"African Tabloïd" de Janis Otsiemi


African Tabloïd
Auteur : Janis Otsiemi
Editions : Jigal (12 Septembre 2013)
ISBN : 979-1092016079
210 pages

Quatrième de couverture

Libreville. 2008. Un an avant les élections, un type est retrouvé mort sur une plage de Libreville, près du palais de la présidence de la République, une balle dans la gorge et deux doigts de la main gauche coupés.
La victime est un journaliste d'investigation connu pour ses enquêtes très sensibles sur le pouvoir dont il dénonçait la corruption et la main mise sur les affaires du pays.
Pour la corporation, la société civile et les associations de défense de la presse, il s'agit là, à l'évidence, d'un assassinat politique.
Mais à Libreville, comme partout ailleurs en Afrique, les apparences sont souvent trompeuses...

Mon avis

Janis Otsiemi est un auteur africain qui vit et travaille à Libreville. Il est donc en contact permanent avec cette ville qu’il décrit si bien dans son ambiance particulière.
S’il s’est inspiré de James Ellroy, pour le titre, toute ressemblance avec l’Amérique s’arrête là. Chacun son style !
Celui de Janis Otsiemi est percutant, pas de temps mort, pas d’analyse psychologique des personnages, beaucoup de dialogues et une atmosphère haute en couleurs. Quelques mots ou expressions sortis tout droit du pays (mais sans jamais forcer le trait) installent un climat de temps à autre débridé qui contrebalance la gravité du propos.
« Boukinda était un vrai Gabonais. Il pensait comme la plupart de ses compatriotes qu’un homme viril doit avoir une plantation et un jardin. Entendez par là, une femme légitime et un deuxième bureau* en cas de coup dur ». (*une maîtresse)

Nous sommes donc au Gabon, dans la capitale, deux hommes de la direction générale de la recherche enquêtent sur le meurtre d’un journaliste (son corps a été trouvé sur la plage), bien connu pour les articles qu’il écrivait. Dans ses écrits il ne manquait pas d’« écorcher » le gouvernement. Parallèlement, les employés de la police judiciaire cherchent à retrouver un chauffard qui a causé la mort d’une femme et de son bébé, un pédophile qui attire les jeunes et belles collégiennes pour les filmer ainsi que toutes les affaires quotidiennes qu’il faut traiter vite et bien.

Evidemment, toutes ces intrigues finiront par se croiser, s’entrecroiser et accessoirement se résoudre. Car ce n’est pas l’essentiel. Le récit de l’auteur nous montre le quotidien d’une police sans ordinateur, sans modernisme, obligée de prendre les moyens du bord (forcément plus lents) pour essayer de démêler les fils… Une pléthore d’individus qui fait avec les moyens du bord, qui sont, disons-le, un peu archaïques….

Corruption, secrets plus ou moins bien gardés, misère sociale, trafic, insécurité, sont aussi des «membres » à part entière du texte, tout comme Libreville dont on sent la présence presque à chaque page.
L’auteur décrit les situations que nous suivons mais alimente aussi son propos de petits événements quotidiens nous permettant d’avoir un aperçu de la vie là-bas.
Les mœurs sont différentes de celles de la France et c’est surprenant parfois (notamment la place des maîtresses qui, je l’espère, n’est pas une généralité.)

La plume de l’écrivain gabonais est abordable, fluide, agrémentée de nombreux dialogues qui donnent du mouvement. De plus, les événements s’enchaînent très vite et tout cela est très vivant.
Les protagonistes sont à l’image du pays où ils vivent : parfois nonchalants, parfois vifs, mais attachants et attachés viscéralement à leur terre même s’ils leur arrivent d’exprimer d’autres envies. A ce sujet, Janis Otsiemi décrit avec finesse le pan politique qu’il a choisi de présenter.

C’est un très bon roman et je trouve que l’auteur se bonifie avec le temps, le bon vin ou l’expérience ?

Ayant lu « Le chasseur de lucioles » du même auteur, je me permets une parenthèse. Ce dernier roman est plus « sage » plus « posé » que « Le chasseur de lucioles ». Il y a moins d’argot et j’ai trouvé que le « dosage était meilleur ».
Janis Otsiemi manie toujours le verbe avec humour mais il semble assagi, à moins que le contexte, politique, mis en avant dans ce récit, lui ait imposé indirectement une certaine réserve.

NB: pour sourire: "être aussi long que son crayon" ne signifie pas être grand et mince mais avoir fait des études universitaires...

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