Une petite société
Auteur : Noëlle Renaude
Éditions : Rivages (7 Septembre 2022)
ISBN : 978-2743657192
354 pages
Quatrième de couverture
Depuis que Tom, un jeune handicapé mental vivant avec une
mère de substitution dans une étrange demeure, a tenté d’enlever la petite la
voisine prépubère, tous les regards se portent sur leur maisonnée.
Mon avis
Quand on ne sait pas, on invente, on spécule, on espionne,
on suppose … on tire des conclusions, bonnes ou mauvaises et quand un semblant
de réponse apparaît, on recommence…
Sans aucun doute, les personnages de cette histoire
atypique, n’ont pas de certitudes, peut-être même pas de convictions pour
certains … mais observer, plus ou moins adroitement, essayer de comprendre
(éventuellement en faisant « comme si », l’air de rien…) ça les
motive, ou alors ça occupe leurs longues journées … même s’ils sont au
travail !
Dans l’usine de brioches, il y a Louise. Elle travaille au
service comptabilité. Au-dessus de son bureau se trouve une fenêtre qui donne
sur la rue et en ligne de mire une maison bourgeoise avec de drôles de gens. Alors,
Louise qui subit sa vie sans la vivre vraiment, passe du temps à regarder
derrière la vitre, à commenter à son mari ou ses collègues (surtout Monsieur
Mignon, lui, il a choisi de tourner le dos à la rue alors elle l’informe-peut-être
simplement pour parler à quelqu’un) qui s’en fichent. Pourtant, il s’en passe
des choses, certainement pas nettes dans cette demeure. Drôle de ménage, un
homme, deux femmes, enceintes puis plus… Bizarre…. Mais chez les riches, rien
ne transpire, tout est tu.
« Toute famille aisée planquée derrière ses murs de
belles pierres fourmille de ces secrets et entorses à la bonne morale, la
catholique, la calviniste, la républicaine ce que tu veux, seuls les miséreux
dans leurs misérables galetas ouverts à tous les vents voient leurs misérables
secrets éventés incapables qu’ils sont, les miséreux, de les retenir, de les
neutraliser et de les empêcher de s’exporter dehors. »
En parallèle des observations de Louise, on la suit dans son
quotidien, avec son mari, Zeb, qui n’est pas hyper courageux, qui la trompe
parfois (ben Pupuce, je le ferai plus, promis), qui discute à droite à gauche
mais pas souvent avec elle. Et puis il y a ces gens qui disparaissent ou
apparaissent au gré des pages, des rencontres. Des personnages comme je les
aime, savamment « disséqués » par l’auteur dans leurs travers, leurs
faiblesses, leurs secrets, leur part d’ombre…. Ils peuplent les chapitres,
installent des liens qui s’effilochent, se consolident ou se brisent tout de
suite. On a le détail de leurs pensées les plus intimes, analysées avec
finesse.
Le phrasé et le style de Noëlle Renaude sont indéfinissables.
Il n’y a pas de dialogues en style direct. On a le sentiment d’être au cœur des
ressentis de chacun. Les phrases peuvent être très longues, acheminant
plusieurs hypothèses, plusieurs idées ou bien très courtes. Elles vivent au
rythme des raisonnements des observateurs ou du narrateur. Pas de jugements, tout
reste très factuel. Les constats peuvent être terribles, un peu amusants,
souvent surprenants, parfois déstabilisants. L’écriture est à elle-même toute
une histoire, on sent la pointe d’humour, de moquerie, de dérision, discrète et
pas forcément perceptible. C’est comme le récit, tout est entre les lignes, et
même le lecteur, ou la lectrice c’est selon, y va de ses suppositions. Non pas
que le flou soit soigneusement entretenu, non pas du tout. C’est plutôt que,
comme je l’ai écrit en introduction, quand on ne sait pas, on imagine … et de
temps à autre on tombe juste, on comprend tout…. C’est frustrant car, c’est
bien connu, celui ou celle qui lit ne peut pas intervenir pour changer le cours
des choses …
J’aime l’atmosphère qu’installe Noëlle Renaude, cette micro
société avec des gens bizarres qui me ravissent par leur côté original, leurs
idées décalées mais qu’ils expliquent avec des raisonnements qu’on peut estimer
justes (chacun ses choix, non ?).
Je me suis régalée avec ce livre qui ne ressemble à aucun
autre !
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