"Un air de famille" d'Alessandro Piperno (Aria di famiglia)

 

Un air de famille (Aria di famiglia)
Auteur : Alessandro Piperno
Traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont
Éditions : Liana Levi (10 Avril 2025)
ISBN : 979-1034910786
440 pages

Quatrième de couverture

Cinquante ans, un cap difficile à passer, et particulièrement pour le professeur Sacerdoti, écrivain et universitaire de renom, qui subit, pour avoir cité en cours une phrase tendancieuse de Flaubert, une accusation d’antiféminisme. Sa désinvolture affichée ne fait qu’aggraver son cas. Honni par des influenceuses et des centaines de followers, rayé du monde universitaire, il choisit de se retirer dans un isolement dédaigneux. Célibataire et sans enfant, la solitude ne lui a jamais fait peur. Mais le hasard vient le débusquer car, de façon inattendue, on lui assigne le rôle de tuteur d’un lointain petit cousin désormais orphelin.

Mon avis

Le professeur Sacerdoti a cinquante ans, il est enseignant à l’université et a écrit un livre avec lequel il a connu un certain succès. Il est juif mais ne pratique pas. Célibataire, sa vie est assez linéaire. Suite à un cours sur Flaubert et des propos sortis de leur contexte, il est convoqué par ses responsables. Il est décontracté voire un tantinet hautain face aux reproches qu’on lui fait. Il n’a pas envie de courber l’échine, de se taire. Avec cette attitude, il aggrave son cas et on le suspend de son poste. Il se retrouve chez lui sans emploi. Il s’accommode de la situation. Peut-être va-t-il reprendre l’écriture mais ça semble difficile, d’autant plus qu’il est donné en pâture sur les réseaux sociaux, ce qui n’arrange rien. On suit son quotidien, ses quelques rencontres car il n’a pas une vie sociale bien remplie, les questions qu’il se pose sur sa vie, cette altercation dans le bureau de la faculté et ses conséquences. Tout cela ne le dérange pas outre mesure mais il y pense et essaie d’analyser pour comprendre.

Et puis, il se remet un peu en question avec un premier événement. Une ancienne camarade de lycée, qu’il appréciait, est décédée. Il réalise qu’à son âge, on peut mourir alors que ça lui semblait loin. Cela le renvoie au décès de son père et de sa mère, à sa propre histoire. Les sentiments se bousculent un peu et sur ces entrefaites, un tsunami émotionnel le renverse. On lui demande de récupérer un neveu qui vient de perdre ses parents. C’est une branche de la famille avec qui il n’avait pas de contacts. Récupérer ce gosse, bouleverser son quotidien ? Pour qui ? Pour quoi ? S’encombrer d’un enfant ? Pas pour lui, qui n’en a pas voulu.

Et puis finalement…. La rencontre se fait, les liens se tissent, fragiles. Il est démuni, il ne sait pas faire et en face, ce petit garçon est mal à l’aise lui aussi. Quel avenir pour ces deux-là ? Être tuteur ce n’est pas anodin, c’est accepter de changer ses repères, de sortir de sa routine… Est-ce que ça vaut le coup ? Ce petit est juif pratiquant, comment agir ? Si c’est pour ne pas manger un club sandwich qui vous fait envie, quel gâchis ! L’accompagner ou pas ?

 Avec une écriture (merci au traducteur) de qualité, fine, précise et fluide, l’auteur s’attache aux pas de son personnage. L’universitaire est déstabilisé par ce qu’il ne maîtrise pas : les réactions et les actes des autres, dans sa vie professionnelle ou personnelle. Il n’a pas le choix, il doit faire face mais comment ? Avec quels arguments, quelles idées, pour quels ressentis ? Il n’avait pas prévu tout ça. Son passé a de l’importance, rien n’est neutre. Ce qu’il a vécu a fait de lui l’homme qu’il est et ce qui se passe risque de provoquer d’importants changements. Est-il prêt ? Le souhaite-t-il ?

Ce roman aborde de nombreuses thématiques, celle de la parole dans l’enseignement, des possibilités d’expression libre, la culpabilité, la transmission familiale, le deuil et l’absence, l’interprétation que l’on peut faire d’un acte, d’une parole, d’un dialogue suivant où on se place, comment on observe.

Le ton est quelques fois ironique, détaché, comme si le protagoniste se moquait de lui-même. Il se sait imparfait, maladroit, il n’essaie pas de vivre en héros. Il évolue en découvrant les situations et il réalise que le dialogue et l’échange sont la base de tout.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Ce récit, profond, délicat, nous rappelle la fragilité mais aussi la beauté de la vie.

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