Rien de plus grand (Störst av allt)
Auteur : Malin Persson Giolito
Traduit du suédois par
Laurence Mennerich
Éditions : Presses de la Cité (Mars 2018)
ISBN : 978-2258143487
504 pages
Quatrième de couverture
La pièce empeste les œufs pourris. L'air est lourd de la
fumée des tirs. Tout le monde est transpercé de balles, sauf moi. Stockholm, sa
banlieue chic. Dans la salle de classe d'un lycée huppé, cinq personnes gisent
sur le sol,perforées de balles. Debout au milieu d'elles, Maja Norberg,
dix-huit ans à peine, élève modèle et fille de bonne famille. Neuf mois plus
tard, après un battage médiatique qui a dépassé les frontières suédoises, le
procès se tient. Mais qui est Maja ? Qu'a-t-elle fait, et pourquoi ?
Mon avis
L’auteur a été avocate et si elle situe une grande partie de
son roman dans une salle d’audience, c’est parce qu’elle sait de quoi elle
parle.
Après plusieurs mois passés en prison, c’est l’heure du
procès pour Maja. Comment une jeune
fille, excellente lycéenne, issue d’une bonne famille, a-t-elle pu se retrouver
avec une arme à feu en classe ? Pourquoi a-t-elle tiré ? Qui plus est
sur ses camarades de classe dont sa meilleure amie et son amoureux ? Que
s’est-il vraiment passé ce jour-là ? Avait-elle toute sa raison ?
Comme dans un kaléidoscope, les événements sont regardés à
travers différents prismes et donnent des approches déstructurées mais
emboîtées les unes dans les autres. Le récit n’est pas linéaire et pourra
désarçonner certains lecteurs. Malin
Persson Giolito a choisi de relater les faits par la voix de Maja. Cette dernière
s’exprime à différentes périodes : pendant le procès, ici et
maintenant ; au cours de l’emprisonnement, et pendant son enfance et ses années lycée jusqu’à
l’hécatombe …. On passe d’une époque à une autre au gré des pensées de la jeune
accusée. Au bout de ce réquisitoire à
plusieurs entrées, le lecteur, tout comme les jurés (mais ils n’auront pas
autant d’informations) devrait pouvoir répondre à la question : coupable
ou non coupable ? Mais est-ce aussi facile que de différencier le blanc et
le noir ?
Dans ce roman surprenant, dérangeant, l’auteur pose un
regard acéré sur la société suédoise, une observation sans concession, sans
faux semblant , avec une loupe pour voir les travers de chacun. Comme le
souligne Maja, les médias ne donnent pas la même importance à chaque individu
et pourtant les gens répètent que toutes les vies ont la même valeur … Le décès d’une belle jeune femme renversée sur
un passage piétons est-il traité de la même manière si la personne blessée est
une grand-mère de 95 ans ? Pour le procès de Maja, c’est la même chose.
Les clichés accompagnant les articles
évoquant le « massacre de Djursholm » sont choisis en fonction du
message que les journalistes veulent faire passer…. Est-ce que cela est susceptible
d’influencer ceux qui assistent au procès ? Peut-être… Comme lorsque les
uns ou les autres donnent leur ressenti sur la jeune femme. Toutes les parties
vont s’exprimer, des gens plus ou moins proches de Maja, les avocats aussi. Le
sien attend son heure, prêt à sortir des jokers de sa manche, parfois seulement
en quelques mots choisis …. Et c’est très intéressant de voir sous quel angle
il va attaquer …..
Ce recueil est très particulier puisqu’on pourrait presque
dire que tout est écrit dans le désordre mais Maja raconte et sait où elle va
et c’est sur ce chemin qu’elle entraîne le lecteur. Suffit-il d’être né une cuillère
en or dans la bouche pour réussir sa vie ? On connaît tous la réponse mais
là, elle fait mal car elle est décortiquée. Sebastian, son amoureux, avait tout : l’argent, une chérie, des
capacités scolaires mais en fait, il n’avait rien, sa vie était vide…. La
relation entre Maja et lui était-elle équilibrée ou destructrice ? Les fléaux auxquels sont confrontés les jeunes
qui n’ont jamais eu à lutter sont légion : drogue, sexe débridé, alcool, oisiveté
permanente … Ils perdent le respect des autres mais également le respect d’eux-mêmes…. Maja aurait-elle pu le protéger, se protéger
de ces dérives ?
La Suède est-elle un pays serein et agréable où il fait bon
vivre ? Comme l’écrit l’auteur, par l’intermédiaire d’un de ses
personnages : « Il y a une
limite aux inégalités qu’une société peut accepter tout en restant une
démocratie stable. » Trouver le juste milieu, l’équilibre pour que
chacun ait sa place, tout un programme !
Cette lecture m’a interpellée, secouée, m’obligeant à sortir
de mon confort pour me poser les bonnes questions…. Le style, l’écriture sont
incisifs et ils ouvrent les yeux du lecteur sur bien des thèmes que l’on essaie
parfois de mettre de côté pour ne pas être dérangé …..
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