En remontant vers le Nord
Auteur : Lilyane Beauquel
Éditions : Gallimard (9 janvier 2014)
ISBN : 978-2070143733
240 pages
Quatrième de couverture
En remontant vers le Nord se déroule dans un pays nordique à
la fin du XIXe siècle. Le narrateur, un jeune ingénieur prénommé Sven, est
chargé de creuser un tunnel qui désenclavera les terres les plus reculées. Ce
pays, Sven croit bien le connaître pour y être né et y avoir vécu jusqu'à ses
dix-sept ans, avant de le quitter pour un long périple à travers le monde.
Après dix ans d'absence, il revient avec l'assurance d'un homme de progrès.
Alors qu'il se rêvait renouant avec la lignée de ses ancêtres, ses illusions
volent en éclats au contact d'une nature inhospitalière et d'un peuple
autarcique où règne encore la loi des clans.
. Mon avis
C’est une écriture intimiste et très lente qu’emploie
Lilyane Beauquel pour « Remonter vers le
Nord ». Il faut l’apprivoiser pour renter pleinement dans ce roman à l’ambiance
feutrée, secrète où beaucoup de choses sont consignées entre les lignes. C’est
poétique à souhait et le style désarçonnera plus d’un lecteur. Prenez le temps
de laisser les mots venir à vous avant d’essayer de cerner l’histoire.
Sven a quitté son pays, la Scandinavie, à la fin du dix-neuvième
siècle, à dix-sept ans. Une fuite pour vivre autre chose, autrement, ouvrir un
horizon qui lui semblait bouché par les torrents et les montagnes..
« Je m’étais levé haletant, me sentant en danger si je
n’allais pas à la rencontre de soleils nouveaux, d’ombres portées par des gens
d’apparences inconnues, pour rebondir de vallée en vallée, sans me soucier de
leur nom. »
Dix ans plus tard, il a fait des études et le voilà nommé
responsable d’une construction, un tunnel, sur la terre de ses ancêtres, celle
de son papa.
« Nous sommes la terre bourrée de formes en vrac, de
hanches, crânes, abcès de chair, terre brune, liquide, décantée, rien d'une
croûte, fourrée d'os, de fragments de cercueils gros comme dents de souris,
terre sous et autour de l'église aux clochers pointus et gueules de dragons et
démons. »
Il veut également profiter de sa venue pour comprendre les
agissements de son père (et surtout ses choix) puisque, lui aussi, a fui
lorsqu’il était jeune…
Ancrée dans ses croyances, comment la population va-t-elle
appréhender sa venue ? Est-il un ingénieur aux dents longues, qui sait tout sur
tout ou un enfant du pays, capable de comprendre les vibrations de la terre et
des hommes ? Sven doit aller lentement, prendre le pouls des populations, des clans
tels que les Landsen (et leur oreille bijou), les Minuscules et les Zir qui
rivalisent et s’observent.
« Personne ne l’oublie, car rien n’est plus noble que ce
courage qu’ils ont eu, que ce choix qu’ils ont fait ! »
Les hommes ont peur de temps à autre, ils se détestent
autant qu’ils s’apprécient. Le tunnel venu à eux fait partie entière de leur
vie, source de problèmes mais aussi d’améliorations et de revenus pour certains
ouvriers.
Ce n‘est pas un livre qui se dévore, rempli d’une multitude
d’actions, c’est comme un long poème qu’il faut déchiffrer. C’est parfois sec
et âpre comme cette nature sauvage qui veut rester libre, en dehors des choix
des hommes ; parfois doux comme une complicité secrète devant un échange plus
intime. Au fur et à mesure de l’avancée de la construction du tunnel, Sven
chemine vers une meilleure connaissance de ses racines, de son père, de
lui-même….
J’ai beaucoup apprécié cette lecture, bien qu’ayant eu
quelques difficultés pendant les premières pages avec le phrasé particulier de
l’auteur. Je crois que c’est un roman qui vaut le détour pour peu qu’on prenne
le temps de le laisser venir à nous…
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