De mères en fils (Mothers and Sons)
Auteur : Adam Haslett
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Etienne Gomez
Éditions : Bourgois (3 avril 2025)
ISBN : 978-2267054194
416 pages
Quatrième de couverture
Le quotidien de Peter, la quarantaine, se résume à son
travail d'avocat spécialisé dans la défense des demandeurs d'asile à New York.
Plongé dans les récits de ceux qui ont quitté leur pays dans l'espoir de
trouver aux États-Unis une forme de réconfort face à la guerre ou à la
persécution, il fuit sa propre vie. Vivant seul, se contentant de rencontres
sans lendemain, il n'a presque plus de contact avec sa famille et notamment
avec sa mère, Ann qui dirige un centre spirituel pour femmes dans le Vermont.
Mon avis
Deux univers, deux vies, peu de liens… Et pourtant, il s’agit
d’une mère et de son fils. Pourquoi cette distance ? C’est ce que le
lecteur découvrira avec ce roman exceptionnel d’émotions, d’analyse des
relations familiales et du poids du passé.
Peter Fisher a une quarantaine d’années. Il est avocat et sa
mission est d’aider les demandeurs d’asile. Il le fait, monte les dossiers avec
eux, les soutient avec ses moyens, les guide. Il n’a pas un enthousiasme
débordant et il s’acquitte de ses tâches d’une façon assez neutre. Ses liens
avec ses collègues semblent assez superficiels et sa vie n’est pas très remplie,
tout à fait terne. Il y a bien Cliff, un compagnon occasionnel mais tout cela
semble bien léger. Dans les chapitres qui le concernent, il parle à la première
personne.
En parallèle, on suit Ann, sa mère, elle dirige un centre
spirituel où les femmes sont accueillies. Elle a effectué un gros tournant dans
sa vie, elle ne vit plus avec le père de Peter. C’est un narrateur extérieur
qui présente ce qu’elle fait.
Leur point commun ? Ne pas savoir se dire ce qu’ils éprouvent,
être rongés par la culpabilité, les non-dits, les secrets, être habités par une
forme de peur, celle de ne pas être dans la norme de la bienséance, celle du qu’en
dira-t-on, du regard de l’autre… S’ils arrivaient à communiquer, ils réaliseraient
qu’ils sont proches dans leur fonctionnement, leurs ressentis.
Ça pourrait continuer des années sans que rien ne change.
Mais Peter reçoit un jeune albanais, Vasel, homosexuel qui craint l’homophobie
et ses dérives. Cette rencontre le bouleverse dans ses sens, ses émotions, ses
certitudes. Ce qu’il a vécu autrefois lui revient, comme un boomerang, en pleine
figure. Il a toujours retenu ses sentiments, sans doute parce qu’on lui a toujours
appris à se contenir, à ne rien laisser transparaître.
L’auteur s’attache à montrer combien les secrets pèsent sur
le lien mère-fils, comment l’un s’est construit, comment l’autre a continué sa
route. Il décortique, avec finesse, ce qui ronge l’esprit, le cœur, le silence
qui obscurcit les jours. C’est le portrait de ceux qui ne savent pas, ou plus,
se parler, sans doute parce qu’à force de tout garder à l’intérieur, ils sont
incapables d’échanger.
Ce sont deux personnes qui ont perdu le fil et qui vont,
peut-être, tardivement, le renouer. C’est
quoi s’aimer dans une famille ? Peter a une sœur, Liz. A-t-elle été élevée
comme lui ou les attentes étaient-elles différentes ? En « écrivant »
l’histoire de ceux qu’il accompagne, Peter l’avocat, essaie-t-il d’oublier la
sienne ? En accompagnant des femmes, Ann essaie-t-elle de remplir sa vie
de services pour les autres afin d’oublier ce qu’elle ne fait pas pour son fils ?
Finalement, ces deux-là se consacrent aux autres, peut-être pour éviter de
penser ?
J’ai beaucoup aimé ce récit. Il est bien écrit (merci au traducteur).
Je l’ai trouvé profond, délicat, ciblant ce qui fait l’essentiel des rapports
humains, à savoir les obstacles dans les discussions mais également l’importance
de l’écoute, du respect de l’autre et de l’acceptation de sa différence, pour
mieux l’aimer, mieux l’aider, sans le juger.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire