"Tout ce qu’on ne s’est jamais dit" de Celeste Ng (Everything I never told you)

Tout ce qu’on ne s’est jamais dit
Auteur : Celeste Ng
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (Mars 2016)
ISBN : 978-2355843679
290 pages

Quatrième de couverture

Lydia Lee, seize ans, est morte. Mais sa famille l'ignore encore...  Élève modèle, ses parents ont placé en elle tous leurs espoirs.  Mais le corps de Lydia gît au fond d'un lac.  Accident, meurtre ou suicide ?

Mon avis

Les mariages dits « mixtes » ne sont pas toujours aisés. Encore plus en 1977, période où se déroule le roman de Celeste Ng. Nous sommes aux Etats-Unis et Marylin, qui a longtemps rêvé d’être médecin, est femme au foyer, avec  trois enfants et un mari, professeur d’Université. Lui, c’est James, d’origine chinoise. Il a beaucoup souffert de sa différence et des réflexions reçues pendant ses études et le début de son professorat.  Ils ont eu deux filles et un fils. Lydia, belle métisse aux yeux bleus, porte sur les épaules les espoirs de ses parents. Sa mère lui offre des livres scientifiques, surveille ses devoirs. Son père lui rappelle régulièrement combien il est important d’être « in-té-grée ».  Nath, le frère, nourrit des ambitions liées  aux voyages dans l’espace qui le fascinent  et Hannah, la petite dernière est « transparente »… Mais elle voit tout, entend tout et perçoit beaucoup plus que ce qu’on peut imaginer…. Chacun semble avoir une place définie, « prévue » dans cette univers familial et en apparence « tout roule » ….

Mais chacun est-il épanoui dans son rôle ? Pourquoi la mère n’a-t-elle plus de contact avec sa propre mère ? Pourquoi Lydia fait-elle semblant de téléphoner à de nombreuses amies ? Pourquoi Jack, le copain de Nath, dérange –t-il ce dernier lorsqu’il le voit avec sa sœur ? Pourquoi Hannah se cache-t-elle pour écouter les conversations ? Pourquoi James veut-il à tout prix que sa fille aînée soit aimée de ses camarades ? Est-ce qu’il est bon de projeter ses propres rêves sur ses enfants ? Comment doser l’amour et l’attention que l’on offre à chacun ? Comment gérer les relations extérieures lorsque le fragile équilibre s’effondre ? La famille n’est-elle pas trop refermée sur elle-même ? Que penser de tout cela ? Parce qu’il faut bien le dire, lorsque Lydia est retrouvée, noyée dans le lac proche du domicile familial, tout va exploser. Chacun va vivre ce décès de façon différente et les conversations seront parfois stéréotypées, comme pour refuser de parler de ce qui est, de cette vie qui ne ressemble plus à ce qu’elle était…


C’est avec beaucoup de finesse que Celeste Ng présente les difficultés d’intégration de tous ses protagonistes et les problèmes de communication après la perte d’un être aimé. Sous les eaux lisses, se cache un tumulte important.  Rien n’a été simple pour le père, obligé de montrer encore et encore sa valeur, et rien n’est plus facile pour la génération suivante, celle de ses enfants. Comme si l’Amérique était restée figée dans ses clichés, dans sa façon de considérer les « étrangers », de leur accorder, ou pas, un regard…. Et lorsque la mort de l’un d’eux survient, tout est chamboulé.

Avec un doigté extraordinaire, une écriture délicate et précise comme une dentelle, l’auteur cisèle son récit, explorant les ressentiments, les angoisses, les rêves, les doutes, les peurs, les joies, les méprises de tous les personnages. C’est douloureux pour certains de s’affirmer, de tenir tête, c’est difficile pour d’autres de reconnaître les erreurs faites et les conséquences qu’elles ont entraînées. Au fil des chapitres, Celeste Ng nous fait faire un tour dans le passé pour que l’on comprenne mieux les réactions du présent. Elle décortique les âmes et analyse les pensées. C’est tellement bien intégré au fil de l’histoire que tout cela se lit facilement malgré le drame évoqué.

 J’ai beaucoup apprécié ce recueil, j’ai trouvé qu’elle avait un « ton » très juste . Ce roman  soulève de nombreux sujets et laisse une trace une fois la dernière page refermée.  


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