Il était une fois la guerre
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (3 Novembre 2022)
ISBN : 978-2-37258-110-3
256 pages
Quatrième de couverture
Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les
convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un
pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le
rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite. C'est sa
descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter
de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ».
Mon avis
Estelle Tharreau n’en finit pas de me surprendre. A chaque
roman, elle soulève une nouvelle problématique et l’analyse avec une finesse
exceptionnelle. Dans ce récit, elle parle d’un soldat, mais pas uniquement lui,
sa femme et sa fille sont présentes également. Elle nous plonge au cœur de leur
vie, des deux côtés. L’homme rattaché à l’armée, une grande famille, et l’épouse
qui attend et vit au rythme des départs, des appels quand c’est possible puis
des retours.
Quand ils partent, avec leur barda, certains pensent au dépaysement,
au fait de vivre une aventure, de servir son pays, d’être utiles. Une fois sur
place, il faut s’habituer à la chaleur, au rythme sans pause ou presque, aux conditions
de vie très difficiles. Bien sûr, ils se serrent les coudes, s’entraident,
plaisantent même parfois pour oublier et faire comme si …. Mais rien n’est
simple….
L’auteur a vraiment réussi son récit, elle explique les
journées des soldats. Et puis, les relations de ce couple nous envahissent, tel
un tsunami. On comprend très vite que lorsque le soldat Sébastien Braqui
revient au foyer, Claire, sa compagne ne le reconnaît pas. La faute à la
guerre, aux moments très durs qu’il a vécu, la faute à sa pudeur d’homme qui ne
veut pas « déverser » et qui garde tout en lui. Alors, forcément, ça
le ronge et le fossé se creuse entre eux…. On peut mettre des mots : SPT
(stress post-traumatique) mais les fait sont là. Il se sent incompris, tout lui
semble futile et dérisoire, il a l’impression de ne plus appartenir à ce monde.
Bien sûr, il y a les psys, les aides ponctuelles, mais seuls
ceux qui ont été là-bas, comme lui, peuvent le comprendre. Il se sent seul, il
plonge, remonte, replonge. Quand il revient d’OPEX (opération extérieure), il
est présent physiquement mais pas sa tête. Son esprit, ses pensées sont encore
là-bas. Sébastien se sent coupable, parce que ceux qui restent en France n’ont
pas tous les éléments et critiquent les interventions de l’armée au Shonga, en
Afrique. Certains les détestent parce qu’ils ont dû tuer. Il voudrait
expliquer, partager mais il n’a pas les mots. En plus, quand il est de nouveau
en France, c’est pour ne plus penser aux missions, pour se ressourcer…..
Ces hommes brisés, qu’est-ce qu’ils deviennent, qui les
accompagnent ? Estelle montre bien les limites du système, ce n’est pas de
la mauvaise volonté, c’est simplement que c’est comme ça. Les têtes pensantes n’envisagent
pas tout, parent au plus pressé et font des erreurs ….
L’écriture est adaptée et affirmée. Quand l’auteur se glisse
dans la peau du reporter de guerre en disant « je », on ne sent pas
qu’une femme est derrière le clavier. Ce qu'elle a choisi de présenter est un
sujet dur, tout à fait réaliste. Elle le fait avec intelligence et brio, en
fouillant les âmes, en creusant la personnalité de ce soldat, brisé par ce
qu'il a vu, incapable de passer à autre chose. C'est très bien qu'elle parle
d'un lieu qui n'existe pas, ça évite des comparaisons et comme elle le
rappelle, il s’agit d’une fiction.
C’est une histoire bouleversante, le lecteur est tellement dedans qu’il se sent impuissant, malheureux pour les uns ou les autres, révolté aussi et il s’accroche à la moindre lueur d’espoir ….
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