La solitude des Bois Noirs
Auteur : Maria-P. Mischitelli
Éditions : du Caïman (23 Mars 2023)
ISBN : 978-2493739087
158 pages
Quatrième de couverture
Que se passe-t-il dans ce coin du Livradois-Forez pouvant
justifier une telle série d'assassinats ? Le lieutenant Louatah est dépêché de
St Etienne pour tenter de percer des secrets bien gardés... pas seulement par
la population locale. Quel est le rôle joué par Ganymède, un enfant de dix ans,
venu d’Afrique, adopté par une famille aisée ? Un enfant qui passe ses journées
en forêt à parler aux arbres, il doit en savoir, des choses...
Mon avis
On est dans le Livradois-Forez, une région avec un parc
naturel où l’on trouve de belles forêts et des petits villages. C’est
d’ailleurs dans l’un d’eux que se déroule ce récit. On fait rapidement
connaissance avec Ganymède, un gosse d’origine africaine qui a été adopté par
un couple du coin, les Chassagne. Ils sont maladroits avec cet enfant. Elle, Alice,
ne sait pas l’aimer, on se demande si elle ressent un peu d’affection pour lui,
elle lui préfère les bouteilles … Quant
au père, Marc, neurochirurgien dans la ville voisine, il est très occupé et
gère de loin…
Alors, Ganymède, au nom original, est devenu ami avec Antoine,
un homme qui est installé dans le coin. Lorsque le gamin se construit une
cabane-nid dans les branches, ils discutent et le bambin se dit que peut-être,
cet homme est plus simple et sincère que ceux qu’il côtoie habituellement. Ils
créent un lien particulier ces deux-là et ils ne se pressent pas de finir la
« construction » comme s’ils n’avaient pas envie de se séparer, de ne
plus se voir…
Comme souvent dans le monde rural, les individus sont des
taiseux. Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement, les gens se
confient peu. Ils observent, allant jusqu’à épier, les voisins. Ils font des
commentaires mais pas à tout le monde alors chacun son opinion et pas d’échanges.
Les rumeurs vont bon train. Au milieu de tout ce petit monde un lieutenant de
police débarque car des faits graves ont été perpétrés. Il se heurte à cette
espèce d’omerta, comme si le village faisait bloc, ne lâchant que des choses
insignifiantes qu’il ne peut pas vraiment exploiter pour faire avancer ses
investigations. Alors il examine, décrypte, recoupe ce qu’il entend, ce qu’il
croit comprendre, ce qu’il suppose et il essaie d’avancer.
Maria P. Mischitelli a écrit un recueil de poèmes. C’est
probablement ce qui explique son écriture délicate, aérienne, sensible, au
vocabulaire soigné, accompagné de quelques mots de gaga ou autres. Son univers
par l’intermédiaire de Ganymède est un peu décalé, lyrique, c’est plein de
tendresse. Le tout arrosé d’une pointe d’humour.
De nombreux thèmes sont abordés : l’intolérance, la
différence, les non-dits, les choix pour adopter, le quotidien à la campagne où
personne ne veut être dérangé dans ses habitudes quitte à mentir ou transformer
les situations connues, les secrets qui peuvent amener certains sur des chemins
qu’ils auraient dû éviter. On sent bien, pendant la lecture, que plusieurs
villageois ne sont pas clairs, qu’ils sont presque en train de se protéger les
uns les autres et on s’interroge sur ce qui les lie….
Il faut se laisser emporter par la vague, un peu comme sur la belle photographie de couverture pour apprécier pleinement ce récit dans son entièreté avec ses protagonistes originaux, son contexte bien représenté et analysé finement, son intrigue pas si facile qu’on l’imagine (l’auteur sait très bien lancer de fausses pistes) et ce petit Ganymède si attachant qu’on voudrait lui prendre la main et le faire rêver encore et toujours….
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