retrouve à gérer quelque chose de très délicat… mais ce serait sans compter sur
le passé…. Le père, le grand père etc ….d’Andy n’étaient pas des hommes très
fréquentables et il n’en a jamais parlé à sa femme. Grave erreur….Lorsque votre
fils est mis en exergue, les médias grattent partout et ressortent ce que vous
aimeriez laisser enfouis ….. Comment va réagir Laurie devant le mensonge par
omission de son époux ? Comment les psychologues vont-ils explorer ce passé de
mauvaise famille? Le « gène du meurtre » est-il une option familiale ? Peut-on
porter en soi une certaine forme de violence ? Finalement Andy et Laurie
connaissent-ils le « vrai » Jacob ? Que peuvent révéler des réflexions sur
facebook, des vidéos sur un ipod face au mutisme de votre fils?
Pourquoi l’enquête ne creuse-t-elle pas la piste du
délinquant sexuel qui est installé près de l’endroit où a été commis le meurtre
? Pourquoi le nouveau procureur (qui a été formé par Andy) ne suit-il pas cette
piste, ne serait ce que pour l’invalider ? Quelles sont les tensions politiques
sous jacentes de ce procès (car être procureur c’est aussi un « tremplin » pour
aller plus loin dans certains états américains). Que va devenir ce couple qui
se fissure, ne sait plus se parler face à l’inconcevable ? Comment réagir si le
grand-père qu’on a souhaité oublier se rappelle à vous ? Quels choix seront
faits ?
L’écriture de William Landay est précise, vive, il sait nous
captiver avec peu de mots, la tension est là palpable, le suspense omniprésent
pourtant pas de sang, pas de rebondissements sans arrêt, simplement cette idée
fixe : Jacob est-il coupable ou pas ? Et il réussit à nous habiter de cette
question pour que nous la fassions nôtre…
De plus, c’est avec une construction habile, nous évitant
les longueurs habituelles des procès américains qu’il nous emporte à sa suite
sur des chemins tortueux, torturés, suivant les tourments des uns et des
autres, fouillant les âmes jusqu’à un dénouement final assez époustouflant….
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